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5 novembre 2009 4 05 /11 /novembre /2009 18:39

«Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz-de-marée constitué par les millions d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie.»


Houari Boumediene "(Discours à l’ONU 1974)"


Il est bien connu que le quatrième pouvoir, celui des médias est une force importante qui permet, en principe, dans les démocraties, de tenir le peuple informé du fonctionnement des institutions. Cette force peut, cependant, être au service d’une cause et de ce fait, s’avérer dangereuse aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre, notamment «la guerre permanente» qui consiste à diaboliser continuellement l’Autre quand il s’est agi de l’Empire soviétique : "l’Empire du Mal" pour Reagan, et les Autres quand il s’est agi des colonisés et plus tard des Arabes et de l’Islam. Joseph Pulitzer, le fondateur d’un Journalisme éthique, déclarait à juste titre : «Notre République et sa presse prendront de l’essor ou s’effondreront ensemble.» Une presse compétente, désintéressée, dévouée à la chose publique, intelligente, exercée à discerner le bien et ayant le courage de le faire, peut préserver la morale publique sans laquelle un gouvernement populaire est une imposture et une parodie. Une presse cynique, mercenaire et démagogue finira par produire une population aussi vile qu’elle-même.


Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde Diplomatique, pour sa part, pointe du doigts les grands protagonistes que sont les acteurs d’une mondialisation dimensionnée à la taille des plus riches. Ecoutons-le : «Contre les abus des pouvoirs, la presse et les médias ont été, pendant de longues décennies, dans le cadre démocratique, un recours des citoyens. En effet, les trois pouvoirs traditionnels - législatif, exécutif et judiciaire - peuvent faillir, se méprendre et commettre des erreurs. Mais, dans les pays démocratiques aussi, de graves abus peuvent être commis (ce fut le cas aux Etats-Unis, durant plus d’un siècle, à l’encontre des Afro-Américains, et cela l’est aujourd’hui contre les ressortissants des pays musulmans en vertu du "Patriot Act"). Depuis une quinzaine d’années, à mesure que s’accélérait la mondialisation libérale, ce "quatrième pouvoir" a été vidé de son sens, il a perdu peu à peu sa fonction essentielle de contre-pouvoir. Le pouvoir véritable est désormais détenu par un faisceau de groupes économiques planétaires et d’entreprises globales dont le poids dans les affaires du monde apparaît parfois plus important que celui des gouvernements et des Etats».(1)


Souvenons-nous justement, de ce matraquage des médias et plus précisément du cinéma. Cela a commencé dès les années 60 : il fallait donner une assise au niveau des médias, la légitimité de l’Israël biblique. Ce fut, on s’en souvient d’abord, les Dix commandements de Cecil B. de Mille et de la Metro Golwyn Meyer dont les producteurs et réalisateurs ont témoigné pour une lecture partiale de l’histoire Ce fut ensuite Ben Hur. Nous qui étions collégiens avons vibré à la détresse de Ben Hur, nous avons applaudi quand Moïse a sauvé son peuple... Naïfs que nous étions de nous identifier à ces héros. Avec le temps nous nous apercevons que rien n’était fait par hasard. La machine médiatique pro-sioniste était en marche.


Dans le même ordre de la doxa occidentale la traduction du racisme latent des races supérieures qui ne date pas d’hier, envahit le cinéma. Souvenons-nous, à titre d’exemple, comment Lawrence d’Arabie interprété magistralement par Peter O Toole, le racé, le civilisé, le blanc aux yeux bleus, avait une aura tandis qu’Antony Queen dans le rôle d’un chef bédouin qui avait un comportement qui frisait celui de la bête avide de rapines, de bonnes chères et de luxure et qui, naturellement, ne connaissait rien à la politique.


Dans le même ordre, le professeur Jack Shaheen (Université Sud-Illinois) analyse dans un documentaire comment Hollywood fait preuve d’imagination pour avilir l’image de l’Arabe. Le projet de société pensé et planifié par les «maîtres du monde» passe par un conditionnement sournois qui utilise l’industrie cinématographique, de longue date, comme arme de propagande. Ce documentaire, totalement inédit, passe à la loupe un des aspects les plus calomnieux de l’histoire du cinéma et que personne n’avait jamais osé contester depuis l’époque du muet jusqu’aux grandes productions hollywoodiennes d’aujourd’hui. Le film relève la longue succession d’images dégradantes qui ont été utilisées pour représenter les Arabes au cinéma. Des bandits bédouins aux jeunes filles soumises, en passant par les cheikhs sinistres et les terroristes armés, ce documentaire jette un éclairage dévastateur sur l’origine de ces portraits stéréotypés et sur leur apparition à des moments clés de l’histoire des États-Unis, démontrant du même coup les lourdes conséquences de cette représentation aujourd’hui.(2)


Jack Shaheen montre comment, au fil des ans, la persistance de ces images a fait en sorte de banaliser les préjugés entretenus à l’égard des Arabes et de la culture arabe. «Depuis des décennies, Hollywood, c’est-à-dire le cinéma et la télévision américains, avilit et déshumanise les Arabes et les musulmans. Voilà pourquoi le drame palestinien reste entier depuis 60 ans, et pourquoi le public a consenti à l’invasion de l’Irak en 2003. Les préjugés contre eux sont antérieurs aux attentats du 11 septembre, bien que ceux-ci aient contribué à les diaboliser encore davantage.» Jack Valenti, longtemps président de la Motion Picture Association of America, disait que Hollywood et Washington ont les mêmes gènes. «Sur le Moyen-Orient, Hollywood a toujours collé aux choix politiques de Washington.» «Mais s’il est si facile de tuer, de torturer, de terroriser les Arabes, c’est que 1200 films recensés par moi les présentent soit comme des monarques lubriques, soit des voleurs, des tueurs et des menteurs, soit des terroristes sans foi ni loi, et souvent sans compétence.»


Jack Shaheen s’était fait connaître dès 1984 avec un livre, The TV Arab. Il s’est illustré par son combat contre l’empire Disney après la sortie d’Aladdin en 1992. La chanson d’ouverture de ce film d’animation parlait d’un pays «où l’on vous coupe les oreilles si on n’aime pas votre face», Disney a fini par enlever la chanson de la version DVD. Jack Shaheen reste optimiste malgré tout. On a déconstruit les stéréotypes négatifs qu’on avait sur les peuples autochtones, sur les Noirs, sur les Japonais, sur les Allemands. On finira par abandonner nos préjugés contre les Arabes et les musulmans. En incitant le spectateur à réfléchir sur les conséquences sociales, politiques et simplement humaines de ces caricatures hollywoodiennes, ce film souhaite faire reconnaître l’urgence d’offrir un point de vue opposé qui rendrait justice à la diversité et au caractère humain du peuple arabe, tout en faisant ressortir le vrai visage et la richesse de l’histoire et de la culture arabes.(2)


Que Hollywood soit une arme de propagande massive, ce n’est pas nouveau ; Combien de westerns ont décrit les Amérindiens comme des êtres vils, impitoyables, tueurs et sans morale de gentils pionniers blancs, aucun doute la dessus, et aucun doute sur le fait que «l’Arabe» c’est le nouvel Indien. L’écrivain Alain Soral expliquait, lors d’une émission pourquoi le peuple américain était si profondément pro-israélien, et ressentait si peu de compassion pour les souffrances du peuple palestinien. Des colons fanatisés, des terres confisquées, des peuplades affamées et assoiffées, c’est le nouveau Far West...le Palestinien est juste le nouvel Amérindien avec un keffieh : à éliminer, comme dans les bons vieux westerns de John Wayne ! Il n’est pas étonnant d’entendre des jeunes dire : «Je suis arabe et quand je regarde les films américains où il y a des Arabes, je me déteste !!!»


Comme d’habitude, des acteurs pro-Israël font leur cinéma d’horreur, mais inexorablement la vérité finit par jaillir Le terrible massacre auquel s’est livré l’Etat sioniste contre la population de Ghaza [ lors du dernier épisode de janvier 2009] a fait réagir même les stars de Hollywood...Ils soutiennent de manière abjecte le massacre et appellent même à l’extermination des Arabes. Tom Cruise ravit la palme du déshonneur. En effet, le play-boy de Hollywood considère, ni plus ni moins, que les Arabes «sont la source du terrorisme et n’épargnent personne». Il souhaite, sauvagement, qu’Israël «les extermine tous». Richard Gere soutient que les Arabes «sont un fardeau pour le monde». Que propose-t-il? A l’image de ses compères, il décrète «qu’il faut les exterminer !». Harrison Ford ne fait pas exception à cette faune d’acteurs au verbe terrifiant. Pour lui, «les Arabes sont plus vils que les animaux», a-t-il affirmé toute honte bue. Et de fanfaronner que «nous les juifs sommes le peuple élu de Dieu». De même on apprendra que Steven Spielberg (auteur de Jurassic Park) soutient les crimes d’Israël. En août 2006, il a créé la Fondation des Justes et va donner un million de dollars pour soutenir Israël. Heureusement que ces propos partiaux ne sont pas partagés par le Tout-Hollywood. Loin s’en faut. L’élégant Mel Gibson, qui passe pour être la bête noire des juifs et des sionistes, avec son film sur Jésus, déclare : «Les Sionistes sont la source de la destruction. Je souhaite les combattre.» L’inégalable Al Pacino a liquidé Israël par cette petite phrase : «Si tu vois l’histoire d’Israël, tu sauras qui est terroriste !», assène-t-il, sec. Dustin Hoffmann, quant à lui, a prononcé une sentence sans appel contre Israël. «L’humanité a cessé d’exister à la naissance d’Israël», devait-il lâcher. George Clooney, qui n’a jamais caché son aversion pour Bush, et qui a bruyamment soutenu Obama, estime que «Bush, Sharon, Blair et Rice sont des noms que l’histoire maudira».(3)


Patrick Mougenet nous explique comment à travers les «actualités», la propagande pour valoriser la colonisation est mise en exergue. Dans un documentaire produit par Arte en 2001, Les trois couleurs de l’Empire, le projet colonial de la France en Afrique aux XIXe et XXe siècle est décrypté sans concession. Le mythe du soldat laboureur et l’oeuvre coloniale une image(rie) positive qui se fonde sur la comparaison entre un passé obscur d’une Afrique sans progrès et sans technologie, où «les tribus, hostiles les unes aux autres» vivant sur des «terres jadis infestées» traînent «une existence misérable» et un présent annonciateur d’un avenir radieux symbolisé par autant de «routes» de «ponts», de tramways, de bâtiments administratifs, d’écoles, ou de charrues et de tracteurs qui font désormais de ces terres des plaines «florissantes»(5)


Les réalisateurs du documentaire d’Arte ont confronté ensuite ces extraits aux images d’archives privées, au texte lu de Tocqueville, tiré de ses Ecrits politiques de 1837, affirme que «nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, beaucoup plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle ne l’était avant de nous connaître». S’agissant de la «mission civilisatrice», on pourra faire observer que l’éducation est le fer de lance du «devoir» du civilisateur français (J. Ferry). Du début à la fin du documentaire, les enfants sont présents. On peut simplement rappeler qu’en Algérie 4,5% des enfants «indigènes» sont scolarisés dans le primaire en 1914, 8,8% en 1944. La situation de l’Afrique Noire française n’est guère plus enviable : 10-12% en...1955. (4)

 

Enfin, le postulat de l’infériorité indigène et de la supériorité occidentale «race supérieure» et «race inférieure» se base sur une donnée prétendument naturelle et scientifique...et que la violence est le fait de l’Autre. Le documentaire rappelle que de 1877 à 1930 ce sont autant de «zoos humains», de «villages nègres», d’«expositions ethnologiques» qui s’offrent alors - derrière des grilles ! - à un public métropolitain avide de curiosité et de distraction...Ces «spectacles» véhiculent des stéréotypes racistes et imprègnent durablement l’imaginaire des Occidentaux. Des stéréotypes physiques dévalorisants. Couleur noire sans nuance, épaisseur des traits, nez épaté, bouche lippue, yeux exorbités...sans cesse opposés aux traits raffinés du Blanc. De plus, la supériorité intellectuelle est mise en perspective, on remarque que dans les situations de dialogue entre un Occidental et un Maghrébin ou un Noir, la hiérarchie est filmée dans le but d’imposer l’image du savoir blanc face à l’ignorance africaine (doigt directif / Blanc surélevé / plongée et contre-plongée / celui qui explique et celui qui hoche la tête...). Enfin, la supériorité technologique. Dans les documentaires propagandes on peut remarquer que chaque fois que le chemin de fer et les routes-tous deux éléments essentiels de la propagande, développée par les gouvernements français - sont à l’image, la prise de vue favorise d’une part, les droites exagérées, donnant un aspect de gigantisme, privilégiant les lignes de fuite, et d’autre part, fait apparaître l’Européen à proximité. Il s’en trouve défini comme le propriétaire et le seul capable de maîtriser la technologie.(4)


Probablement, on s’est éloigné un peu de l’image d’un universalisme qui, malgré la violence politique du XXe siècle, avait réussi à trouver sa traduction politique. La chute du mur de Berlin a substitué cet universalisme par quelque chose de plus dangereux et de plus grave : une vision communautaire du monde, ce qui a été appelé «l’ethnicisation des rapports sociaux». D’une certaine manière, écrit Pascal Blanchard : «La frontière tracée entre le visité et le visiteur par les zoos humains fonctionne toujours. Il y a Eux et Nous. (...) On peut se demander si le spectacle n’a tout simplement pas quitté le zoo pour mieux entrer dans nos maisons, via la télévision...Il y aurait toujours nous (l’Occident) et eux (l’ailleurs), la "civilisation" d’un côté et la "barbarie" de l’autre».(3)


1.Ignacio Ramonet : Le cinquième pouvoir. Le Monde Diplomatique Octobre 2003


2.Jack Shaheen : Comment Hollywood villifie l’image des Arabes http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4273 30 octobre 2009


3.La guerre contre Ghaza vue d’Hollywood http://www.algerie-dz.com/forums/archive/index.php/t-45407.html


4.Patrick Mougenet. La colonisation démystifiée- lundi 27 janvier 2003


Pr Chems Eddine CHITOUR


Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

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1 novembre 2009 7 01 /11 /novembre /2009 11:20

«La révolution se fera même avec les singes de la Chiffa»

Mohamed Boudiaf

 

 

 

            «A vous qui êtes appelés à nous juger»: c’est par ces mots que de jeunes Algériens harassés par la misère et la poigne de fer du pouvoir colonial prirent conscience que tous les moyens pacifiques de revendication des droits à la dignité humaine ayant été épuisés et devant, notamment les atermoiements des politiques qui voulaient jouer la carte politique des négociations, prirent une décision historique, mémorable, celle de se battre contre une armée qui avait l’artillerie et l’aviation de l’Otan à sa disposition. Comment et pourquoi la Révolution a embrasé l’Algérie. Deux faits résument l’état de délabrement physique et psychique de la société algérienne disloquée par 130 ans de racisme. Faut-il évoquer comme le rapporte le Journal de la Révolution El Moudjahid, ces officiers bourgeois qui se faisaient transporter à dos d’homme par des «portefaix professionnels» à un bal du duc d’Orléans, et portant l’inscription infamante «Arabe soumis» que, par ordre de Bugeaud, des Algériens étaient tenus d’afficher sur leurs vêtements. Ces faits se passaient quarante ans à peine après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en France.

 

            Une phrase de Jean Daniel résume admirablement cette époque de déni des droits les plus élémentaires: «(...) Lorsqu’on voit ce que l’occupation allemande a fait comme ravage en quatre ans dans l’esprit français, on peut deviner ce que l’occupation française a pu faire en cent trente ans,[en Algérie Ndlr].»(1) Dans cette atmosphère délétère où les choses paraissaient immuables et que l’impasse imposée par l’ordre colonial semblait durer mille ans, quelques hommes eurent le mérite de faire table rase de leur appartenance politique, ethnique ou sociale pour ne plus penser qu’à une seule chose: comment libérer le pays de l’oppression par la voie des armes, seul langage que comprenait le pouvoir colonial? Ce fut la «mémorable réunion des 22». Pour l’histoire le texte de cet Appel a été imprimé dans la nuit du 26 au 27 octobre 1954, sous la supervision du maquisard Ali Zamoum, à Ighil Imoula, un village de Kabylie. Au-delà de la modestie des quarante actions déclenchées le 1er novembre à partir de 0 heure, l’impact psychologique a été extraordinaire et pour la première fois les autorités ont compris la nature du conflit et ont eu la conviction que cette fois-ci les Indigènes n’allaient plus s’arrêter.

 

Le sens d’une action

              Justement, si on examine avec minutie l’Appel du Premier novembre, on s’aperçoit qu’il fut le détonateur d’une révolte portée par tout un peuple. «(...) Notre souci, en diffusant la présente proclamation, est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l’indépendance nationale. Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l’impérialisme et ses agents administratifs et autres politicailleurs véreux.» Par ces phrases, les combattants se soumettaient au jugement de l’histoire, annonçaient, ainsi, à la face du monde leur volonté de combattre le fait colonial: sans moyens, avec une immense conviction sur la légitimité du combat, ils mirent en oeuvre une Révolution qui devait servir de modèle à bien des mouvements de libération de par le monde. Le 1er Novembre 1954 est, à juste titre, le dernier épisode symbolique du combat incessant du peuple algérien pendant plus de 25 siècles. «L’heure est grave! lit-on dans l’Appel (...) Nous tenons à cet effet à préciser que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir. Plaçant l’intérêt national au-dessus de toutes les considérations mesquines et erronées de personnes et prestige, conformément aux principes révolutionnaires, notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi et aveugle, qui s’est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifique. Ce sont là, nous pensons, des raisons suffisantes qui font que notre mouvement de rénovation se présente sous l’étiquette de Front de libération nationale, se dégageant ainsi de toutes les compromissions possibles et offrant la possibilité à tous les patriotes algériens de toutes les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement algériens, de s’intégrer dans la lutte de Libération sans aucune autre considération. Pour préciser, nous retraçons ci-après, les grandes lignes de notre programme politique: l’Indépendance nationale par: la restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques. Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions.»

