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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 15:07

«La fortune des aïeux s'épuisera, l'adresse des mains restera.»

Proverbe algérien

C'est une tradition des élèves ingénieurs de l'Ecole polytechnique de célébrer chaque année le 16 avril Youm el ilm ; la Journée du Savoir depuis une vingtaine d'années. 2015 est aussi l'anniversaire de la première promotion d'ingénieurs de l'Algérie Indépendante sortants de l'Ecole polytechnique. Cette «Journée» qui s'est faite sous l'égide de monsieur le Premier ministre a eu pour ambition de faire un plaidoyer pour une transition énergétique qui ne peut réussir que si la société entière adhère à cette nouvelle vision du développement durable qui nous recommande une sobriété énergétique qui se traduirait par des économies d'énergie, une utilisation pondérée des énergies fossiles, un plan Marshall des énergies renouvelables, l'objectif étant en définitif de sortir de la rente d'une façon intelligente et du même coup, laisser un viatique pour les générations futures

Cette Journée a été rehaussée par la présence de mesdames les ministres de l'Environnement et de l'Artisanat ainsi que monsieur le ministre de l'Energie, monsieur le chef de cabinet ainsi que monsieur le président du Cnes ainsi que monsieur le directeur général des enseignements supérieurs au ministère de l'Enseignement supérieur Dans son intervention, monsieur le ministre de l'Energie a décrit le Plan électricité prévu à différents horizons avec la place du renouvelable et a ensuite incité les élèves ingénieurs à faire des recherches dans le domaine des énergies renouvelables sur la spécificité des conditions d'installation dans le Sud, notamment concernant l'érosion des éoliennes par le sable, madame la ministre de l'Environnement a insisté sur la dimension environnementale qui doit être prise en charge, et a ensuite décrit, globalement les enjeux de la Conférence de Paris sur les changements climatiques et comment l'Algérie s'y préparait.

Dans ma conférence, j'ai parlé de l'aventure humaine de l'énergie, j'ai ensuite tracé un tableau sombre de la scène énergétique mondiale, décrit brièvement les tensions actuelles qui amènent aux conflits, donné aussi mon point de vue sur la nécessité de ne pas compter sur une remontée des prix et présenté les communications à venir des élèves ingénieurs. Tout au long de la journée, les conférences des experts ont permis de tracer les termes du débat; c'est d'abord le docteur Mustapha Mékidèche qui a fait un exposé sur la situation des hydrocarbures.

Ce furent ensuite le professeur Fouad Chehat directeur général de l'Inra qui, dans une conférence remarquable, a parlé de la sécurité alimentaire et des défis de l'Algérie. Ce fut ensuite le professeur Yassa directeur général du Cder qui a traité des défis et promesses des énergies renouvelables. Le professeur Rabah Kerbachi a planté le décor des changements climatiques et les prévisions à 2030. Au tour de madame la directrice des ressources en eau de traiter des potentialités hydriques et des développements. Kamel Dali du plan de charge prévisionnel de l'Aprue (Agence pour la rationalisation de l'Energie). Abdelkader Yettou directeur central à la direction générale des forêts a clôturé la session des experts en traitant du patrimoine forestier et de son développement en Algérie

Les élèves ingénieurs ont proposé un modèle énergétique «fil de l'eau», continuation des tendances actuelles et ont fait des prévisions pour 2030,en présentant des propositions de développement des énergies renouvelables pour l'électricité mais aussi en suggérant des utilisations de tous les potentiels inexploités jusqu'à présent, la géothermie, les biocarburants à partir des déchets (dattes, olives,alfa..) les métiers de la forêt avec l'exploitation du bois, et bien sûr en insistant sur le plus grand gisement qui est celui des économies d'énergie qui peut atteindre 20%.

Comment libérer l'Algérie de la rente tout en utilisant les ressources de la rente pour amorcer cette transition énergétique? Nous devons aller vers le développement durable en mettant à profit d'une façon rationnelle les ressources de la rente pétrolière et gazière pour mettre en oeuvre une transition énergétique pouvant nous conduire à un développement durable. Tous les pays développés et certains pays en développement développent des modèles énergétiques qui permettent de prévoir à l'avance la consommation d'énergie en fonction des données actuelles et de l'évolution de plusieurs paramètres; la population, les réserves en énergies fossiles les potentialités en énergies renouvelables, l'évolution des changements climatiques mais aussi et surtout les habitudes et façon de consommer pour évaluer le taux de gaspillage de l'énergie.


La chasse au gaspillage

A titre d'exemple, les prix dérisoires de l'énergie sous toutes ses formes mais aussi les prix de l'eau font qu'il est pratiquement impossible de continuer à ce rythme de consommation débridé. Les économies d'énergie ne peuvent être opérationnelles que si un juste prix est pratiqué. Sait-on par exemple que le gaz naturel que nous payons est facturé 20 fois moins cher que son prix international, Que le prix du gas oil est facturé sept fois moins cher que celui de nos voisins? Que le prix de l'eau à 5 DA est dérisoire, que le même mètre cube est facturé 20 fois plus ailleurs. L'Algérie est l'un des rares pays où le prix de l'essence est le plus bas. La vérité graduelle des prix bien expliquée aux citoyens sera admise d'autant que les classes à faible pouvoir d'achat paieront proportionnellement à leurs revenus. Il est anormal que le soutien des prix profite à tout le monde. Même le FMI recommande de cibler les catégories à aider.

La transition énergétique est une vision nouvelle qui fait qu'il faut faire la chasse au gaspillage, payer le juste prix en fonction des tranches de revenus de chacun. Cette transition énergétique vers le développement durable nous permettra aussi de tenir compte de plusieurs paramètres, la protection de l'environnement, la rationalité dans la consommation le recours de plus en plus important aux énergies renouvelables à la fois d'une façon globale mais aussi d'une façon individuelle. Nous devons nous prendre en charge et être des citoyens responsables. Nos parents arrivaient à stocker l'eau de pluie. Nos parents faisaient des provisions de bois en été. Ce sont autant de réflexes qui existent dans les autres pays et que nous avons perdus. Nous menons un train de vie qui ne correspond pas à la rationalité.Notre autonomie nous permettra de faire durer ce qui nous reste en réserves d'hydrocarbures plus longtemps, ce qui nous permettra d'assurer l'avenir des générations futures.

Dans le modèle énergétique proposé, pour 2030, l'accent est mis sur toutes les énergies fossiles et renouvelables, (solaire, éolien, hydraulique,) mais aussi géothermie qui n'est pas exploitée. Nous avons 250 sources d'énergie géothermique qui peuvent contribuer valablement à remplacer les énergies fossiles (pétrole et gaz naturel) notamment dans le chauffage urbain, industriel mais aussi agricole: une excellente démonstration a été faite conjointement par le ministère des Ressources en eau et celui de l'Agriculture, à savoir le chauffage de serres pour les produits agricoles. Ce type d'initiative est à multiplier par centaines, notamment dans l'Algérie du Sud qui peut devenir grâce à notre détermination et notre volonté une seconde Californie.

