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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 08:12

 

«Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, le communisme, c’est exactement le contraire.»


Propos prêtés à Nikita Khrouchtchev (ancien premier secrétaire du Pcus)

 

      Cette boutade du premier secrétaire du Parti communiste soviétique de l’Union soviétique au temps de sa splendeur, résume toute l’ambiguïté de la stratégie des nouveaux pays émergents qui veulent prendre les règles du capitalisme et lui donner un visage humain. Leur «réussite» actuelle la doivent-ils au marché et au fait que comme tout pays qui se développe on doit passer par une phase ascensionnelle? Ou est-ce l’avènement d’un monde nouveau qui peut servir d’exemple aux autres pays en développement? Ainsi, leur coordination pour «contrer» les anciens pays industrialisés et leur doxa est pour nous un signe d’un changement qui, contrairement à la philosophie altermondialiste, repose sur du concret. Ainsi, on apprend qu’à Brasilia, le 15 avril, quatre pays continents et non des moindres, ont décidé de prendre en main leur destin et de ne plus être des wagons de la mondialisation. Leur déclaration qui, curieusement est passée sous silence dans les médias occidentaux, remet en cause fondamentalement la façon de faire d’avant héritée des accords de Bretton Woods.

 

     Le communiqué final est une sévère mise en garde. Nous lisons: «Les dirigeants des Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine) ont conclu le 15 avril leur sommet à Brasilia, appelant à la réforme du système financier international, "nous appelons à la réforme de la répartition des votes à la BM pour qu’elle soit accomplie aux prochaines réunions de printemps"», ont déclaré les dirigeants dans un communiqué publié à l’issue du sommet d’un jour. Le Fonds monétaire international (FMI) et la BM doivent «résoudre leurs problèmes de déficits de légitimité», selon le communiqué. La réforme des structures de gouvernance de ces institutions nécessite un ajustement substantiel de leur système de répartition des votes en faveur des économies émergentes et des pays en développement, une modification nécessaire pour faire correspondre leur pouvoir décisionnel à leur poids dans l’économie mondiale, a ajouté le communiqué.
Les Bric espèrent que la réforme des quotas du FMI sera conclue lors du sommet du G20 prévu en novembre prochain.


Près de 3 milliards d’habitants

 

Les quatre pays ont également souligné la nécessité de l’adoption d’une méthode de sélection ouverte et sans distinction de nationalité pour l’attribution de positions supérieures au sein du FMI et de la BM. Les Bric ont appelé les gouvernements mondiaux à boycotter le protectionnisme commercial sous quelque forme que ce soit. «Nous nous engageons et appelons tous les pays à boycotter toute forme de protectionnisme commercial et à lutter contre les restrictions déguisées contre le commerce.» Ils ont également souligné la nécessité de maintenir la stabilité des monnaies de réserve mondiales. «Nous soulignons l’importance du maintien de la stabilité relative des principales monnaies de réserve et de la durabilité des politiques financières afin de parvenir à une croissance économique forte et équilibrée à long terme», ont déclaré les dirigeants.(1)
   

    Qui sont ces pays qui osent défier l’Ordre impérial occidental? On les nomme «Bric»: un acronyme qui désigne le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Ces 4 pays sont peuplés au total de 2,8 milliards d’habitants (respectivement 190 millions, 140 millions, 1,15 milliard et 1,3 milliard d’habitants) soit 40% de l’humanité environ. Ces pays ont une surface de 38,4 millions de km² (Brésil: 8,5, Chine: 9,6, Inde:3,2; Russie: 17). Le PIB/habitant demeure faible: 10.400 dollars au Brésil, 6500 dollars en Chine, 3000 dollars en Inde et 15.300 dollars en Russie, soit une moyenne de 5800 dollars, à comparer avec les Etats-Unis (45.000$). Ils représentent 15% du produit intérieur brut mondial, mais surtout 50% de la croissance économique actuelle. (...) Ainsi, le marché de la téléphonie mobile en Inde augmente tous les ans de 25 millions de consommateurs, soit autant qu’un marché comme l’Espagne...En Chine, tous les ans, autant de centrales électriques sont construites que la France en a construit...en 40 ans (l’équivalent d’un réacteur nucléaire tous les 5 jours). Rien d’étonnant à cela quand on sait que la Chine offre deux fois plus de perspectives de croissance que les Etats-Unis. La France croit moins vite que le Brésil, le Mexique et l’Inde. Le premier pays européen est au...9e rang, derrière les 4 Bric (2)

 

     Le monde économique actuel est dominé par les grandes puissances industrielles occidentales, ainsi que 3 pays non-occidentaux: le Japon, la Chine, et l’Inde. Ces deux derniers pays étant des cas particuliers car si les pays sont riches, la population est pauvre - Voici en 2009 les 15 principales puissances économiques mondiales, en milliards de dollars, parité pouvoir d’achat (source: FMI). Le PIB en milliards de dollars est le suivant: Etats-Unis: 14.033, Chine: 8511, Japon: 4123, Inde: 3469, Allemagne: 2773, Royaume-Uni: 2159, Russie: 2146, France: 2087, Brésil: 1974). En 2014, les 15 pays du top15 ne changeront pas. Mais la Chine (14.438) talonnera les Etats-Unis (16.927), l’Inde(5238) doublera le Japon (4907); La France (2422) sera doublée par le Brésil (2484).


    Mais ces pays croissent très vite: en 2020, leur PIB devrait plus que doubler et être aussi important que celui des Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada, Espagne réunis...Enfin, si l’on poursuite les mêmes projections, en 2020 si aucun nouveau pays ne fera son entrée dans le top15, le bouleversement sera énorme: les Etats-Unis (21.253) seront doublés par la Chine (27.223), La France(2896) sera rattrapée par le Mexique (2746), l’Indonésie(1829) aura doublé l’Espagne(1757) qui sera suivie juste derrière par la Turquie, l’Iran, l’Australie, la Pologne et l’Arabie Saoudite. Le PIB par habitant sera alors d’environ 16.000 dollars au Brésil, 27.000 en Russie, 7000 dollars en Inde, 20.000 dollars en Chine (moyenne: 14.300 dollars par habitant). La Chine sera alors la première puissance économique, probablement la principale puissance militaire et politique. Le Brésil aura dépassé la France... elle-même talonnée par le Mexique, autre pays émergent (3).


    « Alors que les grandes économies, écrit Keith Bradsher, peinent à sortir de la récession, les exportations de la Chine s’envolent. Ce qui témoigne, notamment, de l’habileté avec laquelle ce pays exploite les incohérences des règles commerciales internationales afin de stimuler son économie au détriment des autres Etats. La Chine a en effet lancé une offensive sur deux fronts: elle combat le protectionnisme de ses partenaires et s’efforce de maintenir un yuan faible. Ce pays a dégagé en 2009 un excédent commercial de 198 milliards de dollars par rapport au reste du monde. Il achète des dollars et d’autres devises - pour plusieurs centaines de milliards de dollars chaque année - en vendant des yuans, ce qui déprécie sa monnaie et stimule ses exportations. Lors du sommet de Pittsburgh le 11 mars dernier, regroupant les dirigeants des pays du G20, Barack Obama est revenu à la charge, appelant Pékin à mettre en place «un taux de change plus conforme au marché». Trois jours plus tard, la réponse du Premier ministre Wen Jiabao sonnait comme un défi. Dénonçant les pressions internationales, il s’en est pris à «cette pratique qui consiste à se montrer du doigt entre pays» et a déclaré que le yuan resterait «stable» ».(4)


    Signe qui ne trompe pas: un rapport de recherche qui vient de paraître le 18 avril, prévoit que le plus grand exportateur mondial devrait plus que doubler son volume de commerce extérieur d’ici 2020. Ainsi le commerce extérieur de la Chine a connu une reprise au premier trimes-tre, avec une croissance de 44,1% pour atteindre 617,85 milliards de dollars.

 

    Pour Robert B. Zellick, secrétaire d’État adjoint des Etats-Unis, la mondialisation doit concerner tout le monde, les petits comme les grands, au nom du multilatéralisme. Nous l’écoutons: Après avoir assisté à la disparition du «deuxième monde» en1989, lors de la chute du communisme, nous avons observé en 2009 la fin de ce que l’on appelait le «tiers-monde»: nous vivons maintenant dans une nouvelle économie mondiale multipolaire qui évolue rapidement et dans laquelle certains pays en développement se muent en puissances économiques; d’autres pays sont en passe de devenir des pôles de croissance; d’autres encore peinent à tirer pleinement parti de leur potentiel au sein du nouveau système - où le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest ont cessé d’être l’expression d’un destin économique pour ne plus être que des points cardinaux sur une boussole. La crise économique mondiale a démontré l’importance du multilatéralisme. Au bord du gouffre. Un G-20 rénové est né de la crise et a montré ce dont il était capable en agissant rapidement pour rétablir la confiance. (...) Notre monde aura une physionomie très différente dans dix ans, lorsque la demande proviendra non seulement des États-Unis, mais de l’ensemble de la planète. L’évolution est déjà perceptible. La part de l’Asie dans l’économie mondiale exprimée en parité de pouvoir d’achat n’a cessé d’augmenter pour passer de 7% en 1980 à 21% en 2008. Les marchés boursiers d’Asie représentent maintenant 32% de la capitalisation boursière mondiale, ce qui les place devant les États-Unis (30%) et l’Europe (25%). L’an dernier, la Chine a devancé l’Allemagne pour devenir le plus grand exportateur au monde. Elle a aussi dépassé les États-Unis en devenant le plus grand marché automobile de la planète. Cette évolution ne concerne pas uniquement la Chine et l’Inde. En termes de parité de pouvoir d’achat, la part du monde en développement dans le PIB mondial est passée de 33,7% en 1980 à 43,4% en 2010. Il est probable que les pays en développement connaîtront une croissance soutenue au cours des cinq prochaines années et au-delà.(5)

 

    «La région du Moyen-Orient est une importante source de capitaux pour le reste du monde et, de plus en plus, une plate-forme de services commerciaux entre l’Asie. Les réserves officielles brutes des pays membres du Conseil de coopération du Golfe se montaient à plus de 500 milliards de dollars à la fin de 2008, et les actifs des fonds souverains étaient estimés à 1 000 milliards de dollars. Si le Maghreb parvient à surmonter ses lignes de fracture historiques, il pourra participer au processus d’intégration Euro-Med lié à la fois au Moyen-Orient et à l’Afrique. S’il n’est plus possible de résoudre les grands problèmes internationaux sans la participation des pays en développement et en transition, il est tout aussi impossible de prétendre que les plus grands d’entre eux - le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (Bric) - les représentent tous. Cela vaut pour un grand nombre de défis qui se profilent à l’horizon: l’eau, les maladies, les migrations, la démographie, les États fragiles et les pays sortant d’un conflit. Au moment où nous considérons le G-20 comme un nouveau forum, nous devons prendre garde de ne pas imposer une nouvelle hiérarchie rigide au monde. Il faudrait plutôt que le G-20 fonctionne comme un "groupe de coordination" d’un réseau de pays et d’institutions internationales. (..) Prêter l’oreille aux problèmes des pays en développement n’est plus une simple question de charité ou de solidarité: il y va de notre propre intérêt. Ces pays sont des moteurs de croissance et des importateurs de biens d’équipement et de services produits par les pays développés. L’heure est venue d’abandonner les notions désuètes de pays développés et de tiers-monde, de leaders et de suiveurs et de donateurs et de demandeurs. Nous devons soutenir l’émergence de nouveaux pôles de croissance qui profitent à tous.»(5)


    Pour Pierre Haski, ces quatre pays ont des atouts et des divergences: «Ces quatre pays ont un point commun: fortement peuplés, leurs économies connaissent une croissance robuste depuis au moins une décennie, plus forte que celle des pays industriels, et leur part de l’économie mondiale ne cesse de croître. Leur caractéristique, c’est aussi d’avoir développé les relations commerciales entre eux, d’avoir fait décoller un commerce "Sud-Sud" jusque-là inexistant. Mais ce qui les rassemble, surtout, c’est une volonté commune de casser l’hégémonie occidentale sur les leviers du monde. Leurs discussions portent ainsi sur l’idée de faire émerger une monnaie de substitution au dollar ou au moins la possibilité de facturer leurs échanges bilatéraux en monnaie locale, sans passer par la devise de l’Oncle Sam. (...) Pour la première fois, ces pays "émergents" sont en mesure de prendre toute leur part dans la définition des règles du jeu international, au lieu de subir celles que décideraient les Occidentaux. A la veille du sommet, un site russe, RIA-Novosti, s’est risqué, dans son édition française, à un jeu de mot: "Brasilia, un sommet de Bric et de broc" (comment dit-on en russe?). Pas étonnant que ce soit de Russie que soit venue cette touche d’ironie pour mettre en avant le manque de cohérence de ce nouveau club. La Russie est en effet une ex-superpuissance qui vivait autrefois à égalité avec les Etats-Unis, et vient de revivre un peu de ce statut de "Grand" lors de la signature du nouveau traité Start (réduction des armes stratégiques) avec Barack Obama. Seuls les Etats-Unis et la Russie ont (encore) le potentiel de destruction nucléaire de la planète. Pour Moscou, les Bric sont un pis aller, un marchepied pour reconquérir une influence disparue avec l’Urss» (...).


Le grand écart

 

«(...) De fait, les contradictions ne manquent pas au sein de ce quatuor, à commencer par leurs systèmes politiques Les Bric ont néanmoins la capacité de susciter des coalitions ponctuelles, entre eux et élargies (De ce fait, les Bric ont d’ores et déjà changé la règle du jeu international en privant les Occidentaux, et singulièrement les Etats-Unis, de leur leadership exclusif sur la marche du monde. Mais cela ne suffit pas à changer le monde. Et plus généralement, la question reste ouverte de savoir quel poids ils auront sur la marche du monde: leur ambition est-elle simplement d’être à la table du festin sans en changer la règle du jeu, ou sont-ils porteurs d’autres valeurs? Ceux qui espéraient que l’affaiblissement américain cède la place à un "autre monde" risquent fort d’être déçus.»(6)

 

    Nous le voyons, ces nouveaux pays industrialisés (NPI), devenus Bric donnent l’impression de vouloir larguer les amarres avec leur idéologie originelle. Le vertige de puissance fait qu’ils sont amenés certaines fois à faire le grand écart en donnant l’impression d’être toujours altermondialistes tout en émargeant au râtelier capitaliste; l’exemple le plus typique est, on s’en souvient en janvier, celui de Lulla tiraillé entre Porto Allègre et Davos, il céda. C’est dire si la cause des pauvres est orpheline. Ainsi va le Monde.



 


1.Les Bric appellent à la réforme du système financier international. Courrier Int.16.04.2010

 

2.Martin Kurt:Définition BRIC http://www.atout-finance.com/bric.php

 

3.Principales puissances économiques http://www.atout-finance.com/principales-puissances-economiques-mondiales.php

4.Keith Bradsher: Comment la Chine dope ses exportations. 08.04.2010 

 

5.Robert B.Zoellick: La fin du tiers-monde? Washington D.C. 14 avril 2010

 

6.Pierre Haski les Bric peuvent-ils changer la face du monde Rue 89 16 avril 2010.

 

 

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23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 13:39

Devant les convulsions futures : Le Monde Musulman a-t-il un avenir ?

 

 « Dieu ne changera rien dans la situation des hommes s’ils ne changent pas ce qui est en eux »

Coran  Ar Ra’ad , Le tonnerre, sourate XIII verset 11)

 

      Ce verset du Coran résume  mieux que mille discours l’état de déliquescence du Monde musulman en ce qui concerne sa visibilité sur le théâtre du Monde. Les dernières provocations subies notamment à propos de la Palestine devraient nous convaincre définitivement que le Monde Musulman n’est pas un Monde au sens de l’unité et de l’action. C’est tout au plus un catalogue de pays avec des idéologies aux antipodes les unes des autres, sans ambition  si ce n’est de voir passer les jours d’attendre de meilleurs auspices et de prier pour  que l’Occident subisse un affaissement de lui–même. Dans une précédente contribution j’avais parlé du monde en 2025 et j’avais rapporté des études qui visaient à montrer que le barycentre du Monde en terme de puissance économique financière va basculer vers  l’Orient  c'est-à-dire l’Asie. Qu’en sera-t-il du Monde musulman ou plus précisément du Monde arabe car en toute honnêteté il serait injuste de mettre la Malaisie ou l’Indonésie voire la Turquie et surtout l’Iran dans le même panier  que le Monde dit arabe ou plus précisément d’expression arabe. Non on ne peut pas mettre sur le même plan l’Iran qui construit ses fusées ses satellites qui a un cap, la Malaisie avec un taux de croissance qui frise les deux chiffres avec les pays rentiers arabes  de l’Opep.

        Cette contribution  qui  fait l’économie de la 14e Journée de l’énergie , se veut  être justement un état des lieux sur l’un des défis les plus imminents la pénurie d’énergie  corrélées avec les changements climatiques  Le monde musulman d’aujourd’hui est constitué essentiellement d’une trentaine  de pays répartis entre l’Asie et l’Afrique. Ils occupent une superficie totale de 24 millions de kilomètres carrés. Néanmoins, des communautés considérables de musulmans vivent dans des pays non-musulmans tels l’Inde, la Chine, sans oublier les immigrés musulmans qui vivent en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. Le monde musulman compte, à la fin 2009, plus d’un milliard et demi d’individus, soit un peu plus d’un cinquième de la population mondiale qui est de 6,8 milliards. En l’espace de 30 ans, la population a pratiquement doublé. La croissance annuelle est estimée actuellement à 2%.  

      Nous constatons  une grande disparités entre les PIB par habitant des  pays constituant le monde musulman. Un émirati consomme 12 tonnes de pétrole par an  (Une fois et demi la consommation de l’Américain) et un Somalien 200 kg ! En clair ce dernier consomme en une année ce que consomme l’Emirati en une semaine. Mieux en terme de PIB l’un est à 50.000 dollars l’autre à 500 ! Cherchez l’erreur ! Et pourtant ce sont de pays musulmans frères …     Une  partie des pays est riche en énergies fossiles  elle exporte d’une façon frénétique une grande quantité d’hydrocarbures, de ce fait les recettes sont considérables surtout ces dernières années. 810 milliards en 2008, 8500 milliards en trente ans pour les pays rentiers arabes  L’essentiel de leur  PIB est du à la rente pétrolière. Les pays asiatiques ont un PIB qui est surtout du à l’industrialisation Du point de vue du PNUD,  le Monde musulman est mal classé selon les indicateurs internationaux tels que l’Indice de Développement Humain qui conjugue plusieurs paramètres tels que le système éducatif et sa performance, la santé  et l’accès au soin ,la richesse ,les libertés.. .. Du point de vue justement de l’éducation, le PNUD classe les pays musulmans arabes pratiquement au dernier rang. Il n’y a par exemple aucune université arabe dans les 5000 premières universités au monde. Le Monde arabe  dans son ensemble publie moins d’ouvrages qu’un petit pays comme la Grèce. En un siècle il  n’y a que trois prix Nobel (Physique, Chimie Littérature). En 2005, ll y avait  plus d’internautes en Israël que dans tout le Monde Arabe !!