 

       Que reste-t-il du FLN fondateur? Nul doute qu’il a rempli avec gloire et honneur sa mission historique. Cependant, il est clair que l’on n’engage pas un peuple dans une telle révolution sans tenir la promesse fondamentale pour laquelle il s’est précisément engagé sans réserve aucune: à savoir, combien de jeunes connaissent ce texte fondateur? Combien connaissent les grandes dates de l’histoire, trois fois millénaire, de leur pays? A bien des égards, vu le combat titanesque de ces pionniers qui ont fait démarrer l’Algérie à l’Indépendance, nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. A l’Indépendance, nous étions tout feu tout flamme et nous tirions notre légitimité internationale de l’aura de la glorieuse Révolution de Novembre. La flamme de la Révolution s’est refroidie en rites sans conviction pour donner l’illusion de la continuité.(2)


          Les combats d’arrière-garde de la culpabilisation ad vitam aeternam de l’ancienne puissance coloniale ne sont qu’un rideau de fumée qui cache une méconnaissance des enjeux du monde actuel. Quand le secrétaire général du Front de libération nationale postindépendance estime le jeudi 29 octobre que l’exigence de l’Algérie de la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux en Algérie était «légitime, historique, morale et politique». Que «les Algériens sont en droit d’exiger cette reconnaissance car il s’agit également de notre droit à la mémoire collective». Que «Nous continuerons ainsi que nos enfants et petits- enfants d’exiger cette reconnaissance», il prend assurément ses désirs pour des réalités. 

 

      L’Algérie de 2009, qu’est ce que c’est? Un pays qui se cherche, qui n’a pas divorcé avec ses démons du régionalisme, du népotisme? qui peine à se déployer, qui prend du retard, qui vit sur une rente immorale car elle n’ est pas celle de l’effort, de la sueur, de la créativité? C’est tout cela en même temps! Le pays s’enfonce inexorablement dans une espèce de farniente trompeur tant que le baril couvre notre gabegie-. Après, ce sera le chaos. Le sociologue Lahouari Addi écrit: «L’Algérie est-elle une société ou une juxtaposition d’espaces domestiques en concurrence pour les biens de subsistance? L’exacerbation des antagonismes entre les intérêts privés impose la formation d’un espace public où l’individu n’est pas un moyen mais une fin. Dans l’économie rentière, ce qui est consommé par une famille est retiré à une autre, selon le modèle du jeu à somme nulle (Il n’y a pas de création de richesse, Ndlr). C’est ce qui explique la corruption à tous les niveaux de l’Etat...Dépendantes de l’Etat, à travers les prix des biens alimentaires importés, les couches sociales pauvres se mettent à rêver d’un Prince juste qui limitera les libertés pour donner équitablement à chacun sa part. La popularité des islamistes a trouvé son origine dans cette structure distributive des richesses financées par la rente énergétique et exprime, par ailleurs, le niveau de dépendance de la société par rapport à l’Etat.»(3)

 

            «Il est vrai,poursuit  Lahouari Addi, que l’objectivité historique est difficile à atteindre lorsque l’on touche aux références fondatrices d’une nation. Mais la grande différence avec l’Algérie réside dans l’existence d’une recherche universitaire indépendante...Il ne s’agit pas d’une entreprise de dénigrement du combat indépendantiste, qui a une légitimité incontestable puisque la colonisation est la négation de la civilisation. Mais l’écriture de l’histoire de la guerre de Libération, telle qu’elle a été écrite en Algérie depuis 1962, est marquée par le sceau des occultations et des falsifications.»(3) Dans le même ordre le professeur Mohamed Korso a raison d’affirmer: «Il est plus facile d’accéder aux archives à Paris qu’à Alger.» Eh bien! je pense que l’histoire de la Révolution donne des frissons à certains de nos responsables.L’histoire de la Révolution fait peur. Voilà! Cela doit cesser car cela mine notre culture historique.(4)

Occultations et falsifications

 

     Pour Lahouari Addi: «Le combat pour une université digne de ce nom, productrice de savoirs, animée par des enseignants-chercheurs respectés, est un combat qui engage l’avenir. Vous luttez pour que les compétences restent au pays, parce que, dans l’ère de la mondialisation, payer un professeur 400 euros par mois, c’est inciter l’élite intellectuelle à quitter le pays. L’enseignant universitaire est devenu, en quelques années, un employé paupérisé, alors qu’ailleurs, aux USA, en Europe, au Japon, il est une autorité sociale. En Algérie, c’est à peine un petit fonctionnaire luttant pour survivre dans une société où il n’est plus un modèle pour les jeunes, dans une société où l’échelle des valeurs a été bouleversée. Si l’Université est dans la léthargie, cela voudrait dire que la société civile n’en est pas une...»(3) 

 

          Soyons clairs! Le Premier novembre est tellement galvaudé qu’il ne correspond plus à rien de stimulant pour la jeunesse qui représente la moitié de ce pays. Les valeurs défendues par le Premier novembre, quelles sont-elles? La lutte pour la liberté, la dignité, l’indépendance. Ces objectifs ne font plus vibrer la jeunesse non pas qu’ils sont passés de mode mais ils ne correspondent à rien dans la réalité et deviennent par la force des choses un rituel immuable. Comment peut-on parler de Continuité de la Révolution et du «Mach’aâl du Premier Novembre à transmettre aux jeunes si ces derniers sont tenus soigneusement à l’écart du mouvement de la nation? Ces jeunes qui fuient le pays en criant: «El Harga oula el Hogra!»

 

             Avons-nous des jeunes qui fêtent le Premier Novembre avec des réflexes de vainqueurs? Nous avons observé la communion du peuple [jeunes et moins jeunes] autour de son équipe de football. Ne pouvons-nous pas redonner à ce peuple la fierté autrement que par des démonstrations certes belles mais sans lendemain? Ces motifs de fierté font appel au travail, à la sueur, à la patience. En un mot, il faut réhabiliter l’effort autrement que par la distribution de la rente par un ministère qui contribue à la cohésion sociale par le ciment des subventions, et autre filet social au lieu de contribuer à la mise en place d’un environnement propice à la création de richesses. Chiche! Ayons pour cap d’amener la France à reconnaître ses crimes en Algérie sans invective, - autrement que par des slogans creux et sonores qui ne trompent personne et surtout pas les jeunes- par une révolution de l’intelligence.

 

          Si la Révolution de 1954 qui fut la fierté de l’Algérie et de tous les peuples qui y prirent exemple pour s’arracher à la chape de plomb coloniale, force est de constater qu’elle appartient au siècle passé. Si ses principes fondateurs ne sont pas «formatés» au temps présent, ils demeureront sans effet et on peut supplier ad nauséam la France coloniale, en vain: demander la repentance sous la forme actuelle est stérile et peut durer encore mille ans. Le nouveau langage n’est plus celui des armes mais celui de la technologie du Web2.0, des nanotechnologies, du génome, de la lutte contre le réchauffement climatique et des nouvelles sources d’énergie du futur. Toutes ambitions à notre portée si on arrive à mobiliser par l’intelligence, tous les Algériennes et les Algériens.

 

          La réussite (ou l’échec) de notre pays à construire la modernité sera évaluée sur le critère d’élaboration de la société civile. Il est vrai que l’Algérie est le pays des paradoxes: à titre d’exemple, chacun sait qu’une grève à Air Algérie se règle dans la semaine. Par contre, une grève dans le système éducatif peut durer des mois, cela n’émeut ni les autorités, ni les partis, encore moins les syndicats. Je suis tenté de dire en définitive que l’avenir de ce pays se construira à partir d’un passé admis par tous ses citoyens sans exclusive. Les multiples dimensions devraient être assumées sereinement, et chaque habitant de ce grand pays se doit de revendiquer ses multiples identités non plus à l’état de ghetto honteusement toléré mais par une acceptation sereine et assumée. Notre pays doit retrouver le chemin de la sérénité. Il doit libérer les énergies en réhabilitant les valeurs du travail, de l’effort et du mérite. Il n’y a pas d’autre issue.(5)

 

           En définitive, pour ne pas changer la «famille révolutionnaire» fera des cérémonies où nous verrons toujours les mêmes dans un rituel morne sans épaisseur. Ensuite, chacun continuera à vaquer à ce qu’il sait faire jusqu’au prochain évènement où il se montrera devant les caméras de l’Unique : la bien nommée , [la télévision nationale] qui n’a pas, loin s’en faut, épousé son temps engluée dans des combats d’arrière- garde visant à imposer une «"‘açabya" au sens d’Ibn Khaldoun» moyen-orientale et qui n’est pas celle du génie propre des Algériens. Cette Révolution de Novembre n’intéresse pas la jeunesse parce qu’elle est devenue un fonds de commerce pour tous ceux qui y trouvent leur compte, notamment «la famille révolutionnaire» dont il faudra bien, un jour, que l’on nous explique la composition, la clé de cooptation et sa réelle «valeur ajoutée».(5) 

 

          Par fidélité au 1er Novembre 1954, inventons un nouveau premier novembre mobilisateur qui puisse répondre aux défis du siècle concernant la sécurité alimentaire, le problème de l’eau des changements climatiques et par-dessus tout, le défi de l’énergie. Il est plus que temps de freiner cette hémorragie et de comprendre que notre meilleur coffre-fort est notre sous-sol. Pour faire court, la Révolution de Novembre devra être réappropriée par la jeunesse qui doit contribuer à une révolution de l’intelligence à qui on doit donner une perspective de sortie du tunnel autrement que celle de l’évasion. Une révolution de l’intelligence est certainement la solution. Imaginons que les 10 millions de jeunes du système éducatif dans son ensemble ont un cap et se mobilisent eux-mêmes autour d’une utopie, celle de la création de richesses. L’Algérie n’aura plus à supplier, elle sera véritablement une nation prospère de sa richesse culturelle scientifique et technologique. Pour cela, seul le parler-vrai permettra à l’Algérie de renouer avec ce nationalisme qui, contrairement à ce que pensent les nihilistes, n’est pas passé de mode, c’est un puissant stimulant et qui peut se décliner avec les outils du XXIe siècle.



1.Jean Daniel. Le Temps qui reste. Editions Flammarion 1972.


2.C.E.Chitour. L’Algérie: le passé revisité. Editions Casbah. Alger. 2005.


3.Lahouari Addi: La représentation du 1er Novembre 54


4. El Corso Entretien Propos recueillis par Larbi Graïne Le Jour d’Algérie 16.10.2009


5.C.E.Chitour 1.11.1954: C’était le début d’une belle révolution L’Expression 30 Octobre 2008

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique en-edu.dz

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29 octobre 2009 4 29 /10 /octobre /2009 09:37

«Le ´´savant qui ne sait pas´´est une espèce impopulaire et peu crédible, l’honnêteté intellectuelle passant facilement pour de l’incompétence.»


Pierre Joliot


De quel côté que l’on observe Abdelaziz Ouabdesslam, on constate que sur les évènements structurants la marche du pays depuis plus d’un demi-siècle, on ne peut s’empêcher de rencontrer sa stature immense mais discrète, ferme mais avec un sens aiguisé des relations humaines que je vais livrer comme confidences fruit de quarante ans d’observation, d’admiration et de respect.


En tant «qu’Indigène musulman non naturalisé français» il eut comme tous les jeunes de l’époque d’énormes difficultés à faire des études ; le passage aux études supérieures tenait de l’impossible et opter pour la discipline élégant, mais, ô combien difficile des mathématiques, était une gageure. Il gravit les échelons au prix d’un parcours de combattant sans faille. Ceux qui l’ont admiré parlent de son passage au lycée Etttaâllybia, creuset de l’élite algérienne pré-indépendance, où il éduqua, enseigna et éveilla les futurs révolutionnaires qui firent briller la Révolution algérienne.


Parmi les élèves du professeur Ouabdesslam, il nous plaît de citer ce témoignage, celui de M.Lakhdar Brahmi, diplomate que l’on ne présente plus : ambassadeur, ministre des Affaires étrangères secrétaire général adjoint de l’ ONU, pompier des Nations unies dans les conflits difficiles, artisan des accords interpalestiniens de Taeif. Ecoutons- le parler de son «maitre» : Il y avait aussi, à l’époque, l’Institut des hautes études islamiques où les diplômés de la Medersa allaient poursuivre leur formation, s’ils n’optaient pas pour une carrière immédiate dans la Fonction publique. Les étudiants du «nouveau régime», encouragés, notamment, par un professeur de mathématiques qui eut une très grosse influence sur nous tous, Abdelaziz Ouabdesslam, commençaient à tenter de passer le baccalauréat français en candidats libres. (...) En effet, ce sont nos professeurs algériens qui ont marqué nos esprits de manière durable. J’ai déjà parlé du professeur de mathématiques, Abdelaziz Ouabdeslam. Après l’Indépendance, il ira diriger l’École polytechnique à El Harrach.Il en fit un établissement de qualité, malgré les difficultés énormes de l’époque. Je le revois de temps à autre, avec un plaisir égal, et je l’écoute avec le même respect et la même admiration. (...) Le professeur Ouabdesslam, notre professeur de mathématiques, me dira beaucoup plus tard, que durant ces années qui avaient précédé le 1er Novembre, «nous avions l’impression, en vous regardant tous à la Medersa, que des évènements importants, porteurs de changement, allaient se passer incessamment».(1)


On ne sait pas grand-chose du passé révolutionnaire du professeur qui faisait preuve d’une pudeur qui frisait à l’obsession [ne pas se mettre en avant était sa règle, servir, son crédo] si ce n’est quelques bribes lâchées ça et là au cours de discussions. On sait qu’il milita dans la Fédération de France, il mit ses compétences au service de la Révolution et enseigna. On le trouvera bien plus tard à la kasma d’El Harrach où il fit son travail de modeste militant de base pendant des années sans m’as-tu-vu et sans rien demander en «échange». A tel enseigne qu’il habita près d’un quart de siècle dans une villa de fonction qu’il quitta après le séisme de 2003, la maison menaçant ruine.

Dans la vie de tous les jours, le professeur était de tous les combats de l’esprit, sans armes si ce n’est celles de l’esprit. apportant çà et là une idée, un apaisement, une anecdote élégante qui vous permet de relativiser votre souci bref, une contribution au mieux être des personnes qui ont l’immense privilège de le côtoyer. C’est aussi le pédagogue intransigeant. Comme le regretté Mohand Aoudjhane, il ne transigeait pas avec les valeurs, la norme, l’éthique. Mais la sévérité d’apparence cachait un coeur d’or. Nos professeurs s’intéressaient à chacun d’entre nous. Ils étaient sévères mais justes. Nous les respections et nous les admirions. Envers certains d’entre eux, nous ressentions une réelle affection, peut-être même de la vénération. Ils étaient désireux de partager leur savoir avec nous et nous étions tout aussi désireux d’apprendre à leur école. Spécialiste de statistiques, il nous disait souvent qu’en termes de probabilités «le zéro et le Un appartiennent à Dieu». Il nous faisait souvent un cours de docimologie ; la façon de noter l’élève pour lui donner son dû. Il s’élevait avec passion, mais toujours courtoisement, contre ceux qui arrivaientt à noter à la deuxième décimale en s’exclamant «Ah ! ya dounith !» ; de plus, disait-il, le doute doit toujours profiter à l’élève ! Comme on est loin de tout cela actuellement !


Petit retour en arrière pour mesurer d’où nous venons. Septembre-octobre 1962, on ne rendra jamais assez hommage au professeur Abdelaziz Ouabdesslam - le père fondateur de la science et de la technologie du pays- qui fut chargé de remettre sur rails l’Ecole nationale d’ingénieurs d’Alger, ancien Institut industriel d’Algérie, construit au début des années vingt du siècle dernier. Tout était à faire ! Il faut se rappeler le pari de l’Algérie postindépendance Repartir de zéro avec un peuple avide de savoir et exclu dans son immense majorité du savoir pendant plus de 132 ans. (Moins d’un millier de diplômés). Nous avons été formés à dose homéopathique. A titre d’exemple, seuls - dit-on - quatre ingénieurs sont sortis de l’Ecole en l’espace de 40 ans, soit un tous les dix ans...Pendant la même période de 40 ans, l’Ecole en a produit plus de 10.000. Sans verser dans une nostalgie débridée, il faut reconnaître que la tâche ne fut pas facile.


Que l’on se rende compte : l’université était désertée par les enseignants et même l’administration française, à quelques exceptions, a suivi. Il a fallu que le ministre en personne installe le professeur Ouabdesslam en tant que prorecteur du fait des résistances du dernier carré d’Européens, à leur tête le recteur Gauthier. Pour faire court, l’Ecole eut sa première rentrée avec 25 élèves ingénieurs qui, pour la plupart, avaient démarré dans les universités françaises et la première promotion sortit en 1965. Pour rappel, même ces jeunes élèves ingénieurs furent dissuadés de rentrer à l’Ecole. La technologie n’était pas encore connue. L’année d’après, il y eut aussi 25 lauréats et la première promotion qui fit un cycle complet à l’Ecole, sortit en juin 1967. Depuis, l’engagement jusqu’au sacerdoce, du professeur Ouabdesslam, permit de mobiliser l’aide de l’Unesco qui fournit les meilleurs experts enseignants, avec un financement Pnud. Deux projets virent le jour et contribuèrent à former des ingénieurs de qualité. En 1966, un décret pris par le président Boumediene transforme l’Ecole nationale d’ingénieurs d’Alger en Ecole nationale polytechnique.

Pour la petite histoire, depuis plus de quarante ans que l’Ecole forme l’élite, c’est le seul président de la République à venir assister à la distribution des diplômes. Il me vient en tête justement l’affection qu’avait le défunt président pour l’Ecole. Nous sommes en 1977, il y eut une grève des élèves ingénieurs qui protestaient contre le manque d’équipements. Il apprit cela et demanda à faire ce qu’il fallait pour que ce problème a priori insurmontable, soit réglé dans les délais. Nous étions en décembre. Une délégation de l’Ecole se rendit à Paris, acheta les équipements, imposa aux fournisseurs l’installation dans les plus brefs délais. Le matériel arriva au bout de trois semaines, tous les obstacles furent surmontés, et les TP purent se dérouler normalement à la rentrée de février. Epoque bénie où le savoir était respecté.



L’héritage que nous laisse le professeur El Hadj Ouabdesslam : 10.000 ingénieurs formés dans 10 spécialités de l’ingénieur, 1000 thèses de doctorats et de magisters, 200 ingénieurs formés par an, pétillants. Production annuelle : une centaine de magisters, une vingtaine de thèses de doctorat en moyenne et qui dispose de 12 laboratoires de recherche autant qu’une grande université. C’est aussi une centaine de docteurs es sciences (professeurs et maîtres de conférence) et une soixantaine de magisters. Le meilleur ratio professeur/élève ingénieur du pays et même de certains pays développés. L’Ecole polytechnique est l’une des défenses immunitaires du pays. Il faut rendre encore une fois justice au professeur Ouabdesslam d’avoir fait de l’Ecole la matrice de la technologie. Elle est à la base de la création, avec l’ancienne faculté des sciences de l’université d’Alger. C’est d’ailleurs une partie de ses enseignants qui a ouvert les spécialités de l’université des sciences et de la technologie d’Alger en 1974 sur des programmes conçus à l’Ecole. Par la suite, l’Ecole a essaimé à travers le pays dans pratiquement toutes les universités du pays, beaucoup d’enseignants voire de responsables sont issus de l’Ecole.