Dans ce cadre du bouquet énergétique, le gaz de schiste est une énergie comme une autre. Il faut savoir qu'elle n'est pas génératrice de rente. L'exploitation de cette richesse se fera quand la technologie sera mature, et respectueuse de l'environnement. On parle de l'heptafluoropropane qui pourrait remplacer l'injonction d'énormes quantités d'eau avec des quantités importantes de produits chimiques (0,5%), tout en sachant que la nocivité de ces produits se mesure en ppm. Une autorité indépendante de l'environnement qui travaillerait avec un cahier des charges drastique concernant les précautions garantirait que la nappe phréatique ne serait pas polluée et qu'un traitement approprié serait dévolu aux rejets boues et produits chimiques. Le gaz de schiste aura toute sa place dans un bouquet énergétique avec les autres énergies fossiles, renouvelables, si on sait y faire, si on prend les précautions nécessaires par la mise en place d'une réglementation drastique, si on forme les compétences dans ce domaine et si enfin, on développe une vieille technologie à même de suivre les meilleures méthodes d'exploitation. L'exploration actuelle devra nous donner toutes les caractéristiques, débits, profondeurs, quantités et type de produits.

La transition énergétique, ce n'est pas seulement le plan de développement des énergies renouvelables qui vient d'être adopté par le gouvernement en mars. Pour le réaliser il faut justement un véritable plan Marshall en sachant bien que le modèle énergétique est plus large, car il englobe d'abord, un modèle de consommation à différents horizons 2030, 2050. A titre d'exemple, nous serons 55 millions d'habitants, nous consommerons peut-être 2000 kWh/hab/an, cela ferait 125 TWh soit trois fois la puissance installée actuelle en électricité. C'est dire la quantité de panneaux solaires d'éoliennes à mettre en place... Ceci ne concerne que l'électricité, il y a aussi les carburants mais surtout le plus grand gisement qui est celui des économies d'énergie évalué à 20%, en clair on peut économiser l'équivalent de 8 millions de tonnes de pétrole par des gestes écocitoyens.

Il n' a pas de petites économies! Tout est bon à prendre et une calorie d'épargnée, est une calorie disponible pour les générations futures ou disponibles pour l'exportation si elle est adossée à un transfert de savoir-faire auprès de locomotives à l'instar de la Chine, de l'Allemagne ou des Etats-Unis leaders dans le secteur des énergies renouvelables.
La problématique globale est celle de passer d'un modèle de consommation où tout est gratuit et que personne n'est responsable vers un modèle de consommation vertueux où chaque calorie est épargnée, grâce à des économies C'est cela le développement durable. Il ne faut pas oublier que notre meilleure banque en termes de retombées de la rente est et restera notre sous-sol.

De ce fait, cette transition énergétique devrait avoir le consensus du plus grand nombre, car au moment de l'application, ce sont les citoyens avec un comportement éco-citoyen qui feront que cette stratégie réussira. De plus, nous sommes convaincus que la transition énergétique est l'affaire de tous les départements ministériels, c'est l'école où l'apprentissage de l'écocitoyenneté se fera, c'est la formation professionnelle et l'enseignement supérieur qui auront à former les milliers de techniciens et d'ingénieurs dont la formation qui a disparu devrait en toute logique être réhabilitée. C'est aussi les affaires religieuses où les prêches porteraient sur les dégâts du gaspillage, c'est évidemment l'environnement, l'écotourisme mais aussi le commerce qui devrait contribuer avec l'industrie et l'énergie à l'interdiction des appareils électroménagers et véhicules énergivores en électricité ou en carburant. C'est enfin l'information qui devrait convaincre les chaînes publiques et privées de l'importance de cette cause nationale en faisant preuve de pédagogie



Prendre en charge le destin de ce pays

La journée s'est conclue sur les métiers et les recherches du futur. Nous avons notamment parlé d'un baccalauréat du développement durable, que l'on pourrait lancer, mais aussi des filières de graduation qui devraient être lancées si les formations d'ingénieurs et de techniciens qui ont disparu étaient réhabilitées Un débat a clôturé la journée et les intervenants ont insisté sur la nécessité de lancer, dans les meilleurs délais cette transtion en faisant participer tous les acteurs et notamment les citoyens, ce sont eux qui traduiront cette vision de la sobriété énergétique, de la nécessité de donner une seconde vie aux choses... ce «chantier du futur» sera bien perçu par tout le monde et nous permettra de lancer les fondations de cette transition énergétique, seule garante d'un développement durable harmonieux.

L'Algérie ne doit pas lier son avenir aux convulsions erratiques d'un baril de pétrole. Il nous faut sortir intelligemment de la rente, en allant vers le développement durable. Nous avons pour cela une dizaine d'années si on commence dès à présent à mettre en oeuvre cette transition énergétique... Ceci ne peut pas se faire sans vérité des prix. Avec un prix de gas oil à 13DA nous subventionnons les économies des pays voisins pour le gas oil qui coûte 6 fois plus cher,de plus il incite au gaspillage dans le modèle énergétique que nous proposons; des solutions, sont proposées pour rationaliser la consommation d'énergie, ceci naturellement en protégeant les classes vulnérables.

Je suis convaincu que la transition énergétique nous impose un changement total de vision de consommation de l'énergie. L'apprentissage vers l'écocitoyenneté est un combat de tous les jours. Il nous faut nous départir de la mentalité du beyleck (caractérise l’irresponsabilité dans la gestion de la cité à l’époque de l’administration ottomane), en passant de la situation actuelle où personne n'est concerné à la situation où chacun assume sa part de responsabilité, si on veut qu'il y ait un avenir pour ce pays.

La stratégie énergétique est une cause nationale, elle devrait faire si elle est bien expliquée l'objet d'un consensus qui transcende les clivages, car les faits sont têtus, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Nous devons prendre les devants dès maintenant. Nous sommes tous comptables devant l'Histoire et les générations futures nous seront reconnaissantes d'avoir pensé à elles en leur laissant une Algérie de l'intelligence qui tourne le dos à la mentalité où on attend tout de l'Etat. En définitive, ce qui restera une fois que la rente n'est plus qu'un souvenir, c'est, comme le dit le proverbe cité plus haut, le travail, l'éducation et la formation de qualité des femmes et des hommes qui seront là, pour prendre en charge le destin de ce pays.


Article de référence : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _chitour/214646-le-plaidoyer-des-eleves-de-polytech.html

Professeur Chems eddien Chitour

Ecole Polytechnique Alger

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12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 14:34

«Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.» Guillaume d'Orange

Une grève des enseignants encore une pourrait-on tellement ce genre de sport national est rentré dans les mœurs. On dit que pour avoir une école performante il faut y mettre le prix! C’est en partie vrai , cependant force est de constater que l’optimum n’est pas recherché ce qui amène chaque année à la construction de milliers de classes de centaines de CEM de dizaines de lycées , véritable tonneau des Danaïdes avec une population galopante des moyens d plus en plus limités et un budget principalement dédié à la masse salariale . Le manque d’imagination est que nous courons en début de chaque année après les places pédagogiques ignorant superbement l’acte pédagogique. Des solutions existent pour optimiser les moyens notamment avec la double vacation mais le plus grand effort est celui de l’élévation du niveau de l’éducation.

De ce fait du faible niveau et de sa place marginale dans l’échelle des valeurs actuelles , où le paraitre est plus payant que l’être , ou l’avoir est plus payant que le savoir on comprend pourquoi l'école ne fasse plus rêver et que l’ascenseur social soit en panne. Beaucoup de parents d'élèves cherchent des stratégies d'évitement, certains se saignent aux quatre veines pour payer des heures d'enseignement, d'autres se détournent carrément de l'école et investissent les clubs de foot pour y inscrire leurs enfants. Il est vrai que l'inversion des valeurs en Algérie fait que des bacs -5 peuvent se retrouver avec des salaires mensuels équivalents à ceux d'un enseignant pendant plusieurs années. C'est d'ailleurs, une règle générale, tout est bon à prendre. et pour cause.