    Comparé au Monde , le monde musulman n’est pas un acteur dominant si ce n’est qu’en tant que pourvoyeur de pétrole et de gaz naturel . D’après BP Statistical Review  En fin 2008, les consommations mondiales d'énergie primaire se sont élevées à 11295 millions de tep, et l’énergie nucléaire (619,7 millions de tep) et l’énergie hydraulique (717,5 millions de tep). La production de CO2 a été de 27 milliards de tonnes    La consommation d'énergie par unité de PIB : environ 0,21 tep par millier de dollar(1)  

    Le monde Musulman détient les deux tiers du pétrole et la moitié du gaz naturel du monde. Il exporte  pour environ 25 millions de barils /jour, de pétrole  (30 %) et près de 250 milliards de m3 de gaz (10 %). Du point de vue de la stratégie énergétique, mis à part les pays musulmans non arabes (Indonésie, Iran, Malaisie..) il n’y a pas de stratégie énergétique  si ce n’est vendre encore plus de pétrole et de gaz. La pénurie en ressources hydriques, l’après pétrole,  les changements climatiques  voire le développement durable sont des concepts encore étrangers aux pays arabes.  S’agissant justement , du Monde arabe, sa superficie   est de 15,5 km², soit presque 3,53 fois la superficie de  l 'Union Européenne et  12 % de la surface  du  Monde. La population est de 325 millions d’habitants Le Monde arabe dispose de 55 % du pétrole mondiale et de 30 % du gaz Les énergies renouvelable mises à part l’hydraulique ne sont pas développés d’une façon importante.  La production  d’énergie est de 1,78 milliard de tep en 2009 soit 16,5 % du total. Pour le gaz naturel le Monde arabe produit 418 milliards de m3 sur un total mondial de 2800 milliards de m3 soit 15 % La production d’électricité  est de 601 TWh en 2009 sur un total de 18.000 TWh soit à peine 3,5 % La consommation totale d’énergie  est  de 487,5 millions de tonnes soit moins de 4,5 % Le Monde arabe a émis 1,5 milliard de tonnes de CO2 dont une grande partie pour le tertiaire 

 

2030 C’est demain

       La population mondiale sera de 8,5 milliards en 2030 Le peak pétrolier longtemps nié   est une réalité. Plusieurs études le situent au gré des de la  géopolitique du moment en 2008 (déjà passé ?! ) ou dans les prochaines années  (2012 ?, 2015 ?, voire 2025 pour les optimistes).   D’ici 2030, l’AIE prévoit dans son scénario de référence une  demande d’énergie primaire qui passerait ainsi de 10 milliards de tep en 2000 à 17,7 milliards de tep en 2030. (2)

      Nous avons vu que globalement le monde Musulman exception faite des pays musulmans non arabes est d’autant plus vulnérable qu’il ne se prépare aux défis de l’avenir  qui seront de plus en plus difficiles à maitriser si des solutions ne sont pas mises en œuvre dès maintenant. L’un dés défis majeurs auquel aura à faire face le Monde musulman est le défi des changements climatiques avec un danger particulier : la pénurie d’eau pour les pays arabes.

   Un grand nombre de pays musulmans souffrent d’un stress hydrique aigu appelé à s’accentuer dans les années à venir par l’impact direct des changements climatiques. En effet, les parties nord-africaines et moyen-orientales du monde musulman connaissent une faible pluviométrie de plus en plus perturbée. Des stratégies de dessalement de l’eau de mer ont été adoptées mais elles ne répondent pas aux besoins d’une population croissante qui aspire à un mode de vie élevé sachant que ces installations coûtent chères et consomment énormément d’énergie avec une technologie encore mal maîtrisée.   D’autant que les usines de dessalement installées  consommant énormément d’hydrocarbure. Qu’adviendra–t-il quand il n’y aura plus d’hydrocarbures ? il  ya aura certainement et concomitamment pénurie d’eau ! N’aurai-il pas été plus sage de mettre en œuvre des technologies douces utilisant le solaire et même l’éolien pour le dessalement de l’eau de mer.   

      Les stratégies énergétiques des pays musulmans ne sont pas tout à fait claires. Depuis plus d’un demi-siècle, ils essayent d’assouvir la soif d’un occident qui demande de plus en plus d’énergie en épuisant leurs ressources sans jamais atteindre le fameux développement tant rêvé ! Des stratégies énergétiques basées sur une production rationnelle suivant la consommation doivent être adoptées le plus tôt possible. Les prix augmenteront inexorablement dans un futur proche, le simple bon sens impose de produire avec parcimonie pour donner une durée à ces réserves, durée qui permettra de mettre en place un plan cohérent de développement pérenne couplée au dopage de la recherche scientifique créatrices de richesses. Dès maintenant, des mesures doivent être prises pour préparer la transition énergétique. Cela par l’intégration des énergies renouvelables d’une manière progressive dans les bilans énergétiques sachant que le monde musulman a un potentiel énorme en ces énergies de futur. L’exemple du solaire est des plus frappants.   D’autres énergies renouvelables telles l’énergie éolienne, l’hydroélectricité, la géothermie et la biomasse sont à exploiter afin de mieux diversifier les sources dans un contexte de développement durable axé sur l’indépendance énergétique et la protection de l’environnement.

         Pour ce qui est de l’Algérie elle pollue  à sa façon et  aggrave l’effet de serre sans créer de richesses  L’illusion factice éphémère est  en définitive dangereuse s’endetter pour une voiture accrocher un portable à son oreille est un signe de sous-développement qui risque d’être irréversible si on ne prend pas en marche le train des réformes mondiales. L’Algérie a un immense potentiel renouvelable qui attend d’être développé.  A quoi cela sert d’extraire pour 160 millions de tep, si notre consommation est autour de 35 millions de pétrole ? Nos exportations devraient être calibrées  de plus en plus sur nos besoins en devises.   Le pétrole sera rare et cher, qui peut dire si son prix ne dépassera pas les 200 dollars l’année prochaine, surtout si le dollar continue à s’effriter ? Notre meilleure banque c’est encore notre sous-sol.  Il n’est pas sage de pomper le pétrole, ce qui compromet, qu’on le veuille ou non, l’avenir des générations qui atteindront la maturité vers 2030. Justement, il est utopique de croire que l’on puisse trouver un nouveau gisement de la taille de Hassi Messaoud ou de Hassi Rmel. avec une production de loin supérieur aux découvertes. Doit-on continuer la bazarisation de l’économie  caractérisée par une panne du neurone ; Nous ne savons plus rien faire en nous remettant aux autres !   

 

   Il nous faut une stratégie énergétique et climatique. il nous faudra mettre en œuvre des scénarii de consommation prenant en charge plusieurs paramètres : la politique des transports. Rien n’est plus important que l’avenir des Algériens et des Algériennes qu’il faut privilégier sur nos « engagements ». Il est utopique et dangereux de penser que l’Algérie continuera d’une façon paresseuse à engranger des devises pendant encore longtemps. La fausse aisance actuelle  est trompeuse, elle n’incite pas à l’effort et à la sueur Des états généraux de l’énergie permettront de tracer une feuille de route, nul doute qu’elle remettra la machine en marche. L’université doit être partie prenante de ces mutations.  

 

     L’avenir et la place des Musulmans   dépendent de la capacité des musulmans à préparer la jeunesse musulmane aux défis de l’avenir. Être un leader pour un musulman   C’est  une pratique au quotidien de l’Ijtihad : « l’effort dans le chemin de Dieu »  qui se décline par l’investissement à marche forcée dans la science et la technologie  Le problème n’est pas l’islam mais ce qu’ont en fait les hommes  gouvernants et gouvernés dans le monde musulman. Au lieu de répéter d’une façon itérative que l’Islam est une religion d’amour de paix , le moment est peut être venu de se mettre au travail de prouver dans les faits que c’est aussi une religion qui encourage la science et la technologie . Quand les musulmans se rencontrent (ronronnement de l’OCI), ils parlent de tout sauf de l’essentiel dans une approche tout à fait hypocrite qui élude les vrais problèmes . A-t-on jamais vu l’OCI parler de stratégie scientifique coordonnée ? Qu’a  fait  Le monde musulman de ses richesses énergétiques à part donner le mauvais exemple par potentats arabes interposés où la gabegie le dispute à l’ignorance laissant de ce fait les  Musulmans sous une chape de plomb de l’intolérance et voulant perpétuer au XXIe siècle le faste des mille et une nuits  de  Haroun Ar Rachid d’il y a douze siècles , encore que ce dernier avait un respect sincère pour la science.

 

       Oui le Monde Musulman  a un avenir, s’il retrouve ses repères identitaires et religieux. Dans un monde de plus en plus globalisé et paradoxalement ou chacun se regroupe par affinité géographique  linguistique voire de plus en plus religieuse, le monde musulman se doit de parler d’une seule  voix.  L’avenir appartiendra aux sociétés fascinées par le savoir. L’avenir du monde musulman ne peut plus se décliner par individualité, s’il continue ainsi il disparaitra progressivement par une lente déliquescence. Il sera alors le futur esclave d’une seigneurie forcément occidentale ou orientale . Que l’on ne se leurre pas !  la richesse éphémère en énergie fossile durera encore une génération. Après, si rien n’est fait, le désert reprendra ses droits. 

 

      Le Monde musulman a devant lui une génération pour faire le saut qualitatif qui lui permettra d’être développé. Sans être naïf, est-il possible d’envisager une utopie où le Monde Musulman créé une zakat pour alimenter un fond de recherche et de développement de la science et de la technologie. Si  le monde musulman décide que chaque calorie vendue est adossée à l’achat d’un savoir et d’un savoir faire, on peut envisager un Plan Marshall du développement durable du Monde musulman. Il est tout à fait possible de mobiliser 5% des recettes pétrolières (environ 50 milliards de dollars par an)  pour commencer à bâtir sérieusement une économie verte allant du Maghreb à l’Asie.   Sur une vingtaine d’années il est possible d’installer du solaire sur un territoire immense,  comme le prévoie l’Union Européenne avec  le projet Desertec.  Le monde musulman peut prétendre à une technologie nucléaire civile s’il est uni et solidaire. Il rentrera , alors, de plein pied  dans le développement non plus en tant que consommateur mais en tant que producteur. 

 

         Cependant  Les vraies richesses du monde musulman ne sont pas seulement dans  ses gisements d’énergies fossiles amenées à disparaître un jour mais ses ressources humaines, plus précisément ses jeunes diplômés  capables de relever les défis du futur. Il « suffit » de leur donner les moyens pour s’épanouir  afin de retrouver la gloire perdue depuis maintenant plusieurs siècles. Les gouvernants ont une responsabilité historique de mettre le Monde Musulman sur l’orbite du savoir. Les moyens existent, les hommes existent en ont-ils la détermination ?   

 

1.BP Statistical Review of World Energy June 2009 

 

2.Agence Internationale de l’énergie. Perspectives futurs à 2030. novembre 2009.

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23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 13:38

 

«Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, le communisme, c’est exactement le contraire.»


Propos prêtés à Nikita Khrouchtchev (ancien premier secrétaire du Pcus)

 

      Cette boutade du premier secrétaire du Parti communiste soviétique de l’Union soviétique au temps de sa splendeur, résume toute l’ambiguïté de la stratégie des nouveaux pays émergents qui veulent prendre les règles du capitalisme et lui donner un visage humain. Leur «réussite» actuelle la doivent-ils au marché et au fait que comme tout pays qui se développe on doit passer par une phase ascensionnelle? Ou est-ce l’avènement d’un monde nouveau qui peut servir d’exemple aux autres pays en développement? Ainsi, leur coordination pour «contrer» les anciens pays industrialisés et leur doxa est pour nous un signe d’un changement qui, contrairement à la philosophie altermondialiste, repose sur du concret. Ainsi, on apprend qu’à Brasilia, le 15 avril, quatre pays continents et non des moindres, ont décidé de prendre en main leur destin et de ne plus être des wagons de la mondialisation. Leur déclaration qui, curieusement est passée sous silence dans les médias occidentaux, remet en cause fondamentalement la façon de faire d’avant héritée des accords de Bretton Woods.

 

     Le communiqué final est une sévère mise en garde. Nous lisons: «Les dirigeants des Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine) ont conclu le 15 avril leur sommet à Brasilia, appelant à la réforme du système financier international, "nous appelons à la réforme de la répartition des votes à la BM pour qu’elle soit accomplie aux prochaines réunions de printemps"», ont déclaré les dirigeants dans un communiqué publié à l’issue du sommet d’un jour. Le Fonds monétaire international (FMI) et la BM doivent «résoudre leurs problèmes de déficits de légitimité», selon le communiqué. La réforme des structures de gouvernance de ces institutions nécessite un ajustement substantiel de leur système de répartition des votes en faveur des économies émergentes et des pays en développement, une modification nécessaire pour faire correspondre leur pouvoir décisionnel à leur poids dans l’économie mondiale, a ajouté le communiqué.
Les Bric espèrent que la réforme des quotas du FMI sera conclue lors du sommet du G20 prévu en novembre prochain.


Près de 3 milliards d’habitants

 

Les quatre pays ont également souligné la nécessité de l’adoption d’une méthode de sélection ouverte et sans distinction de nationalité pour l’attribution de positions supérieures au sein du FMI et de la BM. Les Bric ont appelé les gouvernements mondiaux à boycotter le protectionnisme commercial sous quelque forme que ce soit. «Nous nous engageons et appelons tous les pays à boycotter toute forme de protectionnisme commercial et à lutter contre les restrictions déguisées contre le commerce.» Ils ont également souligné la nécessité de maintenir la stabilité des monnaies de réserve mondiales. «Nous soulignons l’importance du maintien de la stabilité relative des principales monnaies de réserve et de la durabilité des politiques financières afin de parvenir à une croissance économique forte et équilibrée à long terme», ont déclaré les dirigeants.(1)
   

    Qui sont ces pays qui osent défier l’Ordre impérial occidental? On les nomme «Bric»: un acronyme qui désigne le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Ces 4 pays sont peuplés au total de 2,8 milliards d’habitants (respectivement 190 millions, 140 millions, 1,15 milliard et 1,3 milliard d’habitants) soit 40% de l’humanité environ. Ces pays ont une surface de 38,4 millions de km² (Brésil: 8,5, Chine: 9,6, Inde:3,2; Russie: 17). Le PIB/habitant demeure faible: 10.400 dollars au Brésil, 6500 dollars en Chine, 3000 dollars en Inde et 15.300 dollars en Russie, soit une moyenne de 5800 dollars, à comparer avec les Etats-Unis (45.000$). Ils représentent 15% du produit intérieur brut mondial, mais surtout 50% de la croissance économique actuelle. (...) Ainsi, le marché de la téléphonie mobile en Inde augmente tous les ans de 25 millions de consommateurs, soit autant qu’un marché comme l’Espagne...En Chine, tous les ans, autant de centrales électriques sont construites que la France en a construit...en 40 ans (l’équivalent d’un réacteur nucléaire tous les 5 jours). Rien d’étonnant à cela quand on sait que la Chine offre deux fois plus de perspectives de croissance que les Etats-Unis. La France croit moins vite que le Brésil, le Mexique et l’Inde. Le premier pays européen est au...9e rang, derrière les 4 Bric (2)

 

     Le monde économique actuel est dominé par les grandes puissances industrielles occidentales, ainsi que 3 pays non-occidentaux: le Japon, la Chine, et l’Inde. Ces deux derniers pays étant des cas particuliers car si les pays sont riches, la population est pauvre - Voici en 2009 les 15 principales puissances économiques mondiales, en milliards de dollars, parité pouvoir d’achat (source: FMI). Le PIB en milliards de dollars est le suivant: Etats-Unis: 14.033, Chine: 8511, Japon: 4123, Inde: 3469, Allemagne: 2773, Royaume-Uni: 2159, Russie: 2146, France: 2087, Brésil: 1974). En 2014, les 15 pays du top15 ne changeront pas. Mais la Chine (14.438) talonnera les Etats-Unis (16.927), l’Inde(5238) doublera le Japon (4907); La France (2422) sera doublée par le Brésil (2484).


    Mais ces pays croissent très vite: en 2020, leur PIB devrait plus que doubler et être aussi important que celui des Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada, Espagne réunis...Enfin, si l’on poursuite les mêmes projections, en 2020 si aucun nouveau pays ne fera son entrée dans le top15, le bouleversement sera énorme: les Etats-Unis (21.253) seront doublés par la Chine (27.223), La France(2896) sera rattrapée par le Mexique (2746), l’Indonésie(1829) aura doublé l’Espagne(1757) qui sera suivie juste derrière par la Turquie, l’Iran, l’Australie, la Pologne et l’Arabie Saoudite. Le PIB par habitant sera alors d’environ 16.000 dollars au Brésil, 27.000 en Russie, 7000 dollars en Inde, 20.000 dollars en Chine (moyenne: 14.300 dollars par habitant). La Chine sera alors la première puissance économique, probablement la principale puissance militaire et politique. Le Brésil aura dépassé la France... elle-même talonnée par le Mexique, autre pays émergent (3).


    « Alors que les grandes économies, écrit Keith Bradsher, peinent à sortir de la récession, les exportations de la Chine s’envolent. Ce qui témoigne, notamment, de l’habileté avec laquelle ce pays exploite les incohérences des règles commerciales internationales afin de stimuler son économie au détriment des autres Etats. La Chine a en effet lancé une offensive sur deux fronts: elle combat le protectionnisme de ses partenaires et s’efforce de maintenir un yuan faible. Ce pays a dégagé en 2009 un excédent commercial de 198 milliards de dollars par rapport au reste du monde. Il achète des dollars et d’autres devises - pour plusieurs centaines de milliards de dollars chaque année - en vendant des yuans, ce qui déprécie sa monnaie et stimule ses exportations. Lors du sommet de Pittsburgh le 11 mars dernier, regroupant les dirigeants des pays du G20, Barack Obama est revenu à la charge, appelant Pékin à mettre en place «un taux de change plus conforme au marché». Trois jours plus tard, la réponse du Premier ministre Wen Jiabao sonnait comme un défi. Dénonçant les pressions internationales, il s’en est pris à «cette pratique qui consiste à se montrer du doigt entre pays» et a déclaré que le yuan resterait «stable» ».(4)


    Signe qui ne trompe pas: un rapport de recherche qui vient de paraître le 18 avril, prévoit que le plus grand exportateur mondial devrait plus que doubler son volume de commerce extérieur d’ici 2020. Ainsi le commerce extérieur de la Chine a connu une reprise au premier trimes-tre, avec une croissance de 44,1% pour atteindre 617,85 milliards de dollars.