Une petite anecdote parmi tant d’autres qui nous permet de percevoir une partie de la personnalité du professeur Ouabdesslam : au début des années 80, l’arabisation insuffisamment préparée des sciences sociales juridiques et économiques a failli toucher l’Ecole, en la tentative de l’arabisation de la filière économétrie. Le professeur eut beau expliquer que cette filière dispensait certes de l‘économie mais c’était surtout et avant tout une filière de mathématiques d’informatique de recherche opérationnelle, rien n’y fit, l’Ecole fut amenée à fermer cette filière du fait de l’indisponibilité de compétences dans ces matières et maîtrisant la langue arabe et de l’inexistence [encore actuelle] de documentation élaborée et de qualité en langue nationale. La filière fut rouverte quelques années plus tard sous l’intitulé «génie industriel» : la science était sauve, le niveau sauf et l’Algérie a pu former des dizaines d’ingénieurs de qualité honorable dans le gotha des écoles. Sauf que ces ingénieurs sont, pour une grande partie, de l’autre côté des mers et des océans...


L’Ecole peut justement servir, comme par le passé, de fer de lance pour être à l’écoute de ce qui se fait dans le monde. Il faut pour cela la stabiliser. Le moment est venu de nous rassembler, de faire émerger le génie créateur qui est en chacun de nous. Le bon sens doit l’emporter. Nous devons mobiliser les enseignants de l’Ecole polytechnique. Au risque de nous répéter. Il faut savoir que l’esprit d’Ecole ne se décrète pas. L’expérience capitalisée par l’Ecole est unique, il est important que le barycentre de la gestion des classes préparatoires de l’Ecole soit confié au corps professoral de l’Ecole dans son ensemble, qui veut s’impliquer en amont (classes préparatoires et en aval pour rendre compatibles les connaissances des classes préparatoires avec ce qui est attendu d’elles dans la dizaine de spécialités).(2)


L’Ecole a fait ses preuves, elle doit, par fidélité à ses idéaux consacrés par notre maitre El Hadj Ouabdesslamn, aller vers de nouvelles conquêtes en s’améliorant constamment. Le formidable réservoir de compétence - toutes choses égales par ailleurs -, de l’Ecole doit être mis à profit pour essaimer encore plus à travers le pays. La coopération avec des pays étrangers n’est pas innocente. A nous de pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie, le faux du «sincère» encore qu’il ne faille pas être naïfs. Ayons confiance en nous-mêmes, départissons-nous avant tout, de cette soumission intellectuelle au magistère dixit qui, à bien des égards, fait de nous encore de nos jours des colonisés mentaux. Les défis du pays sont immenses. On l’aura compris, tant que le regard des gouvernants concernant l’université, sera ce qu’il est, rien de pérenne ne sera construit et ce n’est pas en consommant les ressources du pays d’une façon frénétique- donnant l’illusion factice que nous sommes un pays émergent- que nous irons vers l’avènement de l’intelligence, de l’autonomie. L’Ecole polytechnique en particulier et l’Université algérienne en général, ne demandent qu’à participer à la bataille du développement et donner ce faisant, la pleine mesure de leur talent. La gestion par la paresse intellectuelle est encore possible tant que nous pompons d’une façon frénétique une ressource qui appartient aux générations futures. Demain se prépare ici et maintenant. Il ne faut pas que le dernier bastion qui entretenait à sa façon la flamme du savoir, vacille. Sinon, à Dieu ne plaise, ce sera la défaite de la pensée, alors le mot des sénateurs romains, il y a exactement 2155 ans (du temps de l’Empire romain) risque de s’appliquer à l’Ecole : «Delenda Carthago est», «Il faut détruire Carthage»(2)


On dit que quand un savant meurt c’est une bibliothèque qui brûle, je voudrai ajouter s’agissant de notre maître, c’est une tradition universitaire faite d’éthique et de rigueur qui risque de se perdre si elle n’est pas confortée au quotidien. Il s’en alla dignement par une belle journée et la nature a tenu à lui rendre hommage en se faisant belle. Il fut accompagné à sa dernière demeure dans un petit cimetière d’une petite bourgade, Baba Hassen, aussi discrète qu’a pu l’être son nouveau locataire. Plusieurs centaines de personnes : ministres, hauts fonctionnaires et simples enseignants produits de cette école et avec la fierté d’avoir un jour été éclairés par son savoir, firent le déplacement et les conversations convergeaient toutes sur l’immense travail de cet homme qui servit l’Algérie jusqu’à son dernier souffle sans se mettre en avant avec son humilité proverbiale.


Que l’on se rende compte ! A 85 ans passés, il enseignait au-delà de la compétence avec élégance. Même dans les situations les plus inextricables, notamment quand l’Ecole était encore sous tutelle, il faisait le dos rond, laissait passer les tempêtes pour que l’essentiel de la mission de l’Ecole puisse être préservé. El Hadj Abdelaziz Ouabdesslam est un citoyen du monde au sens où il a rendu service à l’humanité. Il dépasse de loin, le cadre étroit du pays et s’inscrit assurément dans la lignée de tous ceux qui ont servi l’humanité en tentant de l’éduquer. Le pays s’honorerait en rendant les honneurs à ce patriote, à cet aristocrate de la pensée, à ce fier algérien qui fit le grand Djihad, celui de combattre inlassablement l’ignorance en entretenant à sa façon la flamme du savoir loin des feux de la rampe.

1.Lakhdar Brahimi «C’est la Révolution algérienne qui a porté les diplomates algériens, ce ne sont pas les diplomates algériens qui ont porté la Révolution algérienne» (Entretien, mené par Mohamed Chafik Mesbah Le Soir d’Algérie 30/06/2007


2.Chems Eddine Chitour : Qu’est-ce qu’une grande école? Liberté 9 juillet 2009


Pr Chems Eddine CHITOUR

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 20:26


«Souvenez-vous que les Iraniens sont toujours à cinq ou sept années de la bombe. Le temps passe, mais ils restent toujours à cinq ou sept années de la bombe.»

Shlomo Brom. Ancien officier des services de renseignements israéliens

S’il est un feuilleton à multiples épisodes tout aussi présentés comme devant mener à l’apocalypse, c’est bien le problème posé par l’entêtement de l’Iran à maîtriser l’atome. De quoi s’agit -il en fait? La consommation de l’énergie électrique en Iran est actuellement de l’ordre de 33.000 mégawatts par an. 75% de cette énergie est produite par le gaz, 18% par le pétrole et 7% par l’énergie hydroélectrique. Les projections sur les deux décennies à venir montrent que ce pays connaîtra le même taux de progression. La consommation dans les vingt prochaines années devrait doubler et se situer entre 70 à 80.000 mégawatts. Les réserves iraniennes sont de 133 milliards de barils. La production est de 4 millions de barils par jour dont 2,6 à 2,9 millions sont exportés. La demande de consommation de pétrole est en progression rapide: 6% par an. L’exportation du pétrole constitue 80% des recettes en devises. Il s’avère donc nécessaire pour l’Iran de réduire d’ici vingt ans la part du pétrole dans la production de l’énergie électrique. En ce qui concerne l’énergie hydroélectrique, les projets en cours visent à doubler l’exploitation de ces ressources dans la production d’électricité. Mais, avec des investissements, l’Iran pourrait augmenter sa production encore plus, jusqu’à 20.000 mégawatts par an. L’Iran dispose de 26 376 milliards de mètres cubes de réserves de gaz [ deuxième rang mondial après la Russie, Ndlr]. La production actuelle est de 84 milliards de m3 [6 environ fois les réserves de l’Algérie pour une production équivalente!! Ndlr] dont 53% pour la production d’électricité. En conséquence, cette réserve peut contribuer à augmenter sa part dans la production de l’électricité en Iran. Pour cela, il faut investir dans l’industrie gazière. En ce qui concerne l’énergie nucléaire, l’Iran possède les plus grandes mines d’uranium au Proche- Orient à proximité de Yazd et de Bandar Abbas. Elles représentent l’équivalent de 43 milliards de barils de pétrole.

          L’objectif des autorités iraniennes est de réduire d’ici 2021 la part du gaz dans la production de l’énergie électrique de 75% actuellement à 65%, et celle du pétrole de 18 à 5%, et d’augmenter celle de l’hydroélectrique jusqu’à 20% et de produire les 10% restants par l’énergie nucléaire[ soit 7000 MW l’équivalent de 7 centrales de type Bouchair].Pour cela, il lui faut de l’uranium enrichi. (1) La prétention légitime à diversifier ses sources d’énergie en mettant en place un «bouquet énergétique» comme l’a fait la France avec les «Grenelle», se heurte depuis plus de dix ans à la suspicion partiale des pays occidentaux qui font dans la surenchère accusant l’Iran d’avoir la prétention de vouloir fabriquer la bombe.

         Le feuilleton a connu un épisode inattendu. Début septembre, le président Ahmadinejad accepte le principe d’enrichir l’uranium iranien à l’étranger. L’Iran a entamé le 19 septembre à Vienne, sous l’égide de l’Aiea, la négociation d’un accord avec les Etats-Unis, la Russie et la France sur l’enrichissement à l’étranger d’uranium à usage civil, souhaitant apaiser les tensions autour de son programme nucléaire controversé. Téhéran avait averti: «La République islamique d’Iran continuera son enrichissement d’uranium jusqu’à 5%, mais si les négociations ne donnent pas de résultats adéquats, nous commencerons à produire de l’uranium enrichi à 20% et ne renoncerons jamais à notre droit», a déclaré Ali Shirzadian le représentant iranien, Le 1er octobre à Genève, l’Iran et les pays du groupe des Six étaient parvenus à un accord de principe: Téhéran livrerait une partie de son uranium enrichi à moins de 5% à un pays tiers pour obtenir en contrepartie de l’uranium enrichi à 19,75% pour son réacteur de recherche à Téhéran, totalement sous contrôle de l’AIEA, et cela à des fins médicales. Il s’agit, d’ici la fin 2009, «d’environ 1200» des 1.500 kg jusque-là faiblement enrichis par l’Iran Il s’agit de déterminer «les modalités et le moyen d’assurer que l’Iran aura le combustible requis pour son réacteur de recherche», selon M. El Baradei. L’Iran a demandé jusqu’à la semaine prochaine pour donner sa réponse définitive «Nous sommes les maîtres de la technologie de l’enrichissement», a encore affirmé M.Soltanieh, ajoutant que les Iraniens «pourraient produire eux-mêmes le combustible pour ce réacteur nucléaire». «Mais, a-t-il relevé, nous avons décidé que nous recevrons le combustible de producteurs potentiels prêts à le fabriquer et sous les auspices de l’AIEA». La Russie serait responsable pour l’enrichissement de l’uranium à 19,75%, tel que le demande l’Iran, et qu’elle sous-traiterait ensuite à la France la mise au point des coeurs nucléaires pour le réacteur de recherche.

         Tout n’est pas aussi simple! Les Occidentaux croyaient avoir mis définitivement à genoux l’Iran dont ils ignorent tout de la civilisation. Leurs positions scandaleusement alignés sur Israël à qui on permet 200 bombes,des sous-marins gratuits, le mépris de l’Aiea non autorisé à visiter Dimona[Souvenons nous de l’humiliation du DG de l’Aiea en Israël], font que l’Iran se bat pour exister dans le nouveau partage du monde. Pour le journal Le Monde, L’Iran ne semble guère disposé à évacuer vers l’étranger, avant la fin de l’année, la majeure partie de son stock d’uranium enrichi. (...) L’évacuation de l’uranium priverait l’Iran de la capacité de détourner son stock pour fabriquer la matière fissile utilisable dans la fabrication d’une bombe nucléaire. Téhéran refuse de livrer les 1 200 kg en bloc, et veut obtenir que le processus soit étalé dans le temps. C’est un détail crucial: en effet si la livraison a lieu par petits lots, l’Iran pourrait reconstituer son stock au fil des mois, car il n’a pas l’intention d’interrompre les activités d’enrichissement d’uranium menées dans l’usine de Natanz, au sud de Téhéran. Du point de vue occidental, si l’uranium devait sortir d’Iran par petites parcelles, les gains de l’opération seraient annulés, puisque les capacités nucléaires iraniennes ne diminueraient en rien. L’Iran produit environ 80 kg d’uranium faiblement enrichi par mois. (...) En visite à Beyrouth vendredi, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a commenté: «Je ne peux pas dire que la situation concernant l’Iran soit très positive.»(2)

           Dans cette atmosphère pour le moins ambivalente, on apprend que Meirav Zafary-Odiz, directrice du suivi pour le contrôle des armements nucléaires de la Commission pour l’énergie atomique d’Israël a rencontré à plusieurs reprises Ali Ashgar Soltanieh, représentant iranien à l’Aiea. pour discuter du nucléaire au Proche-Orient, a indiqué jeudi 24 à l’AFP la porte-parole de cette commission. a affirmé à l’AFP Yaël Doron. Ces rencontres se sont déroulées à huis clos et leur tenue n’aurait pas dû être révélée. Ces discussions entre officiels israélien et iranien sont sans précédent depuis la révolution islamique d’Iran en 1979. Selon le quotidien israélien Haaretz, les discussions entre les deux parties ont porté sur trois articulations essentielles: - déclarer le Moyen-Orient zone dénucléarisée; - éviter la prolifération nucléaire dans la région; - développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Les discussions se sont déroulées du 29 au 30 septembre en présence notamment de représentants d’autres pays membres de l’Aiea dans un grand hôtel du Caire sous les auspices de la Commission internationale pour la non-prolifération des armes nucléaires...Toujours selon Haaretz, des délégués de Jordanie, d’Egypte, de Tunisie, du Maroc, d’Arabie Saoudite, ainsi que des Etats-Unis et de l’Union européenne ont assisté aux discussions. Haaretz cite un témoin des discussions selon lequel M.Soltanieh a, notamment demandé directement à Mme Zafary-Odiz si son pays disposait de l’arme nucléaire, et celle-ci a souri sans répondre à la question. Cette dernière a souligné qu’il fallait renforcer la sécurité régionale et conclure des arrangements de paix avant qu’Israël puisse se sentir libre d’engager de telles discussions. Selon des experts étrangers, l’Etat hébreu compterait jusqu’à 200 ogives nucléaires conçues notamment grâce au réacteur de Dimona. http://fonzibrain.wordpress.com/

Dans cette partie de poker planétaire complexe, rien n’est blanc ou noir. Il nous faut remonter dans le temps pour nous apercevoir que dans les temps modernes, l’Iran était toujours dans le camp occidental. Ecoutons Alastair Crooke qui fait un développement historique de ces relations: «L’Iran fut, entre 1950 et 1979, un allié important des Etats-Unis et d’ Israël, alliance qui, curieusement, a perduré quelques années après la révolution islamique. "Nos relations avec l’Iran étaient très étroites et bien ancrées dans le tissu social des deux peuples",notait un haut responsable des affaires étrangères israélien au lendemain du retour de l’ayatollah Khomeiny dans son pays en 1979. A l’époque, Téhéran apparaissait comme un interlocuteur naturel, aussi bien à Tel-Aviv qu’à Washington. Trente ans plus tard, les décideurs politiques occidentaux, Israéliens en tête, considèrent l’’Iran comme une menace. Et si leur revirement reposait sur une mauvaise lecture de la révolution islamique? (...) Ben Gourion voulait convaincre Washington que son pays représentait un atout stratégique au Proche-Orient.»(3)

         «Le numéro un israélien élabora le concept d’"alliances périphériques". Celles-ci visaient à contrebalancer le poids des Etats arabes en se rapprochant de l’’Iran, de la Turquie et de l’Ethiopie. Il entendait ainsi renforcer la capacité dissuasive de son pays, réduire son isolement et inciter la diplomatie américaine à le percevoir comme un "atout". Parallèlement à cette doctrine, Ben Gourion développa une autre idée: celle de l’"alliance des minorités". Pensant non seulement aux Turcs et aux Perses, mais aussi aux Juifs, aux Kurdes, aux Druzes, aux chrétiens maronites du Liban, etc., il prétendait que la majorité de la population proche-orientale n’était pas arabe. Il fallait donc encourager le désir d’autonomie nationale et créer des îlots d’alliés dans un océan de nationalisme arabe. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ces affinités perdurèrent après la révolution iranienne, incitant même des responsables israéliens de droite(...) On pensait que le fondement idéologique de la révolution islamique était "creux" et que les "pragmatiques" la remettraient bientôt sur le droit chemin du progrès matériel - seule option envisageable pour les Occidentaux. Tel-Aviv et Washington cherchaient donc fébrilement des "modérés" et des signes de pragmatisme à Téhéran...Ceux qu’envoyaient les dirigeants iraniens en matière de politique étrangère ne faisaient que renforcer l’idée selon laquelle ce "pragmatisme" se traduirait à terme par une alliance avec Israël.»(3)

       En réalité, l’exigence d’une «modernité» matérialiste à l’occidentale était ce que refusaient le plus les dirigeants iraniens, soucieux de voir triompher une autre conception de la modernité par laquelle les musulmans définiraient leur avenir politique et social. (...) Dans les années 1990-1992, deux événements eurent un retentissement sur toute la région: l’effondrement de l’Union soviétique et la défaite de Saddam Hussein pendant la première guerre du Golfe (1990-1991). Ainsi disparurent en même temps la menace russe sur l’’Iran et la menace irakienne sur Israël. Téhéran et Tel-Aviv étaient désormais rivaux dans la région, à l’heure où les Etats-Unis s’affirmaient comme une superpuissance unique et incontestable. (...) La perspective d’une hégémonie régionale iranienne ne pouvait constituer qu’une menace pour la suprématie militaire israélienne; elle ouvrait en outre la possibilité d’un rapprochement dangereux entre Téhéran et Washington. (...) Dès lors, Israël et ses alliés en Amérique ne cessèrent d’accuser Téhéran de chercher à développer l’arme nucléaire.(3)

        «M.Shimon Pérès avertit la "communauté internationale" que l’’Iran posséderait la bombe atomique en 1999. En 2009, les Iraniens sont encore, selon les services de renseignements américains, "à cinq ou sept années de la bombe"...(...) Les Etats-Unis développèrent une stratégie parallèle: susciter le réalignement pro-occidental de certains Etats arabes mobilisés contre les ennemis situés à la "périphérie" - des barbares s’attaquant aux valeurs, aux institutions et aux libertés de la civilisation occidentale, en premier lieu l’Iran. Cette stratégie connut une accélération avec la victoire de M.George W.Bush en novembre 2000. (...) La défaite iranienne permettrait de faire d’une pierre deux coups: elle affaiblirait le moral des Arabes et des musulmans en même temps que les forces de la résistance islamiste. Les Arabes deviendraient dociles, et tout le Proche-Orient basculerait, comme autant de dominos. (...)Ce schéma entraîna la polarisation en deux blocs. En tentant de briser la résistance du monde musulman à leur vision libérale de l’avenir, les Etats-Unis et leurs alliés européens ont suscité des mobilisations de masse contre leurs projets. Ils ont aussi radicalisé l’hostilité envers l’Occident. Les antipathies imaginaires pourraient devenir bien réelles.»(3)

      Il y a donc une grande partie d’échecs qui se joue et une recomposition du monde dans lequel l’Iran veut avoir sa place. Il ne faut pas oublier que la revendication de l’Iran de maitriser la technologie nucléaire est une aspiration quel que soit le régime en place. Le Shah, qui a investi en France (il a encore 10% dans Eurodif) et en Allemagne, voulait installer plusieurs centrales. L’Occident a fermé brutalement les portes quand Khomeiny est venu au pouvoir. Que dire de la situation actuelle? Il est fort possible que finalement l’Occident s’accommode d’un nucléaire iranien s’il ne porte pas préjudice à Israël. De ce fait, la rencontre Israël-Iran du Caire sous les regards des spectateurs arabes n’augure rien de bon. Les deux puissances réelles du Moyen-Orient se partageront le Moyen-Orient avec la bénédiction des Américains. Nul doute que derrière tout ce tintamarre, la question de l’énergie est présente. Le nucléaire iranien à usage électrique ne couvrira qu’un faible pourcentage de la demande énergétique iranienne. Il est fort possible que l’Iran ait des velléités d’avoir la bombe. La rencontre du Caire entre les Israéliens est autrement plus importante que la mascarade de Vienne. Souvenons -nous, pour la première fois, le 25 septembre 2009 le Conseil s’est réuni et n’a même pas parlé de l’Iran, il a en revanche adopté une résolution qui n’arrange pas les affaires de Téhéran: «L’instauration d’un monde dénucléarisé», y compris Israël. Nul doute qu’une fois de plus les potentats arabes seront les spectateurs de leurs destins. Juste retour des choses, c’est l’empereur Cyrus II, le Grand Roi des Perses, qui conquiert la Babylonie en 539, laissant la diaspora retourner en Judée tout en demeurant sous la tutelle des Perses. Il permit la reconstruction du Temple dès 516 avant J-C.