Naturellement, à l'aune de ces exemples qui malheureusement servent de repères à la jeunesse, les doléances des enseignants sont des broutilles et travailler dans l'informel des heures supplémentaires en monnayant les notes peut paraître anodin. Il n'empêche que ce sont les formateurs des générations futures et, du point de vue de l'éthique, ils sont condamnables. En Algérie, les écoles privées de la capitale croulent, dit-on, sous la demande de nantis nationaux qui peuvent payer de 850.000 DA à 270.000 DA par an pour assurer un avenir meilleur à leur progéniture. A qui donc la faute?


La lente descente aux enfers du système éducatif

Le système éducatif algérien ne s'est pas écroulé d'un coup, c'est un long délitement qui a commencé avec l'école fondamentale, mais qui s'est accéléré pendant la décennie noire pour arriver à l'état lamentable où nous sommes: à peine 30% d'une classe d'âge arrivent à décrocher le baccalauréat qui lui-même a été démonétisé. De plus, cette descente aux enfers a été accélérée par la disparition progressive des baccalauréats mathématiques et mathématiques techniques, qui fait que nous avons un «ventre mou» qui ne correspond à pas grand-chose en termes de compétence et une hypertrophie des baccalauréats de lettres et sciences «douces» -pour ne pas dire sans que cela ne soit un gros mot ; sciences molles- qui ne mènent pas loin.

Ajouter à cela le recul de l'Etat pendant près de vingt ans devant des revendications abscons telles que la ‘atba, le seuil minimal c'est-à-dire que l'épreuve du baccalauréat est indexée non pas sur le programme mais sur la performance la plus faible des lycées. Résultat des courses: nous recevons à l'université des étudiants «non structurés» qui ne maîtrisent rien et qui ont été formatés à ânonner plutôt qu'à réfléchir. Pour couronner l'état de déliquescence actuel, les jurys du baccalauréat sont indépendants du supérieur il fut une époque où c'était l'enseignement supérieur qui désignait les présidents de jurys parmi les enseignants du supérieur qui avaient de l'expérience ou on parlait d'agrégation; où en sommes-nous maintenant?

L'éducation se porte mal et les grèves n'arrangent rien. Il est d'ailleurs incompréhensible que les syndicats ne s'intéressent pas de façon assidue à l'acte pédagogique, le dernier rapport sévère de l'Unesco est un avertissement et devrait nous interpeller. De ce fait, être contre une charte des droits et devoirs des acteurs de la communauté de l'éducation est incompréhensible. La compétence est individuelle et l'avancement devrait avoir lieu principalement au mérite. Les syndicats qui segmentent les trois paliers - chacun ayant ses ouailles - sont d'accord sur une chose entre eux. Ils demandent des promotions de douf'a, ( mot voulant dire contingent, fournée, cohorte) bref pas d’individualité à évaluer c'est l'ancienneté qui prime , avec le bon et le mauvais. C'est très porteur comme électorat mais cela ne règle pas le problème de l’éducation

De mon point de vue cette posture militante un scandale! Car au lieu d’élever le niveau on lamine par le bas Au lieu d'aller vers l'agrégation, on lamine les compétences. A tort les enseignants syndicalistes pensent que c'est la loi du nombre qui amènera des acquis.

Supposons que la tutelle lâche, la grève s'arrête; des milliers d'enseignants passeront à travers les mailles du filet sans qu'ils n'aient été évalués sur leur savoir. Le résultat nous le verrons dans quelques années avec un niveau de plus en plus bas et une fois de plus, l'Unesco nous admonestera... Il est nécessaire que les syndicats sachent qu'il ne faut pas brader le niveau. On s'étonne ensuite qu'elle soit désertée pour des horizons meilleurs. L'école, cela devrait être ce que nous avons de plus précieux. Quelles que soient les chapelles politiques.


Les dérives les plus criardes

L’un des points d’achoppement est une retraite après 25 ans d’enseignement. Outre le fat qu’à ma connaissance aucun pays du monde ne verse dans cette gabegie, il n’y a aucun argument en faveur de cette utopie. Sont ce des mineurs ? sont ce des besogneux où la pénibilité se voit chaque jour dans l’acte de travail ? Non ! Pourquoi une retraite après 25 ans ? On peut comprendre que ce n’est pas la fatigue mais un autre métier plus lucratif Certains enseignants demandent une retraite anticipée. . Ainsi, 45 ans, au moment où l'enseignant est dans la force de l'âge avec un capital de savoir et de savoir faire, il s'en va. Tout simplement parce qu'il a un autre centre d'intérêt qui est de monnayer son savoir. Les cours supplémentaires sont plus lucratifs. Il semble que les grévistes sont en majorité des professeurs de mathématiques, physique, philosophie, français; il est plus que jamais nécessaire que l'éthique s'installe.



L'école informelle et le chantage au baccalauréat

La plaie constituée par l'informel des cours nous interpelle tous. Certains enseignants du secondaire font dans l'informel, ils activent sans scrupules (parce que dispenser des cours chez soi, dans des conditions pédagogiques souvent déplorables, et ne pas payer l'impôt y afférent, relève de l'informel et leur confère une image exécrable). Les chasseurs de prime immoraux qui ne savent pas ce que c'est que l'éthique d'une vie au service de la société sont à l'image de ce couple cité par monsieur Tessa qui n'est pas le seul. En effet ils sont nombreux dans le secondaire qui profitent de la détresse des parents et en plus qui trichent en se donnant un vernis d'excellence en n'acceptant dans leurs cours que ceux qui ont des moyennes 14+ qui, naturellement, réussiront au bac dans tous les cas.

D'une façon pertinente Ahmed Farrah décortique la mécanique du chantage à la grève et le corollaire du soi-disant rattrapage reprenant les dires d'un inspecteur général de l'éducation il écrit: «Le mobile de toutes ces grèves paraît opaque (...) L'école publique est, aujourd'hui malmenée, en dépit du règlement des revendications salariales des enseignants; le retour de la contestation est un prétexte pour la déstabiliser davantage. Entre-temps, des dizaines de milliers d'heures de cours sont perdues et impossibles à rattraper. En démocratie, les jours de grève ne sont pas payés, en Algérie on les rattrape mais virtuellement, et tout le monde est content, sauf les dindons de la farce que sont les élèves qui préparent le baccalauréat. Cette situation a créé une attitude dangereuse dans le comportement des élèves candidats au baccalauréat qui désertent les classes et vident les lycées, pour se consacrer à leur examen hors des établissements scolaires. Ces conditions favorisent la sélection des élèves par l'argent, les parents qui le peuvent, faisant de plus en plus appel à des cours privés fort onéreux. Cet état de fait s'est manifesté il y a une dizaine d'années déjà, par la généralisation des cours privés dans des locaux bondés, souvent des garages pour voitures, insalubres, pas chauffés, situés dans des quartiers populeux, dangereux la nuit, quant aux cours particuliers à domicile, ils ne sont accessibles qu'aux plus aisés.» (1)

Pour Rachid Brahimi faisant le même constat de dérive de l'éthique: «Non, nous ne pouvons pas éradiquer ces cours, car ils obéissent à la loi de l'offre et de la demande, celle-ci émanant de l'élève ou (et) de ses parents. Et si des enseignants sont mercantiles, il ne faut pas oublier que les avides d'un gain plus important, plus rapide et moins fatigant, sont légion au niveau d'autres secteurs d'activité. Cependant, il est tout à fait scandaleux que des élèves soient soumis au chantage de leurs enseignants qui les obligent insidieusement à prendre des cours payants et gratifiés par un gonflement de notes. Dans ce cas de figure, puisque l'élève et l'enseignant fréquentent le même établissement, une forte implication des associations parentales pourrait remédier à ce racolage.» (2)

Pourquoi une charte de l’éthique ?