 

    Pour Robert B. Zellick, secrétaire d’État adjoint des Etats-Unis, la mondialisation doit concerner tout le monde, les petits comme les grands, au nom du multilatéralisme. Nous l’écoutons: Après avoir assisté à la disparition du «deuxième monde» en1989, lors de la chute du communisme, nous avons observé en 2009 la fin de ce que l’on appelait le «tiers-monde»: nous vivons maintenant dans une nouvelle économie mondiale multipolaire qui évolue rapidement et dans laquelle certains pays en développement se muent en puissances économiques; d’autres pays sont en passe de devenir des pôles de croissance; d’autres encore peinent à tirer pleinement parti de leur potentiel au sein du nouveau système - où le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest ont cessé d’être l’expression d’un destin économique pour ne plus être que des points cardinaux sur une boussole. La crise économique mondiale a démontré l’importance du multilatéralisme. Au bord du gouffre. Un G-20 rénové est né de la crise et a montré ce dont il était capable en agissant rapidement pour rétablir la confiance. (...) Notre monde aura une physionomie très différente dans dix ans, lorsque la demande proviendra non seulement des États-Unis, mais de l’ensemble de la planète. L’évolution est déjà perceptible. La part de l’Asie dans l’économie mondiale exprimée en parité de pouvoir d’achat n’a cessé d’augmenter pour passer de 7% en 1980 à 21% en 2008. Les marchés boursiers d’Asie représentent maintenant 32% de la capitalisation boursière mondiale, ce qui les place devant les États-Unis (30%) et l’Europe (25%). L’an dernier, la Chine a devancé l’Allemagne pour devenir le plus grand exportateur au monde. Elle a aussi dépassé les États-Unis en devenant le plus grand marché automobile de la planète. Cette évolution ne concerne pas uniquement la Chine et l’Inde. En termes de parité de pouvoir d’achat, la part du monde en développement dans le PIB mondial est passée de 33,7% en 1980 à 43,4% en 2010. Il est probable que les pays en développement connaîtront une croissance soutenue au cours des cinq prochaines années et au-delà.(5)

 

    «La région du Moyen-Orient est une importante source de capitaux pour le reste du monde et, de plus en plus, une plate-forme de services commerciaux entre l’Asie. Les réserves officielles brutes des pays membres du Conseil de coopération du Golfe se montaient à plus de 500 milliards de dollars à la fin de 2008, et les actifs des fonds souverains étaient estimés à 1 000 milliards de dollars. Si le Maghreb parvient à surmonter ses lignes de fracture historiques, il pourra participer au processus d’intégration Euro-Med lié à la fois au Moyen-Orient et à l’Afrique. S’il n’est plus possible de résoudre les grands problèmes internationaux sans la participation des pays en développement et en transition, il est tout aussi impossible de prétendre que les plus grands d’entre eux - le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (Bric) - les représentent tous. Cela vaut pour un grand nombre de défis qui se profilent à l’horizon: l’eau, les maladies, les migrations, la démographie, les États fragiles et les pays sortant d’un conflit. Au moment où nous considérons le G-20 comme un nouveau forum, nous devons prendre garde de ne pas imposer une nouvelle hiérarchie rigide au monde. Il faudrait plutôt que le G-20 fonctionne comme un "groupe de coordination" d’un réseau de pays et d’institutions internationales. (..) Prêter l’oreille aux problèmes des pays en développement n’est plus une simple question de charité ou de solidarité: il y va de notre propre intérêt. Ces pays sont des moteurs de croissance et des importateurs de biens d’équipement et de services produits par les pays développés. L’heure est venue d’abandonner les notions désuètes de pays développés et de tiers-monde, de leaders et de suiveurs et de donateurs et de demandeurs. Nous devons soutenir l’émergence de nouveaux pôles de croissance qui profitent à tous.»(5)


    Pour Pierre Haski, ces quatre pays ont des atouts et des divergences: «Ces quatre pays ont un point commun: fortement peuplés, leurs économies connaissent une croissance robuste depuis au moins une décennie, plus forte que celle des pays industriels, et leur part de l’économie mondiale ne cesse de croître. Leur caractéristique, c’est aussi d’avoir développé les relations commerciales entre eux, d’avoir fait décoller un commerce "Sud-Sud" jusque-là inexistant. Mais ce qui les rassemble, surtout, c’est une volonté commune de casser l’hégémonie occidentale sur les leviers du monde. Leurs discussions portent ainsi sur l’idée de faire émerger une monnaie de substitution au dollar ou au moins la possibilité de facturer leurs échanges bilatéraux en monnaie locale, sans passer par la devise de l’Oncle Sam. (...) Pour la première fois, ces pays "émergents" sont en mesure de prendre toute leur part dans la définition des règles du jeu international, au lieu de subir celles que décideraient les Occidentaux. A la veille du sommet, un site russe, RIA-Novosti, s’est risqué, dans son édition française, à un jeu de mot: "Brasilia, un sommet de Bric et de broc" (comment dit-on en russe?). Pas étonnant que ce soit de Russie que soit venue cette touche d’ironie pour mettre en avant le manque de cohérence de ce nouveau club. La Russie est en effet une ex-superpuissance qui vivait autrefois à égalité avec les Etats-Unis, et vient de revivre un peu de ce statut de "Grand" lors de la signature du nouveau traité Start (réduction des armes stratégiques) avec Barack Obama. Seuls les Etats-Unis et la Russie ont (encore) le potentiel de destruction nucléaire de la planète. Pour Moscou, les Bric sont un pis aller, un marchepied pour reconquérir une influence disparue avec l’Urss» (...).


Le grand écart

 

«(...) De fait, les contradictions ne manquent pas au sein de ce quatuor, à commencer par leurs systèmes politiques Les Bric ont néanmoins la capacité de susciter des coalitions ponctuelles, entre eux et élargies (De ce fait, les Bric ont d’ores et déjà changé la règle du jeu international en privant les Occidentaux, et singulièrement les Etats-Unis, de leur leadership exclusif sur la marche du monde. Mais cela ne suffit pas à changer le monde. Et plus généralement, la question reste ouverte de savoir quel poids ils auront sur la marche du monde: leur ambition est-elle simplement d’être à la table du festin sans en changer la règle du jeu, ou sont-ils porteurs d’autres valeurs? Ceux qui espéraient que l’affaiblissement américain cède la place à un "autre monde" risquent fort d’être déçus.»(6)

 

    Nous le voyons, ces nouveaux pays industrialisés (NPI), devenus Bric donnent l’impression de vouloir larguer les amarres avec leur idéologie originelle. Le vertige de puissance fait qu’ils sont amenés certaines fois à faire le grand écart en donnant l’impression d’être toujours altermondialistes tout en émargeant au râtelier capitaliste; l’exemple le plus typique est, on s’en souvient en janvier, celui de Lulla tiraillé entre Porto Allègre et Davos, Son hésitation est un signe qui ne trompe pas, le « feu sacré » de l’altermondialisme  a fait place à la « réalpolitik » du capital laminoir. C’est dire si la cause des pauvres est orpheline. Ainsi va le Monde.



Professeur Chems Eddine Chitour

 

Ecole Polytechnique enp-edu.dz


1.Les Bric appellent à la réforme du système financier international. Courrier Int.16.04.2010

 

2.Martin Kurt:Définition BRIC http://www.atout-finance.com/bric.php

 

3.Principales puissances économiques http://www.atout-finance.com/principales-puissances-economiques-mondiales.php

4.Keith Bradsher: Comment la Chine dope ses exportations. 08.04.2010 

 

5.Robert B.Zoellick: La fin du tiers-monde? Washington D.C. 14 avril 2010

 

6.Pierre Haski les Bric peuvent-ils changer la face du monde Rue 89 16 avril 2010.

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 12:28

 

 

  

«Quand quelqu’un va parler sans savoir ce qu’il va dire, parle sans savoir ce qu’il dit, finit de parler sans savoir ce qu’il a dit, il est mûr pour la politique.»


Jean Rigaux

 

Ce 18 avril 2010 l’Algérie a rendez-vous avec le monde de l’énergie. Dans un faste grandiose, l’Algérie recevra tous les acteurs internationaux pour discuter de la situation du gaz, des dernières mises au point technologiques, mais aussi de l’avenir du marché gazier vu sous l’angle des producteurs. Les consommateurs et pour cause, ne se sentent pas concernés du fait de la chute dramatique des prix du gaz et du brouillard savamment entretenu dans le marché du gaz (déréglementation, marché, spot, gaz non conventionnels, énergies de remplacement à terme) bref, tout ce qui peut diminuer de l’importance du gaz pourtant vital au développement mais qui n’a jamais eu de chance dès le départ. Souvenons-nous: il était considéré comme le gaz fatal et les puits de gaz étaient fermés et non exploités. De plus, à même équivalent énergétique, le gaz est maintenu sous-payé par les pays industrialisés. Enfin, au gré de leurs humeurs, pendant longtemps quand les prix du pétrole étaient bas, il était indexé sur ce dernier. Maintenant que les prix du pétrole vont connaître une ascension irrésistible, du fait du déclin du pétrole, les pays industrialisés désindexent le gaz du pétrole, parce qu’il serait abondant.

Un marché mondial en mutation

 

      Dans un article pertinent, Hasna Yacoub décrit les convulsions actuelles du marché gazier: Elle écrit: «A la différence du pétrole, on ne peut pas à proprement parler de marché mondial lorsqu’on évoque l’avenir du gaz naturel. Il s’agit plutôt de marchés régionaux, de celui de l’Amérique du Nord à celui de l’Asie en passant par l’Europe, qui déterminent l’avenir du gaz naturel. Ces trois principaux marchés du gaz sont en plein bouleversement. (..) Dans un premier temps, le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) a ouvert un marché mondial, en parallèle avec les marchés traditionnels régionaux et a permis le développement de marchés spots aux côtés des contrats de long terme. Aujourd’hui, le développement des gaz non conventionnels aux États-Unis perturbe le marché en créant une bulle gazière. Une étude récente (Oil Daily du 19 juin 2009), estime le potentiel de gaz naturel à 51.408 milliards de m3. L’Amérique du Nord qui est le plus grand marché de gaz naturel au monde, avec 30% de la consommation mondiale, va devenir, selon certains analystes, autosuffisante en gaz, et même peut-être exportatrice. Selon les estimations de l’AIE, les Etats-Unis ont produit en 2009, 624 milliards de mètres cubes et la Russie 582 milliards de mètres cubes. (...) La production de gaz non conventionnel est devenue une proportion très importante de la production américaine totale de gaz et a été la cause d’une forte baisse du prix du gaz dans le pays, elle a affecté de ce fait la rentabilité des mégaprojets du golfe Persique et de leurs usines de liquéfaction très coûteuses. De même que le ministre de l’Energie et des Mines, M.Chakib Khelil, a affirmé que les contrats d’exportation de gaz naturel à long terme des pays producteurs "sont confrontés à une réelle menace" et que le Forum des pays exportateurs de gaz (Fpeg) devrait réagir aux mutations du marché gazier mondial. Il convient de signaler que le gaz non conventionnel a assuré 12% des volumes produits dans le monde l’an dernier. En 2030, le gaz non conventionnel devrait représenter près de 60% de la production américaine. En un mot donc, la nouvelle donne américaine a chamboulé toutes les cartes des pays exportateurs de gaz. Tout porte à croire que la nouvelle technique utilisée par les Etats-Unis va avoir un effet boule de neige puisque la question du gaz non conventionnel a été abordée en Europe, pour la 1re fois en automne 2008, dans le cadre d’une conférence tenue à Berlin. Cette conférence a donné naissance au programme européen Gash (Gas Shales in Europa). Selon l’AIE, la Chine et l’Inde pourraient receler d’immenses réserves de gaz non conventionnels. Avec toutes ces données, il paraît difficile de faire des pronostics sur l’avenir du marché mondial du gaz. Face aux nouvelles mutations gazières qui se dessinent à l’horizon 2015/2020, quelles sont la possibilité et la faisabilité qu’une telle décision soit prise? Il est attendu la généralisation des nouvelles technologies pour l’extraction du gaz non conventionnel. La forte offre ne va-t-elle pas affaiblir la position des pays exportateurs qui, même en baissant leur production, risquent de n’avoir aucun impact?»(1)

 


D’autre part, l’Europe ne reste pas les bras croisés. Au-delà des gaz non conventionnels, elle s’interroge sur son approvisionnement. Dans un rapport remis le 2 avril 2010 sur la sécurité gazière en Europe, Vincent Chriqui écrit: La sécurité gazière de l’Union européenne a atteint un niveau critique. À l’horizon 2025, ses importations de gaz, qui représentent actuellement 60% de sa consommation, pourraient augmenter sensiblement et atteindre un chiffre voisin de 80%. Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, cette politique doit conduire à réduire la consommation de gaz de l’UE et lui permettre de passer d’une dépendance à l’égard de ses principaux pays fournisseurs à une interdépendance mutuellement bénéfique en construisant avec eux des partenariats stratégiques gagnant/gagnant sur le long terme. Les besoins d’importation en gaz de l’Union européenne, aujourd’hui de 300 Gm3, pourraient augmenter d’un volume compris entre 20 et 160 Gm3 selon les scénarios.(2)

 

     Comment est venue cette perturbation du marché qui semble avoir pris de court les rentiers du gaz? L’histoire de la commercialisation du gaz naturel a connu plusieurs étapes. Dans un premier temps, le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) a ouvert un marché mondial en parallèle des marchés traditionnels régionaux (le transport par gazoduc limitait les échanges jusqu’alors) et des marchés spots aux côtés des contrats de long terme, rendant imprévisible un marché qui, jusque- là, était assez serein. Aujourd’hui, c’est le développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis, qui perturbe le marché en créant une bulle gazière. L’exploitation de ces gaz aurait presque doublé en deux ans, modifiant la demande américaine. Des avancées technologiques permettent l’exploitation des gaz non conventionnels. Le grisou, le gaz de schistes (‘’shale gas’’) ou le gaz compact (‘’tight gas’’) sont connus depuis longtemps. Pourtant, ils ne sont réellement exploités que depuis peu. Les techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique des roches ont permis de récupérer cette ressource. Les experts prévoient qu’à l’horizon 2020, 50% de la production américaine proviendra des gaz non conventionnels (contre 4% aujourd’hui).(3)

 

  L’exploitation des gaz non conventionnels change complètement la donne. Le développement brutal, aux Etats-Unis, des gaz non conventionnels pourrait remettre en question ces lourds investissements. Les gaz non conventionnels pourraient en effet permettre aux Etats-Unis de se défaire des importations de gaz et même, selon certains, de devenir exportateurs de gaz. Les réserves non conventionnelles accessibles techniquement et économiquement représentent 4% environ des réserves prouvées globales. La production mondiale pourrait atteindre 4 Tm3 en 2025 environ. Les réserves courantes de 175 Tm3 ne sont pas contestées et sont encore suffisamment élevées (près de 60 ans de consommation actuelle) pour ne pas craindre une baisse de la production mondiale. Les réserves courantes de 175 Tm3 devraient s’élever à 213 Tm3 avec les ressources contingentes et les ressources à découvrir certaines. Le XXIe siècle sera celui de la transition dans le domaine de l’énergie: d’un approvisionnement très dépendant des énergies fossiles, la société évoluera vers un approvisionnement plus diversifié. (3) On l’aura compris, c’en est fini de l’importance des énergies fossiles avec la manne des gaz non conventionnels.
Nous savons qu’en moyenne, le prix de cession du gaz est d’environ 1/10 du prix du pétrole, et ce, malgré de lourds investissements. En théorie, il devrait être de 1/7. Actuellement, le cours du pétrole est autour de 85 dollars, le prix du gaz est entre 4 et 5 dollars alors qu’il devrait être de 12 dollars. Et nous sortons à peine de l’hiver! Qu’en sera-t-il en été? Cela est important pour l’Algérie puisque le gaz brut (GN et GNL) représente environ un tiers (1/3) de la valeur en devises de ses exportations et représentera beaucoup plus à l’avenir. On dit que les réserves de gaz seraient de 4500 milliards depuis dix ans. Cependant, rien ne prouve que les découvertes annuelles couvrent l’hémorragie de production évaluée à plus de 100 milliards de m3 actuellement et à près de 160 milliards d’ici à quelques années 2015.


Arrêter l’investissement

 

Il me parait problématique de continuer à investir dans la chaîne du GNL qui sera soumise à un marché spot et dont on ne peut pas assurer un débouché maintenant que les Américains n’importent plus de gaz. En effet. Le Department of Energy a revu à la baisse ses prévisions de demande de GNL de plus de 60% à l’horizon 2020; d’où le gel, voire l’abandon de plusieurs projets de regazéification. La course au gaz de schiste a démarré au début des années 2000 et, en moins de dix ans, la production de gaz de schiste représente près de 20% de la production de gaz aux Etats-Unis et pourrait atteindre 50% en 2030. Les contrats sont à long terme (25 ans) et on ne peut pas s’engager si un marché sûr n’est pas prévisible. Que doit faire le pays? Doit-il continuer à investir dans les deux GNL en construction pour un marché incertain? La déréglementation, le refus de plus en plus et la remise en cause du take or pay, l’arrivée en masse des gaz non conventionnels, et le recours aux énergies alternatives pour produire de l’électricité en concurrence avec le gaz, font que l’avenir est sombre. Avec le prix actuel du gaz et certaines prévisions entre 2010/2015, il sera impossible de rentabiliser ces installations de GNL, En effet, comme l’écrit Y.Merabet: «Le prix du gaz diffère de pays en pays: les tuyaux ne sont pas les mêmes, les contrats d’approvisionnement entre clients et fournisseurs non plus. En Europe continentale par exemple, le gaz est fourni par les pays producteurs principalement sur la base de contrats à long terme (20, 30 ans) avec la clause "Take or Pay". Avec ce système, les acheteurs s’engagent à acheter et payer une quantité minimum de gaz (par exemple 80% du volume total commandé), quels que soient leurs besoins. Ces contrats à long terme donnent aux producteurs de gaz et aux exploitants de gazoducs la garantie qu’ils pourront écouler une quantité de gaz minimale, fixée à l’avance: de quoi assurer le financement des investissements lourds pour construire les infrastructures. Fournisseurs et clients remettent aujourd’hui en question la nature des contrats de livraison à long terme. La durée devrait, selon eux, être nettement réduite (au maximum deux à quatre ans), et la partie TOP devrait correspondre aux besoins effectifs de l’acheteur, et non plus à une quantité de référence fixée à l’avance. Ils souhaitent aussi voir disparaître les clauses de reconduction tacites des contrats.»(4)

 

     S’agissant du GNL 16, c’est un forum où selon la terminologie «on échange des expériences». 4 000 personnes pendant 4 jours, La fête terminée, les lampions s’éteignent et après plus rien. Les problèmes du gaz sont structurels. Il n’y a pas de vision d’ensemble pour une Opep du gaz, les principaux producteurs ont des stratégies différentes. La Russie veut prendre le monopole de l’Europe et pour elle, l’énergie est l’une des solutions pour lui faire retrouver son lustre d’antan. L’Iran englué dans le nucléaire essaie de créer des contrefeux pour diminuer la pression occidentale, mais c’est un pays qui avance technologiquement et qui possède une véritable stratégie énergétique à titre d’exemple, il vient d’annoncer qu’une partie de son gaz sera convertie pour être transformée en carburant pour 60% de son parc de voitures. Chez nous, le sirghaz est délaissé du fait du scandale du gas oil qui coûte à peu près la même chose, ce qui fait que l’Algérie a importé l’année dernière pour 50.000 tonnes de gas oil pour près de 250 millions de dollars.

