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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 15:43
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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 15:41

«Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent».

Jean Paul Sartre (Philosophe)

L'histoire des civilisations humaines est aussi l'histoire de la fondation de communautés humaines qui sont appelées à augmenter leur espace vital et de ce fait, à provoquer des guerres pour fonder des Etats qui deviendront pour certains des empires. Il est dans la nature humaine de dominer son prochain. L'histoire est jalonnée de pays qui ont atteint des sommets en termes de puissance avant de disparaître.


Bref rappel des grands empires dans l'histoire

Qui ne se souvient de la civilisation pharaonique qui a vécu plus de trente siècles et qui a disparu donnant lieu à une Egypte en pleine déroute? Qui ne se souvient des civilisations perses? Les civilisations aztèques et mayas furent broyées par les conquistadors, en petit nombre, mais qui disposaient d'une technologie terrifiante: les canons et les armes à feu. Une place particulière est donnée par les historiens occidentaux à l'Empire romain qui dura plus de dix siècles après la fondation de Rome par Romus et Romulus. On sait que les empires déclinent de différentes façons. C'est le plus souvent une lente agonie et une perte de puissance de l'Etat central qui ne contrôle plus sa périphérie qui, de ce fait, a des tendances émancipatrices. C'est le cas des Empires espagnols et portugais - bâtis par le sabre et le goupillon- qui perdirent graduellement leurs colonies du fait de l'éloignement et d'une prise de conscience autochtone qui prône l'indépendance. L'histoire récente des empires montre que ces derniers sont mortels et que les causes de leur disparition peuvent être des longs délitements, l'empire s'effrite à partir des marches. Pour rappel, le coût humain de l'expansion est très lourd. La population amérindienne s'effondre, passant d'environ 80 millions d'habitants au début du XVIe siècle à environ 12 millions cent ans plus tard. Les massacres, le travail forcé, les déportations, la déstructuration des sociétés indigènes, et surtout les maladies amenées par les Européens sont responsables de ce désastre. Les exactions des conquistadors espagnols ont été dénoncées par le moine dominicain Bartolomé de Las Casas. En 1550, lors de la Controverse de Valladolid, il parvient à convaincre le roi et l'Eglise que les Amérindiens ont une âme...

L'Empire ottoman moins étudié par les historiens occidentaux, dura plus de six siècles mais s'effilocha sous les coups de boutoir de deux puissances de l'époque; l'Angleterre et la France qui ne cessèrent d'attiser les tensions religieuses dans la région qui correspond à l'actuelle Syrie, c'était il y a cent cinquante ans! A croire que l'histoire hoquette. Graduellement «l'homme malade de l'Europe» perdit les provinces orthodoxes, la Bulgarie, la Grèce, et l'Algérie. Pris à la gorge par ses créanciers, l'empire mena une fin sans gloire. On arrive au début du XXe siècle et avant même que la guerre ne se termine Sykes et Picot les biens nommés ministres anglais et français procédèrent au dépeçage de ce qui restait de l'empire. Le califat fut aboli. Mustapha Kémal proclame le 29 octobre 1923 la République turque sur les décombres de l'Empire ottoman


La tentation d'empire: toujours d'actualité en Angleterre

Une analyse magistrale de Mikhael Tyurkin de la situation actuelle du Royaume-Uni nous montre un semblant d'«empire» en déliquescence qui vit sur une rente qui disparaît peu a peu. Il écrit: «Au cours des dernières décennies, le Royaume-Uni s'est pensé comme le cerveau d'un empire global dont les États-Unis seraient les muscles. Mais le temps passe et «l'Empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais» est en pleine déconfiture. Avec un total cynisme, la gentry britannique se prépare à brader les richesses nationales pour sauver son mode de vie au détriment de son peuple.» (1)

«Le 10 mai dernier écrit l'auteur, le Premier ministre britannique David Cameron a rendu une visite inattendue à Sotchi pour chercher une entente avec Vladimir Poutine. (...) Cependant, quoi que Cameron fasse, il ne pourra probablement pas éviter le krach d'un empire qui est resté l'un des pays les plus puissants du marché mondial pendant des siècles, même après sa désagrégation officielle. Sans doute, aucun pays du monde n'a plus incarné les temps modernes que la Grande-Bretagne. La passion d'un joueur géopolitique expérimenté, une autodiscipline étonnante, le machiavélisme de la famille royale et de l'aristocratie, le tout multiplié par l'esprit anglais typique a transformé aux XVIIIe-XIXe siècles un petit royaume insulaire en «Empire, sur lequel le soleil ne se couche jamais». La Grande-Bretagne conduisait toujours une politique cruelle et cynique, mais le faisait avec une élégance de gentlemen Il faut y ajouter la situation insulaire qui permettait à l'Angleterre de s'abstenir de participer réellement aux conflits européens, et de dresser l'une contre l'autre les puissances continentales selon le principe romain classique «Diviser pour régner». Installé confortablement sur les îles britanniques, l'establishment anglais s'est rempli du sentiment de son caractère exceptionnel. (...) Remarquez que c'est justement la Grande-Bretagne qui a aidé les Empires russe, austro-hongrois, allemand et ottoman à s'effondrer pendant la Première Guerre mondiale».(1)


Mikhaël remarque le début du déclin: «Cependant, au XXe siècle, la puissance de la Grande-Bretagne a dépassé son zénith et a commencé à décliner. À ce moment, sa fille caractérielle, les États-Unis, est devenu grande; (...) Le principal symbole du déclin du Royaume-Uni est devenu sans doute la mort de Margaret Thatcher. La «Dame de fer» était connue comme l'une des créatrices du modèle économique néolibéral, qui s'est installé dans sa forme classique sur les côtes d'Albion.(...) Ainsi, l'ex-usine mondiale devint définitivement un casino global, les spéculations boursières et les services bancaires de la City devenant le seul moteur du pays. Au passage, la perfide Albion doit beaucoup de sa fête de la vie spéculative à l'effondrement de l'Urss: depuis le camp socialiste ruiné, des cascades d'actifs matériels se sont dirigées vers l'Occident. (...)» (1)

«L'économie britannique poursuit l'auteur, n'est plus compétitive et est condamnée à terme: «Beaucoup d'experts affirment que ce modèle ne survivra pas longtemps à sa créatrice. Aujourd'hui déjà, la dette de la Grande-Bretagne (9800 milliards de $) est la deuxième du monde par son importance après celle des USA et le montant de ses intérêts est dix-huit fois plus important que celui des Grecs. C'est-à-dire que l'on fait entrer l'Angleterre dans la liste des géants économiques par inertie seulement; il serait bien plus honnête de lui octroyer une autre lettre dans l'acronyme Pigs (Portugal, Italie, Grèce, Espagne). (...)Le Guardian ironise à ce sujet: «Le gouvernement de Cameron est déjà très content que le pays échappe à la récession au premier trimestre 2013.» (1)

«(..) Dans ces conditions, le gouvernement cherche fiévreusement de nouvelles sources d'économie. On est arrivés au point que les parlementaires ont commencé à sérieusement discuter de la vente, pour un milliard et demi de livres, du palais de Westminster et de Big Ben. (...) Ces jours bénis où les Britanniques faisaient moissonner le profit par d'autres, tout en restant propres sur eux, sont passés. Maintenant, ils doivent aller de plus en plus souvent au combat ouvertement, subissant d'importantes pertes dans leur image durant les croisades occidentales modernes, et montrant au monde leurs talons d'Achille. Un exemple clair à cette évolution: l'opération en Lybie de 2011, lorsque le Premier Ministre anglais David Cameron (avec le coq gaulois Nicolas Sarkozy) a pris l'initiative d'aller au charbon pour éliminer Mouamar el-Kadhafi.» (1)

On comprend mieux maintenant que la Grande-Bretagne sera de plus en plus agressive à l'extérieur, surtout avec les faibles.


Gordon Brown: la nostalgie de l'Empire par la domination de la langue

Que reste-t-il à l'Empire britannique sinon la langue? Gordon Brown, ancien Premier ministre de sa Gracieuse Majesté, dans un de ses discours n'a pas caché l'ambition de perpétuer la domination. Il déclare: «L'anglais est bien plus qu'une langue: c'est un pont au-dessus des frontières et entre les cultures, une source d'unité dans un monde en changement rapide [.,.], c'est une force pour l'économie, les affaires et le commerce, mais aussi pour le respect et le progrès mutuels. [...]. Au total, 2 milliards de personnes dans le monde apprendront ou enseigneront l'anglais d'ici 2020. il y a plus d'enfants qui apprennent l'anglais dans les écoles chinoises que dans les écoles britanniques. Je veux que la Grande-Bretagne fasse un nouveau cadeau au monde par l'aide et le soutien à tous ceux qui veulent apprendre l'anglais, en donnant accès dans toutes circonstances aux outils pour son apprentissage ou son enseignement. [...] Nous ferons de notre langue le langage commun du monde. La langue qui aide le monde à parler, rire et communiquer» (2)

Pierre Bourdieu parlait de « vulgate planétaire » à propos de la langue anglaise, elle fait partie du package de la mondialisation qui consiste à ne « consommer » sous toutes les formes que dans cette langue. Nous l’avons vu avec le « monument » des Annales de l’Institut Pasteur qui ont décidé de publier en anglais donnant de ce fait le La à la perdition inexorable de la langue française qui, curieusement est plus « défendue » de l’extérieur que de l’intérieur.


La nostalgie «mélancolique» de l'Empire français

On dit que maintes fois, par orgueil Napoléon s'est posé en successeur de Charlemagne, dépositaire du Saint Empire romain germanique qui a été restauré trois ans après «l'effondrement» de l'Empire romain d'Occident au V° siècle Cette nostalgie de l'empire qui permet de comprendre l'aventure napoléonienne qui prit fin avec Waterloo et surtout après le désastre de la Bérésina en Russie. On comprend de ce fait que Vladimir Poutine le nouveau «Tsar» russe ait célébré en septembre 2012 à Borodino, les deux cents ans de la «guerre patriotique» contre Napoléon, prélude à la retraite de Russie et à la chute de Napoléon, il déclare: «C'est ici que du 26 au 28 novembre 1812 l'armée russe, sous le commandement du maréchal Koutouzov, a fini d'écraser les troupes napoléoniennes...»