Dans ces conditions et plus que jamais il nous faut moraliser les comportements et sanctionner les dérives. Dans ce dossier, comme dans celui de l’amélioration de la pédagogie les syndicats sont aphones. Ce ne sont pas des fonds de commerce , car il risquent de ne pas être suivis par la base….

Plus que jamais nous devons codifier les droits et les devoirs des acteurs de la famille universitaire. Une charte est l'aboutissement d'une codification d'un vivre-ensemble au sein de la famille de l'éducation. Les différents acteurs ont en commun l'amour de l'école et concourent chacun à son niveau à l'élévation du niveau de l'éducation dans une atmosphère d'harmonie. Chacun des acteurs, enseignants, élèves, parents d'élèves, administration des moyens, doit s'y retrouver sans qu'il y ait une interférence dans les prérogatives. A titre d'exemple, l'administration des établissements devrait avoir un strict rôle de stratège en termes de recherche d'harmonie et d'intendance - aussi respectueux soit-il - et de mise à disposition des moyens. Elle doit s'interdire toute interférence dans le pédagogique.

On l'aura compris, il ne devrait pas y avoir de place pour les «petits arrangements» pour plaire à la tutelle, aux parents, aux autorités du coin... Seul le savoir doit émerger. En fait, tout tourne autour de la compétence et l'abnégation de l'éducateur; on ne devient pas enseignant par accident mais surtout par vocation. Dans ces conditions il existe un fil rouge en chacun de nous qui est celui de l'éthique qui fait que nous ne devons pas tricher ni dans nos enseignements en réchauffant au fil des ans le même enseignement sans réel apport nouveau, ni dans nos façons de noter, de nous présenter devant les élèves qui -il faut bien le dire- d'une façon ou d'une autre sont formatés par l'image que nous leur donnons.

Les syndicalistes qui ne veulent pas entendre parler de la charte devraient s'interroger sur leur rôle premier. Est-ce seulement de revendiquer des logements, et de l'avancement sans effort? Certes je suis de ceux qui se battront pour la dignité de l'enseignant qui devrait être à l'abri du besoin, mais le rôle du syndicat - en principe ce sont des enseignants, même s'ils ont largué les amarres, ils ne devraient pas avoir un comportement de grévistes classiques en ce sens qu'ils ont entre les mains une denrée malléable fragile et difficile à remobiliser une fois démobilisée, l'enfant. Il est vrai qu'il faille faire preuve de pédagogie trouver les dénominateurs communs autour de l'épanouissement de l'élève, à prendre à témoin les parents d'élèves et en définitive mettre en accusation, le mot n'est pas assez fort, ces enseignants qui sont rentrés dans l'éducation sans sacerdoce et, pourrait-on dire pour certains d'entre eux- heureusement le petit nombre- par effraction. La charte permet de clarifier les droits de chacun - ce sont plus que des devoirs -ce sont des responsabilités tant il est vrai que d'eux - les gardiens du temple- dépendra l'avenir du pays.


L'Ecole finlandaise et l'Ecole algérienne: deux visions du monde

Ou en sommes nous dans l’échelle des valeurs et de la pertinence du système éducatif algérien ? Pour le savoir lisons cette contribution de Samir Fraga à propos du système éducatif finlandais classé premier à l’échelle européenne ; Il écrit : « La grande loi sur l'école est votée en 1968. Elle prévoit l'unification de la scolarité obligatoire dans le service public et une formation beaucoup plus approfondie pour les enseignants. Le financement des écoles est du ressort des municipalités, ainsi tout est pris en charge, le soutien scolaire, le transport, la cantine, les dépenses de santé et toutes les fournitures scolaires durant l'école fondamentale qui dure de 7 ans jusqu'à l'âge de 16 ans. Les classes sont équipées de TV, lecteur DVD, ordinateur, rétroprojecteur (utilisé aussi par les élèves pour valoriser leur travail). Il existe aussi des salles conçues spécialement pour accueillir les élèves et leurs parents. Le modèle est basé sur une grande valorisation des professeurs, sélectionnés pour leurs qualités pédagogiques, lors d'un concours très strict, et laissés libres, une fois devant leur classe, de développer leurs propres méthodes éducatives. Les Finlandais, fiers de leur système scolaire, remarquent d'ailleurs qu'il est aussi difficile pour un candidat d'être admis en maîtrise de pédagogie que de devenir médecin. Seul un candidat à l'enseignement sur dix parvient à son but.» (3)

«Le métier d'enseignant poursuit Samir Fraga requiert cinq années d'études universitaires, dont une bonne partie (minimum un an) est consacrée à la pédagogie. Les salaires sont dans la moyenne occidentale, nettement plus élevés que les salaires français. Avec 20 élèves par enseignant, l'école finlandaise a l'un des meilleurs encadrements en Europe. On attend beaucoup de l'enseignant, «chaque élève compte», l'enseignant finlandais n'est pas le maître autoritaire qui donne un savoir magistral mais un éducateur professionnel qui est en communication profonde avec chaque élève.» (3)

Qu'en est-il de l'Algérie? Sur les 144 pays étudiés par le Forum économique mondial, le système éducatif algérien est classé à la 131e place (Mali 118e), on conserve la même place, dans la qualité du management des écoles (France 8e, Maroc 47e), dans l'enseignement primaire, l'Algérie est classée 129e (Maroc 108e) et dans l'accès à Internet en 132e place (Ethiopie 119e) dans le taux de scolarisation au cycle primaire, l'Algérie est à la 49ème place, quant à la formation du personnel on est à la 142e place (Mauritanie 141ème).

Si par essence je suis solidaire avec les enseignants, notamment sur l'injustice des classes surchargées par rapport aux classes qui ne le sont pas, en leur âme et conscience combien préparent leurs cours au-delà des deux ou trois premières années? Combien se documentent d'une façon régulière? Combien passent six heures par semaine dans les corrections en dehors des compositions? Justement, une charte de l'éthique pour laquelle il faut sincèrement remercier la ministre de l'Education en l'encourageant à ouvrir ce chantier est là pour moraliser la pratique de l'enseignement et séparer le bon grain de l'ivraie.

Pour l'histoire, une charte de l'éthique a été confectionnée dans le supérieur et pour y avoir avec d'autres collègues investi une expérience de plus de trente ans, nous ne comprenons pas que l'enseignement supérieur ne la mette pas en oeuvre! On s'étonne ensuite du malaise structurel actuel et des graves dérives éthiques. Mais ceci est une autre histoire.

Nous récoltons dès à présent les fruits de trente ans d'errance qui nous ont conduits de l'école fondamentale aux réformettes des vingt dernières années que pourtant nous avions tenté de corriger lors du débat sur l'Ecole au début de l'an 2000.

Les syndicalistes ne devraient pas oublier qu'ils sont avant tout des enseignants qui doivent donner l'exemple dans leur enseignement mais aussi pour militer pour une école de la réussite qui ne laisse personne sur le bord de la route. Il est éminemment important pour des syndicats de s'inquiéter de la déliquescence de l'acte pédagogique, du tsunami dans les têtes de nos enfants confrontés aux perturbations des grèves. Au Japon, le gréviste met un brassard mais continue son travail. Si le droit de grève est permis encore faut-il raison garder et ne pas le brandir comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des enfants et des parents! Rien ne peut se faire sans un consensus social sur l'école. L'insuffisance de débats de fond fait que personne ne se sent concerné par l'école. Il est de mon point de vue un deal qui transcende les divergences des uns et des autres. L’Ecole ne doit pas servir de caisse de résonance des convulsions sociales

L’Ecole devrait être ce que nous voulons faire de mieux pour ce pays dans un contexte mondial de plus en plus chaotique. Nous devons cesser d'être dans la dictature de l'urgence. Pour des problèmes de fond et de consensus, c'est l'avenir des jeunes que nous devons avoir en tête. L'avenir se construit ici et maintenant prenons le dur chemin de la science, du savoir, de la sueur. Ce serait dramatique de ne pas tirer toutes les conséquences car ce semblant de victoire à la Pyrrhus consacre de fait la défaite de la pensée.