 

    Ce qui fait que le Forum d’Oran visant à trouver une solution à la chute drastique du prix du gaz (chute de 12 à  4 dollars le million de BTU), n’aboutira vraisemblablement pas sur des décisions de diminution de la production comme le souhaite notre ministre. La question qui se pose est: pourquoi on continue cette hémorragie de production du gaz, alors que son prix est très bas! Cette chute était prévisible puisque depuis dix ans, les Américains travaillaient sur les gaz non conventionnels qui ont bouleversé par leur volume le marché du gaz. Ce n’est pas un besoin de financement (150 milliards de dollars sont dans les banques américaines). N’aurait-il pas mieux valu freiner, voire arrêter dans une grande proportion, la vente d’hydrocarbures en allant vers les économies d’énergie, les énergies renouvelables en mettant en place ce fameux bouquet énergétique? Encore une fois, notre meilleure banque ce ne sont pas les banques américaines, c’est notre sous-sol. Il nous faut rationnaliser la consommation et la production. Depuis plusieurs années, les découvertes ne couvrent pas la production, Nos réserves s’amenuisent inexorablement et rapidement. On peut comprendre aisément que l’Algérie a perdu des millions de dollars en continuant à vendre son gaz à un prix aussi dérisoire. Peut-elle diminuer sa production? Doit-elle attendre une hypothétique entente avec les membres du Forum du gaz? Ou doit-elle revoir toute sa politique énergétique d’une façon fondamentale?

 

   Dans ce cas, mettre en place des Etats généraux de l’énergie qui aboutiraient à un cap, c’est cela qu’il faut faire sans plus tarder; cela donnera des opportunités de travail et de création de richesse aux milliers de diplômés universitaires et de la formation professionnelle; les défis du futur (énergie, eau, environnement et sécurité alimentaire doivent être appréhendés dans ce cap que nous appelons de nos voeux). Le développement durable prendra alors sa pleine signification. Nous n’avons pas encore, il faut le regretter, une vision claire de l’avenir des énergies renouvelables car nous peinons à mettre en place une stratégie énergétique basée sur un modèle prévisionnel à 2030, où les énergies renouvelables prendraient graduellement la place des énergies fossiles. Nous pouvons et nous devons faire de même, avant qu’il ne soit trop tard et que l’on se retrouve dans les années trente, avec des réserves épuisées et sans relève par les énergies fossiles.

     La stratégie énergétique est l’affaire de tous, le gouvernement, la société civile, les universitaires et même les écoliers - ceux qui seront les concernés en 2030 - à qui on inculquerait une nouvelle vision progressive du développement durable visant à former l’écocitoyen de demain en lieu et place de l’égocitoyen d’aujourd’hui.




1.Hasna Yacoub: Les perspectives des marchés gaziers brouillées, La Tribune 12.04.2010
 

2.Vincent Chriqui: La sécurité gazière de l’Europe: Euractiv.fr 07.04.2010

 

3.Sophie Fabrégat: Les gaz non conventionnels Actu-Environnement.com - 17/03/2010

4.Y.Merabet: Le GNL/16 va-t-il mettre fin à la polémique sur les prix? El Watan 30.03.10

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique  enp-edu.dz

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 12:26

«La région entière s’illumina sous une lumière éblouissante bien des fois supérieures en intensité à celle du soleil en plein midi. C’était une lumière dorée, pourpre, violette, grise, bleue. Le déplacement d’air frappa violemment les gens et puis, presque immédiatement, un coup de tonnerre assourdissant, terrifiant, interminable suivit, qui nous révéla que nous étions de petits êtres blasphémateurs qui avaient osé toucher aux forces jusqu’alors réservées au Tout-Puissant.»

 

 (Général Farrel)

 

 

       Ces mots du général Farrel, qui participa à la première explosion nucléaire au plutonium quelques jours avant celle d’Hiroshima (Little boy) et Nagasaki (Fat man), firent plus de deux cent mille morts, en quelques secondes 70.000 bâtiments furent soufflés à Hiroshima. Il y a quelques jours Obama et Medvedev signaient le nouveau Start à Prague. Ce traité qui limite le nombre de bombes à 1500 est une bonne nouvelle car ces deux puissances ne peuvent plus détruire la Terre respectivement que «1500 fois chacun au lieu des 10.000 fois» lors du premier accord Start....Nous sommes donc tranquilles.

 

 «Comme l’écrivent Tommaso Di Franscesco, Manlio Dinucci, selon le Bulletin of the Atomics Scientists, les Etats-Unis possèdent 5200 têtes nucléaires opérationnelles, soit toujours utilisables; la Russie, 4 850. En plus de celles-ci, les deux puissances possèdent au total 12.350 têtes non opérationnelles (mais non encore démantelées). Le nouveau Start ne limite pas le nombre de têtes nucléaires opérationnelles contenues dans les arsenaux. (..) Le nouveau Start permet à chacune des deux parties de conserver 1550 têtes nucléaires déployées, soit un nombre à peine inférieur (10% environ) à l’actuel, et un nombre de vecteurs substantiellement inchangé: 800 chacun, dont 700 prêts au lancement à tout instant. Un potentiel destructif capable de balayer l’espèce humaine et quasiment toute autre forme de vie sur la Terre. En même temps, le nouveau Start ne met aucune limite au nouveau projet de «bouclier» antimissile que les USA veulent étendre à l’Europe, sur la frontière du territoire russe. (...) A Moscou, on le prend au contraire pour une tentative de prendre un avantage stratégique décisif sur la Russie. Le général Nikolaï Makarov a donc averti que, si les USA continuent à développer le «bouclier», cela «amènera inévitablement à une nouvelles phase de la course aux armements, en minant l’essence même du traité sur la réduction des armes nucléaires» (Rossiyskaya Gazeta, 23 mars). En attendant, Moscou ne reste pas les bras croisés: en mai sera lancé le nouveau sous-marin multifonctions Yasen à propulsion nucléaire, armé de 24 missiles de croisière à longue portée, à tête nucléaire.(1)



Quel rôle pour les Nations unies?

 

    Auparavant, Obama a présenté la nouvelle doctrine nucléaire américaine Nuclear Posture Review qui limite les cas de recours à l’arme atomique, présente une nette rupture par rapport au passé mais reste toutefois trop timide sur certains plans pour les partisans du désarmement. «L’arsenal nucléaire massif que nous avons hérité de l’ère de la Guerre froide est peu adapté aux défis posés par des kamikazes et des régimes hostiles cherchant à se procurer l’arme atomique», proclame le document sur la stratégie nucléaire américaine dévoilé mardi dernier. Les Etats-Unis s’engagent à recourir aux frappes nucléaires seulement «dans des circonstances extrêmes» et promettent de ne jamais utiliser l’arme atomique contre un adversaire qui ne la détient pas et qui respecte les règles du traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Les directives de Washington, sont également critiquées par certains conservateurs américains, qui dénoncent un affaiblissement de la puissance de frappe des Etats-Unis. Prix entre deux eaux, M.Obama a choisi de maintenir un certain flou sur la question de la modernisation de l’arsenal nucléaire américain.(2)

      On sait que chaque année, l’Assemblée générale des Nations unies se prononce sur diverses résolutions visant à limiter, à contrôler, à interdire les essais ou à éliminer les armes nucléaires qui peuvent donc être classées ensemble dans la rubrique «désarmement nucléaire». L’ONG étatsunienne Committee On Disarmament Peace And Security (comité pour le désarmement, la paix et la sécurité) a procédé à une analyse des votes émis par les puissances nucléaires sur ces diverses résolutions. En 2007, ce ne sont pas moins de 20 résolutions qui ont été présentées à l’Assemblée générale. Quinze d’entre elles ont été soumises au vote. En effet, les 9 puissances nucléaires, outre le fait qu’elles ont des arsenaux nucléaires qui vont du très petit (Corée du Nord) au gigantesque (Etats-Unis suivis de près par la Russie), ont des positions très diverses qui vont de l’opposition à toute action allant dans le sens du désarmement nucléaire à une approbation de principes généraux de désarmement tout en refusant d’abandonner unilatéralement l’arme nucléaire si les autres ne le font pas, cas de la Chine et du Pakistan. Les Etats-Unis ont voté contre toutes les résolutions. Ils refusent, en cette matière comme en toute autre, tout droit international. La France, Israël et le Royaume-Uni. L’Inde et la Russie occupent une position intermédiaire et la Corée du Nord occupe une position proche de celle de la Chine et du Pakistan. Ce classement opère donc une nette séparation entre ceux qui ne veulent pas entendre parler de désarmement nucléaire et qui n’excluent pas l’usage préventif de l’arme nucléaire soit les Etats-Unis et leurs plus fidèles alliés en tête desquels la France et ceux, les trois puissances asiatiques qui, à l’autre extrémité du spectre, considèrent l’arme nucléaire comme une arme de dissuasion.(3)


  Mieux encore, la Conférence de désarmement qui a pris sa dénomination actuelle en 1984, fonctionne sur la base du consensus et regroupe, depuis 1999, soixante-six États, dont les puissances nucléaires. Les travaux de la Conférence sur le désarmement insistent principalement sur: 1) des arrangements internationaux efficaces qui pourraient garantir les États non dotés d’armes nucléaires contre l’emploi ou la menace de ces armes par les États nucléarisés; 2) la prévention d’une course aux armements dans l’espace; 3) les négociations relatives à un traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes et autres dispositifs nucléaires; et 4) la transparence dans le domaine des armements. Pourtant, la politique des grandes puissances viole complètement l’esprit du Traité de non-prolifération, qui date de 1970 et qui a été signé par la France en 1992 dont l’article VI stipule que chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. Nous donnons un Extrait de la déclaration finale de l’Assemblée générale annuelle du Réseau Abolition 2000, 2000 organisations non-gouvernementales dans plus de 90 pays réunis à New York, le 13 avril 2002: Nous déplorons les faits suivants, malheureusement vrais, alors que le Traité de non-prolifération (TNP) est entré en vigueur depuis plus de 32 ans (1 juillet 1968): les programmes de modernisation des arsenaux nucléaires se poursuivent et les installations où ils sont conçus et fabriqués continuent leurs activités. La taille et la nature de ces programmes montrent que les Etats possesseurs d’armes nucléaires ont l’intention évidente de conserver leurs arsenaux nucléaires pendant de nombreuses décennies. De plus, ces Etats continuent de perfectionner leurs armes nucléaires et leurs vecteurs. (...) (4)


     Curieusement, ce sont les Etats-Unis qui s’emparent du dossier nucléaire mondial en réunissant 47 Etats, aux lieu et place des Nations unies dont c’est la mission naturelle. Le président américain Barack Obama, écrit Stephen Collinson, sera l’hôte la semaine prochaine d’un sommet visant à écarter la menace du terrorisme nucléaire, un rôle qui devrait marquer sa tentative la plus audacieuse à ce jour pour exercer un véritable rôle d’entraînement mondial. Le sommet, qui réunira les représentants de 47 pays à Washington, sera le plus grand rassemblement international depuis des décennies dans la capitale américaine. Il a pour objectif d’obtenir de la part des principales puissances l’assurance qu’elles lutteront pour empêcher le vol, le commerce et la contrebande de matériaux nucléaires pouvant servir à fabriquer des bombes «sales». Cette rencontre, qui fait suite à l’annonce par M.Obama de la redéfinition de la politique nucléaire des États-Unis, intervient au moment où, auréolé de récents succès, il cherche à obtenir un consensus sur de nouvelles sanctions visant le programme nucléaire iranien. (...) Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a renoncé à participer au sommet sur la sécurité nucléaire organisé à Washington par Barack Obama. L’Etat hébreu redoute d’avoir à rendre des comptes sur son propre arsenal. Pas question pour Israël de lever le secret qui entoure son arsenal nucléaire. Les analystes étrangers estiment que l’Etat hébreu dispose, depuis une quarantaine d’années, de l’arme atomique et serait à la tête d’un arsenal conséquent. S’appuyant sur les capacités de production de plutonium de son réacteur de Dimona, dans le désert du Néguev, les experts pensent que le pays détient 100 à 200 têtes nucléaires sophistiquées.(5)


     On se souvient de l’acharnement occidental contre le prétendu programme irakien. Dans cette crosiade,nous rapportons le sacerdoce de Pierre Lellouche qui n’a eu de cesse d’appeler à la curée contre le peuple irakien. Ainsi en décembre 2000, il notait dans un rapport: «L’étendue du programme nucléaire irakien est apparue au grand jour avec la mise en oeuvre de la résolution n° 687 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en avril 1991 après la défaite de l’Irak dans la guerre du Golfe, qui établissait les procédures sans précédent de destruction des armes non conventionnelles possédées par l’Irak ainsi qu’un programme de surveillance destiné à en empêcher la reconduction. [...]Les inspections conduites en Irak par l’Aiea ont établi que l’Irak avait massivement violé le TNP en poursuivant en toute clandestinité un programme nucléaire militaire de plusieurs milliards de dollars, connu sous le code secret "Pétrochimique 3", mené par des milliers de techniciens dans de multiples infrastructures. [...]»(6)


      

   Le 30 septembre 2004, le rapport de l’Irak Survey Group, dit rapport Duelfer, confirme l’absence de stocks d’armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires au moment de l’entrée en guerre. Affirmant que l’Irak avait renoncé à ce type d’armes dès 1991, le rapport précise qu’il n’avait pas de projets en vue d’en produire. Même scénario avec l’Iran: le même député - qui étrangement est muet sur le nucléaire israélien et pour cause- n’épargne pas sa peine quand il s’agit de traquer les musulmans- écrit en décembre 2000: «L’Iran possède la technologie de base pour construire une bombe mais n’a pas les moyens de disposer rapidement d’uranium ou de plutonium militaire, à moins de s’en procurer auprès d’un autre pays. Les inquiétudes iraniennes sur l’éventualité de frappes préventives par Israël ou par les Etats-Unis le conduisent à adopter un profil bas et une politique très prudente de développement de son programme nucléaire; par conséquent, selon certains experts, l’Iran pourrait disposer d’un engin nucléaire d’ici cinq à sept ans en utilisant ses propres matières fissiles enrichies et il lui faudrait six à neuf ans pour acquérir la capacité de mettre au point une arme nucléaire adaptable à un missile de longue portée.»(7)

     Quel est le coût en définitive, d’un programme nucléaire? On sait que l’ensemble du coût de l’arsenal nucléaire français de 1945 à 2010 est estimé à 228,67 milliards d’euros. (8) Le coût de l’arme nucléaire en France est estimé à 1,52 million d’euros par heure. Plus cyniquement une étude de la Défense nationale en France nous apprend que si la bombe atomique coûte plus cher, une analyse du coût -dégât est en sa faveur par rapport aux bombes classiques. «Il y a là une légende qu’il faut détruire car les armes atomiques constituent bien au contraire le type même de l’arme à bon marché. Il serait d’ailleurs extraordinaire qu’il en fût autrement étant donné que l’énergie destructrice nucléaire est des millions de fois plus concentrée, donc plus commode à manier, que l’énergie destructrice des explosifs chimiques même les plus puissants. Il est vrai qu’unité pour unité, une bombe atomique est beaucoup plus coûteuse qu’une bombe classique même très grosse. Si une bombe d’aviation normale d’une tonne chargée en Trinitrotoluène revient environ à 400.000 francs, le prix d’une bombe atomique, une fois lancée la production en série, doit, atteindre l’ordre de grandeur de quelques centaines de millions, c’est-à-dire mille fois davantage. Mais, comme les effets produits sont plusieurs milliers de fois plus grands, le prix de revient d’un effet donné obtenu par l’explosif nucléaire doit à son tour être nettement inférieur à celui du même effet obtenu par l’explosif classique//»(9)


La course à la mort

 

  On reste rêveur sur la propension de l’homme à détruire son prochain pour garder la suprématie. Alors que les vrais combats sont ceux de l’ignorance, de l’éducation et de la faim. Les Etats se lancent dans une course à la mort sans fin. Il ne faut pas plus de 50 millairds de dollars pour garder en survie les damnés de la Terre, le marché des armes n’a jamais été aussi florissant avec plus de 1200 milliards de dollars. Le programme nucléaire généralement secret se compte en centaines de milliers de dollars. Le président Obama peut-il prendre une initiative plus ambitieuse que sa «Nuclear Posture Review» en proposant une dénucléarisation totale de la planète? Cela concernera tout le monde y compris Israël qui joue sur l’ambigüité qui ne fait plus illusion, et pour une fois, le TNP aura une signification. Nul doute qu’après sa victoire concernant l’assurance maladie, il peut marquer durablement l’histoire comme celui qui a osé la paix. Nous serons alors définitivement convaincus que l’anticipation du Comité Nobel était tout à fait indiquée.

1.T.Di Franscesco, M.Dinucci: Nouveau traité Start et vieille politique. Il Manifesto avril 2010

2.Daphné Benoit La doctrine nucléaire d’Obama, Le point avec AFP 07/04/2010

3.Les 9 puissances nucléaires et le désarmement http://www.legrandsoir.info/Les-9-puissances-nucleaires-et-le-desarmement-leurs-votes-a-l.html23 mars 2008


4.http://fr.midoriwiki.net/index.php/Co%C3%BBt_du_nucl%C3%A9aire_militaire

5.Stephen Collinson: Obama convoque un sommet nucléaire. AFP 09 avril 2010



6.Pierre Lellouche, et al.: Rapport d’information sur la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Assemblée nationale, n°2788, 2000.

 

7.Pierre Lellouche et al.: Rapport d’information. Assemblée nationale, 2000 n°2788 

 

8.Bruno Barillot «Audit atomique» Centre de documentation sur la paix et les conflits.

9.L’arme atomique: arme à bon marché www.defnat.com/acc_ frames/resultat.asp?cid...

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 12:23

 

«On affirme, en Orient, que le meilleur moyen pour traverser un carré est d’en parcourir trois côtés.»
 