Il n’est pas dans notre propos de rapporter les heurs et les malheurs de la France dans sa chevauchée du temps. La tentation d’empire et de domination a toujours été la ligne directrice de ce pays. Souvenons nous du roi soleil qui allait guerroyer et s’est bien impliqué dans la rapine de nouveaux territoire, confiant à Colbert le soin de mettre en place la « traite » et publiant le Code Noir qui est un concentré de tout ce qu’un peuple peut faire à un autre pour l’avilir, l’envahir, l’obliger à abjurer et à le maintenir dans la condition d’esclave… Ce ne fut pas une singularité, bien plus tard dans les années 1880, il s’est trouvé des hommes politiques pour codifier la vie des indigènes algériens ; Ce fut l’exécrable Code de l’indigénat. Voilà comment se sont construits les empires de l’AOF (Afrique Occidentale Française) et l’AEF (Afrique Equatoriale Française). Il y eut naturellement des frictions entre la France et l’Angleterre. Chacun commémorant ses victoires ( Iéna, Austerlitz, Wagram) pour le coq français et Waterloo, Trafalgar ..pour la perfide Albion. Il y eut cependant des ententes pour dépecer les états vulnérables comme ce fut du sac du Palais d’Hiver à Pékin, …et plus tard du Moyen Orient

Pour Eric Zemmour, la France est l'héritière du Saint Empire romain. Rien que ça! Il est vrai qu'à l'école, on nous apprenait que Charlemagne était un empereur français sacré à Aix-la-Chapelle, nous avons mis du temps à comprendre que c'était Aachen! Pour lui, l'Europe actuelle qui ne fait pas la place qui convient à la France est une faillite. Eric Zemmour nous décrit «sa France» dans un essai «Une mélancolie française». Malakine en parle: «(...) la construction politique française avait vocation à embrasser toute la rive gauche du Rhin jusqu'aux Pays-Bas et tout le nord de l'Italie. Ce projet a pris fin à Waterloo avec le démantèlement de l'Empire napoléonien et le retour aux «frontières naturelles. C'est à partir de là que Zemmour date le début de la crise de l'identité nationale et le déclin français. (...) Le début des années 1990 avec l'effondrement du bloc de l'Est et la réunification allemande ont marqué un point de rupture définitif avec le modèle «gallo-romain» L'Europe a pris alors la forme impériale traditionnelle allemande, celle du Saint Empire romain germanique, un ensemble hétérogène et peu intégré, aux frontières floues et aux décisions lentes, ce que Zemmour appelle avec une ironie grinçante «le saint empire américain des nations germaniques» (3)

Après ces circonvolutions, Zemmour, un français de souche «algéro-berbéro-juive» en vient à désigner le coupable de la chute de l'Empire français. «Pour lui, l'immigration de peuplement qui va changer définitivement le visage ethnique de la France à partir des années 1970 et l'autorisation du regroupement familial. Il n'hésite pas à comparer cette vague migratoire avec la chute de Rome provoquée par les invasions barbares.» (3)


L'inéluctabilité du déclin de l'Occident et de l'avènement de l'Asie

Assiste-t-on à la chute de la civilisation occidentale? La civilisation occidentale est-elle supérieure aux autres civilisations? Le père de la sociologie universelle, Ibn Khaldoun, dans son oeuvre magistrale «La Muqqadima»,«Les Prolégomènes», avait pointé du doigt l'évolution des civilisations qui passent par trois stades, l'avènement, l'apogée et le déclin.
Ainsi analyse-t-il le déclin de la civilisation musulmane comme un lent et long délitement, le centre ayant de moins en moins de prise sur le périphérique. Comment s'est construite la suprématie occidentale? Au nom de la Règle des trois C - Christianisation, Commerce, Colonisation, l'Occident mit des peuples en esclavage. Lisons ce morceau d'anthologie attribué au roi des Belges: «Vous veillerez à désintéresser les sauvages de leur richesse dont regorgent leur sol et leur sous-sol. Votre connaissance de l'Evangile vous permettra de trouver facilement des textes recommandant aux fidèles d'aimer la pauvreté. Par exemple: «Heureux les pauvres car le royaume des cieux est à eux»; «Il est difficile aux riches d'entrer aux cieux». Vous ferez tout pour que les nègres aient peur de s'enrichir. Apprenez aux jeunes à croire et non à raisonner...» (4)


L'Occident procéda à un dépeçage des territoires au gré de ses humeurs sans tenir compte des équilibres sociologiques que les sociétés subjuguées ont mis des siècles à sédimenter. L'histoire du pays colonisé est niée et rasée au profit d'une nouvelle histoire, une nouvelle identité, voire une nouvelle religion. Pendant cinq siècles, au nom du devoir de civilisation, l'Occident dicte la norme, série, punit, récompense, met au ban des territoires qui ne rentrent pas dans la norme. Ainsi, par le fer et par le feu, les richesses des Sud épuisés furent spoliées par les pays du Nord. (5)

Cela ne fut pas suffisant! Il faut, aussi montrer que l'Occident est dépositaire de la race supérieure, Kishore Mahbubani l'éminent diplomate singapourien écrit: «(...)Cette tendance européenne à regarder de haut, à mépriser les cultures et les sociétés non européennes, a des racines profondes dans le psychisme européen. La plupart du temps, les colonialistes étaient des gens médiocres mais en raison de leur position et, surtout, de leur couleur de peau, ils étaient en mesure de se comporter comme les maîtres de la création. En fait, [l'attitude colonialiste] reste très vive en ce début de XXIe siècle.(...) Souvent, on est étonné et outré lors de rencontres internationales, quand un représentant européen entonne, plein de superbe, à peu près le refrain suivant: «Ce que les Chinois [ou les Indiens, les Indonésiens ou qui que ce soit] doivent comprendre est que...» Suit l'énonciation hypocrite de principes que les Européens eux-mêmes n'appliquent jamais.» (6)

L'avenir sera de plus en plus sombre. Entre les anciens empires qui vivent sur l'illusion de la grandeur et ne veulent rien lâcher- Ils peuvent très bien vivre en réduisant leur train de vie- et l'avènement inéluctable d'un leadership asiatique, les petits pays notamment ceux qui ont des ressources seront de plus en plus des variables d'ajustement et pourraient même disparaitre en tant qu’Etat Nations laissant la place à des peuplades en déshérence . La guerre de tous contre tous continuera et il n'est pas dit que les «nouveaux empires» soient plus cléments...



1.MikhailTyurkin http://www.voltairenet.org/article179279.htmlLe crépuscule de la puissance britannique 6 juillet 2013


2. http://plurilinguisme.europe-avenir.com/index.php option=com_content&task=view&id=1374&Itemid=43


3 .http://horizons.typepad.fr/accueil/2010/03/la-mlancolie-franaise-deric-zemmour-ou-laspiration-franaise-lempire.html


4. Discours accablant du roi des Belges aux missionnaires. Léopold II en 1883

5.Chems Eddine Chitour: Déclin ou chute de l'Occident. Mondialisation.ca, 29.11.2012

6.Kishore Mahbubani: The Irresistible Shift of Global Power to the East. 2008

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 12:26
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10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 14:52
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10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 14:24

«L'Amérique a des responsabilités et des intérêts globaux, mondiaux. Toute nouvelle tendance, tout mouvement imprévu sur la planète peuvent avoir un impact sur son bien-être et sa sécurité. Elle doit donc avoir la capacité d'être renseignée partout, non seulement sur ses ennemis, mais aussi sur ses amis.»

Zbigniew Brzezinski. Interview 16 décembre 1998 Nouvel Obs.

Cette sentence de Zbigniew Brzezinsky explique plus que mille discours la stratégie américaine concernant sa tentation d'empire qui fait qu'elle doit toujours être la meilleure et gouverner d'une façon ou d'une autre le monde, en commençant naturellement par la nécessité d'avoir du renseignement sur tout le monde tout le temps, même sur ses propres alliés en théorie. De ce fait, il est pour le moins hypocrite que les vassaux de l'Empire fassent preuve d'étonnement, voire être scandalisés parce qu'ils savent depuis toujours, sans oublier que naturellement eux aussi espionnent les autres, notamment les plus faibles et même les citoyens de leur pays au mépris des lois.


Un scoop en forme de flop

Les Etats-Unis espionnent l'Europe! Les médias et les hommes politiques crient au scandale!
«Les Etats-Unis ont, en effet, installé des micros électroniques dans les bureaux de l'Union européenne à New York et à Washington, une révélation de plus sur l'opération de collecte de renseignements à grande échelle qui visait des ambassades et des missions à l'étranger, selon une nouvelle information publiée par The Guardian. Ces révélations publiées après celles du Spiegel, font partie des documents rendus publics par l'ancien agent de la NSA Edward Snowden. (...) Toutes ces techniques d'espionnage peuvent être utilisées à des fins d'intelligence économique.» (1)

Fin mai, Edward Snowden, un ancien collaborateur de la NSA, avait révélé à la presse un vaste programme de surveillance des citoyens, du nom de Prism, mis en place par cette agence. Bien que Washington ait annulé le passeport de Snowden et appelé les autres pays à l'empêcher de voyager, l'informaticien a réussi à quitter Hong Kong pour Moscou. Il a demandé l'asile politique à l'Equateur. Dans une tribune publiée par plusieurs journaux européens, Julian Assange le cofondateur de WikiLeaks et le directeur général de Reporters sans frontières plaident pour que, au nom de la liberté de la presse et du droit à l'information, les Etats européens accordent le droit d'asile au lanceur d'alerte qui a dévoilé les écoutes de la NSA. ´´L'Europe ne devrait pas rester indifférente au sort de Snowden´´ écrit Gazeta Wyborcza, insistant sur le fait que les Européens doivent empêcher que le lanceur d'alerte américain soit envoyé en prison à vie aux Etats-Unis simplement pour avoir révélé des activités qu'il considère comme illégales.»(2)

Aux dernières nouvelles, le Venezuela et le Nicaragua la Bolivie sont prêts à lui donner l'asile politique. La France a rejeté jeudi 4 juillet la demande d'asile d'Edward Snowden.
Les nouvelles révélations sur l'espionnage dont les ambassades et les délégations des pays de l'UE aux Etats-Unis ont fait l'objet de la part de la NSA américaine ont créé un choc chez les alliés européens et la réaction - entre indignation et fatalisme - de la presse européenne. Le 30 juin, Der Spiegel a révélé que la représentation diplomatique de l'Union à Washington, ainsi que celle auprès de l'ONU de New York et certains bâtiments du Conseil à Bruxelles étaient sur écoute du programme de la NSA ´´Dropmire´´. Le même jour, The Guardian a raconté que la France, l'Italie et la Grèce figuraient parmi les cibles privilégiées de l'agence américaine. De quoi provoquer l'embarras des Européens, à une semaine de l'ouverture des négociations du traité transatlantique de libre-échange (Ttip). En Allemagne, Die Welt, qui titre ´´L'Allemagne et l'UE dans le viseur des agents américains´´, tente de dédramatiser la situation. Dans son commentaire, le journal écrit ainsi qu' il n'est pas sympa d'espionner ses amis, [...] mais que cela arrive tant dans la vie privée que dans la politique».(3)