1. Ahmed Farrah http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5210581

2. Rachid Brahmi http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5210583

3. Samir Fraga http://www.lequotidien-oran.com/?archive_date=2014-12-01&news=5206572

Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/212419-la-defaite-de-la-pensee.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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26 février 2015 4 26 /02 /février /2015 16:36

«Le spectacle du monde ressemble à celui des Jeux olympiques: les uns y tiennent boutique; d'autres paient de leur personne; d'autres se contentent de regarder.» Pythagore

Rituellement et épisodiquement on utilise le 24 Février pour «revivre» la dimension historique du 24 Février qui fut à l'époque et à bien des égards une seconde indépendance.

Cependant, cette symbolique s'est refroidie en rites car dans un contexte international de plus en plus erratique, nous sommes restés avec un logiciel qui n'a plus cours. Du fait que nous sommes toujours tributaires de l'étranger pour notre survie. En effet, les tensions internationales, la spéculation financière et la politique immorale des rentiers du Golfe font que le prix du brut a connu une chute drastique, exactement l'inverse de ce qui s'est passé le 24 février 2012 où il atteignait 125 $.

De plus, l'avènement des gaz de schiste est une nouvelle donne qui permettrait dit-on - AIE dixit - aux Etats-Unis de redevenir le premier producteur de pétrole. Depuis 1971, nous avons extrait du sous-sol environ 2 milliards de tep, qui ont été responsables à des degrés divers d'une pollution de 5 milliards de tonnes de CO2 qui stationneront dans l'atmosphère encore pendant 120 ans.

Si on continue à ce rythme de production débridée de 1,5 million de barils/jour, malgré les découvertes importantes de Sonatrach en pétrole et gaz conventionnels rien ne pourra étancher cette ébriété énergétique, même pas le gaz de schiste qui viendrait à maturité- si toutes les précautions sont prises- vers 2025

Historique de la rente

Pour l'histoire, de 1965 à 1978, l'Algérie a engrangé 22,5 milliards de dollars. Il y eut la création d'une trentaine d'entreprises d'envergure internationale dont la Sonatrach, la Sonelgaz et la Snvi. De 1979 à 1991, c'est à près de 125 milliards de dollars de rente. Cette époque est marquée par le programme antipénurie; l'importation massive de biens de consommation donnait à l'Algérien l'illusion qu'il était «arrivé» et qu'il appartenait à un pays développé. Tragique erreur que la chute des prix du pétrole de 1986 est venue brutalement nous rappeler et le début de la démolition des pans entiers de l'industrie.

De 1999 à 2014, c'est près de 700 milliards de dollars. Au total, c'est près de 900 milliards de dollars en 53 ans; qu'avons-nous fait si ce n'est d'avoir investi dans le social sans réelle création de richesse à même de diminuer notre dépendance. L´essentiel de l´industrie pétrolière en aval actuelle date de cette époque. Nous sommes bien contents d´avoir reçu en héritage, une capacité de raffinage de 22 millions de tonnes des complexes de pétrochimie. Car depuis, nous n'avons pas continué l'effort dans l'aval mais dans l'amont.

Nous ne prenons pas assez en compte des leçons de l'Histoire. La crise de 1986 créée par l'Arabie saoudite qui a amené le pétrole à moins de 10 $/baril a été renouvelée à partir de juin 2014 quand la même Arabie saoudite, écrasant l'Opep décide avec les rentiers du Golfe de noyer le marché. Résultat des courses: le pétrole peine à dépasser les 60 dollars après une chute de plus de 50 dollars depuis juin 2014. Nous sommes dépendants pour notre nourriture à 80% de l'étranger. Nos dépenses ont été multipliées par quatre, record de 55 milliards de $ dont 7 milliards de dollars pour les voitures.


La situation actuelle: optimisme mesuré

Sur la base des réserves actuelles et au vu de la consommation et des velléités d'exportation nous nous dirigeons inexorablement vers un tarissement des réserves conventionnelles. Certes, les dernières découvertes incitent à un optimise prudent. Au risque de me répéter, il est anormal qu'une politique vigoureuse d'exploitation d'un immense territoire de près de 2, 4 millions de km2 ne fasse pas l'objet d'une prospection intensive. A titre d'exemple, la densité de forage aux Etats-Unis est cent fois plus importantes que celle de l'Algérie. Notre pays n'a pas dit son dernier mot! On peut alors se poser la question pourquoi donner l'illusion que c'est le gaz de schiste qui va sauver l'Algérie?

En clair, qui nous permettra de continuer à vivre sur la rente! C'est un très mauvais signal que l'on donne à tout le monde. D'abord, à ceux qui pourraient croire d'une façon paresseuse que la rente est éternelle et qu'ils pourront continuer à gaspiller sans aucune création de richesse puisque le gaz de schiste veille sur leur sommeil. Ensuite, aux habitants de In Salah, qui craignent à raison une exploitation immédiate avec une technologie non mâture qui dévaste l'environnement.

Comment expliquer simplement les choses?

Il y a de mon point de vue un déficit de communication dès le départ. Nous devons sans tarder rétablir la confiance; les habitants de In Salah comprennent ce que c'est le gaz de schiste, il y a des compétences mais ils sont inquiets.

Peut-être une bonne nouvelle, il semble qu'il existe deux nouvelles techniques qui remplaceraient la fracturation avec l'eau et les gaz de schiste. En effet, la première technique d'extraction exothermique non hydraulique n'utiliserait ni eau, ni solvant, ni acide, ni explosif. Cette nouvelle technologie, d'abord développée en Chine, a ensuite été reprise au Texas. N'utilisant que des composants inertes et non caustiques, aucun risque de toxicité n'est à prévoir avec cette nouvelle méthode. Comment cela est-il possible? Grâce à une fracturation pneumatique au lieu d'une fracturation hydraulique. Ce serait en effet des gaz chauds que l'on utiliserait pour perforer la roche à la place de liquide. En particulier l'hélium, qui a l'étonnante capacité de multiplier son volume par 700 lorsqu'il passe de l'état liquide à l'état gazeux! (1)

La deuxième technique est celle de Pulse Technology plasma (PPT) renonce aux produits chimiques toxiques et exploite des impulsions de plasma L'augmentation moyenne de la production pour les premières 27 puits américains traités avec la technologie impulsion de plasma est de 295% . La technologie PPT est réputée être un moyen écologique pour effacer colmatage la sédimentation des zones de drainage et pour permettre au pétrole et au gaz d’être extrait. La technologie utilise des vibrations, ou des impulsions de plasma généré électriquement pour réduire la viscosité, augmenter la perméabilité et à améliorer le flux de pétrole et de gaz à la surface pour l'extraction. De plus La technologie n’est pas seulement conçue pour être respectueuse de l'environnement; elle est également conçue pour augmenter la production et réduire les coûts de production . (2)

Toute l'intelligence serait d'expliquer simplement et calmement les enjeux en posant la problématique du futur dans le cadre plus large qui est celui de l'existence ou de la disparition de l'Algérie dans les prochaines décennies car c'est de cela qu'il s'agit. Voulons-nous être une zone grise ouverte à tout vent ou voulons-nous avoir l'ambition de garder notre rang, rente ou pas, et à ce titre ce n'est pas le gaz de schiste qui nous sauvera! Seul un projet de société consensuelle le fera car la vraie question qui se pose est qu'est-ce qu'être algérien en 2015?