Lawrence d’Arabie (Les Sept Piliers de la sagesse)

 

       Il est courant d’admettre que l’Occident est parti à la conquête du Monde après la première révolution industrielle. En fait, il serait plus indiqué de remonter dans le temps pour s’apercevoir que l’hégémonie occidentale a débuté après ce qu’on appelle dans la doxa occidentale «Les Grandes découvertes». Prenant la relève d’un Orient et d’une civilisation islamique sur le déclin, et au nom de la Règle des trois C - Christianisation, Commerce, Colonisation,, il mit des peuples en esclavage. Il procéda à un dépeçage des territoires au gré de ses humeurs sans tenir compte des équilibres sociologiques que les sociétés subjuguées ont mis des siècles à sédimenter. Pendant cinq siècles, au nom de ses «Droits de l’Homme» qui «ne sont pas valables dans les colonies» si l’on en croit Jules Ferry un chantre enragé de la colonisation et de la grandeur de l’Empire colonial français-, l’Occident dicte la norme, série, punit, récompense, met au ban des territoires qui ne rentrent pas dans la norme. Ainsi, par le fer et par le feu, plus de 75% des richesses des Suds épuisés comprenant plus de 80% des habitants de la planète furent spoliés et détenus par 20% des pays du Nord.(1)


La religion instrumentalisée

 

   Cependant, au sein même de cet Occident chrétien, le leadership fut disputé avec l’apparition d’une idéologie, le communisme. Pendant près de cinquante ans après la Seconde Guerre mondiale, l’équilibre du monde était détenu par deux grandes puissances, les Etats-Unis et l’Empire soviétique. L’Occident latin guidé par les Etats-Unis est sorti vainqueur de cette lutte sans merci et tous les coups furent permis, notamment l’instrumentalisation de la religion aussi bien pour déstabiliser la Pologne en mettant en lumière un électricien des changements de Gdansk - à qui on a attribué le prix Nobel pour lui donner une stature- soutenu par un pape polonais qui appelait ouvertement à la rébellion- N’ayez pas peur!- mais aussi en créant une internationale islamique sous l’égide d’un Oussama Bin Laden, leur meilleur allié avec les taliban qui furent dotés de missiles qui firent des ravages dans les chars soviétiques en Afghanistan. Après la chute de l’Union soviétique, les Américains, ivres de puissance et tentés par la posture de l’Empire, se devaient de trouver un «Satan de rechange».

 

   Une étude du Pnac (Programme for New American Century) recommandait de chercher un motif pour relancer l’hégémonie américaine d’une façon définitive, notamment avec le déclin du pétrole dont il fallait à tout prix s’assurer des sources d’approvisionnement pérennes et à un prix «raisonnable». L’arrivée du 11 septembre fut du pain bénit. Le Satan de rechange tombait du ciel, l’Islam et terrorisme. Francis Fukuyama s’interrogeait à juste titre sur la fin de l’histoire maintenant que la pax americana régnait et paraissait durer mille ans. Ainsi, furent organisées les expéditions punitives que l’on sait un peu partout semant le chaos, la destruction et la mort. Pourtant, les signes d’un craquement de l’hégémonie occidentale commencèrent à poindre à l’horizon. Des voix inquiètes commençaient à douter de la pérennité du magister occidental.

 

    Dans un discours à l’université de Princeton, Joschka Fischer ancien ministre allemand des Affaires étrangères faisait part de son inquiétude et désignait nommément l’Islam. Ecoutons-le: «La situation actuelle nous enseigne que la question de la sécurité au XXIe siècle pour nous tous, et avant tout pour les États-Unis et l’Europe, ne peut plus être définie à l’aune des catégories traditionnelles du XXe siècle. Un totalitarisme d’un genre nouveau, le terrorisme islamiste et l’idéologie du Djihad, basée sur le mépris de l’homme, menacent la paix et la stabilité régionales et mondiales. (...) Aujourd’hui, notre sécurité est principalement menacée non pas par un seul État mais au contraire par un mouvement totalitaire d’un genre nouveau qui, ayant perdu l’Afghanistan, ne peut plus baser sa puissance sur le contrôle d’un autre État. Cette menace ne vise pas non plus les potentiels stratégiques des États-Unis et de l’Occident. Elle tend plutôt à ébranler leur moral et à déclencher des réactions qui renforcent le soutien au totalitarisme islamiste au lieu de l’affaiblir. Cette nouvelle menace est d’envergure, mais pire encore: elle essaye de créer un "choc des civilisations" basé sur la religion et l’appartenance culturelle, entre le monde islamo-arabe et l’Occident mené par les États-Unis. (..) Est-ce la fin de l’Occident? Cette question qui donne le frisson est actuellement en vogue. L’Occident ne serait condamné que si la communauté transatlantique, faute d’intérêts communs, n’avait plus d’avenir, (...) Dans leur lutte contre la nouvelle menace, l’Europe et l’Amérique dépendent l’une de l’autre. L’Amérique et l’Europe pourront relever les défis du XXIe siècle, mais elles ne pourront le faire qu’ensemble.»(2)

   Nous le remarquons que pour Joshka Fisher, l’hégémonie occidentale sera toujours aux commandes! Ce n’est pas l’avis de la CIA qui a publié un rapport intitulé: Le monde en 2025. On constate une prise de conscience d’une nouvelle donne à la fois démographique, économique, financière et même dans une certaine mesure, militaire La lecture du dernier rapport de la CIA nous permet de mieux connaître le mode de pensée de la classe dirigeante étatsunienne et d’en identifier les limites. Terrorisme en retrait, glissement du pouvoir économique de l’Occident à l’Orient, pénurie d’eau, déclin des ressources en hydrocarbures, nouvelles technologies. Dans la lignée du précédent Rapport de la CIA, pour la première fois, les Américains reconnaissent qu’ils ne seront plus les maîtres du monde!(3) 

 

     Ecoutons l’économiste Samir Amin donner son avis à propos de ce rapport: «Je résumerai mes conclusions de cette lecture dans les points suivants: la capacité de "prévoir" de Washington étonne par sa faiblesse; on a le sentiment que les rapports successifs de la CIA sont toujours "en retard" sur les évènements, jamais en avance. L’impression qu’on tire de cette lecture est que, de surcroît, l’establishment étatsunien conserve quelques solides préjugés, notamment à l’égard des peuples d’Afrique et d’Amérique latine. Le rapport précédent - Le monde en 2015 - n’avait pas imaginé que le mode de financiarisation du capitalisme des oligopoles devait nécessairement conduire à un effondrement comme cela s’est produit en 2008. (...) Aujourd’hui encore donc (dans la perspective de 2025), le rapport affirme sans hésitation "qu’un effondrement de la mondialisation" reste impensable. (...) D’une manière générale "l’hégémonie" des Etats-Unis, dont le déclin est visible depuis plusieurs décennies, affirmée pourtant dans le rapport précédent comme toujours "définitive" est désormais imaginée comme "écornée", mais néanmoins toujours robuste». D’une manière générale, les «experts» du libéralisme ignorent la possibilité d’une intervention des peuples dans l’histoire. Les experts de l’establishment étatsunien ne s’intéressent qu’aux choix «possibles» des classes dirigeantes des «pays qui comptent» (la Chine en premier lieu, ensuite la Russie et l’Inde, puis l’Iran et les pays du Golfe, enfin le Brésil). L’Europe, à leur avis, n’existe pas (et sur ce point ils ont certainement raison) et de ce fait restera forcément alignée sur les choix de Washington. L’illusion qu’ils peuvent se faire sur les pays du Golfe est instructive: «riches» ces pays doivent «compter», le fait qu’on puisse être riche et insignifiant ne leur paraît pas «imaginable» ».

 

    Leur crainte concernant l’Iran, non pas pour son «régime islamique» mais parce que cette grande nation n’accepte pas la résignation, est par contre fondée. L’Afrique ne comptera toujours pas, et restera ouverte au pillage de ses ressources. Le seul problème pour eux est qu’ici, les Etats-Unis (et leurs alliés subalternes européens) se trouveront désormais en concurrence difficile avec les appétits de la Chine, de l’Inde et du Brésil.(...) Les «scénarios» dessinés dans le rapport, dans ces conditions, renseignent plus sur les limites de la pensée dominante aux Etats-Unis que sur les probabilités de leur réalisation. Premier scénario: une victoire éclatante de la Chine. La Chine s’impose comme nouvelle «puissance hégémonique», entrainant dans son sillage une Russie rénovée une Inde autonome mais résignée, un Iran («islamiste» ou pas) devenu acteur dominant au Moyen-Orient. L’alliance de Shanghai garantit l’accès de la Chine et de l’Inde à 70% des productions de pétrole et de gaz du Moyen-Orient. Second «scénario»: conflit Chine/Inde, stagnation de la Russie...Les voeux des USA. Le second «scénario» consacre, à l’opposé, l’échec retentissant du «Plan de Shanghai», l’éclatement du groupe éphémère que représente le Bric, la montée en ligne du conflit Chine/Inde, la stagnation de la Russie et l’avortement du projet nationaliste de l’Iran.(4)


Les nouveaux maîtres

 

   A l’autre bout du curseur concernant l’avenir du Monde, nous trouvons l’analyse lumineuse de l’ambassadeur singapourien Kishore Mahbubani qui décrit le déclin occidental: recul démographique, récession économique, et perte de ses propres valeurs. Il observe les signes d’un basculement du centre du monde de l’Occident vers l’Orient. L’auteur fait le point sur l’ascension économique vertigineuse des pays de l’Asie. Ayant intégré les pratiques de l’Occident (économie de marché, méritocratie, Etat de droit, développement de l’éducation, etc.), l’Asie n’a, selon l’auteur, aucune intention de dominer l’Occident, mais il met en garde: l’Occident doit renoncer à sa domination notamment. Après trois siècles de domination occidentale, où Londres, Paris, Berlin et Washington ont décidé du sort de la planète, les 5,6 milliards d’individus qui ne vivent pas à l’Ouest aujourd’hui ont cessé d’être des objets de l’histoire mondiale pour en devenir des sujets.(5)

    Citant l’ouvrage de l’historien britannique Victor Kiernan «The Lords of Humankind, European Attitudes to the Outside World in the Imperial Age» qui avait été publié en 1969, lorsque la décolonisation européenne touchait à sa fin. Victor Kiernan qui écrivait: « La plupart du temps, cependant, les colonialistes étaient des gens médiocres mais en raison de leur position et, surtout, de leur couleur de peau, ils étaient en mesure de se comporter comme les maîtres de la création. Même si la politique coloniale européenne touchait à sa fin, l’attitude colonialiste des Européens subsisterait probablement encore longtemps ».

 

     « En fait,  poursuit  Kishore Mahbubani, celle-ci reste très vive en ce début de XXIe siècle. Souvent, on est étonné et outré lors de rencontres internationales, quand un représentant européen entonne, plein de superbe, à peu près le refrain suivant: «Ce que les Chinois [ou les Indiens, les Indonésiens ou qui que ce soit] doivent comprendre est que...», suivent les platitudes habituelles et l’énonciation hypocrite de principes que les Européens eux-mêmes n’appliquent jamais. Le complexe de supériorité subsiste. Le fonctionnaire européen contesterait certainement être un colonialiste atavique. Comme l’écrit Mahbubani: «Cette tendance européenne à regarder de haut, à mépriser les cultures et les sociétés non européennes a des racines profondes dans le psychisme européen.» » 

 

   Pour l’Occident, écrit Jean Pierre Lehmann commentant l’ouvrage de Maybubani, il est temps de regarder la réalité en face. Ce que Mahbubani attaque, c’est l’anomalie absurde d’un pouvoir mondial occidental envahissant et persistant dans un monde sujet à des changements fondamentaux. Cela ne vaut pas seulement pour la culture mais également pour le niveau de développement économique et politique.(6)

 

    L’auteur décrit les trois principaux scénarios pour le XXIe siècle - la marche vers la modernité, le repli dans des forteresses et le triomphalisme occidental Géographiquement, il est des plus à l’Est mais qu’en est-il des autres aspects? Mahbubani reproche à l’Europe sa myopie, son autosatisfaction et son égocentrisme. Il relève en particulier que l’Europe a failli à s’engager vraiment en faveur de ses voisins: «Ni les Balkans ni l’Afrique du Nord n’ont bénéficié de leur proximité avec l’Union européenne». Cependant, au XXIe siècle, le déclin de l’Occident en termes d’abandon de ses valeurs, a été accéléré en particulier par les États-Unis sous le gouvernement de George W.Bush. L’essor économique de l’Orient a été remarquable. «En 2010, 90% de tous les scientifiques et ingénieurs titulaires d’un doctorat vivront en Asie.»
Mahbubani voit trois principaux foyers de défis pour l’Occident: la Chine, l’Inde et le Monde islamique. A propos du dernier, alors que le terme de «musulman» est associé dans l’esprit des Occidentaux à celui d’«arabe», la grande majorité des musulmans vivent en Asie où l’on trouve la plupart des pays qui ont les plus importantes populations musulmanes: Indonésie, Inde, Pakistan, Bangladesh et Iran. L’invasion anglo-américaine de l’Irak a considérablement aggravé les relations entre l’Occident et les États et peuples musulmans. Le caractère grotesque des erreurs commises est dû en partie au degré stupéfiant d’ignorance des étatsuniens au sujet de l’Irak, laquelle provient de leur arrogance. Mahbubani exhorte l’Occident à «faire de toute urgence des efforts pour mieux comprendre l’esprit musulman».(6)

 

      Quand Mahbubani écrit que «le moment est venu de restructurer l’ordre mondial», que «nous devrions le faire maintenant». Le grand sujet de plainte de Mahbubani est l’incapacité de l’Occident à maintenir, à respecter et encore plus à renforcer les institutions qu’il a créées. Et l’amoralité avec laquelle il se comporte trop souvent sape davantage les structures et l’esprit de la gouvernance mondiale. Prenons le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Selon Mahbubani, il «est légalement vivant mais spirituellement mort» «Le monde, écrit-il, a perdu pour l’essentiel sa confiance dans les cinq États nucléaires. Au lieu de les considérer comme des gardiens honnêtes et compétents du TNP, il les perçoit généralement comme faisant partie de ses principaux violateurs» Leur décision d’ignorer le développement par Israël d’un arsenal nucléaire leur a été particulièrement préjudiciable. Lors d’une rencontre à Bruxelles au début de 2008, j’ai demandé à l’un des participants, Javier Solana, Haut-Représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, son avis sur la question de l’arsenal nucléaire d’Israël mais il a refusé catégoriquement d’aborder le sujet.(6)

 

      Le Monde sera à n’en point douter fragmenté, il est à espérer qu’après cinq siècles de domination sans partage et d’une vision occidentalo-centriste des droits de l’Homme, le Monde retrouvera la vraie sagesse. L’Inde et la Chine héritiers de plus de 4000 ans de civilisation y contribueront certainement.



1.C.E.Chitour: L’Occident à la conquête du Monde.ed. Enag. Alger. 2009

 

2. Joschka Fischer: L’Europe et l’avenir des relations transatlantiques. Princeton 19 11 2003

 

3.«Le monde en 2025» selon la CIA, le 26/2/2010

 

4. Samir Amin http://www.michelcollon.info/index.php-16-02-10

 

5.K.Mahbubani: The Irresistible Shift of Global Power to the East, septembre 2008

 

6.Jean-Pierre Lehmann: Déclin de l’Occident et montée de l’Orient Réseau Voltaire 2.09.2008.

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 12:22

 

«A l’heure qu’il est, la condition essentielle pour que la civilisation européenne se répande, c’est la destruction de la chose sémitique par excellence, la destruction du pouvoir théocratique de l’islamisme. Là est la guerre éternelle, la guerre qui ne cessera que quand le dernier fils d’Ismaël sera mort de misère. L’Islam est le fanatisme. L’avenir est donc à l’Europe et à l’Europe seule; l’Europe conquerra le monde et y répandra sa religion.»

 

Ernest Renan, le 23 février 1882

 

      Fin mars, un attentat dans le métro de Moscou fait une quarantaine de morts et plusieurs dizaines de bléssés. La presse occidentale décrit par le menu l’horreur, fustige le terrorisme sans parler objectivement des causes profondes de ce conflit attribué immédiatement au Caucase. Mieux encore, dans les heures qui ont suivi, les images en boucle savamment agrémentées de messages subliminaux sur l’Islam, sur les «veuves noires» achèvent de marquer dans le marbre et dans les consciences des téléspectateurs, la barbarie de l’acte comme l’écrit Le Monde dans un article d’une rare partialité. Lisons: «Il n’y a aucune "fatalité" à ce que deux jeunes femmes viennent commettre un attentat dans le métro, comme ce lundi matin 29 mars dans la capitale russe à l’heure de la plus grande affluence: trente-neuf innocents fauchés à mort, des dizaines d’autres mutilés à vie. S’il s’agit bien de deux attentats-suicides, la responsabilité en incombe à leurs auteurs - et uniquement à eux. Ils ou elles ont choisi la barbarie - personne d’autre. Ce fut leur choix, délibéré. Dans l’inhumanité, on ne placera un peu plus haut peut-être que ceux qui ont manipulé les deux terroristes. Ceux qui leur ont confié leurs ceintures d’explosifs. Ceux qui entretiennent une morbide culture de la mort et du martyre. (...)»(1)


Une longue lutte

 

     De qui s’agit-il en fait? La République Tchétchéne nommée Itchkérie par les indépendantistes, est un petit pays 15.500 km2, 1.103.686 hab. (2002). Le président est Ramzan Kadyrov depuis février 2007. Pour l’histoire, au début du Moyen Âge, sur le territoire de la Tchétchénie actuelle, se forma une union multilingue des peuples nomades et sédentaires (dont les Alains), l’Alanie. La peuplade des Nakhs prit rapidement de l’importance au sein de l’Alanie jusqu’à l’invasion des Tatars-Mongols au XIIIe siècle (tout particulièrement les troupes nomades des commandants Djebé et Subötai (Soubdé) de Gengis Khan en 1238) qui ravagèrent ce royaume. Sur les décombres de l’Alanie s’érigea progressivement l’État musulman de Simsim, à son tour anéanti en 1395 par le grand conquérant venu d’Asie centrale, Tamerlan. Les Cosaques (colons libres russes) s’installèrent sur la plaine tchétchène au bord des rivières Terek et Sounja (au nord du pays) à partir du XVIe siècle.

 

    Dès le début de l’occupation russe, le peuple tchétchène, réputé pour son caractère montagnard, rejetant toute domination externe et notamment chrétienne, mena une résistance féroce contre les forces russes. Les chefs de la lutte de libération nationale, Ouchourma, plus connu sous le nom de Cheïkh Mansour (à la tête des insurrections en 1785-1791), Beïboulat Taïmiev (1819-1830) et surtout le grand chef de guerre Chamil (1834-1859), devinrent vite des figures emblématiques de cette lutte armée qui se solda par un échec sanglant. La farouche résistance des tribus montagnardes ne prit fin qu’avec la reddition, en 1859, du chef musulman Chamil. La résistance, dans sa dimension historique et mythique, se présente en élément central de la consolidation d’une identité tchétchène. Le soufisme, un courant de l’islam sunnite qui s’est implanté dans le Caucase du Nord-Est au début du XIXe siècle, prône un rapport mystique du fidèle à Dieu, sans intermédiaire. En Tchétchénie, l’allégeance religieuse se situe au niveau de deux confréries soufies: la Naqchabandiyya et la Qadiriyya». (2)

 

    En août 1996, le représentant tchétchène Aslan Maskhadov et le secrétaire du Conseil de la sécurité de la Russie, Alexandre Lebed, ont signé à Khassaviourt un accord de paix mettant fin aux hostilités de la Première guerre de Tchétchénie. Cet accord a ouvert la voie au retrait des forces fédérales russes de la Tchétchénie et à l’indépendance de facto de la république (les négociations sur le statut de la Tchétchénie ont été repoussées à l’an 2000). En 1997 Aslan Maskhadov, un leader tchétchène considéré comme modéré, ayant établi des contacts constructifs avec Moscou, fut élu président, opposé à Chamil Bassaïev. Deux conflits majeurs armés éclatent entre le gouvernement fédéral et les groupes armés tchétchènes en 1994-1995 et en 1999-2000. Selon les données de différentes ONG, ces conflits auraient causé la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes et le déplacement de quelque 350.000 réfugiés. La Deuxième guerre est déclenchée en septembre 1999, sous le commandement de Vladimir Poutine, alors Premier ministre russe. L’opération se solda par un rapide succès et la prise de Grozny par les forces fédérales russes en janvier 2000. Poutine instaura la gouvernance directe de Moscou dans la République.