Enfin, La Commission européenne a répété qu'elle était ´´préoccupée´´ par Prism, le programme américain de surveillance électronique dirigé par l'Agence nationale de sécurité (NSA) qui lui permet d'accéder aux données d'étrangers, notamment européens. Inhabituellement discrète, Viviane Reding, la commissaire à la Justice, n'a pas pointé du doigt les Etats-Unis, avec lesquels, a expliqué sa porte-parole, elle évoque ´´systématiquement´´ les droits des citoyens européens».(4)



L'hypocrisie de l'Europe qui se savait espionnée, notamment depuis 2001

La levée de boucliers tout à fait hypocrite ne s'explique que par le fait que les autorités veulent donner le change à leurs opinions nationales. Ces rodomontades n'impressionnent personne et surtout pas les Etats-Unis qui ont réagi avec condescendance, voire avec une sorte de mépris. «Nous vous espionnons et alors?» semblent dire les Américains De nombreux pays collaborent depuis longtemps avec la NSA Il y a ´´une certaine ironie´´, commente Der Standard, dans la demande faite le 10 juin par plusieurs eurodéputés au Parlement européen de réagir aux révélations sur la surveillance des communications électroniques par la NSA américaine. Le quotidien viennois rappelle en effet que le phénomène ne date pas d'hier: en 2001 déjà, le Parlement avait mis en place une commission sur le système d'espionnage international Echelon: Six jours avant les attaques du 11 septembre, cette commission n'avait plus aucun doute sur l'existence d'un système d'écoutes global des communications, mis en place par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada.
«Lorsque tout le monde feint la surprise, il est temps lit-on sur le site alternatif Le Grandsoir, de rafraîchir les mémoires... avec un article du Monde diplomatique daté de 1999. Avec un budget annuel de 26,7 milliards de dollars les services de renseignement américains sont les mieux dotés de la planète. Des alliances stratégiques et une technologie puissante leur permettent d'espionner de manière routinière téléphone, fax et courrier électronique dans le monde entier. Les Etats-Unis sont-ils désormais si puissants qu'ils ne craignent plus les réactions leurs alliés européens? Il avait fallu l'obstination d'un chercheur néo-zélandais, Nicky Hager, pour dévoiler l'existence d'un formidable réseau de surveillance planétaire, le système Echelon, en place depuis les années 1980... (5)

Mieux encore, on apprend que les gouvernements espionnent leurs propres concitoyens. Les méthodes utilisées sont variées: «Ce peut être un nom propre, un surnom, une formule chimique, de l'argot, un acronyme, dit un expert. On les saisit dans un fichier et on attend.» Dès que l'un de ces mots apparaît, l'ordinateur revient en arrière et enregistre la communication depuis le début. A la Dgse, on appelle cela la «veille» ou «la pêche au chalut». «Pour les e-mails, ces tris informatiques sont très efficaces», dit un autre spécialiste. Il ajoute: «Etant donné les capacités des ordinateurs, on peut, de la sorte, filtrer plusieurs millions de messages électroniques par minute. Un bon moteur de recherche suffit. Il faut simplement l'adapter à nos besoins.» Selon toute vraisemblance, la Dgse utilise l'outil de recherche développé par la société française Lexiquest.»(6)



Qui sont ces justiciers du Net?

Qui sont ces personnages responsables qui risquent leur carrière, voire leur vie, pour témoigner du dérèglement du monde et qui mettent au grand jour le double standard entre ce qui est dit par les puissants de ce monde, Droits de l'homme, générosité, empathie, solidarité..et ce qui est fait réellement? Les révélations faites permettent de mettre à nu la triste réalité du monde. Comme nous le lisons sur le journal Le Courrier International,: «D'Edward Snowden, l'ancien employé de la CIA qui a révélé les abus de la NSA, à Sean Parker, le fondateur de Napster, ou encore à Jason Trigg, richissime analyste qui redistribue l'essentiel de ses revenus, portraits de ces geeks qui tentent de changer le monde. Edward Snowden, Bradley Manning, Julian Assange, Aaron Swartz ou encore Sean Parker... Qu'ils soient lanceurs d'alerte, bidouilleurs informatiques de génie ou gourous de la Silicon Valley, ces jeunes - pour la plupart âgés de moins de 30 ans - font la pluie et le beau temps sur le Net et au-delà. Ils déstabilisent des gouvernements (lire cet article), édictent les règles à observer en ligne ou rêvent de sauver le monde à leur manière (lire cet article). Mais ils sont aussi de plus en plus critiqués pour leur arrogance, leur pouvoir et leur influence. Bienvenue dans l'ère des mégalogeeks.» (7)

Le point commun entre Edward Snowden, Bradley Manning ou Julian Assange? Un goût immodéré pour les nouvelles technologies, un refus de l'autorité et la défense d'un credo libertaire. A Wall Street, Jason Trigg analyste quantitatif gagne beaucoup d'argent pour mieux le redistribuer dans des pays en développement. Sean Parker, fondateur de Napster et premier président de Facebook, ce gourou du Net fait la pluie et le beau temps sur la Toile. Non sans s'attirer des inimitiés.».(7)



L'alignement sans état d'âme de l'Europe sur les Etats-Unis

La réalité est beaucoup plus simple, l'Europe est peut-être une puissance économique même sur la pente d'un déclin inexorable, mais elle a perdu son âme par un alignement sans discernement sur ce que dicte Washington. Philippe Grasset nous explique cela en opposant la politique gaullienne à ce qui se passe maintenant: «On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en criant ´´L'Europe! L'Europe! L'Europe!´´...», disait fameusement le général en 1965. Il doit bien rire. Ils ne sautent plus sur leurs chaises et ne crient plus «L'Europe! L'Europe! L'Europe!»; non, ils font leur coup en douce, comme des petits commissionnaires des dernières instructions impératives, montrant le complet alignement de l'Europe sur les consignes-Système des USA, après qu'on ait montré, deux jours auparavant, qu'on les espionnait comme dans des latrines à tous vents »(8).

Revenant sur l'arraisonnement scandaleux de l'avion de Evo Morales, il écrit: «Qu'un ministre bolivien, Ruben Saavedra de la Défense, qui était dans l'avion avec Morales puisse déclarer comme s'il parlait des gouvernements européens comme de services annexes du département d'État, pour lesquels il suffit d'appuyer sur un bouton pour qu'ils agissent comme on a décidé pour eux: «C'est un acte d'hostilité de la part des Etats-Unis qui ont utilisé différents gouvernements européens»(...) «L'avion d'Evo Morales, le président bolivien, a été forcé d'atterrir à Vienne, mercredi 3 juillet parce qu'il était soupçonné de transporter Edward Snowden, le lanceur d'alerte en fuite. Morales revenait d'un meeting sur l'énergie à Moscou qui s'était tenu mardi et au cours duquel il avait déclaré à la TV russe, que la Bolivie envisageait d'accorder l'asile politique à Snowden. Il a dit qu'il tenait beaucoup à protéger les lanceurs d'alerte.´´»(8)

Selon les médias, la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal ont fermé leur espace aérien à son avion. Morales, son ministre de la défense, Ruben Saavedrd, et l'équipage de l'avion ont été obligés d'attendre dans le salon VIP de l'aéroport autrichien. Le ministre des Affaires étrangères autrichien a depuis confirmé que Snowden n'était pas à bord de l'avion. Tous les pays, sauf l'Espagne - lui ont ensuite rouvert leur espace aérien «Les pays de l'UE, qui font partie de l'UE, sont donc confrontés à une véritable schizophrénie de leurs psychologies. D'un côté, ils sont victimes de l'agression de ce puissant élément constitutif du Système qu'est le complexe de surveillance avec la NSA au centre, et leur réaction reste malgré tout furieuse et d'une intense frustration, d'être l'objet de surveillance et espionnage illégaux, intrusifs, sans aucun respect de la souveraineté et dans des conditions frisant la trahison des liens d'alliance, - et essentiellement, sinon, exclusivement parce que tout cela est étalé publiquement. D'un autre côté, ils sont les complices, voire les serviteurs inconditionnels du Système et ses obligés bien sûr, et ils jugent leurs destins liés au sien. Par conséquent, il doit leur apparaître également impératif de tout faire pour assurer sa protection au niveau d'un de ses composants essentiels, y compris les actes les plus illégaux. Dans ce cas, la frustration d'être la victime des actes de surveillance du monstre est complétée d'une façon horriblement antagoniste par la panique communicative de la psychologie du monstre devant de prétendues ´´menaces´´ contre l'intégrité de sa puissance...» (8)


Quelles sont les conséquences : La guerre de tous contre tous ?

«Le scandale d'espionnage de données menace les négociations sur un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l'UE´´, titre le Financial Times, A la veille de l'ouverture des négociations, les entreprises américaines de technologie ainsi que les compagnies de services financiers ont fait campagne pour assouplir les restrictions sur le partage de données entre l'Europe et les Etats-Unis, rappelle le FT.» (9)

Sans état d'âme, les Européens guidés par le président Barroso qui a tout fait pour amoindrir, voire annihiler cet incident-pensant vraisemblablement à se ménager les Etats-Unis, du fait qu'on lui prête l'ambition démesurée aidant, de briguer le poste de secrétaire général de l'Otan.
Après avoir laminé l'Europe et l'avoir rendue économiquement exsangue, ils s'apprêtent à faire avaler la dernière couleuvre; celle de négociations avec les Etats-Unis sur ce qui n'a pas été déjà obtenu, à savoir, les restrictions concernant le désarmement concernant les productions d'OGM, où globalement l'Europe avait des velléités de maintenir un principe de précaution qui aura vécu.

Dans ce combat démesuré, l'entêtement de la France pour son exception culturelle malgré la pression de la Commission, parait être un combat pathétique digne pour lutter contre la vulgate planétaire et la macdonalisation de la culture. Le combat est magnifique, mais la cause semble entendue, le laminoir de l'uniformisation est en marche.