Devons-nous nous identifier à notre tribu, notre «aççabya» au sens d'Ibn Khaldoun dans le monde du Web 3.0 où le monde est un village! Devons-nous nous identifier à notre région? Ou devons-nous prôner et marteler que nous sommes tous algériens et ce qui doit nous différentier c'est notre valeur ajoutée, ce que nous apportons à ce pays en termes de savoir et de savoir-faire. Car de mon point de vue, cette affaire du gaz de schiste est une mauvaise querelle que l'on fait avant tout à l'Algérie.

De mon point de vue, il est absolument nécessaire d'expliquer où nous voulons aller. L'Algérie de 2030 c'est-à-dire demain qu'est-ce que c'est? un tube digestif qui brûle les dernières gouttes de pétrole ou de gaz avant de retourner à l'âge préhistorique si on ne se prépare pas! Un proverbe arabe saoudien illustre de façon tragique la condition des Arabes: «Mon père chevauchait un chameau, moi je roule en cadillac, mon fils vole en jet, son fils chevauchera un chameau.»

Il y a à n'en point douter une fatalité contre laquelle nous devons nous battre. Nous devons nous interroger si les gaz de schiste -ainsi présentés- sont un nouveau miracle pour l'Algérie ou est-ce une malédiction de plus qui renvoie aux calendes grecques la mise en ordre de ce pays. Je n'ai rien contre l'exploitation des gaz de schiste qui doivent être bien encadrés, c'est une réserve stratégique qui ne doit être exploitée que si les conditions techniques ne sont pas aussi désastreuses qu'elles ne le sont actuellement. Dans tous les cas, j'en appelle à un débat national dans le cadre d'une transition énergétique inéluctable que nous subirons si nous ne prenons pas l'initiative de le faire.

Un 24 Février du futur indexé sur la sobriété énergétique et la formation des hommes.

Actuellement nous épuisons frénétiquement l'énergie, croyant être malins alors qu'il serait plus sage de n'exploiter que le strict nécessaire, sachant que notre meilleure banque est notre sous-sol. Par ailleurs, on achète n'importe quoi. On achète des équipements électroménagers qui sont des gouffres d'énergie électrique (four, frigidaire). Des voitures qui dépassent toutes 150 g de CO2 par km. Chose qui est interdite en Europe. Parce que la norme en Europe est de 120 g. Donc c'est 30% d'énergie qui va dans l'atmosphère. A ce rythme de gaspillage frénétique de nos ressources, l'Algérie a épuisé sans discernement ses ressources, véritables défenses immunitaires. Ce sera, à Dieu ne plaise, le chaos.

Imaginons que nous sommes en 2030. La population sera de 55 millions de personnes. Pour la consommation interne en supposant un modeste développement qui nous fera passer de 1 tonne de pétrole consommée par habitant et par an à seulement 2 tonnes, c'est 110 millions de tonnes à mobiliser. Nous les aurons de moins en moins, ce qui va se ressentir d'une façon drastique sur notre rente car étant mono-exportateur, il nous faudra chercher d'autres sources de production de richesse pour entretenir le fonctionnement du pays avec au moins 15 milliards de dollars pour la facture alimentaire. A ce rythme de gaspillage frénétique de nos ressources, l'Algérie a épuisé sans discernement ses ressources, véritables défenses immunitaires. Ce sera le chaos, nous ferons partie de ce qu'on appelle les zones grises, comme la Somalie actuelle.

Imaginons par contre, un gouvernement fasciné par l´avenir, la première chose à faire c´est de miser sur l´intelligence et le savoir. Chacun sait par exemple, que le modèle énergétique algérien prenant en compte les profondes mutations du marché énergétique mondial dans un contexte d´évaporation, est à inventer. En fait, rien ne peut remplacer un effort national pour la définition d´un modèle énergétique qui part de l´identification de l´ensemble des gisements de ressources qui ne peuvent être seulement matérielles (fossiles et renouvelables), la société civile qui devra être convaincue de la nécessité de changer de cap: passer de l'ébriété énergétique à la sobriété énergétique. Le maître mot en tout, est l'autonomie, la production nationale qu'il faut encourager.

Nos gisements sont sur le déclin. La stratégie à mettre en oeuvre consistera justement à un triple objectif: assurer une relève graduelle par les énergies renouvelables, modérer et dimensionner notre production en fonction des stricts besoins de l'Algérie. Faire la chasse au gaspillage qui représente un gisement perdu d'au moins 20%, selon l'Aprue. Le meilleur gisement d'électricité dans le pays, c'est l'électricité que l'on ne consomme pas, c'est l'essence que l'on ne consomme pas.

Le rôle du système éducatif

Une évidence: Pour prendre en charge ce challenge, tout revient en définitive à la formation des hommes. L'éducation se porte mal et les grèves n'arrangent rien. Il est d'ailleurs incompréhensible que les syndicats ne s'intéressent pas de façon assidue à l'acte pédagogique, le dernier rapport sévère de l'Unesco est un avertissement et doit nous interpeller. De ce fait, être contre une charte des droits et devoirs des acteurs de la communauté de l'éducation est incompréhensible. La compétence est individuelle et l'avancement devrait avoir lieu principalement au mérite.

S'agissant du supérieur, au vu des défis qui nous attendent, une bonne partie des enseignements du supérieur devraient être revus, notamment dans les disciplines technologiques pour prendre en charge les nouveaux défis. Comment par exemple contribuer à construire ses propres centrales solaires éoliennes, ses propres digesteurs de biomasse? En un mot, comment mettre en place la machine de la création de richesse? Une réponse possible: le recours d'une façon massive à l'université, à la richesse dans le cadre de mémoires d'ingénieur, de thèses de magistère ou de doctorat pour créer graduellement un savoir et une expertise pour aboutir à construire soi-même sa propre centrale.

La mise en place d'une base technologique qui mise sur l'université, sera à n'en point douter, le creuset des «start-up» notamment dans le domaine de l'énergie, permettrait de donner une perspective aux milliers de diplômés. Le modèle énergétique qui fera préalablement l'inventaire de notre potentiel énergétique proposera des applications visant à substituer le «tout-gaz naturel ou tout-pétrole» par ce «fameux bouquet énergétique».

Nul doute que ce seront des milliers d'emplois qui permettront de mettre en musique ce plan Marshall pour une transition énergétique pour les vingt prochaines années. l'université a un rôle majeur dans la formation des ingénieurs, des techniciens capables de prendre en charge cette utopie à notre portée. J'ambitionne pour mon pays un nouveau 24 Février de l'intelligence d'une transition énergétique pour le XXIe siècle avec les outils des nouvelles technologies. Rien ne doit alors, s'opposer à une remobilisation de l'université qui doit faire preuve d'imagination, qui doit former des créateurs de richesse. Parmi les grands défis du pays, ceux de l'énergie, de l'eau, de l'environnement et de l'autosuffisance alimentaire devraient être des axes structurants de notre recherche.