    Le 8 mars 2005, le président indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov fut abattu à Tolstoï-Iourt suite à une «opération spéciale» menée par les forces russes. La petite république de Tchétchénie est relativement riche en pétrole et gaz naturel. Une des raisons des conflits d’intérêts russes et américains dans le Caucase n’est pas tant le contrôle des ressources naturelles de ces territoires (que le contrôle de l’acheminement de l’or noir depuis la mer Caspienne hors Russie (Azerbaïdjan, Kazakhstan) dont les pipelines passent par cette région (Géorgie, Arménie, Caucase du Nord russe - dont la Tchétchénie) jusqu’aux ports de la Méditerranée, particulièrement le port de Ceyhan en Turquie.(2)

 

    Boualem Bessaieh décrit dans son ouvrage «  De l’imam  Chamyl à l’Emir Abdelkader », les parcours exemplaires de l’Emir Abdelkader et de l’Imam Chamyl qui eurent à combattre les pouvoirs répressifs français et tsaristes à la même époque et qui furent tous les deux exilés loin de leur pays. Ces deux hommes se trouvent aux deux extrémités de l’Empire ottoman. Ils vont affronter des puissances considérables de l’époque des territoires sous tutelle directe ou indirecte de la Sublime Porte et en tout cas dans des zones d’influences incontestables de l’Empire turc qui est incapable de réagir à l’expansion russe, française et anglaise sur les marches de son empire comme il est incapable de réagir à Mohamed Ali Pacha en Egypte et à l’expansion wahhabite au Hedjaz. (..) Entre la montée en force des puissances européennes et le déclin inexorable de la puissance turque, ils porteront une idée neuve qu’ils n’arrivent pas tout à fait à formuler pour leurs peuples, celle de nation.  Sur l’instant ils luttent contre des infidèles et des envahisseurs. Leurs référents idéologiques dominants sont religieux, leur expérience de l’Etat est celle de leur monde qui n’a pas encore enfanté avec netteté l’idée nationale même si elle fait son chemin. Pourtant, ils en jetteront les bases avec plus de réussite pour l’Algérie au vu des développements ultérieurs. (...) Ce texte sur l’imam Chamyl est le deuxième que Boualem Bessaïeh lui consacre. En quelques tableaux, il met le lecteur au coeur du processus de conquête du Caucase par la Russie tsariste. A chaque tableau, il développe un des facteurs de la confrontation et de son évolution.(3)

     Pour en revenir à la lutte actuelle, selon les premiers éléments de l’enquête, écrit le Monde Djennet Abdourakhmanova aurait tué une vingtaine de personnes en actionnant les explosifs qu’elle portait dissimulés autour de la taille dans la station de métro Loubianka lundi matin, rapporte vendredi le quotidien Kommersant. Les autorités ont également établi que Djennet était la veuve - depuis à peine trois mois - d’un proche de l’«émir du Caucase», le chef rebelle islamiste qui a revendiqué cette semaine les deux attentats et promis de nouvelles frappes contre la population civile russe. L’époux de Djennet, alias «Al-Bara», aussi surnommé l’«émir du Daguestan». Il avait été abattu le 31 décembre 2009. Les deux jeunes gens s’étaient rencontrés via Internet lorsque la jeune fille n’était encore âgée que de 16 ans. Les femmes kamikazes, souvent surnommées «veuves noires», sont l’arme privilégiée de la rébellion islamiste du Caucase du Nord. Les spécialistes considèrent que c’est souvent la vengeance ou la manipulation, plutôt que leurs convictions, qui les poussent à passer à l’acte. Le quotidien Moskovski Komsomolets indique pour sa part que la police a retrouvé sur Djennet une lettre d’amour écrite en arabe se terminant par les mots «Nous nous verrons au ciel».(4)



Actes de désespoir

 

En visite éclair dans la République caucasienne du Daghestan, jeudi 1er avril, le président russe, Dmitri Medvedev, a dévoilé son plan de lutte contre la rébellion islamiste qui défie le Kremlin. Malgré l’apparente pacification de la Tchétchénie sous la houlette de Ramzan Kadyrov, l’homme lige de Moscou, la guerre entre les forces fédérales et la rébellion n’a jamais cessé. Au nom de la lutte contre la rébellion, les forces fédérales, peu regardantes sur les méthodes, commettent de nombreuses bavures systématiquement impunies. Le 11 février à Archty, un village ingouche, une patrouille du FSB (services de sécurité) a tué sauvagement (par balles et armes blanches) plusieurs civils occupés à cueillir de l’ail dans la forêt. Ni excuses, ni enquête, ni condamnations: les familles des victimes sont invitées à oublier. Les rares personnes qui dénoncent cet état de fait sont assassinées,(...). Les dirigeants indépendantistes modérés (Djokhar Doudaev, Aslan Maskhadov), avec lesquels Moscou a refusé de s’entendre, préférant les éliminer, ont été remplacés par une autre génération, adepte d’un islam radical et hostile au compromis.(5)

 

    En fait, le pouvoir russe notamment avec Poutine qui a un langage «spécifique» pour les Tchéchènes n’a jamais voulu d’éléments modérés et d’une relative autonomie de ce peuple. Le témoignage d’un dirigeant tchétchène qui aurait pu arrêter cette guerre séculaire est poignant.Dans une lettre «testament», adressée à M.Javier Solana, Haut représentant de l’Union européenne pour la Politique étrangère et de Sécurité commune, le président indépendantiste tchétchène assassiné le 8 mars, avait appelé Moscou au dialogue, demandait à l’Europe de s’impliquer dans le règlement du conflit comme elle l’avait fait avec l’Ukraine. Ecoutons-le: «En mars 2003, j’ai, par l’entremise de mon ministre des Affaires étrangères, M.Ilyas Akhmadov, rendu publique une proposition de paix qui, se faisant forte de l’expérience de la communauté internationale au Timor Oriental et au Kosovo, voulait apporter une nouvelle contribution à la résolution de ce conflit en prenant en compte les légitimes intérêts en termes de sécurité de la partie russe, et les trois exigences auxquelles la partie tchétchène ne peut renoncer: un mécanisme de garantie internationale, sous une forme ou sous une autre, de tout nouvel accord entre les deux parties; une implication directe, durant une période de transition, de la communauté internationale dans la construction d’un Etat de Droit et de la démocratie en Tchétchénie et dans la reconstruction matérielle de mon pays; et, au terme de cette période de transition, une prise de décision finale, selon les normes internationales en vigueur, sur le statut de la Tchétchénie. Malheureusement, cette proposition, pas plus que les précédentes, pas plus que la toute dernière, à savoir le cessez-le-feu unilatéral que j’ai ordonné au début de cette année, ne suscita d’autres réactions de la part des autorités de Moscou (..) ». (6)

 

« J’ai suivi avec toute l’attention que ma condition de président-résistant me permettait les événements d’Ukraine, la "révolution orange", et le rôle, décisif selon moi, joué par l’Union européenne, dans son heureux dénouement. J’ai constaté en particulier combien l’Europe pouvait être forte et efficace quand elle décidait de parler d’une même voix, au travers des interventions de différents Chefs d’Etat ou de gouvernement, ou au travers de celle de son Haut représentant pour la Politique étrangère et de Sécurité commune». «Quant aux actes terroristes perpétrés par des franges de la résistance tchétchène, je les ai, comme vous le savez, chaque fois condamnés. Et je continuerai à le faire. Il reste que ce terrorisme n’a rien à voir avec le terrorisme fondamentaliste international. Il est le fait de désespérés qui ont, la plupart du temps, perdu des proches dans des circonstances atroces, et qui estiment pouvoir répondre à l’agresseur et à l’occupant en utilisant les mêmes méthodes que celui-ci. (...) ». (6)

 

« Le terrorisme à l’oeuvre en Tchétchénie, qu’il soit le fait des forces occupantes ou d’éléments isolés de la résistance, naît et prospère sur la guerre, sur les violences les plus abjectes et sur les violations quotidiennes et massives des droits les plus fondamentaux. Seules la paix et la démocratie peuvent le conjurer. Loin de vouloir exagérer l’importance de mon peuple dans les affaires du monde et de l’Europe, il reste qu’il est aujourd’hui victime d’une lente extermination et que la question tchétchène constitue, pour le pouvoir de Moscou, un élément-clé dans son oeuvre de déconstruction de la démocratie et de l’Etat de droit (...)»(6)


   Tout est résumé dans ce testament! En fait que l’on parle de Tchétchénie, de Palestine on parle de la même chose, on a beau diaboliser des actes de désespoir des kamikazes -mot japonais qui désigne les pilotes qui se sont sacrifiés -il s’agit d’une lutte pour la dignité humaine, l’aspect religieux est secondaire. A quand une espérance pour ces peuples qui ont le malheur de ne pas intéresser les puissants de ce monde.


1.Barbarie-répression, la spirale caucasienne. Le Monde |02.04.10

 

2.Tchétchénie - Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.

 

3.http://fr.allafrica.com/stories/201001140526.html

4. Djennet, «veuve noire» du métro de Moscou Le Monde.fr avec AFP | 02.04.10

 

5.Marie Jégo-Le président russe renforce l’arsenal de lutte Le Monde 02.04.10


6.L’ultime appel d’Aslan Maskhadov à l’Europe. Libération.fr le 25 février 2005

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 12:20

 

«Jérusalem est la prunelle des yeux du monde musulman (...) Si Jérusalem brûle, cela signifie que la Palestine brûle. Et si la Palestine brûle, cela veut dire que le Proche-Orient brûle.»

 

Tayyep Recip Erdogan

 

Ce mois de mars que l’on voulait être le mois des espérances concernant le drame palestinien est assurément le mois de tous les dangers sans aller jusqu’à prêter crédit à l’adage voulant que Mars soit le mois des fous. Comment peut-on, en effet, comprendre la fuite en avant de Benyamin Netanyahu qui affirme haut et fort et dans l’impunité, voire l’arrogance la plus totale, que Jérusalem a été bâtie par les Juifs, c’est la capitale éternelle d’Israël et ceci devant un parterre d’Américains de l’Aipac acquis à la cause sioniste. Examinons d’où vient cette certitude d’un autre âge. Jérusalem, Yerushaláyim en hébreu arabe: al Qudsou est une ville du Proche-Orient qui tient une place prépondérante dans les religions juive, chrétienne et musulmane,.

 

  L’État d’Israël a proclamé Jérusalem comme étant sa «capitale éternelle» dès 1949. Jérusalem est située sur les monts de Judée sur 200 km² pour une population de 760.800 habitants (2009) La partie nommée «Vieille ville», entourée de remparts, est constituée de deux quartiers à dominante arabe, dits quartier chrétien et quartier musulman, ainsi que d’un quartier à dominante arménienne et d’un quartier à dominante juive. (...) Jérusalem est mentionnée pour la première fois dans les textes égyptiens dits «d’exécration» (XXe et XIXe siècles av. J.-C. siècle avant notre ère, à la période où l’Égypte a vassalisé Canaan) sous le nom de Rushalimu. On peut supposer que le nom de la ville reflète le culte du dieu Shalem (en) ou Shalimu, culte du dieu Shalem des Cananéens. Shalem est un dieu populaire dans le panthéon ouest sémitique. Il était le dieu de la création, de l’exhaustivité, et du soleil couchant. Une étymologie détaillée est donnée par Sander et Trenel. Le nom de «Shalem» provient de deux racines chaldéennes: YeRu («ville», «demeure» et ShLM, qui a donné les mots salaam en arabe et shalom en hébreu (1)

 

«Pour les Juifs, depuis plus de 2 500 ans, car Jérusalem est considérée à la fois comme un lieu important, c’est la capitale du roi David. Par les chrétiens, depuis le Ier siècle et les récits de la vie de Jésus de Nazareth telle que décrite dans les Évangiles, depuis sa montée au Temple de Jérusalem jusqu’à sa crucifixion et sa résurrection. Ce lien entre les chrétiens et Jérusalem a également été entretenu par les Croisades successives en Terre Sainte au Moyen Âge. Jérusalem fut la capitale du Royaume latin de Jérusalem de 1099 à 1187. Par les musulmans depuis le VIIe siècle, date de l’entrée des musulmans, la tradition fait de Jérusalem le lieu d’où le Prophète de l’Islam Mahomet (Qsssl) aurait effectué son voyage nocturne, selon la sourate XVII du Coran. Le Coran décrit comment Mahomet, étant arrivé à la Mosquée la plus lointaine, monte au Ciel (al Mi`raj: l’ascension) accompagné par l’ange Gabriel. Le Dôme du rocher a été «édifié en 691 par le Calife Omar qui, comme rapporté, a visité Jérusalem accompagné de l’évêque de la ville et n’a pas voulu entrer dans l’Eglise du Saint Sépulcre pour, dit-il, que les Musulmans respectent ce lieu de prière»(1)


La politique d’expropriation

 

  Depuis 1967, les gouvernements israéliens successifs, quel que soit le parti au pouvoir, s’évertuent à transformer la physionomie de Jérusalem. L’ambition consiste à encercler les quartiers arabes par une politique d’expropriation des terrains entourant les limites municipales de 1967. Jérusalem-Est faisait 38 km² en 1967. Le «Grand Jérusalem» ne repose pas totalement sur des territoires accordés par le droit international à l’État d’Israël et la construction de la barrière de séparation impose de fait des frontières non reconnues à l’est de Jérusalem. Le statut de la ville, intégralement sous administration civile israélienne depuis la guerre des Six-Jours, est contesté. La résolution 476 et la résolution 478 du Conseil de sécurité de l’ONU sont relatives à cette décision. Elles réaffirment que «l’acquisition de territoire par la force est inadmissible», qu’il doit être mis fin à l’occupation de Jérusalem et que «les dispositions législatives et administratives prises par Israël...n’ont aucune validité en droit et constituent une violation flagrante de la convention de Genève...» (1)

 

La position de Netanyahu est pourtant connue depuis son premier mandat, elle a été réitérée en juin dernier lors d’un discours à l’université Bar-Ilan le 14 juin 2009. Le 8 décembre 2009, l’Union européenne appelle Israël à partager Jérusalem comme capitale conjointe de deux États hébreu et palestinien. Israël sait tout cela depuis plus de 60 ans, il n’en tient pas compte. Aucune protestation des gouvernements européens. Même la France, si prompte à dégainer quand il s’agit de l’Iran, est muette. Quant aux médias, il y a bien longtemps que l’on ne se fait plus d’illusion, même le journal Le Monde que l’on croyait objectif, prend fait et cause pour Israël Ainsi et à titre d’exemple, la «Une» du 13 septembre 2003 de ce journal relate les menaces proférées par le gouvernement du général Sharon à l’encontre du président de l’Autorité palestinienne. Le premier sous-titre indique: «Selon Jérusalem, le chef de l’Autorité palestinienne est un ´´obstacle absolu à la réconciliation´´». Le Monde situe donc le siège du gouvernement d’Ariel Sharon à Jérusalem.

 

La visite de Benjamin Netanyahu, écrit Nicholas Kamm aux Etats-Unis, a pris d’emblée des allures de croisade pour la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu. Avec sa lucidité coutumière, Serge Halimi décortique la mécanique complexe des rapports Israël -Etats-Unis. Il écrit: «C’est merveilleux de revenir parmi vous et de retrouver tant d’amis.» Ainsi s’exprima la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton lors de son discours devant le congrès de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le 22 mars. Même si Mme Clinton compte au nombre des amis les plus fidèles du gouvernement israélien au sein de l’administration de Barack Obama, les rapports se tendent néanmoins entre Tel-Aviv et Washington. Il n’est, en effet, pas courant que les Etats-Unis utilisent les termes «condamner», «affront», «insulte», pour qualifier une décision de leur allié (en l’occurrence l’annonce, lors de la visite en Israël du vice-président Joe Biden, de la construction de 1 600 habitations dans la partie arabe de Jérusalem). Entre les dirigeants français et israéliens, tout va très bien en revanche (...) Plus fondamentalement, l’analyse régionale des Etats-Unis ne coïncide pas avec la politique actuelle de la droite et de l’extrême droite israéliennes. «Il est vrai, a indiqué Mme Clinton, que les mesures de sécurité [israéliennes] ont réduit le nombre d’attentats suicides. [...]»(2)

«On comprend qu’une phrase de Mme Clinton ait été diversement accueillie par les militants de l’Aipac: «Si vous doutez de la détermination du président Obama, regardez ce que nous venons de réaliser en faisant passer un texte offrant à chacun une couverture médicale financièrement accessible et de qualité.» Pour eux, la situation devient d’autant plus sérieuse que le Pentagone donne à son tour des signes d’exaspération. Le 16 mars, témoignant devant la commission des affaires armées du Sénat, le général David Petraeus, commandant des forces américaines dans une région qui va de l’Egypte au Pakistan (et qui couvre donc à la fois l’Irak et l’Afghanistan), a eu ce propos qui n’est pas passé inaperçu: «La poursuite des hostilités entre Israël et quelques-uns de ses voisins met en cause notre capacité à défendre nos intérêts. [...] Le conflit [au Proche-Orient] alimente un sentiment antiaméricain lié à une perception de favoritisme des Etats-Unis envers Israël. La colère arabe née de la question palestinienne limite la puissance et la profondeur du partenariat américain avec les gouvernements et les peuples de la région, en même temps qu’elle affaiblit la légitimité des régimes arabes modérés. Al Qaîda et les groupes militants tirent parti de cette colère afin de mobiliser de nouveaux appuis. Le conflit au Proche-Orient favorise l’influence de l’Iran dans le monde arabe à travers ses clients, le Hezbollah libanais et le Hamas.»(2)

 

Dans la même semaine on apprend que le Royaume-Uni a annoncé, mardi 23 mars, l’expulsion d’un diplomate israélien par mesure de rétorsion après l’utilisation de vrais-faux passeports britanniques par un commando qui a assassiné en janvier un cadre du Hamas à Dubaï. De même prenant son courage à deux mains, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, après avoir attendu près d’un an l’autorisation d’aller à Ghaza, a condamné dimanche 21 mars à Ghaza le blocus israélien contre la bande de Ghaza, sur fond de violences meurtrières en Cisjordanie occupée. Quelle est la réponse de Netanyahu de retour en Israël après un voyage dit-on glacial aux Etats-Unis? «Nous continuerons de construire à Jérusalem.»