1.RFI - Iran - Nucléaire http: //www.rfi.fr/actufr/articles/074/article_41864.asp

2.Natalie Nougayrède. L’Iran cherche à modifier les termes de l’offre. Le Monde 24.10.09

3.Alstair Crooke. Quand Israël et l’Iran s’alliaient discrètement. Le Monde Diplomatique 02 2009

Pr Chems Eddine CHITOUR

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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24 octobre 2009 6 24 /10 /octobre /2009 10:28

Qui vole un boeuf n’a que faire d’un oeuf. (Proverbe corse)

 

  

 

        Une question récurrente, la provenance des collections des musées européens, qui fait toujours débat. Dernièrement, l’Egypte a demandé à la France la restitution de pièces archéologiques. On se souvient que le Musée du Quai Branly des «arts premiers» a été inauguré le 20 juin 2006. Les musées des anciennes puissances coloniales ont été constitués en grande partie grâce à des pillages systématiques des anciennes colonies. Lors de l’inauguration, le président Chirac fit un discours remarquable. Ambivalence de ce beau discours, ce musée qui se veut une vitrine de l’altérité, interdit aux colonisés spoliés - pour cause de visa Schengen, excluant naturellement les anciens colonisés- qui souhaitent venir au moins contempler leurs biens multiformes qui leur ont été volées avec la terreur en prime. Qui va, en définitive, contempler le génie des peuples colonisés? Des touristes américains? polonais? hongrois et autres bulgares, qui ne connaissent pas la symbolique voire la violence de chaque oeuvre volée. Pourquoi pas ceux à qui on ferme la porte du supermarché planétaire constitué, plus généralement par l’Europe sur le dos de leur sueur, de leurs larmes.

 

           Cet aspect «positif» de la colonisation pour la Métropole, nous conduit à nous interroger sur l’origine et la provenance du fonds des collections. Cette question de fond est toujours épineuse et maintes fois remise en jeu dans les polémiques: quand les uns parlent de pillage et de spoliation, les autres défendent l’idée de sauvegarde et de mémoire. Si chaque objet exposé pouvait parler, il raconterait une douleur, une violence, un déni de non -droit à ses possesseurs. Ainsi, au Louvre, qui renferme des dizaines de milliers d’objets qui ont chacun une histoire, nous trouvons à titre d’exemple: les Antiquités orientales, avec plus de 100.000 numéros. Cela va d’une tête d’épingle aux taureaux de Khorsabad, d’un tesson de fouilles au Code d’Hammourabi emprunté à l’Irak. Les textes bien gravés sont en général stéréotypés. Parmi les milliers de tablettes d’argile, les tablettes cunéiformes. On y trouve des textes sur le commerce, des hymnes aux dieux, des codes de lois antérieurs à celui d’Hammourabi. Et puis, c’est le mythe de la création de l’homme. (1)


Témoins de l’Histoire

 

          Pour Aminata Traore, ancienne ministre de la Culture du Mali, les musées sont en fait, les résumés des rapines et des butins de guerre des anciennes puissances coloniales. Ecoutons-la: «Les oeuvres d’art, qui sont aujourd’hui à l’honneur au Musée du Quai Branly, appartiennent d’abord et avant tout aux peuples déshérités. A l’heure où le Musée du Quai Branly ouvre ses portes au public, je continue de me demander jusqu’où iront les puissants de ce monde dans l’arrogance et le viol de notre imaginaire. Le Musée du Quai Branly est bâti, de mon point de vue, sur un profond et douloureux paradoxe, à partir du moment où la quasi-totalité des Africains, des Amérindiens, des Aborigènes d’Australie, dont le talent et la créativité sont célébres, n’en franchiront jamais le seuil compte tenu de la loi sur l’immigration choisie.» (2)
         Pour Jack Lang, le Louvre a une vocation universelle, il doit se délocaliser pour le rayonnement de la France. C’était à l’occasion de l’accord pour le Louvre d’Abou Dhabi, pour 1 milliard de dollars... A ce prix, les Arabes contempleront les rapines de la France coloniale. Pour Jack Lang, il existe un Louvre sans frontières, un Louvre «hors le Palais» qui s’identifie à la France, à son patrimoine, à son histoire, mais aussi à son éclat, à ses missions de diffusion du savoir. Le Louvre a sa place à Paris, à Lens, à Atlanta, à Abou Dhabi, partout où on l’accueillera. Comme dans tous les pays qui ont une histoire militaire et coloniale, les collections des musées français n’ont pas toujours été acquises de manière exemplaire. (...)»(3) Qu’en termes pudiques, ces choses- là sont dites: en une phrase il évacue le passé colonial de la France pour ne «retenir» que le butin….

 

       «Quel statut donner, écrit l’écrivain Hassan Musa, à des milliers d’objets ordinaires qui se sont accumulés dans les réserves des musées, sans signalement et sans classification? Les musées européens sont remplis de toutes sortes d’objets de provenances extra-européennes. Ces objets sont des témoins de l’histoire des relations entre les Européens et les autres. (...) Comme tout objet, les artefacts africains s’obtiennent par le don, l’échange, l’achat ou le vol (à main armée souvent). (...)La plus «belle» histoire de vol d’objets africains reste celle du «vol du Kono» de Kéméni en 1931. C’est une version ethnologique d’un «vol à l’étalage», avec profanation de lieux de culte et association de malfaiteurs, commis par des personnages emblématiques de l’histoire de l’ethnologie européenne. Michel Leiris, dans L’Afrique fantôme, raconte comment, avec Marcel Griaule, ils se sont introduits, contre la volonté des villageois, dans la case rituelle du Kono (un masque sacrificiel) et comment ils ont volé des objets du culte sous le regard des villageois ébahis: «Griaule et moi demandons que les hommes aillent chercher le Kono. Tout le monde refusant, nous y allons nous-mêmes, emballons l’objet saint dans la bâche et sortons comme des voleurs, cependant que le chef affolé s’enfuit.[...] » (4)

 

         « Que faire donc des cadavres africains dans les placards des musées européens? Quand je dis «cadavres africains» dans les placards des musées européens, ce n’est pas de la rhétorique. On y trouve également des hommes et des femmes africains empaillés pour le plaisir du public des musées. Pendant des années, les visiteurs du Musée de l’ Homme à Paris pouvaient contempler le corps empaillé de Saartje Baartman, dite «Vénus Hottentote», en guise de témoins de la spécificité raciale africaine. À la fin de l’Apartheid, les autorités sud-africaines ont pu récupérer le corps de Baartman pour l’enterrer. Si les corps des Africains peuvent être exposés dans les vitrines des musées européens pendant des dizaines d’années sans que cela ne trouble personne, c’est tout simplement parce que ce petit monde de l’ethno-muséologie européenne s’est constitué sur de solides consensus racistes. Peut-être conviendrait-il de les laisser là où ils sont comme pièce à conviction pour un futur procès de «Vérité et Réconciliation» entre les peuples afin de réparer les dommages causés par la modernité du capital, non seulement en Afrique, mais dans le monde tout entier.(4)

 

              Dans le même ordre d’idée, il serait vain de chercher la tête de Boubaghla qui avait porté la révolte contre les Français si on sait d’après le docteur Reboud «quelle fut coupée et conservée, elle fait partie des riches collections du muséum de Paris»(5).

 

                On se souvient aussi des remous provoqués par la vente le 25 février 2009 de deux statuettes chinoises en bronze de la collection Yves Saint-Laurent-Pierre Bergé. Deux têtes d’animaux en bronze, un rat et un lapin, provenant de l’ancien Palais d’été de Pékin, devraient être mises en vente par Christie’s. Comble de cynisme, Pierre Bergé «le réceleur», donne à la Chine des leçons de démocratie. «Je serais prêt à les offrir au gouvernement chinois s’il s’engageait en échange à respecter les droits de l’homme».

 

           A propos justement du sac du Palais d’été, Amcarron écrit: «Rendra-t-on un jour aux peuples que nous avons envahis les chefs-d’oeuvre que nous leur avons volés? Que seraient le British Museum, le Louvre, le musée Guimet, sans le pillage de l’Egypte, de la Grèce et de l’Asie? (...) Sur la triste aventure du Palais d’Été, Hugo, répondait ceci, en 1861. «Vous me demandez mon avis, monsieur, sur l’expédition de Chine. Vous trouvez cette expédition honorable et belle. Puisque vous voulez connaître mon avis, le voici. Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde; cette merveille s’appelait le Palais d’été. (...) Bâtissez un songe avec du marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, charpentez-le en bois de cèdre, couvrez-le de pierreries, drapez-le de soie, faites-le ici sanctuaire, là harem, là citadelle, mettez-y des dieux, mettez-y des monstres, vernissez-le, émaillez-le, dorez-le, fardez-le, faites construire par des architectes qui soient des poètes, les mille et un rêves des Mille et Une Nuits, ajoutez des jardins, des bassins, des jaillissements d’eau et d’écume, des cygnes, des ibis, des paons, supposez en un mot, une sorte d’éblouissante caverne de la fantaisie humaine ayant une figure de temple et de palais, c’était là ce monument.(...)C’était une sorte d’effrayant chef-d’oeuvre inconnu, entrevu au loin dans on ne sait quel crépuscule comme une silhouette de la civilisation d’Asie sur horizon de la civilisation d’Europe. Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce formidable et splendide musée de l’Orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’oeuvre d’art, il y avait un entassement d’orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits. (...) Nous Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. (...) En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate. (...)»(6)

 

            Le 5 avril 2003, tandis que les forces américaines entraient dans Baghdad, les médias annonçaient le pillage du Musée iraqien et la disparition de 170.000 pièces d’antiquités. (...) D’aucun s’interrogent sur l’appartenance de ces richesses qui sont des marqueurs de l’humanité «À qui appartiennent donc les antiquités assyriennes, babyloniennes en Iraq ou Syrie, pharaoniques en Égypte, phéniciennes au Liban, byzantines en Jordanie, mais aussi romaines, berbères en Algérie, Tunisie, Libye et au Maroc, ou «négro-africaines» au Soudan ou en Somalie? Comment les témoignages matériels de l’époque préislamique, l’héritage de la jahilyya en quelque sorte, peuvent être intégrés aux constructions des nations modernes à dominante musulmane? Bien qu’on constate que c’est avec une intensité fort différente que s’exercent les demandes de restitution des oeuvres acquises illicitement et conservées aujourd’hui dans les musées occidentaux, les patrimoines préislamiques dans le monde arabe sont finalement devenus des objets de négociation pour les États contemporains. Patrimoine mondial, patrimoine national: ces antiquités appartiennent-elles aux dites nations ou au reste du monde? (7)

 

          Faut-il restituer ce qui a été spolié? «Comment comprendre, écrit Jean Gabriel Leturcq, les demandes de récupération de la pierre de Rosette conservée au British Museum, le scribe accroupi au Louvre ou la tête de Néfertiti à Berlin? Ces objets sont désormais considérés en Occident comme des oeuvres d’art absolues et des pièces centrales du patrimoine muséal de leur pays d’exposition, alors même qu’elles sont considérées comme patrimoine national dans leur pays d’origine. (..) Comment des objets sont devenus supports d’identité? Face à ces revendications, les grands musées dits «universels» (Louvre, British Museum, Metropolitan Museum, etc.), défendent la légitimité de leurs collections au nom du rayonnement qu’elles leur offrent (...)Une question reste cependant en suspens: l’Égypte et l’Iraq apparaissent comme des cas isolés, les autres pays arabes n’ont pas manifesté de velléités de restitutions d’oeuvres. Est-ce un signe de minimisation voire d’insignifiance de ce passé préislamique dans la construction des histoires nationales?(8)

 

        Pour l’ONU, la réponse quant à la restitution est oui. «Le préambule de la résolution 42-7 votée par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1987 précise justement: «Le retour des biens culturels de valeur spirituelle et culturelle fondamentale à leur pays d’origine est d’une importance capitale pour les peuples concernés en vue de constitue des collections représentatives de leur patrimoine culturel.» (...) Au cours du sommet de 1992, les chefs d’Etat africains créent un groupe d’experts, chargé d’étudier la question. La proclamation d’Abuja se réfère «à la ´´dette morale´´ et à la ´´dette compensatoire´´ dues à l’Afrique par les pays engagés dans la traite négrière, le colonialisme et le néocolonialisme. Elle exige le retour des «biens spoliés» et des trésors traditionnels (...). Pleinement convaincue que les dommages subis par les peuples africains ne sont pas une «affaire du passé» (...). Convaincue que de nombreux pillages, vols et appropriations ont été perpétrés sur les peuples africains, la proclamation en appelle à ceux qui sont en possession de ces biens spoliés, de les restituer à leurs propriétaires légitimes.»(9)

 

           Une fin de non-recevoir de l’Occident est venue rapidement: la «Déclaration sur l’importance et la valeur des musées universels», en décembre 2002 et signée par dix-neuf directeurs de quelques-uns des principaux musées du monde est édifiante. Les signataires vont même jusqu’à ne mettre l’accent que sur «la nature essentiellement destructrice de la restitution des objets», en rajoutant ensuite que «les musées sont les agents du développement culturel, dont la mission est d’encourager la production de la connaissance en entretenant un processus permanent de réinterprétation. Ils ne sont pas seulement au service des citoyens d’une nation, mais au service des peuples de toutes les nations». (9)

 

           «Pourquoi, conclut Bernard Müller, alors ne pas rendre ces objets à ceux qui les demandent? Il serait donc déplacé de formuler des excuses ou de restituer des butins à des dirigeants d’Etats sanguinaires et obscurantistes! (...) Pour atteindre l’objectif d’une véritable «restitution», en l’occurrence symbolique et sous forme de connaissance, ces expositions devront être accompagnées de projets pédagogiques. Il faut, comme l’écrit l’écrivain nigérian Wole Soyinka, «trouver des réponses permettant d’atteindre les trois objectifs incontournables pour qu’un semblant de paix puisse s’installer dans ce XXIe siècle multiculturel: l’établissement de la Vérité, la Réparation et la Réconciliation»...(9).



1.Chems Eddine Chitour: L’héritage controversé des musées. Mille Babords 29/ 06 2006

 

2.Aminata Traore: Droit de cité. Nouvel.Obs. 23/06/2006.

 

3.Jack Lang- Le Louvre, un musée universel. Le Monde 31/01/2007

 

4.Hassan Musa http://www.sudplanete.
net/index.php?out=1&menu=arti&no=6668 10 07 2007

 

5.V. Reboud: Revue Africaine. Volume 30 p.79. 1886

 

6.Victor Hugo et le sac du Palais d’Été http://amcarron.net/blog/2009/3/24/ html

 

7.Whose Pharaohs? Article publié in Qantara, 62, Janvier 2007

 

8.Jean-Gabriel Leturcq 2006 http://leturcq.wordpress.com/2009/06/06/whose-pharaohs/

 

9. B.Muller- Faut-il restituer les butins des expéditions coloniales? Le Monde diplom. 07/ 2007

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Poltechnique enp-edu.dz

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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 18:52


Le monde arabe, combien de divisions?


Propos attribués  à Staline à propos du Vatican


     Depuis la chute de l’empire soviétique, il est apparu que la guerre froide, n’ayant plus raison d’être, des idéologues américains ont cherché et trouvé «un Satan de rechange». Ceci a donné lieu, notamment après l’invasion de l’Irak et l’incantation de Bush père de l’avènement d’un «Nouvel ordre mondial» à des floraisons d’étude. Cela va de «La Fin de l’histoire» de Francis Fukuyama, à Samuel Huntington avec Le Clash des civilisations qui désigne le péril vert et le péril jaune comme adversaires de la civilisation judéo-chrétienne. L’Islam, «Le tiers exclu de la révélation abrahamique» est le bouc émissaire des maux actuels de l’Occident. Il n’est pas étonnant de ce fait, de soupeser le poids de l’adversaire en le dimensionnant ce qu’a fait The Pew Forum on religion & public life qui a publié, ce mois-ci, une étude détaillée sur les musulmans du monde, intitulée Mapping the Global Muslim Population.
A report on the Size and Distribution of the World’s Muslim Population.