Le secret de la gouvernance est justement de mobiliser le plus grand nombre autour d'une utopie seule capable de sauver l'Algérie quand la rente ne sera plus là. En fait, il faut passer de la situation où personne ne se sent concerné à une situation où tout le monde, à des degrés divers, se sent concerné. Faire la chasse au gaspillage qui représente un gisement perdu d'au moins 20%. Le développement durable est avant tout une rupture avec le gaspillage tous azimuts des denrées alimentaires notamment du pain, de l'énergie, de l'eau. De ce fait, il y a lieu de substituer au régime de subvention actuel un système de compensations ciblées et directes au profit des couches les plus défavorisées de la société afin de restaurer l'esprit de justice sociale et de mettre fin à la contrebande existant dans le commerce des carburants.

La mise en place d'un plan Marshall pour les énergies renouvelables doit se faire et chaque calorie épargnée par substitution aux énergies fossiles et des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse, déchets ménagers..) soit par exemple, que l'énergie solaire à potentiel thermique est estimée à 40.000 milliards m3 de gaz/an, soit l'équivalent de 10 fois le champ de Hassi R'mel. De par le monde, l'énergie solaire est compétitive avec le gaz naturel. Il nous faut nous adosser à des locomotives capables de nous faire gagner du temps et de l'argent, la Chine, l'Allemagne sont toutes indiquées. A titre d'exemple, les Chinois, qui participent à la construction d'un million de logements, peuvent intégrer l'installation des chauffe-eau solaires. En moyenne, un appartement dépense près d'une demi-tonne de pétrole pour le chauffage, soit pour les deux millions de logements construits, l'équivalent d'un million de tonnes qui peuvent être épargnés, soit l'équivalent de 700 millions de dollars!

Par ailleurs, la richesse du Sahara, ce n’est pas seulement les énergies fossiles, la disponibilité d’une nappe phréatique de 45.000 milliards de m3, c’est aussi et surtout ce que l’on pourrait faire pour développer l’agriculture. Faisons du Sahara une seconde Californie, pour conjurer les changements climatiques et diminuer la dépendance alimentaire, l'Algérie fertilisera une bande de 6 millions d'hectares, en 10 à 15 ans. Grâce à ces 6 millions d'hectares, l'eau des nappes phréatiques, et une agriculture, l'Algérie pourra créer des industries performantes, exportatrices à travers le monde entier et créatrices de millions d'emplois. Nous aurons ainsi gagné la bataille du développement.

En définitive Le maître mot en tout est l'autonomie, la production nationale qu'il faut encourager par la création de nos outils. La meilleure énergie est celle que l'on ne gaspille pas, dit-on. On devrait ajouter que pour le pays, la meilleure énergie c'est sa jeunesse qui devra être partie prenante de son avenir.

1. http://www.legazdeschiste.fr/focus-technique/23012015,gaz-de-schiste-vers-une-fracturation-plus-propre,1190.html#KGIdVBxDpiggEbq2.99

2. http://oilprice.com/Energy/Crude-Oil/Roman-Abramovich-Invests-15M-in-New-US-Fracking-Technology.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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12 février 2015 4 12 /02 /février /2015 14:01

«Je ne suis pas un symbole. Ma seule activité consiste à écrire. Chacun de mes livres est un pas vers la compréhension de l'identité maghrébine, et une tentative d'entrer dans la modernité. Comme tous les écrivains, j'utilise ma culture et je rassemble plusieurs imaginaires.»

Assia Djebar (interview au Figaro)

Vendredi 7 février, l'académicienne Assia Djebar s'éteignait à Paris à l'âge de 78 ans. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a adressé un message de condoléances à la famille de la défunte: «J'ai appris avec une profonde tristesse, la nouvelle de la disparition de la romancière algérienne de renommée mondiale, Assia Djebar, Fatma-Zohra Imalayène laissant derrière elle un long parcours jalonné de succès durant lequel elle effleura, avec sa plume, le summum de l'art et de la littérature auxquels elle a rendu gracieusement leurs lettres de noblesse. L'Algérie perd en la personne d'Assia Djebar une grande figure de la littérature algérienne et universelle connue pour son enracinement, son engagement, ainsi que la profondeur et la justesse de ses écrits.»

De son côté, le président de la République française a rendu hommage, «à cette femme de conviction, aux identités multiples et fertiles qui nourrissaient son œuvre, entre l'Algérie et la France, entre le berbère, l'arabe et le français».

«Avec la mort d'Assia Djebar lit-on sur le journal Le Figaro, c'est une grande voix de la littérature maghrébine de langue française qui s'éteint. Citée à plusieurs reprises pour le prix Nobel de littérature, le 16 juin 2005 était une date particulièrement importante pour elle dans une carrière pourtant riche. Ce jour-là, l'Académie française l'accueillait en son sein. C'était une première, car Fatma-Zohra Imalayène, qui avait pris le pseudonyme d'Assia Djebar dès son premier roman paru en 1958 chez Julliard, La Soif, était le premier écrivain d'origine algérienne et de culture musulmane à siéger sous la Coupole. (...) Il est juste dommage que, par la suite, elle fut peu présente quai de Conti. (...), Assia Djebar était une habituée des premières. Cette fille d'instituteur avait été la première femme à être admise à l'École normale supérieure de Sèvres, en 1955. Elle était également habituée aux grandes récompenses littéraires même si elle n'obtint pas le Nobel. De nombreux prix importants lui ont été décernés, surtout à l'étranger, notamment en Allemagne (Le Prix de la paix des éditeurs allemands, sorte de prélude au Nobel), aux États-Unis et en Italie. Elle a été traduite dans une vingtaine de langues, sa bibliographie comportant une vingtaine de titres: (...)Cinéaste, elle a été primée au Festival du film de Berlin et à la Biennale de Venise. (1)

«Dans la préface de son livre Les Alouettes naïves Assia Djebar donnait l'explication de sa démarche littéraire et de son combat politique, en parlant de "tangage incessant». «Soyons francs, écrivait-elle, tantôt notre présent nous paraît sublime (héroïsme de la guerre de libération) et le passé devient celui de la déchéance (nuit coloniale), tantôt le présent à son tour apparaît misérable (nos insuffisances, nos incertitudes) et notre passé plus solide (chaîne des ancêtres, cordon ombilical de la mémoire).» Il reste à aller au bout de ce programme-là. Car tout ça n'est qu'un début. Assia Djebar collabore bientôt à Tunis à El Moudjahid, le journal du FLN; se lance dans une grande fresque de la Guerre d'Algérie, mais racontée du point de vue des femmes, avec Les Enfants du nouveau monde (1962); s'inspire de son expérience à El Moudjahid pour raconter la vie des maquis dans Les Alouettes naïves (1)

Pour Raphaëlle Leyris du journal Le Monde: «Pour écrire, Assia Djebar s'était placée sous le double signe, apparemment contradictoire, de la consolation (le sens d'«Assia») et de l'intransigeance («Djebar»,; elle ne quitta jamais un état d'entre-deux - entre deux pays, entre deux langues. (...) L'année de l'indépendance de l'Algérie, la voit revenir à Alger et y enseigner à la faculté l'histoire (jusqu'en 1965) puis la littérature francophone et le cinéma (entre 1974 et 1980). Durant les années 1970, elle se consacre au cinéma, orienté autour de l'arabe dialectal, avec le long-métrage La nouba des femmes du Mont Chenoua, présenté à la Biennale de Venise, en 1979 où il obtient le Prix de la Critique internationale, puis La Zerda et les Chants de l'oubli qui sera primé au Festival de Berlin de 1983 comme «meilleur film historique». Assia Djebar écrit également une thèse consacrée à... son propre travail, qu'elle soutiendra en 1999: «Le roman maghrébin francophone, entre les langues et les cultures: 40 ans d'un parcours: Assia Djebar 1957-1997.» (2)