1. http://www.presseurop.eu/fr/content/ news-brief/3927781-de-nouvelles-fuites-revelent-comment-les-etats-unis-ecoutent-ses-allies-e


2. Pourquoi l'Europe doit protéger Edward Snowden Le Monde 5 juillet 2013


3. http://www.presseurop.eu/fr/content/ press-review/3929001-l-oncle-sam-se-comporte-tres-tres-mal


4. http://www.presseurop.eu/fr/content/article/3868671-les-espions-americains-comme-chez-eux-en-europe


5. Philippe Rivière, juillet 1999 http://www.monde-diplomatique.fr/ mav/46/RIVIERE/m1


6. http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/ 2013/07/04/comment-la-france-ecoute-le-monde.html#xtor=EPR-3-[Actu17h]-20130706


7. http://www.courrierinternational.com/article/2013/06/26/les-justiciers-du-net?page=2#page_2

8.Philippe Grasset; Dedefensa http://www. oulala.info/2013/07/qui-dit-quil-y-a-pas-deurope-et-celle-de-linfamie/#sthash. M2eUvXp3.dpuf


9. Le scandale PRISM menace l'accord de libre-échange Presseurop 10 juin 2013

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 11:57

«Les musulmans ne veulent pas aller au paradis le ventre vide»

Houari Boumediene (Sommet de l'Organisation des pays islamiques à Lahore 1976)

«Il faut rendre à César ce qui appartient à Cesar et à Dieu ce qui appartient à Dieu»

Jésus de Nazareth

Comme attendu et espéré, l'armée a arrêté le processus démocratique. «Habilement lit-on sur le journal la Croix, le général Al-Sissi était accompagné, lors de sa prestation télévisée, des plus hautes autorités religieuses, le cheikh d'Al-Azahr, Ahmed Al Tayyib, et le pape de l'église copte orthodoxe, Tawadros II, qui n'ont cessé de dénoncer l'augmentation des violences sectaires en Égypte sous la présidence Morsi. Il s'était entouré aussi de Galal Morra, un islamiste ultraconservateur (salafiste), et de Mohamed El Baradei, représentant de l'opposition. Tous ont approuvé la «feuille de route» du chef d'état-major de l'armée, légitimant ainsi le coup d'État.» (1)

La chute de Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu, met un terme à un an de pouvoir islamiste marqué par des crises à répétition et une forte contestation populaire. Adly Mansour, président de la Haute Cour constitutionnelle désigné par l'armée pour remplacer Mohamed Morsi, a prêté, jeudi 4 juillet, serment comme président par intérim de l'Egypte. Il a promis de ´´protéger le système républicain´´ et d'être le ´´garant des intérêts du peuple´´ lors d'une brève allocution.. Cette situation ouvre la voie à une délicate transition dans un pays profondément divisé entre pro et anti-Morsi. Avant son arrestation, M.Morsi a appelé ses partisans à résister pacifiquement à ce qu'il considère comme un coup d'Etat militaire. Le chef de file de la confrérie a été arrêté par la police militaire égyptienne. L'opposition, par le biais du Front de salut national, s'est prononcée contre l'exclusion des partis politiques se réclamant de l'Islam. D'après le quotidien Al-Ahram, pas moins de 300 mandats d'arrêt ont été lancés contre des membres des Frères musulmans.



Les réactions à l'étranger:

Pour rappel, la présidence égyptienne a rejeté dans la nuit du lundi 1er au mardi 2 juillet l'ultimatum lancé plus tôt par l'armée au chef de l'Etat Mohamed Morsi, lui laissant 48 heures pour satisfaire les ´´demandes du peuple´´, faute de quoi, elle imposerait une feuille de route. (...) Khaled Dawoud, porte-parole du Front de salut national (FSN), a d'ores et déjà annoncé qu'aucun dialogue avec M.Morsi n'était possible ´´car nous considérons qu'il n'est plus légitime´´.

Barack Obama avait téléphoné à Mohamed Morsi pour l'inviter à répondre aux revendications des manifestants. Il a appelé ´´toutes les parties à la retenue´´ On ne peut pas ´´parler de manifestation pacifique quand il y a des agressions contre des femmes.. Ce qui est clair aujourd'hui, c'est que, même si M.Morsi a été élu démocratiquement, il faut faire plus pour créer les conditions dans lesquelles chacun a le sentiment que sa voix est entendue´´ en Egypte, a ajouté le président américain. (2)



Un coup d'Etat adoubé par l'Occident et les autres potentats arabes

On l'aura compris, Morsi a été lâché, d'ailleurs, le général Martin Dempsey, chef de l'état-major américain, était entré en contact avec son homologue égyptien. Curieusement, ce coup d'Etat militaire n'a pas suscité de réaction d'indignation auprès des pays occidentaux. Ils ne condamnent pas l'arrêt du processus comme ce fut le cas en Algérie en 1991. C'est tout juste si ces pays «s'interrogent». Le président américain Barack Obama a appelé à examiner l'implication de ces événements sur l'importante aide militaire à l'Egypte. Comme on le sait, selon la loi américaine, l'aide ne peut pas aller vers un pays où un coup d'Etat a eu lieu.
Pour sa part, la Russie parle de retenue et l'Union européenne prône une présidentielle rapide montrant par là qu'elle accepte le fait accompli.

Alors que l'heure est à la liesse populaire, amplifiée par des médias occidentaux qui sont tous au diapason, se réjouissant sans la moindre réserve, ni nuance, de la destitution de «l'Islam politique», nul doute que la mise au ban du président Morsi, sorti grand vainqueur des urnes, risque fort de radicaliser ses plus fervents partisans, On ne peut qu'être ulcéré d'avoir vu et entendu des Egyptiens de France- bien au chaud- applaudir le coup d'Etat militaire illégal et anti-Constitution.

Le traitement politico-médiatique de ce coup d'état militaire par les médias occidentaux et les spécialistes autoproclamés de l'islamisme, notamment en France, (Antoine Basbous, Antoine Sfeir, Gilles Keppel, Sifaoui, BHL) est là pour nous rappeler qu'il n'y a pas de morale encore moins d'éthique quand il s'agit des musulmans Ces habitués des plateaux sont là pour légitimer, sur instruction dans l'imaginaire des citoyens occidentaux que ce qui s'est passé est normal. Morsi n'a eu que ce qu'il mérite. Les Frères musulmans qui étaient choyés par l'Occident ne répondent plus à l'agenda. On s'en débarrasse en jouant sur les peurs, les détresses de ces millions d'Egyptiens qui ont manifesté et en oubliant les autres, ceux qui soutiennent l'ordre constitutionnel et qui défendent la nécessité pour élu démocratiquement d'aller jusqu'au bout de son mandat.

L'exemple le plus typique est celui des millions de personnes qui descendent dans la rue en Grèce, Espagne, Portugal. Ce n'est pas pour autant que l'on demande à refaire de nouvelles élections Dans n'importe quelle démocratie on se plie au choix souverain d'une majorité, sinon c'est la guerre civile. Il aurait été judicieux qu'il aille au terme de son mandat pour juger de son bilan. De plus, on ne redresse pas l'économie d'un pays en un an ou d'un coup de baguette magique. Il est vrai cependant que 48% des Egyptien(ne)s n'ont pas été voter et que Morsi n'a été élu qu'avec 51 et quelque pour cent des suffrages exprimés. En clair, il y a à peine 25% de personnes qui ont voté pour lui (Un sur quatre). C'est cela la démocratie et comme l'écrit Winston Churchill, la démocratie c'est le moins mauvais des systèmes à l'exception de tous les autres.

Ce qui se passe en Egypte nous rappelle un air de déjà-vu, celui qui a eu lieu en Algérie. La suite on la connaît, ce fut la décennie rouge avec à la clé des milliers de disparus et dit-on 200.000 morts pour arriver à une situation toujours larvée plus de vingt ans après.

«Comment, lit on sur le site Oumma.com ne pas établir un parallèle historique avec le coup de force des généraux algériens qui poussèrent sans ménagement le président Chadli à la démission, refusant la politique de cohabitation avec le FIS prônée par ce dernier? Ils firent alors parler les armes et imposèrent le règne de la junte militaire, envoyant leurs chars dans les rue d'Alger pour mieux piétiner la démocratie et les urnes qui avaient parlé. Sur un échiquier mondial qui n'en espérait pas tant en si peu de temps, l'empressement de l'Arabie Saoudite à féliciter chaudement le président par intérim de l'Egypte en dit long sur les rapports de force en jeu, tout comme le silence du Qatar, seul pays du Golfe à avoir soutenu sans retenue les Frères musulmans égyptiens et l'économie du pays, est révélateur du sentiment cuisant d'échec qui doit habiter ses hauts dignitaires.» (3)



Les raisons de l'échec de Morsi

Jean-Marc Ferrié, directeur de recherches au Cnrs, spécialiste de l'Egypte, énumère trois raisons: «Il y a d'abord, dit-il, son incapacité à régler la situation économique et sociale de l'Egypte. Il était difficile de faire quelque chose de substantiel vu la situation de départ et le peu de temps qui lui a été donné, mais rien ne l'empêchait d'essayer. Or, la situation n'a fait que se dégrader. Les prix des denrées de la vie quotidienne ont fortement augmenté: les Egyptiens sont beaucoup plus mal aujourd'hui qu'à la période de Moubarak. La dégradation de la paix civile et de la sécurité, auxquelles les Egyptiens sont très attachés, ont eu des effets sur le tourisme, le poumon économique du pays. A quoi s'ajoute un très mauvais climat pour les affaires et les investissements. Les Egyptiens savent que les vraies réformes prennent du temps, ils auraient donc pu prendre leur mal en patience s'ils avaient vu des évolutions. Le président a d'ailleurs perdu de nombreux soutiens chez ses électeurs parce qu'il n'a pas tenu ses promesses.

«La deuxième erreur a été, pour les Frères musulmans, de croire qu'ils représentaient la totalité de l'Egypte, sans prendre en compte l'existence de l'opposition et des minorités. Dès leur arrivée au pouvoir, ils ont fait comme si les autres forces n'existaient pas en invoquant la légitimité des urnes. (...) Cela les a conduits à commettre une troisième erreur: faire passer la Constitution au forceps sans tenir compte de la magistrature. En situation de crise, il fallait un comportement de compromis. (...) C'est l'arrogance de Morsi qui l'a conduit à sa chute. On ne peut pas encore dire si ces événements auront un écho dans d'autres pays qui ont connu des révolutions. Mais une chose est sûre: c'est un coup de semonce pour les partis islamo-conservateurs dans la région. L'échec de Morsi, c'est l'échec de ce type de parti qui doit se rendre compte que vouloir le pouvoir, l'obtenir et gouverner sont trois choses différentes. (4)

Comment expliquer cette brusque ébullition au bout d'un an? Pour Gilles Kepel, outre la mauvaise gouvernance économique et la persistance des problèmes sociaux, ce qui a d'abord marqué les révolutions arabes, c'est la volonté des Arabes de s'emparer de la liberté d'expression. Cela après cinq décennies où elle avait été supprimée par des partis autoritaires. Morsi, en donnant le sentiment que l'Égypte était désormais tombée sous le contrôle des Frères musulmans a négligé cette dimension, qui a pourtant été une des raisons de sa victoire. Son score de 51%, ne signifie pas une adhésion au programme islamiste, mais est plus dû au soutien des révolutionnaires. Mais il s'est très vite dissipé à cause de leur dimension liberticide et autoritaire.» (5)



Est-ce la fin de l'influence des Etats-Unis?