 

Dans le même ordre, des Israéliens lucides aspirent à la paix et qui combattent pour l’avènement d’un Etat palestinien viable. En son temps, Isaac Rabin ne faisait pas de la fixation sur Jérusalem, pour lui la «Bible n’est pas un cadastre» Même la presse israélienne surtout de gauche, tire à boulets rouges sur le Premier ministre israélien: «Deux perceptions s’entrechoquent aujourd’hui en Israël au sujet des relations sous haute tension avec l’administration Obama, créant une cacophonie nationale révélatrice de l’ampleur de la crise: celle du gouvernement d’ultras orthodoxes qui, enferré dans une langue de bois, martèle que tout va bien dans le meilleur des mondes, et celle des éditoriaux de la presse écrite qui tirent à boulets rouges sur leur Premier ministre, cheville ouvrière d’une scission sans précédent».(3)

 

Pour le gouvernement israélien, relancer la colonisation juive à Jérusalem-Est est-il plus important, à l’heure de la menace iranienne, que l’appui vital de l’allié américain? La crise qui couvait entre Israël et les Etats-Unis depuis le retour au pouvoir, le 31 mars 2009, de Benyamin Netanyahu a enfin éclaté. Barack Obama ne s’est pas privé de dénoncer l’humiliation infligée au vice-président Joe Biden lorsque Israël a annoncé la construction de 1600 nouveaux logements à Jérusalem-Est, au cours de ce qui était censé être une visite d’amitié. Refusant les excuses partielles de Netanyahu, le président des Etats-Unis exige désormais qu’il accomplisse des «actions spécifiques» pour prouver son engagement dans les relations bilatérales et dans le processus de paix. (...)Joe Biden a été humilié à Jérusalem, et l’Amérique nous a rendu la monnaie de notre pièce: une conversation téléphonique longue et orageuse entre la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et Netanyahu, une convocation de l’ambassadeur d’Israël à Washington, une condamnation par le Quartette et, enfin, lors d’interviews, une réprimande publique et sans appel adressée par Mme Clinton au Premier ministre. Pour être certain que le gouvernement israélien ne puisse attribuer la mauvaise humeur américaine à la seule Hillary Clinton, le président Obama aurait lui-même décidé de la teneur du message à délivrer.(...) Plusieurs médias américains ont interprété ces propos comme le signe que l’appui militaire de Washington à Israël n’était pas inconditionnel. (4)

 

Youssef Girard voit dans cette situation, l’ hégémonie de l’Occident. Comment résister à cet Occident qui a été tout au long de son histoire injuste? «Considéré comme l’un des pères de la sociologie, Ibn Khaldoun (1332-1406) nous fournit certaines pistes de réflexion pour comprendre cette problématique (...). Partant de l’idée que le vaincu cherche les explications de sa défaite dans la supériorité du vainqueur, et non dans ses propres faiblesses, Ibn Khaldoun postule que le premier s’efforce toujours d’imiter le second. Dans sa Mouqaddima, Ibn Khaldoun écrit: On voit toujours la perfection (réunie) dans la personne d’un vainqueur. Le vaincu adopte alors les usages du vainqueur et s’assimile à lui. (...) "Quand un peuple perd le contrôle de ses propres affaires, est réduit comme en esclavage et devient un instrument aux mains d’autrui, l’apathie (takâsul) le submerge. [...] Les vaincus s’affaiblissent et deviennent incapables de se défendre. Ils sont victimes de quiconque veut les dominer et la proie des gros appétits". (...) Pour lutter contre cette domination polymorphe, dont l’idéologie et la culture sont des points névralgiques, il est nécessaire de fonder sa résistance - moumana’a - sur des principes différents de ceux du vainqueur. (...) Dans cette perspective, seule l’autonomie du vaincu par rapport au vainqueur peut permettre son émancipation véritable. Pour cela, le vaincu doit définir son identité, indépendamment de celle du vainqueur, afin de garantir son autonomie».(5)


Un sommet pour rien

 

Centré sur la question palestinienne, le Sommet arabe de Syrte promet d’être comme de tradition, un flop. La moitié des chefs d’Etat arabes étaient absents du sommet baptisé «Sommet d’appui à la résistance d’El Qods». Dans un «discours» incohérent prononcé à l’ouverture des travaux, le colonel El Gueddafi, après avoir raconté l’histoire de Syrte pendant plus d’un quart d’heure, parlé des empereurs romains, de Hassan Ibn Nooman, de Okba, de Kahina et des Amazighs, déclare une évidence: «Le citoyen arabe attend des dirigeants arabes des actes et non pas des paroles.» Il n’a pas dit un mot sur Jérusalem, encore moins sur Israël. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a estimé pour sa part, que considérer Jérusalem comme la capitale «indivisible» de l’Etat hébreu, comme le font les Israéliens, est de la «folie». Pour sa part Mahmoud Abbas a déclaré que «toute négociation sur les frontières serait absurde si Israël fixe lui-même sur le terrain les frontières du futur Etat palestinien. L’Etat de Palestine n’aura aucun sens si Jérusalem n’est pas sa capitale. Il faut sauver Jérusalem».

 

On le voit, ce qui peut sauver les Palestiniens c’est le réveil de la conscience du monde, l’exemple de la gauche israélienne qui n’hésite pas à être à contre- courant de son gouvernement est à donner à toutes les sociétés des intellectuels arabes autoproclamés dans les capitales occidentales et qui se piquent de parler de la déclaration des droits de l’homme, évitant précautionneusement d’aborder des sujets qui compromettraient leur petite carrière, voire la possibilité de prétendre à des petites médailles. En définitive, si une solution est trouvée, elle ne serait pas due à une quelconque bravoure du Hamas- Mahmoud Abbas ayant, il y a bien longtemps, suivi l’Egypte dans une reddition sans gloire- avec ses pétards devant l’armada israélienne, ni aux rodomontades des Arabes englués dans leurs salamalecs et leurs coups de Jarnac mutuels. C’est la déclaration du général Petraeus en Afghanistan, au Congrès; elle est redoutable pour Tel-Aviv car elle suggère en effet que l’allié stratégique des Etats-Unis, Israël, complique dorénavant la tâche des militaires américains. Les Américains commencent à prendre conscience qu’Israël risque de les amener au chaos. La détermination américaine peut mettre fin à cette injustice qui dure depuis la Déclaration de Balfour.


 1.Jérusalem. Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.


2.Serge Halimi:Coup de froid entre les Etats-Unis et Israël Le Monde Diplomatique 24 03 2010

3.La presse israélienne cloue au pilori son Premier ministre site Oumma.com. 26 mars 2010

4.L’heure de vérité pour Nétanyahou Courrier 25 mars 2010


5.Youssef Girard: «Malheur aux vaincus». Le Grand soir 20 mars 2010

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique  enp-edu.dz

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 12:19

 

 

«Mon coeur est capable de toutes les formes. C’est une pâture pour les gazelles, un couvent pour les moines chrétiens, un temple pour les idoles, la Ka’ba du pèlerin, les Tables de la Loi mosaïque et le Livre du Coran. Je suis pour moi, la religion de I’amour. Quelque voie que prenne le chemin de I’amour, c’est là ma religion et ma foi.»


Ibn Arabi (1165-1240), (Turjman Al Ashwaq), (L’interprète des désirs).

 

      Ce beau témoignage d’un illustre savant religieux est là pour planter le décor sur ce qu’est réellement l’Islam. Nous allons examiner dans ce qui suit ce qu’ont en fait les hommes en terre d’Occident. Un débat récurrent qui agite le landerneau politique français, est la place de l’Islam dans l’Hexagone. Après le feuilleton à épisodes multiples du voile, inauguré par un certain François Bayrou, ministre de l’Education, voilà que le rejet de l’Islam se décline cette foi-çi sous la forme du voile intégral dit burqa. On prête à Me Badinter, dont l’affection pour l’Islam, est connue, le démarrage de cette polémique grotesque sur la burqa.

 

    Le voile était aussi une obligation dans les anciens textes sacrés du judaïsme et du christianisme. Que dit le Coran? Le devoir de mettre le voile fait unanimité des quatre écoles sunnites connues et reconnues. La ‘awra (intimité, nudité) de la femme à l’égard d’un étranger est tout son corps sauf les mains et le visage. La burqa (en pachto), est un voile islamique intégral d’origine asiatique porté par les femmes, principalement en Afghanistan, au Pakistan et en Inde. Le Niqâb n’est pas du tout obligatoire, car le visage et les mains de la femme ne sont pas une ‘Awra (nudité). Aucun verset du Coran ni texte de la sunna n’existe qui oblige le Niqâb à la femme musulmane. D’où viendrait alors ce regain de religiosité des femmes en Occident. Est-ce par ostentation? Est-ce par peur des parents ou du mari? Apparemment, c’est cette hypothèse qui a la faveur des politiques en France.

 

      Chloé Leprince nous raconte par le menu, le feuilleton de la burqa à travers les états d’âme successifs du président Sarkozy. Ecoutons-la: Au moment où le chef de l’Etat change d’avis en faveur d’une interdiction de la burqa, le Conseil d’Etat pourrait lui barrer la route. En effet, depuis que l’interdiction du voile intégral est arrivée sur la place publique, à l’été 2009, le président n’a cessé de changer de discours. En juin 2009, Barack Obama s’était vanté de «ne pas dire aux citoyens ce qu’ils peuvent porter». Le 24 mars Nicolas Sarkozy a de nouveau envisagé la possibilité d’une large interdiction. «Trop longtemps nous avons supporté les atteintes à la laïcité, à l’égalité de l’homme et de la femme, les discriminations. Ce n’est plus supportable. Le voile intégral est contraire à la dignité de la femme. La réponse, c’est l’interdiction du voile intégral.»(1)

        Ou en est-on à présent? On apprend que le Conseil d’Etat n’accepte pas la proposition du gouvernement en l’état. Le Conseil d’Etat rejette en termes prudents l’hypothèse d’une interdiction générale et absolue du port du voile intégral en France. Ce dispositif ne «pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable», assurent les sages dans l’avis qu’ils ont remis mardi 30 mars à François Fillon. (..) Après deux mois de réflexion, le Conseil d’Etat conclut que «seule la sécurité publique et l’exigence de lutte contre la fraude» fondent une interdiction juridiquement solide «mais uniquement dans des circonstances particulières en temps et en lieux». «Il est apparu au Conseil d’Etat qu’une interdiction générale et absolue du port du voile intégral en tant que tel ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable», indique le rapport, remis mardi matin au Premier ministre François Fillon.(2)

 

   C’est trop facile d’accuser la famille, le mari d’imposer la burqa. On dit que 25% de celles qui portent une burqa sont des Françaises de souche converties. On comprend très mal que ces Européennes acceptent du jour au lendemain d’être des soumises. Pourtant, Jean Daniel, que l’on a connu plus pondéré, écrit: «(...) Celles qui le portent veulent donc se soustraire au regard de tous, ce qui serait une preuve d’austérité monacale si l’on oubliait qu’elles réservent ainsi l’exclusivité de leur visage et de leur corps à l’homme dont elles acceptent d’être la propriété (...) Il ne s’agit pas d’une obligation religieuse mais d’une coutume, d’ailleurs condamnée par le grand mufti d’Egypte.» Par contre, il réfute la fine analyse de Abdennour Bidar pour qui la burqa est le symptôme d’un malaise plus profond: un désir personnel d’exister. Ensuite il s’en prend aux Afghans et aux Saoudiens: «D’où vient le désir d’imposer partout le port de toutes les formes de voile, sinon des mouvements à la fois saoudiens et afghans dont la première cible fut le gouvernement algérien, coupable d’avoir empêché l’arrivée des islamistes au pouvoir en annulant le second tour d’une consultation électorale parfaitement libre?» Il conclut en invoquant Benazir Bhutto: «(...) Mais entre la tombe itinérante de ces inconnues et le voile qui soulignait la beauté d’une Benazir Bhutto, il y a l’abîme qui sépare le secret des ténèbres et la générosité de la lumière.»(3)

 

Une signification pluridimensionnelle

 

Justement, une analyse pertinente sur la signification pluridimensionnelle de la burqa nous est donnée par le philosophe Abdennour Bidar. Ecoutons-le: «Le débat sur le port de la burqa a donné lieu, ces dernières semaines, à une multitude d’analyses, parmi lesquelles les plus pertinentes l’envisagent à l’intérieur du problème plus vaste posé par le développement d’un Islam néoconservateur qui refuse le modèle occidental, ses valeurs et son mode de vie, et dont le terrain de fermentation dans notre pays est la condition sociale et économique de discrimination faite aux populations d’origine immigrée. (...)»(4) 

 

«Face à cette affirmation d’une liberté qui se réclame de la fidélité aux principes de l’Islam, d’autres explications et critiques sont mobilisables, mais qui ne suffisent pas non plus: le fait de voir dans cet extrémisme la pathologie religieuse d’une subjectivité fragilisée par telle ou telle situation de vie ou histoire personnelle; le fait enfin de souligner que ce choix, peut-être vécu comme "volontaire et réfléchi", pourrait donc être en fait dicté par l’endoctrinement du milieu et devrait être mis sur le compte de l’ignorance religieuse. Là non plus, et bien que l’on se centre sur ces cas considérés en eux-mêmes ou pour eux-mêmes, l’explication ne satisfait pas. Car ce qui n’est toujours pas entendu, d’un point de vue psychologique et éthique, c’est le "cri" d’une subjectivité, le "je suis, j’existe" d’une conscience. Il faut en effet entendre aussi, et avant tout, la burqa comme un désir personnel d’exister. Un désir pathologiquement exprimé, peut-être, ou tout au moins effectué avec la radicalité quelque peu aveugle propre à certaines périodes de vie - le "zèle du converti", etc. (...) C’est la tenue vestimentaire de la femme "burquée" qui sert de seul refuge possible à un mal-être ressenti vis-à-vis d’un système social qui, derrière un discours et des pratiques de tolérance généralisée, dissimule contradictoirement une uniformité et une uniformisation redoutables des consciences, des attitudes, des discours».(4)

 

    « (…) En  effet, quels choix sont réellement offerts aux individus dans nos sociétés pour les aider à trouver et à développer une personnalité singulière et profonde? "Sculpte ton âme comme une statue", disait Plotin, "Deviens ce que tu es", répétait Nietzsche en écho. (...) Avec la fin des grands récits, ce sont du même coup toutes nos grandes images de l’homme qui se sont effondrées. Il y a certes des abbé Pierre et des Lula, mais ce qui est le plus souvent offert dorénavant à l’admiration publique, ce sont presque exclusivement les modèles de célébrités - acteurs, sportifs, chanteurs, vedettes des médias -, dont les atouts plastiques et physiques, ou la rémunération disproportionnée à leurs mérites, ne tiendront jamais lieu de grandeur d’âme, d’héroïsme du courage, du don de soi, ou plus généralement d’une conduite de vie remarquable. Même les hommes politiques, Barack Obama en tête, semblent avoir sacrifié l’être au paraître, à travers un art de communiquer qui consacre lui aussi la pure image. "Paraître", "faire de l’argent", être beau, consommer: comment penser que ces buts dérisoires exaltés avec un ridicule confondant par la publicité suffisent à donner du sens à nos vies?»(4)

 

     Nous sommes, il est vrai, en pleine anomie. Pour le pèlerin du XXIe siècle, croire est une relation individuelle qu’il doit se forger, en prenant ce qui l’intéresse pour son parcours initiatique, dans le supermarché du croire En ces temps de «délitement des valeurs» que l’on pensait immuables, beaucoup de certitudes ont été ébranlées. Le capital symbolique qui a été sédimenté et qui part par pans entiers sous les coups de boutoir du marché du libéralisme, fruit d’une mondialisation sans éthique. Les sociétés qualifiées il y a si longtemps de «primitives» sont en train de perdre leur identité sous la pression d’un Occident qui série, catalogue et dicte la norme. A juste titre, la mondialisation et le néolibéralisme peuvent être tenus pour responsables de cette débâcle planétaire. Dans ce monde de plus en plus incertain, l’individu éprouve le besoin d’un retour à des valeurs sûres qui lui font retrouver une identité ethnique, voire religieuse que la modernité avait réduite. Le retour du religieux et le besoin «d’âme» de l’individu, quelle que soit sa latitude sont, à bien des égards, des indicateurs de l’errance multidimensionnelle. La nouvelle religion «matérialiste» basée sur le libéralisme sauvage que d’aucuns appellent le «moneythéïsme». C’est-à-dire l’asservissement au marché, au libéralisme sauvage. Pour Pierre Bourdieu, le libéralisme est à voir comme un programme de «destruction des structures collectives» et de promotion d’un nouvel ordre fondé sur le culte de «l’individu seul mais libre». Nous vivons une époque où le plaisir est devenu une priorité, où les carrières autrefois toutes tracées se brisent sur l’écueil de la précarité. On assiste en définitive au développement de l’individualisme, la prééminence progressive de la marchandise sur toute autre considération, le règne de l’argent, l’exhibition des paraître. Partout dans le monde, on constate une fragilité du présent et une incertitude du lendemain. Voilà le monde que nous propose l’Occident. La valeur symbolique, écrit le philosophe Dany-Robert Dufour, est ainsi démantelée au profit de la simple et neutre valeur monétaire de la marchandise, de sorte que plus rien d’autre, aucune autre considération (morale, traditionnelle, transcendante...), ne puisse faire entrave à sa libre circulation.(5)

 

     Il vient que la burqa ne doit être interprétée comme une tentative de prosélytisme, comme le brandissent tous les Gaulois. Issue tragique écrit Abdennour Beddar, d’une modernité qui, annoncée comme «ère de l’individu», n’aura pas su donner à ce dernier de possibilités suffisantes de découvrir et d’exploiter les profondeurs de son moi, mais l’aura réduit à vivre presque exclusivement à la superficie de lui-même, c’est-à-dire, comme le déplorait déjà Tocqueville, dans le culte puéril de «vulgaires et petits plaisirs dont il remplit son âme (...) La burqa exprime quelque chose comme le refoulé de la psychologie collective: le refus d’afficher la moindre image de soi, refus qui correspondrait à la réponse de l’inconscient au règne totalitaire de l’image. (...) A cet égard, la burqa demanderait à être interprétée au-delà de ses significations habituellement invoquées, comme l’expression de l’une de ces rébellions vestimentairement exprimées de l’individualité contemporaine contre le sort d’uniformité et de pure apparence qui lui est fait! Rébellion qu’expriment consciemment ces femmes qui revendiquent haut et fort de faire un choix contre le "système ambiant". (...) L’identité totalement cachée derrière la burqa, c’est l’identité profonde du moi moderne devenu introuvable derrière la profusion de ses images et de ses superficies étalées dans le vide laissé par l’absence de tout grand projet d’existence».(4)

 

    On ne peut pas ne pas citer une autre dimension qui est celle du contentieux islamo-occidental. Barbarie, fatalisme, archaïsme, terrorisme. Autour de quelques idées fortes en «isme», la représentation occidentale des musulmans semble figée à travers les temps. La responsabilité sarrasine est évoquée par la chanson de Roland, de l’expression «gentem perfidam sarracenorum» (la nation perfide des Sarrasins), utilisée dans la première moitié du VIIIe siècle en Occident à l’étiquette «les arabes, peuple brigand» écrit par Montesquieu dans De l’esprit des lois. Plusieurs siècles après, ce discours n’a pas pris un pli. Le sarrasin est remplacé par le terroriste.(5)

 

   Mahmoud Senadji parlant de cette lutte sourde de la République [d’essence chrétienne] avec l’Islam écrit: «Il est tout à fait inapproprié de considérer le "problème" de la burqa comme une simple manoeuvre politicienne liée à des circonstances électorales pour un gouvernement dont l’assise philosophique est la revivification de la "République du nous", centrée sur ses fondements christiano-laïques. (...) Une "République du nous" si bien personnifiée par les propos d’une représentante de l’UMP lors de l’université d’été, le 5 septembre 2009, au sujet d’un Français issu de l’immigration: "Amine mange du cochon et boit de l’alcool." Traduisons: Amine est "comme" nous. La messe est dite. La scène tragique est là». (6)



La «Vérité» de la République

 

« (...) La République comme citadelle métaphysique est une oeuvre parfaite: soit l’assimilation, soit l’exclusion. (...) L’autonomie de la société qu’est la sécularisation ne peut tolérer la présence visible de la verticalité dans l’horizontalité sociale. (...) La «République du nous» n’admet que le semblable. Elle voit dans ses minorités visibles la menace du communautarisme. (...) Là où la burqa parle de liberté, de dévouement et d’une vie quotidienne «dans laquelle chaque instant est dédié à Allah»; la République parle d’asservissement et d’oppression. Depuis septembre 2001, l’esprit gréco-chrétien et mondialatinisateur déchaîné, a trouvé dans l’Islam la nouvelle maladie planétaire. Le foulard islamique, le voile, les minarets, la burqa, les dessins sur le Prophète (Qsssl) ne sont que la traduction d’une thèse ancrée dans l’esprit des tenants d’un républicanisme intransigeant: l’incompatibilité de l’Islam avec la République. L’Islam est sommé pour accéder à la modernité et devenir citoyen de la République, d’opérer sa conversion, de s’arracher au dogme, de faire de l’Islam une culture et non une foi (...) La République, dans sa position de détenir la Vérité, demande aux musulmans de lire le Coran avec les yeux de Voltaire.(6)

 

Tout est dit, par touches successives, l’Islam perd son âme et en Occident on refuse de comprendre que l’on peut respecter et défendre la République tout en étant musulman qui, bien comprise, est une richesse pour le vivre ensemble. Sale temps pour les musulmans en Europe.