 

     Première leçon de cette étude, si l’on compte 1,57 milliard de musulmans (23% de la population mondiale), l’Asie représente la plus grande proportion d’entre eux, soit plus de 60% du total. Les quatre pays les plus peuplés de musulmans sont, dans l’ordre: l’Indonésie (202 millions), le Pakistan (174 millions), l’Inde (160 millions) et le Bangladesh (145 millions). Le pays arabe le plus peuplé de musulmans n’arrive qu’en cinquième position, c’est l’Egypte (78 millions). L’Afrique du Nord et le Proche-Orient ne comptent que 315 millions de musulmans (à peine plus de 20% du total), suivis de l’Afrique subsaharienne (240 millions). 80% des musulmans habitent des pays où ils représentent une large majorité.(1)

 

        Dans le même ordre de la connaissance de l’Autre, un ouvrage important est écrit par John L. Esposito, un des meilleurs spécialistes américains de l’Islam, et Dalia Mogahed, une analyste travaillant pour l’institut de sondage Gallup: Who speaks for Islam? What a billion muslims really think («Qui parle au nom de l’Islam?»). Cet ouvrage est intéressant à plus d’un titre, pour la première fois, à notre connaissance une image de la situation des musulmans dans le monde est donnée. Alain Gresh, qui le présente, écrit: «Cet ouvrage s’appuie sur une très large enquête d’opinion, à travers plus de 35 pays et représentant, selon les auteurs, plus de 90% des 1,3 milliard de musulmans. L’idée est de faire parler les musulmans eux-mêmes et pas les responsables ou les experts. Les auteurs résument ainsi les principaux résultats de leur enquête.»
«Les musulmans n’ont pas une vision monolithique de l’Occident. Ils jugent les différents pays en fonction de leur politique, pas de leur culture ou de leur religion. Leur principal rêve est de trouver du travail, pas de s’engager dans le djihad. Ceux qui approuvent des actes de terrorisme sont une minorité et cette minorité n’est pas plus religieuse que le reste des musulmans ».(2)

 

          « Ce que les musulmans admirent le plus dans l’Occident, c’est sa technologie et la démocratie; ce que les musulmans condamnent le plus en Occident, c’est la "décadence morale" et la rupture avec les valeurs traditionnelles (dans des proportions similaires à celles des... Américains). Les femmes musulmanes veulent à la fois des droits égaux et le maintien de la religion dans la société. La majorité ne veut pas que les dirigeants religieux aient un rôle direct dans l’élaboration des Constitutions, mais est favorable à ce que la loi religieuse soit une source de la législation ». Pour la majorité des musulmans (plus de 90% dans certains pays), la religion est un aspect essentiel de leur vie.» «Beaucoup considèrent la religion comme un aspect primordial de leur identité. L’Islam n’est pas, pour ses fidèles, ce qu’il apparaît aux ob-servateurs étrangers, une simple carapace de règles contraignantes et de punition. Pour beaucoup de musulmans, c’est une boussole mentale et spirituelle qui donne un sens à la vie, les guide et leur donne de l’espoir. Une proportion importante des personnes disent que leur vie a un but important (90% pour les Egyptiens, 91% pour les Saoudiens).»(2)

 

    «Les auteurs montrent les changements de la situation des femmes depuis quelques décennies, avec leur intégration massive dans l’éducation (notamment au niveau de l’université). Elles veulent toutes plus de droits et notamment l’égalité juridique avec les hommes, le droit de vote en dehors de toute pression familiale, la possibilité de travailler à n’importe quel poste en fonction de leur qualification (c’est notamment le cas de 76% des Saoudiennes). Désirent-elles pour autant être "libérées par l’Occident"? Pourtant, quand on leur demande si adopter les valeurs occidentales ferait avancer leur cause, seules 12% des femmes indonésiennes, 20% des Iraniennes et 18% des Turques sont d’accord. Elles pensent que l’attachement à leurs valeurs spirituelles et morales est un élément important dans les progrès que leur situation doit connaître. "Travailler pour le progrès des femmes en s’appuyant sur la charia plutôt qu’en l’éliminant est un thème qui renaît dans les sociétés musulmanes contemporaines." Les femmes musulmanes veulent à la fois le respect de leur religion et leurs droits; alors qu’elles admirent certains aspects de l’Occident, elles n’adoptent pas toutes les valeurs de l’Occident; la majorité des femmes musulmanes considèrent avec suspicion les défenseurs occidentaux des droits des femmes.»(2)

 

          De l’analyse rapide des deux études précédentes, on peut déduire que l’essentiel de l’Islam est asiatique. Les pays musulmans asiatiques semblent se développer dans l’ensemble, selon les règles de la démocratie et connaissent des taux de croissance à deux chiffres (Malaisie, Indonésie). De plus, l’alternance est consacrée (Turquie, Malaisie, Inde, Pakistan). Il est donc faux d’attribuer les problèmes des sociétés arabes à l’Islam qui est de ce fait innocent des avanies que subissent les musulmans arabes en son nom. Pourquoi alors, le monde arabe est-il dernier partout comme le martèlent chaque année les Rapports du Pnud? Pourquoi l’alternance se fait-elle toujours par l’émeute?  Pöurquoi le Monde arabe dansson ensemble, traduit moins de livres que la Grèce ?

 

        Dans les années 60, Le Monde dit « arabe »  était relativement mieux placé au niveau des indicateurs de développement économiques et sociaux que l’Amérique latine. En quarante ans, la régression est patente à la mesure du désarroi des sociétés et des individus privés de repères et de règles de jeu,soumis à un autoritarisme permanent, asservis dans un climat de répression qui fait que l’impasse paraissant durer mille ans [on a calculé qu’en moyenne un potentat arabe restait au pouvoir une vingtaine d’années, le record du Guinness est détenu sans conteste par El Gueddafi], le désespoir gagne des couches sociales de plus en plus importantes. Résultat des courses: les pays prennent un retard qui n’est pas linéaire, mais exponentiel.

 

          On aurait pensé, écrit Hicham Ben Abdallah El Alaoui, que sur le plan économique, les «ajustements structurels» (y compris les privatisations et la réduction des subventions étatiques), les accords de libre-échange, l’appel aux investissements et les incitations à entreprendre allaient enfin faire émerger de nouvelles classes moyennes. (...) Vingt ans plus tard, le bilan de ces espérances dans les différents domaines (politique, économique, idéologique et relations internationales) est affligeant.(...) L’islamisme, sous ses différentes formes, est arrivé à apparaître comme le meilleur porte-parole des mécontentements et des exigences de changement, même parmi des groupes traditionnellement de gauche et laïques, comme les étudiants ».

 

      « Si les voix laïques et islamistes font partie d’un même grand choeur exigeant la démocratisation, les uns chantent la mélodie d’un ordre social fondé sur le droit et sur les principes politiques modernes universellement admis, les autres psalmodient les principes d’un ordre politique fondé sur un ensemble de préceptes coraniques. Bref, les «réformes» infligées à notre région depuis quinze ou vingt ans - sous la pression de l’Occident - n’ont pas conduit sur ce chemin qui mènerait inexorablement de la libéralisation économique à la démocratie, en passant par la modernisation et la sécularisation. (...) L’Etat fait feu de tout bois, il crée ses propres médias, son propre simulacre d’une société civile. Il s’agit d’une mise en scène, d’une rationalisation limitée de l’ordre politique. L’Etat autoritaire n’a pas été transformé par la démocratisation, il s’est affublé de ses accessoires. On pourrait, par dérision, le nommer «autoritarisme 2.0». (3)

 

           « (...) Les facteurs géopolitiques pèsent sur ces évolutions. (...) A partir de 2001, l’administration de M.George W.Bush a opté pour une nouvelle lecture du pacte avec la région: la priorité des Etats-Unis ne serait plus la stabilité, mais l’instauration de la démocratie, au besoin par la force. Cet abandon d’un vieux principe a effrayé nombre de régimes, mais l’opinion arabe l’a vite senti: cette ferveur démocratique n’était que le camouflage d’un programme d’interventions dans le seul intérêt des Etats-Unis et d’Israël. Les régimes locaux ont vite appris à déchiffrer les déclarations contradictoires venues d’Occident et retrouvèrent leur confiance. Une façade démocratique allait leur suffire, à condition d’apporter leur pierre à la «guerre contre le terrorisme» et de ne pas s’opposer trop vigoureusement à l’hégémonie des Etats-Unis ni aux intérêts d’Israël.(3)

 

         Burhan Ghalioun, dans un premier livre, explique le malaise des masses arabes à la fois par des causes exogènes (les interférences multiples) et endogènes (la chape du pouvoir). Dans le monde moderne, écrit-il, en perpétuel changement, voué à la globalisation, à l’instabilité, à la confusion, à la pauvreté, à la présence de menaces multiples, les peuples cherchent dans leur patrimoine davantage des repères qui manquent, un sens de l’enracinement dans l’histoire des références, et un recours que des valeurs de piété.  Avec l’avènement de la modernité, la pensée politique arabe se trouve tiraillée entre deux angoisses: d’une part, la peur que les sociétés musulmanes soient exclues du processus de modernisation, et d’autre part, la crainte qu’elles soient obligées à renoncer à leur religion et donc à leur identité. Ainsi, le débat politique s’est structuré en deux tendances principales: l’une, d’inspiration religieuse, que l’on peut appeler la tendance musulmane ou islamiste, et l’autre, à caractère séculier, que l’on peut qualifier de moderniste ou laïciste. A l’heure actuelle, alors que des désordres émergent, plusieurs questions resurgissent: quel rôle joue la religion dans la communauté nationale moderne? Quelle place doit avoir l’État et quel rapport doit-il entretenir avec la religion?...(3) 

 

         Le véritable mal dont souffrent les sociétés musulmanes ce n’est pas l’Islam mais la gestion politique. «L’absence de catéchisme dans l’Islam fait dépendre l’enseignement religieux du pouvoir politique. Or les politiques culturelles ne sont nulle part innocentes. Elles reflètent des stratégies de pouvoir et répondent aux conditions de la reproduction des systèmes de domination sociale. (...) La formation d’une pensée déstructurée, qui est aujourd’hui la règle, est le fruit d’une stratégie éducationnelle et au-delà, politique. Elle fait partie de cette même entreprise qui voue le reste de la population à la marginalisation et à la clochardisation. Ces politiques ne sont pas séparables de l’ensemble des mécanismes sociopolitiques du système en place qui sanctionne, l’honnêteté, l’esprit d’initiative et la créativité. Il favorise le clientélisme, l’hypocrisie et la soumission aux chefs. Bref, il faut chercher la clé de la conscience déstructurée, désorientée, désaxée, désemparée et déstabilisée qui tend trop à définir la conscience musulmane d’aujourd’hui dans l’assujettissement de tout savoir, de toute culture, de toute religion, de toute littérature, de tout enseignement à la stratégie du pouvoir.»(4)

 

           Burhan Ghalioun ajoute à toute ces tares, que  l’instrumentalisation de tous ces Etats arabes dont le «tout-sécuritaire» est l’unique raison d’être, font subir à la religion, d’une part (réduite au seul aspect de la Shari’a) et au laïcisme proposé comme une nouvelle religion étatique, d’autre part. Pendant de longues décennies, l’Islam était considéré incompatible avec les valeurs de la démocratie. Quel est l’impact réel de l’Islam dans l’évolution politique des pays musulmans, en particulier les pays arabes du Moyen-Orient? (...) Il est aussi faux de dire que l’Islam est incompatible avec la démocratie que de soutenir le contraire. (..) Les musulmans sont, comme dans toutes les sociétés, divisés entre libéraux et radicaux, cléricaux et laïcistes, républicains et monarchistes. (...) (5)

 

         «  Quelle serait la Solution? «Les facteurs qui favorisent une issue démocratique sont, à mon avis, poursuit Borhan Ghalioun, quatre: la faillite des systèmes autoritaires sur tous les plans: national, économique, politique et culturel, l’émergence de la pensée critique, de nouveaux espaces de sociabilité, de nouvelles forces politiques et civiles. L’éveil de l’opinion publique, sous l’effet de la mondialisation des médias et de la popularisation à travers Internet, des moyens d’information, avec pour conséquence la naissance de nouvelles aspirations et de fortes motivations pour la changement. (...) L’incertitude quant à la possibilité d’obtenir un soutien international cohérent et à long terme est avérée. En effet, il n’est pas certain que les puissances euro-américaines qui bénéficient d’une position privilégiée dans la région y croient vraiment. D’où la volonté d’exercer une sorte de contrôle continu sur l’évolution politique de systèmes et d’essayer d’imposer aux sociétés de la région des équipes ayant de bons rapports avec les puissances occidentales. (...)»(5)

 

         Comment, en définitive, dépasser l’impasse majeure depuis l’échec du réformisme: l’angoisse de l’exclusion de l’histoire moderne et celle d’un abandon de valeurs et référents religieux et culturels, cette fameuse double errance dont souffre en particulier les Algériens ballotés entre une métropole moyen orientale qui a montré ses limites et qui instrumentalise la religion d’une façon rétrograde et un Occident tentateur qui ne fait pas dans le détail pour broyer les identités grâce à la puissance de ces «industries du plaisir» que «l’Unique» pour citer son errance, tente d’imiter en programmant à la fois Foursane el Kor’an et l’équivalent de la Star Ac erstatz libanais de la Star Ac elle-même pâle imitation d’émissions de variétés outre-Atlantique. On le voit, la «solution» ne peut pas être exogène, au contraire, les interférences occidentales font tout pour maintenir en l’état les masses arabes. Seule l’éducation  et le savoir pourront voir émerger un jour-, avant qu’il ne soit trop tard – au sein des différents peuples qui ont en commun l’usage de l’arabe,  des  élites  fières de leurs identités muliples et respectives et de leur appartenance à l’Islam, sans en faire naturellement un fond de commerce,    fascinées par les multiples conquetes de la science . Elles donneront à n’en point douter la pleine mesure de leur talent. Un  petit vœu seulement : Que l’Occident s’arrête  de s’immiscer dans le destin des peuples et aide ces élites endogènes à s’affirmer en militant pour un principe : un seul ! l’alternance. Il est vrai  qu’il devra opter pour la vraie démocratie, le veut-il seulement ?    


1.Alain Gresh. Musulmans du monde - Le Monde Diplomatique - 16 octobre 2009,

2.Alain Gresh: Que veulent les musulmans? Le Monde Diplomatique - 1er avril 2008,

3.Hichem .Ben Abdallah - Les régimes arabes modernisent l’autoritarisme. Le Monde diplomatique. 04 2008

 

4.Burhan Ghalioun. Islam et politique. P.182. Editions La Découverte 1997

 

5.Borhan Ghalioun http://critique-sociale.blogspot.com/2005/islam-et-dmocratie-venise

 

Pr Chems Eddine CHITOUR 

 

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 23:24

«Nous aurions, ‘‘contre l’oubli’’, un premier devoir: pensons d’abord aux victimes, rendons-leur la voix qu’elles ont perdue.»

         
Jacques Derrida


        

 

    Pour Jean-Luc Einaudy, les journées des 17 et du 18 octobre 1961 représentent le paroxysme de pratiques policières qui s’étaient installées et banalisées depuis bien longtemps. On pourrait même remonter antérieurement, au déclenchement de la guerre en Algérie tant les traditions policières antialgériennes sont anciennes. «(...) Il faut se rappeler qu’en juillet, à Lugrin, les négociations sont rompues avec le FLN sur la question de l’avenir du Sahara. Une situation qui va faciliter le recours aux supplétifs algériens, ces hommes enrôlés en Algérie. Dans l’ensemble, les actions menées [par le FLN Ndlr] sont défensives, les attentats contre les policiers sont menés en réponse à des actes de répression. Ils n’ont pas de caractère terroriste: (...) C’est une chasse à l’homme généralisée, à Paris comme en banlieue. Le préfet de police organisant un défoulement sans limites avec l’objectif de vider le sac du mécontentement de la police qui est réel, afin de le détourner du gouvernement qui a fort à faire avec les états d’âme de nombreux militaires et les entreprises séditieuses de l’OAS. (...)»(1)

 

 «Un pour...dix»

 

   La version officielle en reste toujours aux deux morts, puis aux six morts reconnus par les services de police. Il a fallu attendre le rapport du conseiller d’État Mandelkern établi en 1997 à partir des archives de la préfecture de police alors secrètes, pour qu’on parle de plusieurs dizaines de morts, ce qui reste loin du compte. Mes recherches me conduisent à affirmer qu’il y a eu au moins 200 morts lors des journées des 17 et 18 octobre et plusieurs centaines durant les mois de septembre et d’octobre. Je publie les noms de 400 personnes retrouvées mortes, auxquelles il faut ajouter de très nombreux disparus dont on n’a jamais retrouvé les corps (...) Octobre, c’est l’émergence en plein Paris des pratiques criminelles qui s’étaient installées et généralisées en Algérie, c’est la manifestation de tout le système d’exactions que ce conflit a généré. De Gaulle couvre Papon et fait taire tous ceux qui réclament la tête du préfet de police: La manifestation était interdite. Le préfet de police a reçu mission et avait le devoir de s’y opposer. Il a fait ce qu’il devait faire. (...) Ce qui a été perpétré ressortit, au contraire, à un plan concerté, organisé et mis en oeuvre par les plus hautes autorités politiques et policières de l’époque qui ont décidé d’appliquer aux «Français musulmans d’Algérie» vivant en France un état d’exception permanent où les tortures, les séquestrations arbitraires, les enlèvements pour des motifs raciaux et politiques ne sont pas des accidents liés à des dysfonctionnements mais la norme de cet état d’exception.