Nous ne le croyons pas ! Nous devons toujours nous rappeler la fameuse boutade de Franklin Delanoë Roosevelt : « Si un évènement survient par hasard, vous pouvez être sûr qu’il a été programmé pour se dérouler ainsi » Ce n’est pas l’avis de Ahmed Halfaoui, pour qui : « le pouvoir états-unien ne doit pas en mener large. Avec la Turquie c'était déjà assez coton, mais là! (...) il semble bien que cela soit la fin et du ´´printemps ´´ des Arabes et assimilés et des Frères et du wahabisme et de l'hégémonie atlantiste dans la région. Le retour de manivelle est impressionnant. Jamais le peuple égyptien n'a été aussi mobilisé, même comparativement à l'ère du nationalisme nassérien. Des marées humaines font la démonstration du refus de l'agenda dévastateur porté par Mohamed Morsi et sa Confrérie. La grande presse a beau faire croire à un clivage ´´ laïcs ´´ versus islamistes ´´, elle ne parvient pas à cacher la réalité que, bien au-delà d'un courant politique, c'est le peuple profond qui s'ébranle dans un extraordinaire mouvement contre la dictature de la ´´ démocratie de marché ´´, contre l'allégeance des Frères aux Etats-Unis, contre la mise à l'encan de la souveraineté du pays et contre l'engagement aux côtés de l'Otan vis-à-vis de la Syrie». (6)

Ahmed Halfaoui voit dans l'engagement une formidable communion de millions de femmes, d'hommes et d'enfants, animés de la certitude que rien ne doit plus et ne pourra plus se faire sans eux. Il «oublie » ceux que l'on ne prend pas en caméra qui eux défilent sur une autre place- Celle de la mosquée de Rabi’ate El Addaouia la grande soufie de l’Islam- , ignorée à dessein par les médias occidentaux, pour ne faire apparaître et faire adouber dans l’imaginaire des téléspectateurs, que la seule la vraie et la légitime cause celle de la place Tahrir.. Ceux là ne se laisseront pas faire aussi . De notre point de vue, rien de nouveau sous le soleil, l'Occident va «essayer d'autres chevaux» après la carte islamique. Il faut cependant que cela saigne un certain temps avant que la fin de la réécréation ne soit sifflée…..


Que va-t-il se passer maintenant?

Est-ce la fin de la gestion religieuse des Etats arabes? Les Frères musulmans ne se laisseront pas faire, bien qu'ils aient subi un revers important du fait que le temps béni où ils pouvaient recruter sur la double promesse d'un meilleur avenir temporel et spirituel est derrière eux.

« Alors que le site Internet des Frères musulmans égyptiens écrit, Philippe Mischkowsky, annonce la mobilisation sans faille des membres de la Confrérie pour défendre la légitimité électorale de Mohamed Morsi, le quotidien libéral Al-Masri Al-Youm fait part de divisions au sein même de l'organisation. L'enjeu, selon le journal, consisterait à éviter la dislocation de la structure internationale de la confrérie après l'effondrement de l'organisation mère en Egypte. Ce groupe de modérés est dirigé par Rached Ghannouchi, leader d'Ennahda. Il aurait demandé aux Frères d'organiser une élection présidentielle anticipée. (...) Dans les pays du Golfe, aux Emirats arabes unis, ´´les adeptes des Frères musulmans locaux sont sous le choc´´, rapporte le site saoudien Elaph. ´´La chute de l'organisation en Egypte anéantit définitivement le rêve des Frères d'arriver au pouvoir dans quelque pays du Golfe que ce soit´´, ´´L'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et la Jordanie se félicitent de l'intervention de l'armée´´, écrit Tareq Al-Moutairi, ex-membre des Frères koweïtiens et aujourd'hui militant politique en faveur d'une monarchie constitutionnelle. (...) Il note qu'´´un militaire destitue un président civil´´, et que la religion a été instrumentalisée par l'intermédiaire ´´du président de l'université Al-Azhar et du pape copte´´ qui ont assisté au discours d'Abdelfattah Al-Sissi, annonçant la destitution du président égyptien. Tout en admettant que ´´les torts sont partagés´´, il estime que l'actualité remet au premier plan un vieux débat arabe: sur quoi fonder la légitimité des régimes politiques dans cette région du monde?» (7)

Au-delà du fait que n'importe quel président ne pourra pas d'un coup de baguette magique redresser une situation économique désastreuse. Par dérision, dans les journaux occidentaux on lit que: «la «Char'ia ne nourrit pas son peuple»! Il faut s'avoir en effet, que l'Egypte est le premier importateur de blé au monde, l'Algérie étant deuxième...triste record! Les partis se revendiquant de l'Islam devraient prendre exemple sur des pays asiatiques, la religion n'est pas un critère d'accès au pouvoir qui demande des compétences indexées sur le XXIe siècle.

Bien que nous ayons plus que jamais besoin de moraliser la société pour éviter les dérives dangereuses et que de ce point de vue la société occidentale en ce début du XXIe siècle a fait sauté avec fracas des équilibres sociologiques au nom du principe qu’il est interdit d’interdire, ce serait rendre un mauvais service aux spiritualités que de les associer aux petites affaires du monde. Les croyants peuvent s’y référer et en faire leur boussole, les autres étant tenus de respecter le vivre-ensemble .La parabole du Christ est d’une brûlante actualité. L'Islam devrait être un référent moral il n’y a pas lieu de l'impliquer dans la gestion du temporel.

La citation du président Boumediene invitant les musulmans, à assurer un minimum de dignité social aux musulmans en leur procurant des moyens dignes de vivre ( un travail, un toit, une éducation et une qualité de soin) est de notre point de vue le plus sûr d’éviter l’instrumentalisation du sacré. Aller au paradis c’est d’abord aussi être libre de choisir. Le Coran est là nous rappelle que c’est péché de contraindre quelqu’un à croire, au contraire c’est une conquête des cœurs.

La grande Eva de Vitray Meyerovitch disciple de Djallal Eddine Rûmi interrogée sur sa conversion à l’Islam eut cette phrase magnifique : « Je ne me suis pas convertie à l’Islam, je me suis glissée dans l’Islam », pour bien signifier le pensons nous, cette attirance irrésistible pour une religion qui, dans son essence est une religion de paix de piété et de pardon. Ce qu’on en fait les hommes est une autre affaire. Les citoyens du monde à l'heure du Web 2.0 rêvent de liberté de démocratie de libre arbitre, c'est en tout cas le message subliminal lancé par le président iranien Rouhani parlant de liberté de chacun et de non-immixtion dans les affaires privés.

Les prochains jours seront déterminants pour l’Egypte, si la raison ne n’emporte pas. C’est un fait, il y a eu un coup d’Etat générateur d’une anomie qui mettra du temps à se résorber à moins justement que les Frères Musulmans qui ont perdu beaucoup de leur aura trouvent en eux les moyens de contribuer à l’apaisement. Il est hors de doute que l’Occident qui a « essayé » la solution islamique dans les pays musulmans, dans la plus pure théorie du chaos constructeur théorisé par une certaine Condolezza Rice, à propos justement du GMO, laissera faire et surveillera la suite, la finalité est que l’ordre moyen-oriental avec une atomisation des Arabes soit en définitive la solution permanente qui associera Israël et enterrera les espoirs d’une patrie pour les Palestiniens à qui il resterait moins de 10% de la Palestine originelle



1. http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/ L-armee-reprend-le-pouvoir-en-Egypte-2013-07-04-982463


2.. Egypte: la présidence rejette l'ultimatum de l'armée AFP et Reuters | 02.07.2013


3. http://oumma.com/17339/mohamed-morsi -victime-dun-coup-detat-militaire?utm_ source= Oumma+Media&utm _campaign= 2c8ac9f9e0-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_ medium= email&utm_term =0_8d43878bbe-2c8ac9f9e0-80765081


4. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/ proche-orient/egypte-les-trois-echecs-de-mohamed-morsi_1263788.html?xtor=EPR-181-[XPR_Quotidienne]-20130704-1789313@ 250797955-20130704144552#fQO34DIgIc 1F8aQJ.999


5. GillesKepel,http://www.ladepeche.fr/article/2013/07/02/1663445-le-parti-islamiste-une-desillusion.html Propos Recueillis par Emmanuel Delpix


6. Ahmed Halfaoui http://www.lesdebats. com/editions/020713/les%20debats.htm


7. Philippe Mischkowsky http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2013/07/04/ les-freres-musulmans-ebranles-dans-tout-le-monde-arabe

Professeur Chems Eddine Chitour

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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 11:40
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5 juillet 2013 5 05 /07 /juillet /2013 10:44

L’Algérie an 51 ans : Une croisée de chemin

« Le monde flatte l’éléphant et piétine la fourmi. »

Proverbe indien

5I ans d’indépendance après, l’Algérie est plus que jamais à la croisée des chemins. Cependant qu’on se le dise les nuages s’accumulent ; D’une façon autiste, les maîtres de cérémonie continueront comme par le passé à nous susurrer : « Tout va bien madame la marquise » Nous pouvons être sûr à l’instar des années précédentes, nous allons avoir un rituel où on ressortira les mêmes clichés, les mêmes films, les mêmes cérémonies avec les mêmes inaugurateurs qui ont vieilli mais qui sont toujours là plus solides que l’ennui Qu’est-ce qu’être indépendant quand on a stérilisé toute velléité de fierté des Algériens à telle enseigne que cet événement majeur est vécu dans la clandestinité la plus totale pour 99% de la population, notamment la jeunesse qui a ses propres dynamiques souterraines et qui sera de plus en sensible aux messages de la toile