1.Chloé Leprince: Pourquoi Sarkozy se prend les pieds dans le tapis, Rue89 |27/03/2010

2.Le Conseil d’Etat rejette l’interdiction générale du voile intégral. Le Monde 30.03.10

3.Jean Daniel: De quoi la burqa est-elle le nom? NouvelObs. 28 Janvier 2010

4.Abdennour Bidar: La burqa, symptôme d’un malaise, Le Monde 23.01.10

5.Chems E. Chitour: L’Occident et la désymbolisation du monde Mille babords 23/12/2006

6.Mahmoud Senadji: «De quoi la Burqa est-elle le nom»? Oumma.com 1er mars 2010

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique  enp-edu.dz

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 12:15

«Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils remplissent leur âme. Chacun d’eux retiré à l’écart est comme étranger à la destinée de tous les autres; ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine...»

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique

 

         Ces lignes écrites il y a plus de 150 ans par Tocqueville n’ont pas pris une ride; à croire que le capitalisme n’a pas dégénéré au fil du temps et qu’il est originellement contre la valeur humaine. Je voudrai m’interroger sur ce qu’il me semble important de décrire comme dérives dues, en tout état de cause, à l’insatiété des hommes qui font tout pour s’enrichir quel qu’en soit le prix matériel ou moral. Parmi les indicateurs de l’intolérable injustice alimentaire, on ne peut pas ne pas citer la mainmise des multinationales sur le marché de la faim.

 

      Comme l’écrit si justement la journaliste et sociologue Esther Vivas: « Le modèle alimentaire actuel, tout au long de sa chaîne du producteur au consommateur, est soumis à une forte concentration, monopolisé par une série de corporations agroalimentaires transnationales qui font passer leurs intérêts économiques avant le bien public et la communauté. Le système alimentaire ne correspond plus aujourd’hui aux besoins des individus ni à la production durable basée sur le respect de l’environnement. C’est un système dont l’ensemble du processus est enraciné dans la logique capitaliste - la recherche du profit maximum, l’optimisation des coûts et l’exploitation de la force de travail. Les biens communs comme l’eau, les semences, la terre, qui depuis des siècles appartenaient aux communautés, ont été privatisés, spoliés des mains du peuple et transformés en une monnaie d’échange à la merci du plus offrant...Face à ce scénario, les gouvernements et les institutions internationales se sont ralliés aux desseins des sociétés transnationales et sont devenus les complices, d’un système alimentaire productiviste, non durable et privatisé. (...) » (1)

 

        Abordant la famine récurrente, elle poursuit: «La crise alimentaire qui est apparue tout au long des années 2007 et 2008, avec une forte augmentation du prix des aliments de base, met en évidence la vulnérabilité extrême du modèle agricole et alimentaire actuel. Selon la FAO, cette crise alimentaire a réduit à la famine 925 millions de personnes.... (...)Compte tenu de ces données, il n’est pas surprenant qu’une vague d’émeutes de la faim ait traversé le Sud, car ce sont précisément les produits dont les pauvres se nourrissent, qui ont connu la hausse la plus importante. (...) Le problème aujourd’hui ce n’est pas le manque de nourriture, mais l’impossibilité de l’obtenir. En fait, la production mondiale de céréales a triplé depuis les années 1960, alors que la population mondiale a seulement doublé.»(1)



D’une crise, l’autre...

 

      Cette augmentation est-elle due à d’autres facteurs? «Il est vrai, poursuit Esther Vivas, que des causes conjoncturelles permettent d’expliquer en partie l’augmentation spectaculaire des prix au cours des dernières années: la sécheresse et d’autres phénomènes météorologiques, liés au changement climatique, ont touché les pays producteurs comme la Chine, le Bangladesh, l’Australie (...) L’augmentation du prix du pétrole, qui a doublé au cours des années 2007 et 2008, a provoqué une flambée du prix des engrais et des transports. Elle a aussi eu pour conséquence des investissements accrus dans la production des combustibles alternatifs d’origine végétale. Les biocarburants ont affamé les pauvres. En 2007, aux Etats-Unis, 20% de la récolte des céréales ont été employés pour produire de l’éthanol (1)

 

         Cependant la cause fondamentale est la spéculation, ce cancer financier des temps modernes. «Aujourd’hui, on estime qu’une part significative des investissements financiers dans le secteur agricole est de nature spéculative. Selon les chiffres les plus conservateurs, il s’agirait de 55% du total de ces investissements. (...) Les pays du Sud, qui étaient autosuffisants et même disposaient d’un excédent de produits agricoles d’une valeur de un milliard de dollars il y a une quarantaine d’années, sont devenus aujourd’hui totalement dépendants du marché mondial et importent en moyenne pour onze milliards de dollars de nourriture.(...)»(1)

 

      Abordant l’autre dimension crisique, Esther Vivas écrit: «Le capitalisme a démontré son incapacité de satisfaire les besoins fondamentaux de la majorité de la population mondiale (un accès à la nourriture, un logement digne, des services publics d’éducation et de santé de bonne qualité) tout comme son incompatibilité absolue avec la préservation de l’écosystème (perte croissante de la biodiversité, changement climatique en cours). Au cours des années 2007-2008 éclata la crise financière internationale la plus importante depuis 1929. La crise des hypothèques "subprimes", à la mi-2007, fut un des éléments déclencheurs, qui a conduit à l’effondrement historique des marchés boursiers du monde entier, à de nombreuses faillites financières, à l’intervention constante des banques centrales, des opérations de sauvetage.»(1)

 

        Nous voilà donc confortés dans ce que nous subodorions. Les multinationales, par leur politique sans état d’âme, ont fait main basse et l’agrobusiness a de beaux jours devant lui. Le secret des Puissances de l’Argent l’est de moins en moins. Beaucoup savent maintenant que les crises économiques mondiales ne sont pas des «tempêtes parfaites» sur lesquelles nous ne pouvons rien, mais plutôt des opérations économiques d’envergure calculées et exécutées par quelques puissantes banques qui vont jusqu’à menacer des États de faillite totale pour arriver à leurs fins. Le journaliste Matt Taibbi décrit la banque Goldman Sachs, il débute son texte comme suit: «La première chose que vous devez savoir de Goldman Sachs, c’est qu’elle est partout. La banque d’investissements la plus puissante au monde est une gigantesque pieuvre vampire qui enfonce sans cesse son syphon sanguinaire dans tout ce qui a l’odeur de l’argent. Certains cerveaux chez Goldman Sachs ont conçu et exécuté toutes les crises financières depuis les années 20. Elle a de plus, toujours utilisé à peu près le même procédé: elle se place d’abord au centre d’une bulle financière en émettant des produits financiers sophistiqués conçus dès le départ pour faillir. Ensuite, elle s’arrange pour que la petite et la moyenne classe (les gens ordinaires et les PME par exemple) investissent dans ces produits condamnés d’avance Puis c’est encore la "Big banque" qui finit le travail en pétant la bulle elle-même, faisant disparaître du coup un tas de petites banques. Une fois que tout le monde est appauvri et que l’économie est à l’agonie, la Big banque arrive en triomphe, nous offre de sauver l’économie et nous prête à haut taux d’intérêts l’argent qu’elle vient juste de nous siphonner. Et le processus recommence...»(2)

 

      Il vient que l’économie américaine continue à gouverner le monde, peut-être pas pour longtemps. On sent un frémissement; de plus en plus de pays remettent en cause cette suprématie qui repose sur du vent. Certes, écrit Jochen Scholz, l’économie américaine est encore la plus importante du monde, mais elle est fragile car elle a perdu sa base industrielle au profit de la création de valeur dans le domaine financier. Cela a été rendu possible grâce au système mondial reposant sur le dollar, qui a permis aux Etats-Unis d’avoir une dette toujours plus élevée envers le reste du monde, de délocaliser sa production à l’étranger et d’encourager une consommation fondée sur l’endettement. A la fin de 2008, la dette américaine représentait 70% du produit intérieur brut. La revendication du leadership formulée en 1948 a été pour la première fois remise en cause dans les années 1970 par la Cnuded avec l’initiative «New International Economic Order» Son objectif était la dissolution du système de Bretton Woods. (3)  Souvenons-nous: le président Boumediene portant la parole du Tiers-Monde aux Nations Unis  a plaidé en 1974 pour un ordre international plus juste.

 

      Malgré les appels de plusieurs pays pour un changement de paradigme pour une architecture du système financier international , même de la part des pays capitalistes comme la France, le système de Bretton Woods semble avoir de beaux jours devant lui  Cela n’empêche pas les nations des PVD  notamment les pays émergents  de réclamer  aux Etats-Unis de nouvelles règles.  « La Chine, écrit Jochen Scholz, principal créancier des Etats-Unis, n’éprouve guère l’envie d’ajouter au bilan de sa banque centrale des obligations américaines sans valeur et réfléchit avec les Etats Bric et d’autres partenaires asiatiques à des alternatives au dollar(...) Les 6 Etats de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les Etats Bric ont l’intention de réaliser leurs transactions dans leurs propres monnaies. Le monde extérieur aux 950 millions d’habitants de l’«Occident» s’est réveillé. Il n’accepte plus une division durable de l’économie mondiale entre riches et pauvres, entre profiteurs et mendiants, (...). La Chine demande une monnaie de référence mondiale qui ne soit contrôlée par aucun Etat particulier. (3)

 

         Une autre crise que les pays industrialisés et, notamment les climato-sceptiques tentent de minimiser en démonétisant le Giec qui a eu à se tromper sur certaines de ses conclusions et qui a abouti comme on le sait, à l’échec de Copenhague où les pays riches n’ont rien voulu céder. En d’autres termes, les pays industrialisés ont externalisé une partie de leurs émissions dans les pays émergents, et plus particulièrement la Chine. Il faut rendre à César le carbone qui est à César. La Chine est de loin le principal importateur d’émissions de CO2. 23% des émissions des produits de consommation des pays développés sont exportés vers les pays en voie de développement. A la crise énergétique en raison de la dépendance des combustibles fossiles, fera suite une crise de la biodiversité, avec la disparition d’espèces animales et végétales qui pourrait conduire à la «sixième grande extinction»(4)



La crise de «civilisation»

 

Cette dernière crise est à la fois ancienne et actuelle, elle structure l’imaginaire des pays occidentaux, elle plonge ses racines dans l’arrogance de l’Occident mâtiné de christianisme au départ pour les besoins de sa cause et qui ensuite s’est découvert un sacerdoce dans le money théisme. Tout au long de l’aventure du capitalisme, des vies ont été broyées au nom de l’intérêt, des guerres ont été faites, un colonialisme le plus abject a été imposé aux nations fragiles par les patries des droits de l’homme européen. Pour Jean Ziegler, «les peuples du tiers-monde ont bien raison de haïr l’Occident.(...) Par le fer et le feu, ils ont colonisé et exterminé les peuples qui vivaient sur les terres de leurs ancêtres en Afrique, en Australie, en Inde...Le temps a coulé depuis, mais les peuples, se souviennent des humiliations, des horreurs subies dans le passé. Ils ont décidé de demander des comptes à l’Occident». Même les droits de l’homme - un héritage du siècle des Lumières - participent du complot. Alors qu’ils devraient être «l’armature de la communauté internationale» et le «langage commun de l’humanité», ils sont instrumentalisés par les Occidentaux au gré de leurs intérêts(5) 

 

     Une analyse pertinente du déclin de l’Occident pour avoir failli à son magistère moral nous est donnée par l’ambassadeur singapourien Kishore Mahbubani. Dans cet essai magistral, il analyse le déclin occidental: recul démographique, récession économique, et perte de ses propres valeurs. Il observe les signes d’un basculement du centre du monde de l’Occident vers l’Orient. Il cite l’historien britannique Victor Kiernan et son ouvrageThe Lords of Humankind, Europe an Attitudes to the Outside World in the Imperial Age.. Kiernan brossait le portrait de l’arrogance et du fanatisme traversés par un rayon de lumière exceptionnel. La plupart du temps, cependant, les colonialistes étaient des gens médiocres mais en raison de leur position et, surtout, de leur couleur de peau, ils étaient en mesure de se comporter comme les maîtres de la création. En fait, [l’attitude colonialiste] reste très vive en ce début de XXIe siècle.(...) Le complexe de supériorité subsiste. «Cette tendance européenne à regarder de haut, à mépriser les cultures et les sociétés non européennes, a des racines profondes dans le psychisme européen.»(6)

 

    La dichotomie «The West and the Rest» (l’Ouest et le reste du monde), voire la perspective conflictuelle résumée par la formule «The West against the Rest» (l’Ouest contre le reste du monde) semble être étayée par le mythe de la guerre contre Al Qaîda. Il n’est pas étonnant dans ces conditions de voir perdurer des situations dantesques s’agissant de l’arrogance des riches en face de la détresse des pauvres. Santiago Alba Rico en donne un exemple récent, il s’agit du luxe d’une croisière qui jette l’ancre à... Haïti au moment du tremblement de terre. «Vers dix heures du matin, le 19 janvier dernier, le Liberty of the Seas, un des yachts les plus luxueux du monde, débarqua ses passagers dans le port idyllique de Labedee. Accueillis au son d’une musique folklorique enchanteresse, avec des rafraichissements... Ce rêve matérialisé, ce retour civilisé au Jardin d’Éden biblique, était cependant attenant à un autre monde d’innocence perdue et de barbarie antédiluvienne. Une mince cloison, une transparence dure et infranchissable le séparait de cet autre monde. Et c’est qu’en effet, de l’autre côté du mur de trois mètres de hauteur, hérissé de fils de fer barbelés et gardé par des vigiles armés, on n’était pas le 19 janvier, mais le 12, il n’était pas dix heures du matin, mais cinq heures de l’après-midi, on n’était pas à Labedee, mais à Haïti et la terre tremblait, les maisons s’écroulaient, les enfants pleuraient et des milliers de survivants fouillaient les décombres pour y rechercher des cadavres et un peu de nourriture. » (7)   

 

«  (…) De quel droit survivons-nous aux morts? Du droit que nous donne la certitude inexorable de notre propre mort. (...) De quel droit les États-uniens rient-ils à des funérailles à Haïti? (...) Eh bien, la mondialisation capitaliste consiste - du point de vue anthropologique - en ce que les classes moyennes de l’Occident, à travers le tourisme et la télévision, aillent rire à gorge déployée, et boire et danser...» (7)

 

           Alba Rico conclut d’une façon pertinente: «Nous sommes là parce que nous sommes plus riches et plus puissants et cela vaut également pour les bons sentiments; mais si nous sommes, en plus, impolis et grossiers, si nous rions à leurs funérailles, c’est parce que nous sommes convaincus que, contrairement aux Haïtiens et aux Indonésiens, nous n’allons pas mourir. (...) La grossièreté, l’irrespect, la mauvaise éducation sont presque devenus des impératifs moraux. Cela peut-il nous étonner que lorsqu’il s’agit de "sauver le monde" l’Occident s’empresse d’envoyer des marines et des touristes?» (7)  

 

Alexis  de Tocqueville  avait en son temps mesuré l’étendue de la toile invisible tissée par le capitalisme qui broie les individus Ecoutons le : « (…) Quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie. Au-dessus de ceux-la s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. (…) Que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre? » (8)

 

    Aragon en son temps écrivait devant l’anomie du monde : «Est-ce ainsi que les Hommes vivent?» Son inquiétude restera sans réponse.



1.Esther Vivas http://esthervivas.wordpress.com/ Inprecor, n. 556-557, janvier 2010: http://www.legrandsoir.info/Les-contradictions-du-systeme-alimentaire-mondial.html


2.Matt Taibbi: Vers une autre crise économique signée Goldman Sachs http://infodesderniershumains.blogspot.com/ mardi 9 mars 2010

 

3.Jochen Scholz. http://www.horizons-et-debats.ch 19 Mars 2010
4.Grégoire Macqueron, Futura-Sciences
http://m.futura-sciences.com/12 mars 2010

 

5.Jean Ziegler: La haine de l’Occident. Albin Michel. 2008


6.Kishore Mahbubani: The Irresistible Shift of Global Power to the East. 2008

 

7.S.Alba Rico http://www.legrandsoir.info/De-quel-droit-survivons-nous-aux-morts.html6

 

8. Alexis de Tocqueville: De la démocratie aux Amérique.

 

Professeur Chems Eddine Chitour

 

Ecole Polytechnique enp-edu.dz



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