 

    Selon Omar Boudaoud, cité par Youcef Girard, «la manifestation du 17 octobre 1961 agit comme un révélateur de l’action des pouvoirs de police française à l’égard des Algériens». Dans les jours précédant le 17 octobre, du 1er au 16 octobre 1961, l’Institut médico-légal de Paris recensa 54 cadavres de Maghrébins. (...) La répression contre le FLN s’intensifiait et l’ensemble des immigrés en subissaient les conséquences selon la logique coloniale de la répression collective. Le 2 octobre, au cours de l’enterrement d’un policier tué dans une attaque du FLN, Maurice Papon affirma: «Pour un coup reçu, nous en porterons dix.» (...) Le couvre-feu touchait particulièrement les militants nationalistes algériens car, selon Omar Boudaoud, «le travail du FLN s’effectuait généralement le soir: les réunions de militants se tenaient dans les cafés ou dans d’autres endroits, la collecte des cotisations s’effectuaient après la sortie du travail et le repas du soir, de même que la diffusion de la "littérature" FLN». Devant les difficultés que le couvre-feu entraînerait pour l’organisation nationaliste, le Comité fédéral expliquait que «l’application de ce couvre-feu deviendra un handicap insurmontable et paralysera toute activité. Essayez donc d’organiser quelque chose pour riposter».(2)

 

     Le 17 octobre à 20h30, heure à laquelle débutait le couvre-feu, la première étape de la mobilisation fut mise en oeuvre: une grande manifestation non violente fut organisée à Paris. «Nous rappelâmes le caractère impératif de la directive: toute riposte était interdite. Pas question d’avoir le moindre canif» (...) Des policiers témoignaient: «Parmi les milliers d’Algériens emmenés au parc des Expositions de la porte de Versailles, des dizaines ont été tués à coups de crosse et de manche de pioche par enfoncement du crâne, éclatement de la rate ou du foie, brisure des membres. Leurs corps furent piétinés sous le regard bienveillant de M.Paris, contrôleur général. D’autres eurent les doigts arrachés par les membres du service d’ordre, policiers et gendarmes mobiles, qui s’étaient cyniquement intitulés "comité d’accueil"»(3)

 

    Connaissant les méthodes répressives inhumaines de la police, on peut s’interroger à juste titre pourquoi avoir exposé à la bestialité de la police des centaines d’Algériennes et d’Algériens. Omar Boudaoud s’explique: «Nous nous attendions certes à une vague de répression; mais nous étions tellement sûrs du caractère pacifique de la manifestation, que la sauvagerie et l’atrocité de la répression qui s’en suivit nous prit au dépourvu.» Après cette terrible nuit, l’Etat français s’employa à recouvrir les massacres du 17 octobre 1961 du voile de l’amnésie.(3)

     Les événements du 17 octobre 1961 ont longtemps été frappés d’un oubli presque entier. Longtemps, nul ne semblait savoir qu’avait eu lieu en 1961 une manifestation de masse d’Algériens à Paris, ni qu’elle avait été réprimée avec une extrême violence. L’oubli qui a frappé la journée du 17 octobre 1961 est-il dû à la censure organisée par le pouvoir? C’est une explication que l’on a souvent invoquée; et au regard du nombre des saisies et des interdictions de publication, elle semble justifiée. Le journal Vérité-Liberté, qui dénonce les massacres et reproduit des témoignages, en particulier un tract de policiers dénonçant la violence extrême de la répression, est immédiatement saisi sur ordre du préfet de police M.Papon. Fin 1961, le livre Ratonnades à Paris, de P. Péju, est saisi lui aussi. (...) La censure ne semble pourtant pas suffire à expliquer l’oubli du 17 octobre, si l’on considère en particulier ce qui a été écrit dans la presse dans les jours qui ont suivi les massacres. Au lendemain de la manifestation, seuls L’Humanité et Libération dénoncent la violence de la répression; Le Monde et La Croix, se voulant neutres, relaient la version officielle de «heurts» avec la police tandis que Le Figaro et France-Soir affirment que ce sont les manifestants, «fanatisés» ou «manipulés» par le FLN. (...)(4)

Un crime oublié

 

     «Un premier élément de réponse s’impose: le 17 octobre 1961 a d’abord été oublié au même titre que tous les crimes de la Guerre d’Algérie.(...) Mais l’oubli du 17 octobre 1961, c’est aussi son recouvrement et sa confusion avec la manifestation de Charonne. Le 8 février 1962, quelques mois après la manifestation des Algériens, le Parti communiste français organise une manifestation pour exiger que soit mis fin à la Guerre d’Algérie. Les policiers chargent et huit personnes trouvent la mort. A leurs obsèques se rassemblent plusieurs dizaines de milliers de personnes. La mémoire des martyrs de Charonne sera entretenue avec constance par le PCF et au-delà par l’ensemble de la gauche française. Charonne restera pour tous le symbole de la violence de l’Etat pendant la Guerre d’Algérie et a effacé de la mémoire le 17 octobre 1961.»(4)
Si, en 1972, P. Vidal-Naquet avait déjà rappelé les massacres des 17 et 18 octobre 1961 dans son livre La Torture dans la République, c’est à partir des années 1980 qu’ils acquièrent peu à peu une véritable publicité. (...) Tout au long des années 1980 et 1990, des intellectuels et des journalistes travaillent à ce que le 17 octobre acquière la publicité qui lui est refusée: en 1983 paraît le roman de D. Daeninckx, Meurtres pour mémoire; en 1985, le livre de M.Lévine, Les ratonnades d’octobre; La Bataille de Paris, publié en 1991. A partir d’archives du FLN, de témoignages de manifestants et de policiers, à partir des plaintes déposées à l’époque et de registres de cimetières, J-L.Einaudi retrace, minute par minute, le déroulement de la manifestation et de sa répression. (...) La position du gouvernement socialiste sur le 17 octobre 1961 est en fait essentiellement ambiguë. (...) Par ailleurs, même après la déclaration du Premier ministre en 1999, J-L.Einaudi s’est vu une nouvelle fois refuser l’accès aux archives de la préfecture de Paris. Enfin, le Premier ministre [Lionel Jospin Ndlr] s’est prononcé contre la reconnaissance officielle des crimes du 17 octobre 1961, déclarant que l’Etat n’avait pas à faire acte de «repentance» et qu’il appartenait à présent aux historiens de faire le nécessaire travail de mise au jour de la vérité sur ces événements. La réticence de l’Etat et de la société civile à reconnaître les crimes du 17 octobre 1961 témoigne plus profondément de ce que l’histoire de la colonisation reste à faire.  (5)

 

      Les massacres du 17 octobre 1961 ne sont pas une singularité, ils ont été précédés -le mot génocide est une marque déposée de la Shoah -par une série de massacres à grande échelle à Guelma, Kherrata, Sétif et aussi Alger en 1957 avec un Aussarresses que présente Pierre Vidal-Naquet dans La torture dans la République comme le chef de file d’une équipe de tueurs professionnels. L’écrasante majorité des généraux qui ont eu à diriger les opérations militaires en Algérie à un moment ou un autre, ont soit donné l’ordre, soit couvert des actes barbares contre des populations civiles quand ils ne les menaient pas eux-mêmes; comme le général Pélissier en 1845 dans les plaines du Dahra. Ce général piégea les Ouleds Riahs dans les grottes de Nekmaria, y entassa des fagots de bois, alluma le feu et les enfuma devenant ainsi avec presque un siècle d’avance l’un des pères des chambres à gaz. Plus tard, un soldat raconte: «Rien ne pourrait donner une idée de l’horrible spectacle que présentait la caverne. Tous les cadavres étaient nus, dans des positions qui indiquaient les convulsions qu’ils avaient dû éprouver avant d’expirer. Le sang leur sortait par la bouche; mais ce qui causait le plus d’horreur, c’était de voir des enfants à la mamelle gisant au milieu des débris de moutons, des sacs de fèves...».

 

    Pendant 132 ans, la France autoproclamée des droits de l’Homme -pétrie du, dit-on «siècle des Lumières» -et qui fut à bien des égards «un siècle des ténèbres» pour les peuples faibles- n’a cessé de réduire les Algériens par des massacres sans nom. Elle n’a cessé aussi de déstructurer le tissu social au point de problématiser, encore de nos jours, l’identité des Algériens, et d’avoir semé dans nos têtes le virus de la soumission intellectuelle au point que tout ce qui vient «de l’autre coté» est du pain béni. Cette colonisation inhumaine avec son cortège funèbre a broyé des millions de vies humaines et traumatisé une société qui peine à se redéployer. Il y eut tout au long de ces dernières années un regain des «nostalgériques» qui assument, revendiquent, claironnent avec l’approbation tacite du pouvoir.

 

    S’agissant de la guerre d’Algérie et de ses conséquences tragiques toujours actuelles, on se souvient que le 6 mai 2007, le président de la République Nicolas Sarkozy prononce cette phrase sans appel: «Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres.» «Qu’est-il reproché aux hommes et aux femmes, écrit Olivier LeCour GrandMaison, qui souhaitent que l’Etat reconnaisse les crimes coloniaux commis par la France? (...) Sans doute est-ce au moment où la commémoration de la destruction des Juifs d’Europe est devenue consensuelle que tout autre exigence mémorielle a été perçue, par beaucoup, comme un désordre politique et une inconvenance morale témoignant d’une "surenchère victimaire" inacceptable parce que dangereuse. (...) Dans ce contexte, l’expression "banalisation d’Auschwitz" fait partie de ces locutions "magiques", ou diaboliques qui, en raison de leur pouvoir d’intimidation et de stigmatisation, se suffisent à elles-mêmes et dispensent ainsi leurs utilisateurs de la nécessité de justifier leur position. (...)».

 

     On l’aura compris, pour Max Gallo, Alain Finkielkraut Pascal Bruckner avec sa «tyrannie de la repentance» ont idéologisé «la non-repentance», seuls les crimes commis envers les Juifs doivent faire l’objet d’une repentance ad nauseam déclinée sous toutes les formes, impunité d’Israël, risque de condamnation pour antisémitisme et naturellement «industrie de l’holocauste». Laissons Pierre Bourdieu conclure: «J’ai maintes fois souhaité que la honte d’avoir été le témoin impuissant d’une violence d’État haineuse et organisée puisse se transformer en honte collective. Je voudrais aujourd’hui que le souvenir des crimes monstrueux du 17 octobre 1961, sorte de concentré de toutes les horreurs de la guerre d’Algérie, soit inscrit sur une stèle, en un haut lieu de toutes les villes de France, et aussi, à côté du portrait du Président de la République, dans tous les édifices publics, Mairies, Commissariats, Palais de justice, Écoles, à titre de mise en garde solennelle contre toute rechute dans la barbarie raciste.»


1.Jean-Luc Einaudi. Un crime toujours pas condamné. L’Humanité 13 octobre 2001

2.Youcef Girard. 17 octobre 1961: Nuit sanglante à Paris, samedi 18 octobre 2008 - Oumma.com

3.Boudaoud Omar. Du PPA au FLN, mémoire d’un combattant, Alger, Casbah Editions, 2007

4.45e anniversaire des crimes du 17 octobre 1961: l’oubli et la mémoire. 16/10/2006. Oumma.com

 

5. Charlotte Nordmann & Jérôme Vidal 17octobre1961.free.fr/.

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

«Le 17 octobre 1961, lors d’une manifestation non violente contre le couvre-feu qui leur était imposé, des dizaines d’Algériens étaient assassinés à Paris par des fonctionnaires de police aux ordres de leurs supérieurs. Depuis quarante-huit ans, ce crime contre l’humanité commis par l’État a été occulté, et ceux qui l’ont organisé n’ont jamais eu à rendre compte ni de leurs décisions ni de leurs actes. Petit rappel de la genèse de l’affaire: le 5 Octobre 1961, le préfet de police Maurice Papon publie un communiqué: "Dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes, des mesures nouvelles viennent d’être décidées par la préfecture de police. En vue d’en faciliter l’exécution, il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20h30 à 5h30 du matin. (...) En conséquence, il est très vivement recommandé aux Français musulmans de circuler isolément, les petits groupes risquant de paraître suspects aux rondes et patrouilles de police." De plus, le préfet de police décide que les débits de boissons tenus et fréquentés par les Français musulmans d’Algérie doivent fermer chaque jour à 19 heures.»
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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 12:37

«Quand l’Europe écoute l’histoire du christianisme, elle écoute sa propre histoire. Les chrétiens sont tenus de se rassembler. Sa mémoire du passé anime ses aspirations pour l’avenir.»

Le pape. 25 09 2009, Brno.



       Une plaie qui existe depuis que le monde est monde est le racisme que l’on peut définir selon l’encyclopédie Wikipédia  «comme une idéologie consistant à hiérarchiser des groupes naturels humains, désignés souvent sous le terme de «races», à partir d’attributs naturels, visibles ou non (physiques, psychiques, culturels, etc.) des caractéristiques morales ou intellectuelles s’appliquant à l’ensemble de ce groupe. Cette idéologie peut entraîner une attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie déterminée de personnes. Ces actes d’hostilité se traduisent par la discrimination, une forme de xénophobie ou d’ethnocentrisme».

   Le racisme est pour ainsi dire consubstantiel de la nature humaine; au nom du racisme il y a eu l’esclavage, il y a eu la traite des Noirs, le code noir, le code de l’indigénat. Nous allons traiter à travers quelques cas comment l’Europe développe, contrairement aux autres peuples et nations, un double discours: celui des droits de l’homme, de l’Habéas Corpus, des droits de l’homme et du citoyen et en même temps dans ce XXIe siècle, elle continue à laisser faire des actes racistes insidieux voire, elle entretient par des mécanismes invisibles, cette barrière invisible qui existait entre le colonisé et le colon, entre le beur, le Noir des anciennes colonies devenu français, mais toujours avec ce plafond de verre qui obère tout leur avenir. S’il est vrai qu’au XIXe siècle les chantres des races supérieures tels que Arthur de Gobineau (De l’inégalité des races) Renan et Joseph Chamberlain en Angleterre entretenaient avec conviction le filon du racisme, Jules Ferry n’est-il pas allé jusqu’à proclamer à l’Assemblée que «les droits de l’homme ne sont pas applicables dans nos colonies» ?!          

        D’où viendrait cette certitude d’appartenir à la race des élus. Il faut remonter, comme le décrivent Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, à la conquête coloniale et au «devoir de civilisation». On imagine mal aujourd’hui, écrivent-ils, le nombre des exhibitions des «indigènes» et la variété des lieux où étaient reconstitués des «villages nègres» ou donnés des spectacles ethniques, entre les années 1850-60 et 1930. Expositions universelles et coloniales, jardins zoologiques, mais également entrepreneurs privés - comme le célèbre allemand Hagenbeck - proposent inlassablement de tels spectacles/ (...) Ces exhibitions contribuaient à diffuser dans le public cette vision de l’indigène comme un être fruste, mal dégrossi, encore proche de l’animalité. Oui, le sauvage existe! Il s’agit de le «civiliser». En exhibant ainsi l’Autre, en infériorisant systématiquement des groupes humains, on creuse un fossé entre «eux» et «nous», confortant l’Occident dans son rôle de «guide du monde», de «civilisation supérieure». «Animaliser les conquis» ne permet-il pas de justifier la brutalité des conquérants? Dans l’entre-deux-guerres, les expositions mettent davantage en scène la lente mais possible évolution du sauvage vers la civilisation. La distance entre «eux» et «nous» continue d’être montrée, mais aussi l’énorme travail accompli pour tenter de les civiliser. L’indigène est désormais plus souvent montré sous sa forme servile, il a quitté ses aspects les plus sauvages pour revêtir les atours du tirailleur, de l’artisan ou du travailleur au service de la plus grande France (1).» Cela va même plus loin. «Le langage du colon, quand il parle du colonisé, écrit Frantz Fanon, est un langage zoologique. On fait allusion aux mouvements de reptation du Jaune, aux émanations de la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, aux pullulements, aux grouillements, aux gesticulations. Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste, se réfère constamment au bestiaire.(2)»

     Tout un vocabulaire est mis à la disposition du colon et plus tard du Français bonne souche, bon teint. Quand on parle des banlieues on parle de sauvageons, ou de racaille. On parle même de «jungle» s’agissant des clandestins de Calais, le terme bougnoule est plus ancien. René Naba donne une explication, il s’agirait de tirailleurs maghrébins que l’on gavait de gnole avant un assaut, d’ou le nom Abou gnole qui glissera vers bougnoule. Voilà la récompense des colonisés qui ont donné leur vie et qui se voient affublés de noms qui porteront préjudice à leurs énièmes descendants dans la France de 2009. Nous allons articuler notre plaidoyer sur le racisme ordinaire en donnant trois exemples récents.

     Dans une vidéo largement diffusée. Le ministre de l’Intérieur discute avec la jeune garde de l’UMP: dédicaces, serrages de louches, photos, ambiance dans les travées... Parmi ses supporters, il y a Amine Benalia-Brouch, manifestement avide de lui serrer la main et d’être pris en photo avec lui: «Ah oui, ça c’est l’intégration... et lui, il parle arabe, hein!» Marie Apathie, secrétaire départementale UMP dans les Landes le présente: «Il est catholique, il mange du cochon et il boit de la bière.» Hortefeux renchérit: «Il ne correspond pas du tout au prototype, alors.» Elle ajoute: «C’est notre petit Arabe...» Le ministre: «Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.» Même si le militant arabe est venu à la rescousse du ministre, assurant que celui-ci ne lui avait pas manqué de respect. (3)

     Deuxième affaire: six gendarmes mobiles de Satory, se sont dits ciblés par des propos racistes et discriminatoires de la part de collègues. Ils ont affirmé vendredi leur volonté de saisir la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Affectés dans les Yvelines, les six gendarmes ont «depuis leur arrivée été régulièrement victimes de propos racistes tout comme ils font l’objet de discriminations». Un des gendarmes aurait ainsi été «maintes fois» appelé «bougnoule» par le commandant qui lui rappelait régulièrement qu’«il est le ‘’quota’’ du secrétariat». D’origine maghrébine, deux autres gendarmes musulmans affirment avoir été humiliés lors de séances de remise de galons. La direction de la gendarmerie, qui n’a pas encore reçu la saisine de la Halde, a confirmé qu’un gendarme s’était plaint en février de propos racistes tenus par son commandant d’escadron. Celui-ci aurait écopé de trente jours d’arrêt, d’après le Service d’information et de relations publiques des armées. «L’honneur est sauf...» Une troisième affaire est en fait un cri de souffrance d’un journaliste du Monde d’origine maghrébine qui étale ses avanies au quotidien. Ecoutons-le nous rapporter quelques faits: «Brice Hortefeux a trop d’humour. Je le sais, il m’a fait une blague un jour. Jeudi 24 avril 2008. Le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale doit me recevoir dans son majestueux bureau. Un rendez-vous pour parler des grèves de sans-papiers dans des entreprises. Je ne l’avais jamais rencontré. Je patiente avec ma collègue Laetitia Van Eeckhout dans cet hôtel particulier de la République. Brice Hortefeux arrive, me tend la main, sourit et lâche: «Vous avez vos papiers?»