Encore une fois à la veille du cinquante et unième anniversaire d’une indépendance chèrement acquise, il est important pour la génération montante de savoir que nous avons pris un faut départ dès l’indépendance. Souvenons-nous les années soixante, la vague de décolonisation a donné l’illusion que les pays étaient réellement indépendants et que tout était permis, la misère morale et matérielle devait faire place à la liberté de parole, de travailler, bref, de donner la pleine mesure de son talent. Cruelle erreur, les espoirs furent rapidement confisqués par des dirigeants qui jouèrent le même rôle que l’ancien occupant tout en s’éliminant mutuellement sous les regards harassés des peuples. Aimé Césaire, en son temps, jugeant d’un oeil très critique cet hold-up de la liberté, de la démocratie, eut cette formule lapidaire sans appel : « La lutte pour l’indépendance, c’est l’épopée ! L’indépendance acquise, c’est la tragédie. »

A l’Indépendance, nous étions tout feu, tout flamme et nous tirions notre légitimité internationale de l’aura de la glorieuse Révolution de Novembre. La flamme de la Révolution s’est refroidie en rites sans conviction, pour donner l’illusion de la continuité. Mieux encore le moteur de la Révolution qu’était le FLN a été confisqué au profit d’une caste qui pendant un demi siècle. Pourtant de part le monde tous les partis uniques, ont fait leur mue ou on disparu ! Le FLN post révolution s’accroche au pouvoir, fait des alliances contre –nature pour durer, n’a pour programme que l’opportunisme et ceci il faut bien le dire d’un manque cruel de compétence de ceux qui se l’ont approprié. Pour le regretté Boudiaf : « Le FLN est mort en 1962 » . Le FLN qui a rempli son immense tâche historique qui a aboutit à l’indépendance est la propriété de tous les Algériens sans exclusive et qu’il doit laisser la place à d’autres partis politiques qui ont pour légitimité l’intelligence, le savoir, le web2.0

L’Algérie cinquante et un an d’attente du messie

Si on doit faire brièvement un inventaire de ce demi siècle d’errance, la période Boumediene vit une séquestration des libertés, les adversaires étaient réduits au silence. La révolution agraire malgré la tentative de construction des mille villages agricoles pour sédentariser la paysannerie. La révolution culturelle, qui ignora la composante amazighe, fut aussi un échec patent. L’Algérie fut confiée corps et âme à une sphère moyen-orientale et on en paie le prix en termes d’errance. Par contre, il serait honnête de reconnaitre que des dizaines d’usines furent construites, l’Algérie tentait de se faire une place. La nationalisation des hydrocarbures, la construction de la transaharienne et aussi le Barrage vert dont on découvre les vertus trente ans après furent des réussites L’essentiel de l’outil de raffinage date de cette période..

Ensuite avec le président Chadli, nous avons vécu la période « euphorique » du programme antipénurie (PAP). Du fait d’une conjoncture favorable, le baril était à 30 dollars et le dollar à cinq francs, l’Algérie découvrait la société de consommation. La rente fut mise à profit pour « une vie meilleure ». Les gouvernements successifs ont détricoté minutieusement tout ce qui a été construit. Dès 1984, le retournement du marché amena l’Algérie à s’endetter pour se nourrir, la dette grimpa avec l’incurie. Ce qui amena d’abord les évènements de 1988 et là encore, l’ouverture proposée par le président Chadli fut de courte durée.

L’arrivée de Boudiaf remobilisa la jeunesse qui découvrait que l’amour du pays pouvait transcender les partis. En vain. La parenthèse de l’espoir dura 165 jours. Elle donna ensuite lieu au chaos de la décennie rouge. 200.000 morts plus tard malgré encore la parenthèse aussi de Zeroual qui eut à se battre pour maintenir l’Etat debout et se battre contre le FMI qui nous a ajusté structurellement plusieurs fois...

La dernière période à partir d’avril 1999 vit une baisse progressive du terrorisme, grâce notamment aux lois sur la Rahma proposées par Bouteflika aux indemnisations et aussi au fait qu’à l’échelle planétaire, le monde commençait à s’intéresser à l’Algérie et à son combat après l’attaque des WTC en septembre 2001 Pour cette dernière période à partir de 1999,avec l’élection de Abdelaziz Bouteflika, une rente insolente de plus de 600 milliards a permis le lancement de grands travaux à mettre au crédit, l’autoroute Est-Ouest, le métro, l’autorail sont des réalités. Les centaines de milliers de logements sont un tonneau des danaïdes. Il est plus facile d’avoir un appartement en brûlant des pneus qu’en attendant en tant que cadre universitaire son tour depuis des lustres. Les constructions de milliers d’écoles, de lycées, voire d’amphis donnèrent à tort l’illusion de la performance. Les zerdas culturelles successives, sans lendemain remplacent les bibliothèques qui existaient en 1962 et qui ont disparu. De plus, l’indigence des médias lourds ne peuvent pas couvrir la gabegie qui fait que l’Algérie dépense sans compter et à importer pour 48 milliards de dollars en 2012 dont 8 milliards de dollars de nourriture. Elle se tient toujours le ventre et indexe son destin sur le prix d’un baril de pétrole en priant qu’il ne descende pas au-dessous de 100 dollars.

L’Algérie de 2013

Une évidence : Les partis politiques bâtis sur du vent furent soumis à de fortes remises en cause au point qu’il n’y a toujours pas d’élection pour désigner un responsable. Le parti qui a fait un hold Up sur le signe FLN de la révolution depuis 1962 est en train d’agoniser après avoir contribué puissamment à la débâcle du pays. Quant à son clone, n’apportant aucune valeur ajoutée, il est lui aussi étêté. Les autres partis peuvent être résumés en une phrase : opportunisme destructeur n’apportant on l’aura compris aucune valeur ajoutée si ce n’est une capacité de nuisance qui s’exprime certaines fois sur instruction.. Bref la scène politique est stérilisée. Il ne se dégage aucun leader capable de porter l’espérance du pays. J’avais dans une contribution précédente résumé le seul et unique mandant de Mandela : Valoriser les ministres et ne rien s’attribuer, parler vrai, Préparer l’alternance, former la relève politique .Rien de tout cela chez nous

L’Algérie actuelle, qu’est-ce- que c’est ? Un pays qui se cherche, qui n’a pas divorcé avec ses démons du régionalisme, du népotisme ? Qui peine à se déployer, qui prend du retard, qui vit sur une rente immorale car elle n’est pas celle de l’effort, de la sueur, de la créativité ? C’est tout cela en même temps ! Le pays s’enfonce inexorablement dans une espèce de farniente trompeur tant que le baril couvre notre gabegie. Après, ce sera le chaos. L'Algérie perd son temps, elle rate des échéances et part du principe que le monde l'attend. Cruelle méprise. Le Monde bouge. L'Algérie est installée dans les temps morts

Cinquante et un ans après l’Indépendance, nous n’avons plus le droit de continuer à diaboliser les autres et les rendre responsables de notre gabegie actuelle. Si le devoir d’inventaire est toujours d’actualité avec l’ancienne puissance coloniale, nous ne pouvons pas l’incriminer chaque fois que nous échouons dans la plus pure tradition de la théorie du complot. Pourtant, la guerre de Libération a été pour nous une source de ressourcement. Le grand tort est que nous n’avons pas su prendre les virages rendus nécessaires par l’évolution rapide du monde.

Qu’avons-nous fait de durable ?

Le niveau de vie et de développement d’une nation est mesuré par un indicateur ; l’IDH : l’indice de développement humain proposée par le PNUD. L'indice a été développé en 1990 par l'économiste indien Amartya Sen et l'économiste pakistanais Mahbub ul Haq .Cet indice prend en compte trois critère, le niveau de santé, le niveau d’éducation et le PIB. Force est de constater que sur ces trois facteurs, l’Algérie ne brille pas particulièrement ; la santé est en miette, les hôpitaux sont des mouroirs et les ministres de la santé qui se sont succédés se sont plus occupés de leur carrière que de la santé des populations.

Quant à l’éducation c’est un autre débat : Si pendant les premières années de l’indépendance la massification de l’éducation était légitime car elle permit à des millions d’Algériens d’aller à l’école, qui souffrit d’un manque d’enseignants ce qui a amené les pouvoirs successifs à puiser dans la source moyen-orientale. Les enseignants recrutés ne répondaient pas dans leur grande majorité aux critères attendus de la part de ceux qui avaient le lourd privilège de « formater » les futurs cadres du pays. Résultat des courses : malgré des moyens colossaux, l’école a été qualitativement un échec. Les taux mirifiques de réussite au Bac – avec une nouvelle donne cette année, la triche en grand- ne doivent pas cacher la réalité. Le niveau est déplorable, nous le voyons dans le supérieur. Certes, nous délivrons des dizaines de milliers de diplômes mais que valent-ils réellement ? Justement, l’enseignement supérieur est analogue à un train fou que personne ne peut arrêter. Il délivre des diplômes qui correspondent bien souvent à des métiers qui n’existent pas. On comprend alors pourquoi la formation d’ingénieurs à été supprimée dans les universités au profit d’un LMD dont on découvre graduellement les errements et les limites.

L’Algérie de 2013 importe tout, ne sait plus rien faire, perd ses cadres et vit au jour le jour n’ayant plus la foi ce feu sacré qui nous faisait espérer en l’avenir avec 100 fois moins de moyens actuellement. Le jeune Algérien de 2013 bavarde avec un portable vissé à l’oreille, il chausse des Nike, tchatche sur Internet roule pour certains en 4x4, et pense que tout lui est dû. Il ne sait pas ce que c’est que l’effort, l’honnête, il pense que l’école et l’université ne servent à rien prenant l’exemple sur les troubadours et les footballeurs qui gagnent en une saison ce que gagne un enseignant en une vie... L’Algérien de 2013 pense que tout est pourri qu’il n’y a rien à faire, que l’horizon est bouché et que c’est le sauve-qui peut.

Qu’avons-nous fait de l’indépendance ?

Sommes nous devenus plus autonomes ? Avons-nous un taux d’intégration et un savoir faire réel ? Avons-nous des hôpitaux de qualité, une école qui fait réussir ? Une université vue comme un ascenseur social ? Rien de tout cela !Notre mimétisme de l’Occident ne concerne que la dimension consommation et non dans celle du travail, de l’effort, de l’intelligence et de l’endurance est encore plus tragique au sein des pays arabes car aucun d’eux ne crée de la richesse, ils vivent en satrapes sur le fonds de commerce de la nature, tel que le pétrole, le gaz. L’Algérie est devenue un immense tube digestif, décervelé, l’Algérien veut, sans effort, tout et tout de suite. Nous donnons un très mauvais signal en distribuant la rente sans contrepartie en terme de travail et de création de richesse

Notre indépendance a atteint l’âge de raison. Mais l’Algérie peine toujours à se redéployer dans un environnement mondial de plus en plus hostile. Est-ce parce qu’elle n’abrite pas en son sein les compétences à même de la faire sortir de l’ornière ? Est-ce qu’elle n’a pas les ressources qui lui permettraient de financer son développement ? Non ! Comment alors expliquer cette panne dans l’action qui fait que nous sommes encore à chercher un projet de société et à vivre au quotidien gaspillant une rente imméritée qui hypothèque lentement mais sûrement l’avenir de nos enfants ? Un maitre mot, les responsables ne rendent pas compte !

Qu’est-ce qu’alors être indépendant au XXIe siècle avec une mondialisation dimensionnée à la taille des plus grands, des plus forts, des plus immoraux ? Qu’est-ce qu’être indépendant quand on est dépendant à 80% pour sa nourriture, à 100% pour sa construction, les transports, quand on est dépendant à 100% pour ses achats de tous les jours. Nous nous retrouvons, en 2013, en train de confier la construction de ce pays à des étrangers sans aucune sédimentation.

L’Algérie de 2040 : La Somalie ou la Corée du Sud

Nous ne sommes pas à l’abri d’un tsunami, nos frontières sont de plus en plus vulnérables et nous donnons l’impression de nous installer dans les temps morts avec des slogans du siècle précédent. L’épisode de Tigentourine nous a montré que nous ne sommes pas invulnérables. Le démon du régionalisme, l’échec du vivre-ensemble par le mépris de l’identité amazighe originelle, la soif du pouvoir, l’appât du gain et pour notre malheur, l’étendue du pays, sa richesse en hydrocarbures et en terres agricoles, sont autant de critères de vulnérabilité. On ne laissera pas tranquille un pays de 2387 642 km² - le premier pays d’Afrique après la partition du Soudan- avec sa profondeur stratégique, son potentiel énergétique, ses différents climats... son potentiel archéologique et touristique

Si rien n’est fait en terme de consolidation de l’Etat notamment par la mise en place d’un projet de société basé sur un désir de vivre ensemble. Si l’alternance sereine n’est pas définitivement consacrée. Si rien n’est fait en terme d’économie en terme de stratégie en terme d’éducation Si le maitre mot en toute chose est le savoir, l’Algérie de 2040 sera celle du chaos. Imaginons-nous en 2040, plus de pétrole et de gaz à vendre malgré l’utopie des gaz de schiste. Plus d’eau potable, les changements climatiques auront fait des ravages. Ceux qui nous amené au chaos ne sont plus là. Pour n’avoir pas pris de précautions L’eau sera rare, les sols seront devenus stériles. Nous reviendrons à la bougie pour ceux qui ont les moyens de la payer . Les maladies du Moyen âge ont refait leur apparitions la tuberculose fait des ravages

L’Algérie deviendra une zone grise, Il existera des seigneurs de quartiers elle va se somaliser graduellement sous le regard indifférent des pays qui ont fait le saut qualitatif de l’économie de la connaissance Si on veut devenir un pays développé à l’instar de la Corée du Su, qui avait le même niveau que nous en 1962, Le moment est venu, de faire émerger les nouvelles légitimités du XXIe siècle. Chacun devra être jugé sur sa valeur ajoutée. Chacun devra rendre compte. La transition inéluctable doit se faire sans douleur et que l’on mette enfin le peuple algérien au travail. La situation du pays impose de donner l’exemple et de parler vrai à cette jeunesse en panne d’espérance.

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4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 09:42
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2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 10:08

«Pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible: c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible.»

Patrick Le Lay, Président Directeur Général de TFI

Il est devenu d'usage d'admettre dans la plus pure tradition de la fatalité, que la civilisation est ce qu'elle est et qu'il faut s'adapter ou périr. Il en va ainsi de tous les « ismes » qui ont malmené la condition humaine à travers les siècles, notamment le précédent, Par toute latitude. En son temps, Jean-François Léotard avait fait l'inventaire de tous les récits de légitimité (communisme, stalinisme, nazisme... libéralisme) et comme épouvantail islamisme imposés par les puissants aux peuples. Parmi tous ces «ismes» le capitalisme triomphant après la chute du communisme pensait pouvoir formater la planète pour mille ans.

Souvenons-nous dans le droit fil de la « destinée manifeste » du XIXe siècle faisant dire à Dieu qu’il privilégie le peuple américain, de «La fin de l'histoire» au XXe siècle de Francis Fukuyama pour qui le modèle américain de néolibéralisme devait amener la prospérité et la démocratie «aéroportée» et les lumières droits de l'homme au reste du monde au besoin éclairée par le napalm...

On le sait, le Programme américain pour un nouveau siècle (Pnac) théorisé par les néoconservateurs avait justement, pour objectif de réaffirmer le leadership définitif de l'hyperpuissance américaine . Pour cela il fallait inventer un Satan de rechange. Ce sera l'Islam(isme) et à bien des égards, l'attaque des tours jumelles, symbole du capitalisme triomphant, fut du pain bénit. Rien ne s'opposera ni à l'intérieur ni à l'extérieur à la tentation d'Empire et à la nouvelle religion le money-theïsme. Le capitalisme, le néolibéralisme et la mondialisation ont besoin de mécanismes pour formater durablement le monde. Des institutions seront mises en place pour gouverner le monde, à la place des anciennes. D'abord, ce seront les deux grandes banques, celle qui «ajuste, structurellement les économies vulnérables le FMI, et la Banque mondiale». Ce sera ensuite, le commerce confié à l'OMC.

Par ailleurs il y aura forcément des récalcitrants qu’il faudra mettre au pas, soit par le soft power de la Cour pénale internationale pour juger les faibles, soit par la force brutale avec l'Otan . Enfin la surveillance et le formatage des esprits, seront confiés à Internet, et à l'addiction volontaire aux nouveaux médias. Nous allons justement traiter dans ce qui suit de la fabrique du consentement par les médias et la publicité sur tous les supports au premier rang desquels la télévision joue un rôle capital dans la «panurgisation» du monde.


Le marché et son installation: Les consommateurs « sous influence »

Dans les pays dits développés, le marché, dans l'euphorie des «trente glorieuses» en Europe a permis le développement spectaculaire de la consommation débridée sous toutes ses formes. A titre d'exemple, l'installation des grandes surfaces qui a laminé définitivement les petits commerces s'est imposée au début des années 1960 et en mutant chaque fois pour serrer au plus près le consommateur On apprend qu'en France: «Le premier hyper est né le 15 juin 1963 en région parisienne sous la bannière Carrefour.. Dans les années 1970, les nouvelles technologies changent les modalités d'achat. L'apparition du code-barre, puis la naissance de la carte à puces et des cartes bancaires modifient. En 1976, Carrefour lance les «produits libres». En 2012, Carrefour teste un magasin virtuel à Lyon et à Paris. Il permet au consommateur de commander ses produits via son smartphone depuis un lieu de passage, une gare par exemple, et de se faire livrer à son domicile ou au point «drive» de son choix.» (1)

La fabrique du consentement

Dans cette lutte féroce pour vendre à tout prix, les firmes multinationales ne manquent pas d'imagination. Elles faisaient appel aux techniques antédiluviennes de la réclame puis de la publicité classique. Elles s'attaquent maintenant au cerveau et créent un besoin. Pierre Barthélemy rapporte l'expérience singulière - pour nous, mais rentrée dans les moeurs ailleurs - de mainmise sur le cerveau. Expérience qui montre que rien n'est définitivement acquis et qu'on peut être trompé tout le temps. Nous le suivons: «Comment les grandes marques influent sur nos cerveaux. Tellement brutale mais tellement vraie, la sortie de Patrick Le Lay, alors P-DG de TF1, avait fait grand bruit: il n'imaginait sûrement pas, c'est à quel point ce rapprochement entre cerveau et grandes enseignes commerciales était pertinent et profond. Une étude remontant au début des années 1980 a ainsi montré que des femmes souffrant de maux de tête se sentaient plus soulagées en prenant le cachet d'aspirine d'un groupe pharmaceutique très connu plutôt que celui d'une société moins célèbre, ce alors que la formulation et la présentation du médicament étaient exactement les mêmes.» (2)

Pierre Barthélémy cite une étude singulière: «Dans un article publié il y a quelques semaines par PLoS ONE, deux psychologues allemands se sont demandé si cet effet «grande marque» pouvait être transposé dans l'univers de l'alimentation et influencer une dégustation. Pour le déterminer, ils ont mis au point l'expérience suivante: des volontaires, allongés dans un appareil à IRM (imagerie par résonance magnétique) allaient goûter quatre sodas gazeux et les noter pendant qu'on observerait les zones de leur cerveau excitées par cette dégustation. (...) Les deux premières se passent de présentation. River Cola est la marque générique d'une chaîne de supermarchés allemands tandis que le T-Cola avait été présenté aux participants comme une boisson tout juste mise au point et pas encore sur le marché.» (2)
En fait, T-Cola n'était qu'une invention: l'idée consistait à proposer une boisson totalement inconnue, d'une marque non identifiable. Les quatre échantillons servis étaient en réalité rigoureusement identiques, un cocktail de Coca, de Pepsi et de River Cola. Un tiers de chaque. Pour rendre le scénario encore plus crédible, les expérimentateurs montraient avant le test quatre récipients dont le contenu était soigneusement étiqueté. Les quinze participants ont tous eu l'impression qu'il s'agissait de quatre sodas différents (avant qu'on leur dévoile le pot aux roses). Les échantillons estampillés Coca et Pepsi, les deux grandes marques, ont obtenu des notes significativement meilleures à celles des deux autres, un résultat pas très surprenant(2).