        "Trois mois plus tard, lundi 7 juillet, jour de mes 29 ans. Je couvre le Tour de France. Je prépare un article sur ces gens qui peuplent le bord des routes. «Je te parle pas, à toi», me jette un jeune homme, la vingtaine. A côté de moi, mon collègue Benoît Hopquin n’a aucun souci à discuter avec cette «France profonde». Il m’avouera plus tard que, lorsque nous nous sommes accrédités, une employée de l’organisation l’a appelé pour savoir si j’étais bien son... chauffeur. (...) Je pensais que ma «qualité» de journaliste au Monde allait enfin me préserver de mes principaux «défauts»: être un Arabe, avoir la peau trop basanée, être un musulman. Je croyais que ma carte de presse allait me protéger des «crochets» balancés par des gens obsédés par les origines et les apparences. Mais quels que soient le sujet, l’endroit, la population, les préjugés sont poisseux. J’en parle souvent à mes collègues: ils peinent à me croire lorsque je leur décris cet «apartheid mental», lorsque je leur détaille les petites humiliations éprouvées quand je suis en reportage, ou dans la vie ordinaire. A quoi bon me présenter comme journaliste au Monde, on ne me croit pas. Certains n’hésitent pas à appeler le siège pour signaler qu’«un Mustapha se fait passer pour un journaliste du Monde!» (4)

«Ça fait bien longtemps, avoue Mustapha Kessous, que je ne prononce plus mon prénom lorsque je me présente au téléphone: c’est toujours «M. Kessous». Depuis 2001, depuis que je suis journaliste, à la rédaction de Lyon Capitale puis à celle du Monde, «M.Kessous», ça passe mieux: on n’imagine pas que le reporter est «rebeu». Le grand rabbin de Lyon, Richard Wertenschlag, m’avait avoué, en souriant: «Je croyais que vous étiez de notre communauté.» J’ai dû amputer une partie de mon identité, j’ai dû effacer ce prénom arabe de mes conversations. Dire Mustapha, c’est prendre le risque de voir votre interlocuteur refuser de vous parler. Je me dis parfois que je suis parano, que je me trompe. Mais ça s’est si souvent produit... (...) Pour que la réussite soit de mon côté, j’ai demandé à être éduqué dans une école catholique: j’ai vécu l’enfer! (..) Au départ, je me rendais seul dans les agences immobilières. Et pour moi - comme par hasard - il n’y avait pas grand-chose de disponible. (...) Que dire de la police? Combien de fois m’a-t-elle contrôlé - y compris avec ma mère, qui a plus de 60 ans -, plaqué contre le capot de la voiture en plein centre-ville, fouillé jusque dans les chaussettes, ceinturé lors d’une vente aux enchères, menotté à une manifestation? Des histoires comme celles-là, j’en aurais tant d’autres à raconter. On dit de moi que je suis d’origine étrangère, un beur, une racaille, un islamiste, un délinquant, un sauvageon, un «beurgeois», un enfant issu de l’immigration... Mais jamais un Français, Français tout court.»

    «Il y a des noms propres, écrit Léon Marc Lévy, qui portent en eux-mêmes un statut de signifiant pur, détaché de la désignation d’une personne physique. Mustapha. N’Diaye. Lévy. Droit dans le symptôme de notre France profonde dans laquelle le pétainisme, le colonialisme, ont été tout, sauf des accidents. Prénoms et noms sont détournés de leur destination, ils cessent de décliner une identité. Ils deviennent le nom-de-l’Arabe, le nom-du-Noir, le nom-du-Juif. Mustapha Kessous dans son témoignage nous dit, avec élégance et pudeur, les blessures du Mustapha qu’il est. (...) Mon propos n’est pas de recommencer, au nom du Juif cette fois, le magnifique et émouvant témoignage de Mustapha Kessous. De toutes façons, j’aurais du mal car, encore une fois, les blessures que j’ai pu subir du fait de mon nom sont infiniment moins fréquentes, moins rudes, moins ouvertes que celles que doit subir un Arabe, tous les jours, au travail, dans la rue, devant le guichet d’une administration ou à la porte d’une boîte de nuit. (...) Benoîtement, une lectrice du Monde dans une réaction à l’article de M. Kessous, lui propose de changer de nom, de «tuer» son nom!! Comme pour illustrer que la pulsion est bien meurtrière! Lequel d’entre nous n’a pas assisté à une de ces scènes «banales» de racisme anti-arabe ou d’islamophobie? Si on décidait, certains le font déjà bien sûr, de ne plus laisser faire, de ne plus se taire, de ne plus tolérer que quiconque soit identifié à un visage ou un nom? Le début du chemin dépend sûrement de chacun de nous. Pour en finir avec les Noms pas Propres.(5)

    Ces faits avérés parmi tant d’autres nous permettent de mesurer l’étendue du fossé qui sépare ces nouveaux Français qui ont largué les amarres originelles pensant, naïvement, s’intégrer harmonieusement à l’ombre des lois de la République sans perdre leur identité, voire leur âme. (...) Juste retour des choses, le désenchantement a atteint en profondeur les beurs qui, las de revendiquer des droits après avoir abdiqué leur identité originelle pour une hypothétique identité gauloise qu’on leur refuse dans les faits, ces mêmes beurs par un véritable introspection franchissent le pas d’un retour aux sources. Pourtant, comme l’écrivent Charles Bremmer et Marie Tourres: «Voulant épargner à leurs enfants la discrimination, beaucoup de parents immigrés ont donné à leurs enfants des prénoms très français. Difficile ensuite de revenir en arrière». Ils sont nés en France et s’appellent Louis, Laurent ou Marie, mais ils veulent changer de prénom pour devenir Abdel, Saïd ou Rachida. Les demandes de changement de prénom de la part d’enfants d’immigrés se multiplient devant les tribunaux français. (...) «Mon apparence est en contradiction avec mon prénom», explique Jacques, 25 ans, qui souhaite adopter un nom originaire du pays de ses parents, l’Algérie.(6)

     Les «beurs» ont une façon à eux de résumer leur situation en trois phrases: «Tu peux gagner des médailles d’or pour la France, pour les flics tu resteras toujours un macaque. Tu peux gagner la Coupe du monde pour la France, pour les flics tu resteras toujours un raton. Tu peux vivre depuis 200 ans en France, pour les videurs des boîtes de nuit, si ta peau est basanée, ce sera toujours «ça ne va pas être possible»». Il ne faut pas croire aussi que dans l’Amérique d’Obama, le racisme a disparu. Nous nous souvenons des mésaventures du professeur noir de Harvard, malmené chez lui sur dénonciation d’une passante qui croyait à un cambriolage Au moment où la popularité de Barack Obama s’effrite, les attaques sur ses origines et sa couleur se font de plus en plus précises. Obama en sorcier africain, un os en travers du nez, Obama en fourrure de singe, mangeant une banane...(...) Un article publié sur le site Internet de la chaîne de télévision Fox News a lancé la théorie selon laquelle la réforme du système de santé serait une tentative dissimulée d’octroyer des réparations pour l’esclavage: les Blancs paieront l’addition, et, en vertu d’un mécanisme occulte, les Noirs bénéficieront de tous les soins.

    En définitive, De Gaulle avait bien raison d’affirmer que «le corps social» n’est pas prêt à absorber en grande quantité des éléments allogènes à son identité. Celle d’un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.»

1.Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire Zoos humains. La Découverte.2004.

2. Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002,

3..Chloé Leprince: Hortefeux donne dans l’humour raciste à répétition. Rue89 10/09/2009 |

4.Moi, Mustapha Kessous, journaliste au Monde victime du racisme. Le Monde 23 09 2009

5.Léon-Marc Levy. Des Noms pas Propres. Le Monde 23.09.09

6..C Bremmer, M. Tourres: Quand Jean-Pierre veut s’appeler Mohamed. The Times 28 11 2008


Pr Chems Eddine CHITOUR

 

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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 00:27

«Il y a deux choses avec lesquelles il ne faut pas plaisanter dans la vie, c’est l’argent et les dollars.»


Coluche



Une rumeur inquiétante pour les Etats-Unis et pour le reste du monde par voie de conséquence : la chute du dollar et son remplacement par d’autres monnaies. Les signes avant-coureurs sont là : la parole est libérée : de plus en plus de pays parlent ou font circuler une rumeur, celle de remplacer le dollar erratique par un panier de monnaies ou même par l’or à même d’être plus fidèle à la physionomie de la finance internationale.


Petit retour en arrière : alors que l’on désigne généralement sous ce terme le dollar américain ou dollar US, le mot «dollar» est dérivé du nom d’une autre monnaie, le thaler, très utilisé à partir du XVe siècle, dans l’empire des Habsbourg puis dans le monde entier. Cette monnaie se répandit en Amérique latine, où elle prit le nom de dólar. Quand les États-Unis acquirent leur indépendance, ils choisirent aussi le dollar pour monnaie. Le dollar US est la monnaie la plus utilisée pour les transactions dans le monde et la deuxième monnaie en circulation derrière l’euro depuis décembre 2006. Le premier dollar américain a été imprimé par la colonie du Massachusetts en 1690. En 1775, le Congrès Continental décida de créer une monnaie pour financer la Guerre d’Indépendance. C’est par le «Mint Act» du 2 avril 1792 que le Congrès établit un système monétaire avec le dollar comme monnaie de référence. Les premières pièces américaines ont été frappées à Philadelphie en 1793. Il fallut attendre la loi du 17 juillet 1861 pour que le gouvernement américain émette les premiers billets. La célèbre devise «In God We Trust» (En Dieu nous croyons) est apparue sur la pièce de 2 cents en 1864. C’est en 1914 que les Banques Fédérales ont commencé à émettre des billets. Aujourd’hui, plus de 99% des billets américains en circulation sont fabriqués par la Réserve Fédérale. Le dollar américain est aujourd’hui la principale monnaie de réserve utilisée dans le monde. (1)


L’étalon-or Le système de Bretton Woods : depuis la révolution industrielle, le système monétaire international est essentiellement basé sur l’or. Toutes les monnaies ne sont pas convertibles, mais compte tenu des sphères d’influence et du rôle déterminant de la livre sterling, l’étalon-or permet un grand développement du commerce international et des échanges sans crises majeures. Or, après 1914, l’Angleterre n’a plus les moyens d’assumer ce rôle et les États-Unis n’en ont pas le désir. Accords de Bretton Woods. La Première Guerre mondiale crée des pertes matérielles et humaines considérables qui ont des conséquences économiques majeures. L’endettement s’est considérablement accru. Beaucoup de pays ruinés n’ont plus d’or. Les accords de Gênes de 1922 créent un système d’étalon de change-or qui permet aux États d’émettre de la monnaie non plus en contrepartie d’or mais de devises convertibles en or. Ce système s’avère instable. La crise boursière puis bancaire qui frappe les États-Unis provoque l’explosion du système d’étalon change-or, chaque pays cherchant son salut dans des mesures de protection nationale. En 1931, l’Allemagne établit un contrôle total des changes, la Grande-Bretagne suspend la convertibilité de la livre en or et crée la zone sterling, le Japon suspend la convertibilité du yen en or et instaure un contrôle total des changes. En 1933, les États-Unis suspendent la convertibilité de leur monnaie en or et créent une Zone dollar. C’est la mort du système de l’étalon change-or de Gênes. Les politiques des différents gouvernements de l’époque dévaluent leurs monnaies pour améliorer leurs exportations (2)


Après la Seconde Guerre mondiale, les Alliés réfléchissent à un nouveau système permettant d’éviter d’une part les secousses monétaires internationales qui avaient suivi la Première Guerre mondiale. L’économie américaine sort de la guerre confortée dans sa position d’économie la plus puissante au monde. L’Europe et l’Extrême-Orient sont ruinés militairement et économiquement. Les États-Unis disposent de la plus grande partie des capitaux mondiaux et dominent la production manufacturière et les exportations. Ils produisent la moitié du charbon, les deux tiers du pétrole et plus de la moitié de l’électricité au niveau mondial. De plus, 2/3 des réserves mondiales d’or sont détenues par les Américains. Les États-Unis décident donc d’organiser en 1944 une conférence dont le but est de créer un système monétaire capable de fournir un cadre solide à la reconstruction et à l’expansion économique du monde libre, en faisant des États-Unis et du dollar les piliers de la nouvelle architecture économique. Ils vont jouer respectivement les rôles que jouaient le Royaume-Uni et la livre avant la guerre de 1914.(2)


Les représentants des États créent un Gold-Exchange Standard fondé sur une seule monnaie, le dollar américain : toutes les monnaies sont définies en dollar et seul le dollar est défini en or. Une règle implicite est qu’on ne demande pas la conversion des dollars américains en or. Tous les dollars américains qui entrent dans un pays servent donc à la création de monnaie locale tout en étant le plus souvent replacés auprès du Trésor américain. Du dollar dépend désormais la croissance et l’inflation mondiales. Ce système servira de cadre aux Trente Glorieuses, cette période qui, de 1945 à 1974, verra le décollage économique et l’opulence du monde occidental. Jusqu’en 1958, il y a famine de dollars. Puis la situation se retourne. Une inflation de dollars se produit notamment du fait des dépenses considérables de la guerre du Viêt Nam et de la course à l’espace. Les pays qui exportent le plus vers les États-Unis accumulent d’immenses réserves en dollars qui donnent lieu à autant d’émissions dans leur propre monnaie, alimentant une inflation de plus en plus inquiétante. Les États-Unis ne veulent pas voir disparaître leur encaisse-or. Ils suspendent la convertibilité du dollar en or le 15 août 1971. La conjoncture internationale est désormais assujettie aux variations de valeur du dollar américain qui sont extrêmement fortes et souvent brutales. L’once d’or qui valait 35$ en 1971 cotait plus de 1000$ en 2008 et a dépassé les 1050 dollars en octobre 2009, soit 30 fois sa valeur de 1971. Le dollar avait alors perdu 96.5% de sa valeur en or. La crise monétaire et bancaire intense qui se développe depuis la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2008, a fait resurgir le spectre d’une nouvelle dépression aussi grave que la crise économique de 1929.(2)


«Le recul du dollar va-t-il s’accélérer et échapper à tout contrôle? écrivait déjà il a un an et demi Eric Le Boucher du Monde. L’euro, aspiré comme un ballon, va-t-il monter sans limite à 1,55? 1,60? 1,70? Plus? Le premier facteur est la faiblesse de l’économie américaine. Deuxième raison, la crise des subprimes. Tous les ingrédients sont réunis pour que la glissade continue. Mais un facteur supplémentaire pourrait provoquer son accélération : le décrochage de la parité fixe adoptée par les pays émergents et, plus largement, le recours à d’autres monnaies de réserve et de paiement. (..) Mais que va faire la Chine, riche de 1400 milliards de dollars? Les pays émergents ont accumulé 3000 milliards de dollars de réserve, les trois quarts du stock mondial. «Ce record historique traduit leur part croissante dans l’économie et la finance mondiales», souligne Jacques de Larosière, ancien directeur général du FMI, mais montre, surtout, que «le pouvoir financier mondial» est passé entre leurs mains. Vont-ils se défier du dollar? «Il n’est pas dans leur intérêt de s’engager dans des politiques agressives de diversification qui pourraient précipiter la baisse de la monnaie américaine et entraîner une dépréciation de leurs actifs», souligne Jacques de Larosière. Le dollar est détrôné, le monde monétaire multipolaire est né. En attendant, le monde monétaire post-dollar promet d’être ni plus stable ni plus juste. (3) En mars 2009 une première attaque sous l’effet des effets des mesures annoncées par la Fed pour relancer l’économie, le dollar vient de subir en terminant vers 1,37, sa pire semaine depuis la création de l’euro en 1999... Tout cela n’est pas nouveau en fait. Saddam Hussein avait déjà suggéré le recours à un panier 50% dollar 50% euro pour fixer et payer le pétrole. Quant à la «démondialisation «du dollar en tant que monnaie mondiale, ce sont les Chinois qui l’ont évoquée en proposant là encore une nouvelle monnaie mondiale qui serait provisoirement remplacé par le DTS, la superdevise du FMI.(4)


La remise en cause du dollar


Est-ce la fin du couple dollar-pétrole? Pour la commercialisation du brut, les six pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Koweït, Qatar, Oman, Emirats arabes unis) envisageraient, avec la Chine, la Russie, le Japon et la France, de remplacer la devise américaine par un panier de monnaies incluant le yen, le yuan chinois, l’euro, l’or et la future (et hypothétique) monnaie commune du Golfe. Le dispositif ne serait pas mis en place avant 2018 et l’or servirait de «monnaie» de transition durant les dix prochaines années. Ce scénario a été révélé, mardi 6 octobre, par The Independent, qui cite des sources bancaires arabes et chinoises basées à Hongkong. Il reste que la forte réaction des marchés financiers témoigne de la fragilité du dollar, dont le statut de monnaie de réserve est de plus en plus remis en cause. L’idée d’un baril de brut référencé sur un panier de devises n’est pas une vue de l’esprit. Elle revient quand le dollar a des accès de faiblesse. Elle a été officiellement discutée par l’0pep à Riyad, en novembre 2007. L’Arabie Saoudite et les monarchies du Golfe s’étaient alors opposées aux «faucons» (Iran, Venezuela), qui prônaient des mesures pour compenser la baisse du dollar. Les pays du Golfe ou la Chine n’ont aucun intérêt immédiat à une plongée du billet vert. Leurs devises sont accrochées à la devise américaine.


En attendant de voir le yuan devenir une monnaie phare, la dépréciation du billet vert a poussé la Chine à puiser dans ses réserves en dollars pour investir dans les matières premières - notamment pour sécuriser ses approvisionnements énergétiques au moment où le prix des actifs pétroliers baisse. Selon Pétrostratégies, Pékin a «engagé 105 milliards de dollars dans les hydrocarbures (hors achats courants de pétrole, de gaz et de gaz naturel liquéfié) entre août 2008 et juillet 2009», dont un tiers dans les républiques d’Asie centrale, mais aussi en Iran, en Irak et, dans une moindre mesure, en Afrique.(5) Que peut-on dire en conclusion? Il est hors de doute que le centre du monde a basculé. Les Etats-Unis ont perdu le leadership économique face à l’Asie (Chine, Inde, Corée, Japon) pour les plus importants. Il n’est que de voir comment les pays de la Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) revendiquent des parts de vote plus importantes au sein d’un FMI, chasse gardée des Etats-Unis et de l’Europe. Partout dans le monde des stratégies sont développées pour minimiser les dégâts du taux de change par rapport au dollar. En Algérie, on s’en remet aux bons du Trésor américain comme rente d’un pétrole pompé frénétiquement. Sait-on qu’un petit pays comme le Liban dispose de 240 tonnes d’or réévaluées du jour au lendemain ! La France dispose des plus grandes réserves avec 3500 tonnes.


En 1971, avant l’annonce par le président Nixon de l’annulation de la parité, l’once d’or (31,45 g) valait 35 dollars. En 1986 l’once d’or valait 133 dollars. Le prix de l’or a été multiplié par 4. Le prix du pétrole était en 1986 de 10 dollars. Cela veut dire qu’avec 31,45g d’or on pouvait acheter 13,3 barils de pétrole ou encore 20 m3 de pétrole. En 2009, la même once d’or vaut 1050 dollars, le prix de l’or a été multiplié par plus de 33 ! Que devient le prix du pétrole? Il était hier de 70 dollars. Quelle est sa valeur par rapport à 1986? Avec l’once d’or d’octobre 2009, nous pouvons acheter 15 barils (24 m3). En clair, avec les 70 dollars actuels nous n’arrivons pas à retrouver le pouvoir d’achat du baril de pétrole de 1986 ; la situation est encore plus dramatique pour le gaz naturel qui, à même pouvoir calorifique, est payé, d’une façon arbitraire, 3 à 4 fois moins cher que le pétrole. On sait que le prix dérisoire du pétrole devait nous amener, on s’en souvient, à une cessation de paiement qui a contribué dans une certaine mesure à Octobre 1988.