« Le plus intrigant conclut Pierre Barthélémy, n'est, en effet, pas là. Il réside dans ce qui est apparu à l'IRM. La dégustation de ce qui était présenté comme des marques peu ou pas connues a donné lieu à plus d'activité dans le cortex orbito-frontal, montrant que le sujet cherchait davantage à assigner une valeur au produit qu'il était en train de goûter, à décider s'il le trouvait bon ou pas, ce qui était moins le cas avec les pseudo-Coca et Pepsi. Comme si, dans le cas du River Cola et du T-Cola, la marque n'était pas un indicateur suffisant pour déterminer si la boisson plaisait ou ne plaisait pas. Pour les boissons connues, cette zone se révélait moins active, sans doute parce que, pour les avoir déjà goûtées auparavant ou en avoir vu les sujets savaient déjà plus ou moins à quoi s'en tenir. (...) Croyez-le ou pas, mais elles suivent de près la science du cerveau, au point qu'elles utilisent, elles aussi, l'IRM ou l'électroencéphalogramme pour... tester les réactions de consommateurs à de nouveaux produits ou comprendre comment ils prennent une décision d'achat. Cela s'appelle le neuromarketing.» (2)

Le dogme de cette religion, écrit Patrick Juignet, procède d'un axiome central: «Les vices privés font la vertu publique» que l'on doit à Bernard Mandeville (1740). Cet axiome déstructure les autres grandes fonctionnalités humaines: politique, symbolique, sémiotique et psychique. Par rapport à cette situation, Dany-Robert Dufour propose un droit de retrait des citoyens de la société devenue perverse (...) car poussant à toujours plus de compétition, de performance, pour plus d'argent afin de participer à l'idéal de la grande addiction consumériste. Il dénonce aussi la naturalisation généralisée, la perte des repères et interdits culturels, la réduction des individus à leur fonctionnement pulsionnel.» (3)



Les dégâts du néolibéralisme: Tout est conçu contre la morale

Justement, pour Dany Robert Dufour l'échange marchand généralisé et libéralisé détruit ou dérégule les autres «économies»: l'économie discursive (échange du sens, des idées), l'économie sociale (donner, recevoir, rendre) et l'économie psychique (la limitation pulsionnelle, l'altruisme). La télévision forge-t-elle des individus ou des moutons? s'interroge-t-il ?

«L'individualisme écrit-il n'est pas la maladie de notre époque, c'est l'égoïsme, ce self love, cher à Adam Smith, chanté par toute la pensée libérale. (...) Vivre en troupeau en affectant d'être libre ne témoigne de rien d'autre que d'un rapport à soi catastrophiquement aliéné, dans la mesure où cela suppose d'avoir érigé en règle de vie un rapport mensonger à soi-même. Et, de là, à autrui. Ainsi ment-on effrontément aux autres, ceux qui vivent hors des démocraties libérales, lorsqu'on leur dit qu'on vient - avec quelques gadgets en guise de cadeaux, ou les armes à la main en cas de refus - leur apporter la liberté individuelle alors qu'on vise avant tout à les faire entrer dans le grand troupeau des consommateurs. Mais quelle est la nécessité de ce mensonge? La réponse est simple. Il faut que chacun se dirige librement vers les marchandises que le bon système de production capitaliste fabrique pour lui. «Librement» car, forcé, il résisterait. La contrainte permanente à consommer doit être constamment accompagnée d'un discours de liberté, fausse liberté bien sûr, entendue comme permettant de faire «tout ce qu'on veut». (4)

« Notre société poursuit le philosophe est en train d'inventer un nouveau type d'agrégat social mettant en jeu une étrange combinaison d'égoïsme et de grégarité que j'épinglerai du nom d'«égo-grégaire». Il témoigne du fait que les individus vivent séparés les uns des autres, ce qui flatte leur égoïsme, tout en étant reliés sous un mode virtuel pour être conduits vers des sources d'abondance. Les industries culturelles jouent ici un grand rôle: la télévision, Internet, une bonne partie du cinéma grand public, les réseaux de la téléphonie portable saturés d'offres «personnelles»... La télévision est avant tout un média domestique, et c'est dans une famille déjà en crise qu'elle est venue s'installer. Certaines études nord-américaines l'appellent depuis longtemps déjà le «troisième parent». On pourrait se demander: après tout, pourquoi pas cette virtualisation des rapports familiaux? (...)» (4)


Le philosophe conclut son constat amer en citant Bernard Stiegler : «Bernard Stiegler, dans un vif petit livre à propos de la télévision et de la misère symbolique, indique que «(l'audiovisuel) engendre des comportements grégaires et non, contrairement à une légende, des comportements individuels. Dire que nous vivons dans une société individualiste est un mensonge patent, un leurre extraordinairement faux (...). Nous vivons dans une société-troupeau, comme le comprit et l'anticipa Nietzsche. La famille en question serait donc en fait un «troupeau», qu'il ne s'agirait plus que de conduire là où l'on veut qu'il aille s'abreuver et se nourrir, c'est-à-dire vers des sources et des ressources clairement désignées.(...) A la liste des gardiens du troupeau avancée par Kant - le mauvais prince, l'officier, le percepteur, le prêtre, qui disent: «Ne pensez pas! Obéissez! Payez! Croyez!» -, il convient évidemment d'ajouter aujourd'hui le marchand, aidé du publicitaire, ordonnant au troupeau de consommateurs: «Ne pensez pas! Dépensez!» (4)

Trouve –ton le formatage des esprits uniquement dans la consommation des biens matériels et le divertissement ; l’entertainement pour parler franglais ? Non ! Les ravages touchent aussi le libre arbitre. L'autre pendant dangereux de la publicité est la propagande dont on connaît les ravages. «La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures». Dans leur ouvrage: La fabrique du consentement, Noam Chomsky et Edward Herman nous donnent une analyse très éclairante du fonctionnement des médias aux Etats-Unis, mais parfaitement transposable en France. Les pouvoirs qui possèdent les médias, les financent par le biais de la publicité, définissent l'information a priori puis produisent tant les contre-feux que les experts sur mesure nous semblent être au coeur de la production de l'idéologie dominante.» (5)


Que faut-il faire face à cette course vers l'abîme?

Est-ce que la croissance débridée est synonyme de confort? De bien-être? Penser une décroissance de ce qui n'est pas essentiel est ce, «revenir à la bougie» encore que cela soit poétique! Pour Vincent Liegley, il faut «aller vers des sociétés matériellement frugales, écologiquement soutenables. L'enjeu est de revenir à une société beaucoup plus simple, à un autre type de confort matériel, sans remettre en question les avancées de la société actuelle. Sortir de la méga-machine, de la technostructure, comme y invitait Ivan Illich, autre penseur de la décroissance. Retrouver aussi ce qui a été détruit: convivialité, solidarité, le «buen vivir», ce concept de la «vie bonne» développé en Amérique latine. (...) » (6)

« Nous sommes face à l'effondrement d'une civilisation. Mais aujourd'hui, l'ensemble de la planète est embarqué sur ce Titanic. Ce sera un choc extrêmement violent. Nous essayons de comprendre cette crise anthropologique et de construire d'autres civilisations en rupture avec celle-ci. Avec une contradiction: il faut aller vite, tout en faisant quelque chose qui demande du temps. Un changement de nos habitudes, une décolonisation de notre imaginaire, une transformation de nos institutions qui sont toxico-dépendantes de la croissance... Le but de la décroissance, est d'ouvrir des possibles de pensée. Nous tentons de penser l'utopie, ce vers quoi on veut tendre - sans peut-être jamais l'atteindre. Définir un projet de transition qui part de la société actuelle, tout en étant complètement en rupture avec celle-ci. L'important est de savoir où l'on va et d'assumer ces contradictions pour transformer la société en profondeur.» (6)

Pour Jean Weber cette dérive s’explique par l’usure ( l’intérêt) : « Notre incapacité à changer la donne vient du fait que nous n'arrivons plus à nommer ce qui est à l'origine de la perversion du système. Le mot qu'il manque c'est «usure ». L'usure c'est l'intérêt sur le capital. La norme serait que l'on rétribue le travail en tant que créateur de richesses et que l'on taxe le superflu c'est-à-dire ce qui ne correspond pas à nos besoins (nourriture, transport, santé, éducation) mais ce qui est accumulé. La perversion actuelle est que l'usure rétribue la richesse accumulée alors que cela devrait être la seule à être taxée. L'Usure contraint à la croissance est c'est la raison pour laquelle les compagnies doivent toujours vendre plus si elles ne veulent pas crever. Même dans les monothéismes l'usure est condamné , mais le nations et les individus n'ont plus le pouvoir de lutter contre ». « Chez les Juifs poursuit Jean Weber, la richesse accumulée (qui ne correspond pas aux besoins) était non seulement pas rétribuée (usure) mais redistribuée tous les 7 ans. Chez les musulmans la richesse qui ne correspond pas à un besoin ne doit pas être rétribuée (usure) mais taxée à hauteur de 2.5%. Chez les rois chrétiens le premier rôle de la police était de contrôler les marchés en vue de préserver les populations de l'usure. Aujourd'hui l'usure est institutionnalisée et la police nationale ou internationale défends les intérêts de l'usurier. Elle vient saisir les biens hypothéqués plutôt que d'emprisonner celui qui spolie ». (7)

D'où viendrait le salut en absence de décroissance « mot maudit » par la doxa occidentale qui fait du marché son veau d’or ? Nous appelons une fois de plus, à l’aide le philosophe Dany Robert Dufour qui dans es nombreux écrits, a analysé les comportements humain en face de cette machine du diable qu’est le néo-libéralisme. Il écrit : «Pour sortir de la crise de civilisation, il convient de reprendre, propose-t-il, un élan humaniste. Comment faire advenir un individu qui, serait enfin «sympathique» c'est-à-dire libre et ouvert à l'autre. «Il nous semble qu'un des enjeux civilisationnels actuel soit précisément d'échapper à ce dilemme. (...) Je prédirais plutôt la survie du capitalisme au prix de la mort de notre civilisation et sa transformation en une vaste administration techno-marchande inhumaine, fonctionnant au service de l'oligarchie mondiale.» (8)

Pour Edgard Morin autre philosophe éclectique, il ne s'agit pas de concevoir un «modèle de société», voire de chercher quelque oxygène dans l'idée d'utopie. Il nous faut élaborer une Voie, qui ne pourra se former que de la confluence de multiples voies réformatrices, et qui amènerait la décomposition de la course folle et suicidaire qui nous conduit aux abîmes. La voie nouvelle conduirait à une métamorphose de l'humanité: l'accession à une société-monde de type absolument nouveau. Elle permettrait d'associer la progressivité du réformisme et la radicalité de la révolution.» (9)



1. Du chariot à la caisse automatique, un demi-siècle d'hypermarchés Le Monde 14.06.2013

2.PierreBarthélémy http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/06/16/comment-les-grandes-marques-influent-sur-nos-cerveaux/


3.Patrick Juignet http://www.philosciences.com/Societe/DanyRob.html, Philosciences,

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4. http://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/DUFOUR/15491 Janvier 2008


5. http://www.conflitssansviolence.fr/documents/lupourvous/lpv43-fabrication-du-consentement.pdf


6. Vincent Liegey Propos recueillis par Agnès Rousseaux http://www.bastamag.net/article2987.html


7.Jean Weber : Commentaire de la fabrique du consentement Notre planète info ; 2 07 2013

8. Dany Robert Dufour http://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/DUFOUR/15491


9.Edgard Morin: Ce que serait ´´ma´´ gauche. Le Monde. 22.05.10

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

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