Que faut- il faire? Il faut s’interroger dans le calme et la sérénité pourquoi nous produisons bien au-delà de nos réels besoins financiers pour avoir des dollars dont le pouvoir d’achat s’effrite inexorablement. Encore une fois, notre meilleure banque est notre sous-sol. Nous devons extraire les hydrocarbures qu’avec parcimonie et en ayant en tête les intérêts supérieurs de l’Algérie et non nos «obligations» vis-à-vis des partenaires européens et autres qui nous considèrent comme un marché sans plus : pas d’investissement, achat des hydrocarbures avec de la monnaie de singe et vente par ces pays de produits finis faisant de l’Algérie un pourvoyeur de leurs emplois.


Pourquoi ne pas se faire payer au moins notre rente pétrolière en or? Plus largement, pourquoi ne pas penser à convertir cette manne de papiers de 144 milliards de dollars qui, au passage, étaient équivalents en juin à 4800 tonnes d’or, avec un prix de l’once de 935 dollars. Le 8 octobre, l’équivalent de ces 144 milliards de dollars n’est plus que de 4320 tonnes ! Nous avons perdu en un trimestre, par le seul jeu de l’inflation, 500 tonnes d’or. Soit en termes de pouvoir d’achat un chiffre effrayant de 15 milliards de dollars ! Pour rappel, la production d’or de l’Algérie était de 2 tonnes en 2007... Pourquoi ne pas convertir ce dollar papier au moins en partie en or? Par ailleurs, dans l’opacité la plus totale tout le tissu industriel a été démonté au profit de slogans creux et sonores, la mondialisation, la mise au niveau, l’OMC, la Zone de libre-échange avec nos «frères» arabes qui ne nous achètent rien, l’Accord avec l’Union européenne, vrai marché de dupes d’un désarmement unilatéral tarifaire de l’Algérie. Résultat des courses, nous ne savons plus rien faire ! La loi des finances tant décriée par ceux qui n’y trouvent pas leur compte, ne doit pas s’arrêter au milieu du chemin. C’est une vision nouvelle de patriotisme économique qui doit s’appuyer sur la création de richesses. L’Université a son mot à dire, elle doit être sollicitée pour le plus grand bien de ce pays, de cette jeunesse qui aspire à bâtir l’Algérie. Qu’attendons-nous?


1.http://www.gralon.net/articles -le-dollar-histoire-d-une-monnaie-mythique-860.htmm


2.Le dollar. Article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.


3.Eric Le Boucher : Le Monde 09.12.07


4.Dominique Thiebault : Est-ce la fin du dollar? Challenges.fr 07.10.2009


5.Jean-Michel Bezat et Cécile Prudhomme : Après la remise en question de son statut de monnaie pétrolière, le dollar plonge. Le Monde 07.10.09


Pr Chems Eddine CHITOUR


Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

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8 octobre 2009 4 08 /10 /octobre /2009 13:29


 

«Le monde se maintient par trois choses: par la vérité, par la justice et par la concorde.»

Confucius

 

 

 

      Un scoop: le président iranien, connu pour ses violentes attaques envers l’Etat d’Israël et la religion juive, aurait des origines juives. C’est ce que révèle le Daily Telegraph, qui a réussi à trouver la petite bête. Analysant les photos sur lesquelles Mahmoud Ahmadinejad montre ses papiers d’identité, alors qu’il venait de se déclarer candidat à sa propre réélection à la présidence, les journalistes ont réussi à déceler une information étonnante. En effet, l’un des noms de famille du président iranien est, à en croire le quotidien anglais, d’origine juive. Les documents attestent en effet que les grands-parents du dirigeant se nommaient Sabourjian. Lors de leur conversion à l’Islam, intervenue juste après la naissance de Mahmoud, ses parents auraient adopté le nom, plus respecté, d’Ahmadinejad. Les Sabourjian font partie d’une importante minorité juive de la région d’Aradan, une petite ville à 100 kilomètres à l’est de Téhéran. Mahmoud Ahmadinejad y est né. Paradoxalement, les Sabourjian sont inscrits sur une liste de familles juives que le ministère de l’Intérieur «surveille».

 

         Les experts interrogés par le Daily Telegraph ne sont guère étonnés de ces révélations. Pour Ali Nourizadeh, du Centre anglais d’études arabes et iraniennes, «cet aspect caché de M.Ahmadinejad explique beaucoup sur lui. Chaque famille qui se convertit à une religion différente adopte leur nouvelle identité en condamnant leur ancienne foi. En tenant des propos anti-israéliens, il essaie d’écarter toute suspicion à propos de ses liens avec les Juifs. Il se sent vulnérable dans une société chiite radicale». Le président iranien n’a jamais caché que sa famille avait changé de nom lors de son déménagement à Téhéran dans les années 1950, selon le journal britannique. Mais il n’a jamais évoqué la raison de ce changement, ni son origine. Son entourage avait déjà évoqué des raisons religieuses mais aussi des pressions économiques, rapporte le Telegraph, qui note également que Mehdi Khazali, un blogueur, a été arrêté cet été après avoir appelé à une enquête sur les origines du président iranien. (1)

Fidèle à la ligne

 

         Le Journal du Dimanche va plus loin en titrant «Ahmadinejad aurait du sang juif», ce qui sous-entend clairement une conception raciale et non strictement religieuse du judaïsme. Mounadil Djazaïri écrit: «Si Ahmadinejad avait été issu d’une famille catholique, le Journal du Dimanche aurait-il intitulé son article «Ahmadinejad aurait du sang catholique»? Bien sûr que non, pas plus qu’on n’a du sang bouddhiste, communiste ou social-démocrate. D’après Meir Javedanfar cité par 20 Minutes, «Sabourjian n’est en rien un patronyme typiquement juif et qu’il est porté aussi bien par des familles juives que par des familles musulmanes. Cette origine juive supposée de M.Ahmadinejad donne bien entendu aux commentateurs l’occasion de faire de la psychanalyse de comptoir (ou plutôt de bazar) et de gloser sur la radicalité des nouveaux convertis. Elle expliquerait le discours antisioniste et prétendument antisémite du président iranien. Sauf quand même que les positions antisionistes de l’Iran ne doivent rien à M.Ahmadinejad et qu’elles remontent au début de la révolution islamique. M.Ahmadinejad s’inscrit en réalité en continuité avec ce qu’a été la politique du régime depuis sa création par l’ayatollah Khomeiny. Sauf aussi que dans le cas de M.Ahmadinejad, ce sont ses parents qui se seraient convertis et qu’il aurait, lui, grandi comme un musulman iranien lambda.» «Maintenant quelle peut bien être l’importance du fait que M.Ahmadinejad soit issu d’une famille juive comme le Daily Telegraph le prétend? Du point de vue musulman, ce fait n’a aucune importance du moment que l’appartenance à la confession musulmane est sincère, ce qui ne peut être mis en doute a priori. Après tout, les musulmans d’aujourd’hui ont tous des ancêtres plus ou moins lointains qui étaient chrétiens, juifs, hindouistes, zoroastriens, idolâtres, etc. L’Islam est une religion, pas une race. (...) Pour ceux que cela intéresse, il faut aussi savoir que ce n’est pas la première fois qu’une source d’information prétend que M. Ahmadinejad est issu d’une famille juive. Sur le site d’opposition au régime de Téhéran, Iran Resist, vous trouverez une analyse d’une première tentative d’intoxication de ce genre (en janvier 2009) qui visait à présenter le dirigeant iranien comme un crypto-juif(2)

 

          En quoi nous importe-t-il que les ancêtres du président Ahmadinejad aient été juifs? Il est presque certain, que les Hébreux, c’est-à-dire les Palestiniens actuels, étaient tous juifs avant de se convertir au Christianisme et à l’Islam! Nous sommes tentés de dire, monsieur Ahmadinejad était juif et après. ? Les peuples ont tous à un moment ou un autre été polythéistes, juifs, chrétiens et musulmans. Le professeur Sand de l’université de Tel Aviv rejette la plupart des histoires de la formation de l’identité nationale dans la Bible, y compris l’exode d’Égypte et, de façon plus satisfaisante, les horreurs de la conquête sous Josué. Tout cela est de la fiction et un mythe qui a servi d’excuse à la création de l’État d’Israël, affirme-t-il.»(3)

 

     «Selon Sand, les Romains n’ont généralement pas exilé des nations entières, et la plupart des Juifs ont été autorisés à rester dans le pays. Le nombre de ces exilés a été tout au plus de quelques dizaines de milliers. Lorsque le pays a été conquis par les Arabes, beaucoup de Juifs se sont convertis à l’Islam et ont été assimilés parmi les conquérants. Il s’ensuit que les ancêtres des Arabes palestiniens étaient des Juifs. Sand n’a pas inventé cette thèse. 30 ans avant la Déclaration d’indépendance, celle-ci a été endossée par David Ben Gourion, Yitzhak Ben-Zvi et d’autres». (...) Contrairement à une croyance conventionnelle, la religion juive a tenté d’inciter les membres d’autres confessions à devenir Juifs, ce qui explique comment on en est venu à compter des millions de juifs de par le monde. Comme le Livre d’Esther, par exemple, le note: «Et la plupart des gens du pays sont devenus Juifs, par crainte que les Juifs ne les attaquent.»

 

     Il décrit également en détail le royaume juif de Himyar, dans le sud de la péninsule arabique et les juifs berbères en Afrique du Nord. La communauté des Juifs d’Espagne était issue d’Arabes devenus juifs et arrivés avec les forces qui conquirent l’Espagne des Chrétiens, et d’individus nés en Europe qui étaient aussi devenus juifs.(1) Les premiers Juifs d’Ashkenaz ne provenaient pas de la terre d’Israël et ne sont pas parvenus en Europe de l’Est d’Allemagne, mais étaient devenus des juifs dans le royaume khazar dans le Caucase. Arthur Koestler les évoqua en 1976 en son ouvrage, La Treizième Tribu. Nous constatons, poursuit le professeur Sand, donc que les membres d’une variété de peuples et de races, blonds et noirs, bruns et jaunes, sont devenus des juifs en grand nombre. Selon Sand, le besoin des sionistes de s’inventer une ethnicité partagée et une continuité historique a produit une longue série d’inventions et de fictions, ainsi que le recours à des thèses racistes. (4).

 

          L’ouvrage de Sand, Quand et comment le peuple juif a-t-il été inventé? (When and How was the Jewish People Invented?) (publié par les éditions Resling, en hébreu), vise à promouvoir l’idée qu’Israël devrait être un «Etat de tous ses citoyens» -Juifs, Arabes et autres- par opposition à son identité proclamée de «pays juif et démocratique». «Dans leur majorité, les Juifs dits de la «diaspora» n’ont aucune attache ancestrale avec la Palestine et que les Palestiniens ne sontpas autre chose que les autochtones de la Palestine: tour à tour polythéistes, Juifs puis Chrétiens et/ou Musulmans. C’est que l’histoire de la Palestine ne diffère pas fondamentalement de celle d’autres contrées que nous incluons dans ce que nous appelons actuellement le Monde arabe. Les Arabes n’ont pas supplanté les peuples autochtones, que ce soit en Palestine, en Syrie, en Egypte ou en Algérie. Partout très minoritaires, ils ont obtenu, en général lentement, contrairement aux idées reçues, la conversion à l’Islam de franges plus ou moins larges de la population des nations qu’ils dominaient. Le mouvement d’islamisation ne cessant d’ailleurs pas avec la fin de la domination politique arabe.» (4)


La part de l’intox

 

        Cette mise au point étant faite, à savoir peu importe qu’Ahmadinejad soit ou non un crypto-juif (de religion et non de sang comme l’écrit Le Point, il n’y a pas de race juive, le vrai débat est pourquoi cette rumeur et comment expliquer le fait que les Juifs d’Iran ne souhaitent pas émigrer en Israël (faire leur Alya) qu’ils sont contents de leur sort en Iran et se disent avant tout iraniens avant d’être juifs, contrairement aux allégations non relevées d’un certain Zemmour Eric lors de l’émission de Laurent Ruquier sur TV5, le dimanche 4 octobre. Opposé à Tariq Ramadan, brillant cette fois-çi -bien qu’il défende un Islam mondain sans aspérité-, Zemmour déclare: «Je suis juif avant d’être français, je suis même israélien comme dirait ma mère.» Imaginez un Beur qui déclare: «Je suis musulman avant d’être français!» Son sort est pour ainsi dire scellé.
L’intox concernant les origines d’Ahmadinejad est ancienne. Il semble que le scénario soit à double détente: «Ahmadinejad est juif! C’est ce qu’affirme un article intitulé «Les juifs d’Iran» écrit par un certain Mehdi Khaz’ali, le fils de l’ayatollah Khaz’ali, un proche de Khomeiny et un fervent supporter d’Ahmadinejad. Décodage d’une drôle de rumeur à deux étages:

 

     1er étage: Ahmadinejad est juif, mais il ne serait pas le seul au sein du régime. La rumeur vise d’autres figures ultra-intégristes du régime: l’ayatollah Mesbah-Yazdi, et Mohammad-Ali Ramin, le blond concepteur de la conférence de l’holocauste! Ils seraient tous les deux des juifs! En d’autres termes, l’antisémitisme affiché du régime au cours de ces dernières années serait un complot sioniste! Il ne faut pas en rester là, il y a un second étage. L’’article de Mehdi Khaz’ali a été massivement diffusé sur le Net par des inconnus. Ces mêmes inconnus citent en guise de preuve une vidéo mise online sur YouTube. L’article sert de détonateur pour la vidéo. (...) Les trois personnalités visées seraient des Anuss ou des juifs qui font semblant d’être des musulmans. (...) Selon la tradition judaïque, sous la contrainte, un juif peut faire semblant d’avoir une autre religion pour sauver sa vie, mais selon l’auteur de la rumeur, «cette tradition sert de ruse à des juifs iraniens pour infiltrer le régime et agir dans le sens des intérêts d’Israël. (...)L’auteur de la vidéo accuse Ahmadinejad d’être un traître qui veut provoquer la guerre et la défaite de l’Iran.


          En Occident, Ahmadinejad sent le soufre. Pourtant dans toutes ses interventions, il n’a jamais parlé des Juifs et de leur disparition, mais de l’Etat d’Israël-, il cite pour cela une phrase de l’imam Khomeiny: «Ce régime qui occupe Jérusalem doit disparaître de la page du temps» (en persan: «een rezhim-e ishghalgar-e qods bayad az safheh-ye ruzgar mahv shavad») Souvenons-nous en 2006, Ahmadinejad écrivait une lettre à Bush à laquelle la Maison-Blanche ne fit pas de réponse; Bruno Guigue nous en parle: «(...) Ostensible dédain de l’administration Bush, la lettre adressée par le président iranien à son homologue américain a-t-elle seulement été lue? Mêlant l’ironie à la réprobation, le quotidien Le Monde y voit «une interminable leçon de morale», dont le contenu scandaleux justifie amplement à ses yeux le refus américain de toute négociation avec l’Iran. Entre autres sujets, Mahmoud Ahmadinejad y évoque le génocide hitlérien et pose une question: «Admettons que cet événement soit avéré, doit-il logiquement se traduire par l’instauration de l’Etat d’Israël au Moyen-Orient?» Horreur! Sainte indignation! (...) Sans le lire, George W. Bush a écarté ce texte d’un revers de la main dédaigneux. (...)Plus que nulle autre, elle souligne les contradictions insoutenables du leadership occidental dans ses rapports avec le reste du monde. (...) Ces contradictions, le président iranien les décrit dans son propre style, en ponctuant son propos de références à Jésus-Christ et de citations coraniques. Comme si c’était infamant, cette missive a été qualifiée de «philosophique» par la Maison-Blanche.. (...) »(5)

 

           « On se dispensera de paraphraser le texte, mais on ne résistera pas au désir de citer quelques questions d’une rare pertinence: «Avons-nous défendu les droits de l’homme partout dans le monde en imposant la guerre et en intervenant illégalement dans les affaires des autres pays?» «Remettre le droit de disposer d’eux-mêmes pour l’ensemble du territoire palestinien, à ses vrais propriétaires, se trouvant à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine, qu’ils soient musulmans, juifs ou chrétiens, est-il en contradiction avec les principes de la démocratie et des droits de l’homme?» «Est-ce que si, au lieu des centaines de milliards de dollars consacrés à la sécurité et à l’armée, on consacrait la même somme à l’aide aux pays faibles, au développement de la santé, à la lutte conte les différentes maladies... dans quelle position le monde se trouverait-il?»(...) De Téhéran, le président iranien souligne l’étrangeté d’une politique occidentale qui ne cesse de bafouer ses propres principes.(5)

       

             Pour terminer, est-ce cet homme, qu’il ait des antécédents juifs ou non, qui est responsable du chaos actuel. Son discours à l’ONU, fin septembre, est un véritable hymne à l’amour, à la paix. Ecoutons-le: «(...) Ils viendront et, avec l’aide des personnes justes et des croyants sincères, ils matérialiseront le désir de longue date de l’homme, pour la liberté, la perfection, la maturité et la sécurité et la tranquillité, la paix et la beauté. Ils viendront pour mettre un terme aux guerres et aux agressions et pour donner le savoir entier au monde, apportant aussi la spiritualité et l’amitié au monde entier. Oui, en effet, un futur brillant viendra pour l’humanité. Amis, chers amis, en attendant la venue de ce temps glorieux et avec un engagement collectif, apportons notre contribution due, en pavant le chemin et en préparant les conditions pour construire ce futur brillant. Longue vie à l’amour et à la spiritualité, longue vie à la paix et à la sécurité, longue vie à la justice et à la liberté. Je vous remercie tous.»


"Il y a du religieux allieurs que dans ma religion " disait le philophe Paul Ricoeur. Toutes le religions nt respecables. Ce qui l'est moins,  c'est l'instrumentaiton qu'en font les hommes. Ce contre feux allumé- pour étouffer le rapport Goldstone'  ne doti pas cacher la vérité qui est celle d'un peuple qui accepte de vivre  avec liberté et dgnité sur 22 % de sa Terre

1.Damien McElroy, Ahmad Vahdat Mahmoud Ahmadinejad revealed to have Jewish past The Daily Telegraph 3 oct 2009

 

2. Mounadil Djazaïri. Lundi 5 octobre 2009 http://mounadil.blogspot.com/

 

3.Tom Segev: Le «peuple juif»: une invention, traduit par Fausto Giudice Alterinfo.net le 10 mars. Haaretz Article original publié le 1er mars 2008

 

4 Les descendants des Juifs de Palestine sont...les Palestiniens. Alterinfo.net 7 mars 2008.

 

5. Bruno Guique :  La lettre persane d’Ahmadijad à Buh  mai 2006 Site Oumma.com

 

Pr Chems Eddine CHITOUR

 

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

 

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