La chape de plomb sur son œuvre

« Nul n’est prophète en son pays » dit l’adage. Ceci c’applique bien à l’ostracisme de la bêtise à l’endroit d’une géante de la littérature universelle Pour rappel, en 2007 lors de l'ouverture de l'évènement culturel «Alger, capitale de la culture arabe» le chef de l'Etat a prononcé un discours inaugural, incitant tous les présents à saisir l'opportunité offerte par l'année 2007 pour mettre en évidence l'identité et toute la richesse de la culture algérienne. Au cours de son intervention, le président de la République a indiqué que «nous nous sommes donc réjouis de l'élection à l'Académie française d'Assia Djebar dont nous apprécions hautement la contribution à l'universalité de notre culture, exprimée dans la langue de Voltaire mais avec l'Algérie dans l'âme», cependant, il faut rappeler que l'accession de l'écrivaine Assia Djebar à l'Académie française a été totalement ignorée, notamment par le département de la culture et à sa tête, Khalida Toumi. alors que cette dernière a revêtu l'habit vert des Immortels depuis le 5 juin 2005. (3)


Pourquoi alors, la chape de plomb culturelle et éducative sur l'oeuvre d'Assia Djebar? N'a-t-elle pas servi la Révolution en tant qu'intellectuelle rédactrice de talent du journal fondateur El Moudjahid à Tunis? N'a-t-elle pas servi le pays d'abord en tant qu'enseignante? N'a-t-elle pas porté haut et fort, cette fierté algérienne dans ses textes? Le monde lui reconnait une légitimité mais pas l'Algérie, car rares sont les colloques sur son oeuvre. Il faut bien en convenir, nous sommes du fait d'une «colonisation mentale qui attend d'être déprogrammée», plus enclins à organiser des colloques sur Camus qui amènent des retours sur investissement que de rendre hommage sans arrière pensée sans m’as-tu vu sans attente de retour d’ascenseur à cette enfant du pays ,qui au passage , de l’avis des connaisseurs mérite diton le Prix Nobel plusieurs fois, n’était ce les pressions de tout ordre, l’indifférence de son pays d’origine et la frilosité des « gens du Nobel » qui ont du reculer aussi devant le fait que c’était une femme, une Algérienne, et une musulmane bref une inconnue ,qui là aussi ne donne pas de retour sur investissement pour les « gens du Nobel »


Le non-reniement de sa condition: le procès du colonialisme

Pourtant, quelle belle réussite aurait faite le Nobel en consacrant avec mérite, une Femme, une Musulmane une Algérienne, dont le pays a du payé une dîme de 200.000 morts à la camarde pour combattre l’hydre terroriste . Si ces « gens du Nobel » avaient seulement lu le discours d’Assia Djebbat qui est un condensé de sa vie, d’écrivaine de talent, de femme, de résistante, à la barbarie de moderne… La fierté d'Assia Djebar, s'est manifestée justement au sein de la plus haute instance culturelle de la France, à savoir l'Académie Française .

Dans son discours, elle a tenu à rappeler quelques faits d'armes, devoirs des races supérieures, à en croire Jules Ferry: «L'Afrique du Nord, du temps de l'Empire français, - comme le reste de l'Afrique de la part de ses coloniaux anglais, portugais ou belges- a subi, un siècle et demi durant, dépossession de ses richesses naturelles, déstructuration de ses assises sociales, et, pour l'Algérie, exclusion dans l'enseignement de ses deux langues identitaires, le berbère séculaire, et la langue arabe dont la qualité poétique ne pouvait alors, pour moi, être perçue que dans les versets coraniques qui me restent chers.» (4)

Assia Djebar fait sienne les positions tranchées d'Aimé Césaire avec tout le bien qu'il pense du colonialisme: «Le colonialisme écrit-elle, a vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie! Une plaie dont certains ont rouvert récemment la mémoire, trop légèrement et par dérisoire calcul électoraliste.» «Mesdames et Messieurs poursuit-elle, le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie! Une plaie dont certains ont rouvert récemment la mémoire, trop légèrement et par dérisoire calcul électoraliste. En 1950 déjà, dans son «Discours sur le Colonialisme" le grand poète Aimé Césaire avait montré, avec le souffle puissant de sa parole, comment les guerres coloniales en Afrique et en Asie ont, en fait, "décivilisé" et "ensauvagé", dit-il, l'Europe.» (4)

Son franc-parler a fait qu'elle n'allait pas souvent à l'Académie et lors d'une interview, elle s'interrogeait sur ce que réellement l'Académie attendait d'elle.



Les repères identitaires: son combat de toujours

Réaffirmant son identité plurielle, elle déclare son arrimage à la sphère arabo-islamique en parlant des heures de la civilisation andalouse. Elle rend responsable la France coloniale qui en imposant le français aux Algériens a créé chez eux une réaction vers un ressourcement identitaire. «Je voudrais ajouter, en songeant aux si nombreuses Algériennes qui se battent aujourd'hui pour leurs droits de citoyennes(...) je me destinais à la philosophie. Passionnée, étais-je à vingt ans, par la stature d'Averroes, cet Ibn Rochd andalou de génie dont l'audace de la pensée a revivifié l'héritage occidental, mais alors que j'avais appris au collège l'anglais, le latin et le grec, comme je demandais en vain à perfectionner mon arabe classique. (...) En ce sens, le monolinguisme français, institué en Algérie coloniale, tendant à dévaluer nos langues maternelles, nous poussa encore davantage à la quête des origines.» (4)

Cela ne l'empêche pas de parler d'acculturation heureuse: «(...) La langue française, la vôtre, Mesdames et Messieurs, devenue la mienne, tout au moins en écriture, le français donc est lieu de creusement de mon travail, espace de ma méditation ou de ma rêverie, cible de mon utopie peut-être, je dirai même; tempo de ma respiration, au jour le jour: ce que je voudrais esquisser, en cet instant où je demeure silhouette dressée sur votre seuil. (...)» (4)

Modestement elle partage l'honneur qui lui est fait avec tous les intellectuels algériens: «La sobriété s'imposait, car m'avait saisie la sensation presque physique que vos portes ne s'ouvraient pas pour moi seule, ni pour mes seuls livres, mais pour les ombres encore vives de mes confrères - écrivains, journalistes, intellectuels, femmes et hommes d'Algérie qui, dans la décennie quatre vingt- dix ont payé de leur vie le fait d'écrire, d'exposer leurs idées ou tout simplement d'enseigner... en langue française.»(4)

La fierté d'appartenir à une Algérie, terre trois fois millénaire de culture

Assia Djebbar parle d'un autre arrimage amazigh: «Il serait utile peut-être de rappeler que, dans mon enfance en Algérie coloniale (on me disait alors «française musulmane») alors que l'on nous enseignait «nos ancêtres les Gaulois», à cette époque justement des Gaulois, l'Afrique du Nord, (on l'appelait aussi la Numidie), ma terre ancestrale avait déjà une littérature écrite de haute qualité, de langue latine... J'évoquerai trois grands noms: Apulée, né en 125 ap. J.-C. à Madaure, dans l'Est algérien, étudiant à Carthage puis à Athènes, écrivant en latin, conférencier brillant en grec, auteur d'une oeuvre littéraire abondante, dont le chef- d'oeuvre L'Âne d'or ou les Métamorphoses, est un roman picaresque dont la verve, la liberté et le rire iconoclaste conserve une modernité étonnante.... Quelle révolution, ce serait, de le traduire en arabe populaire ou littéraire, qu'importe, certainement comme vaccin salutaire à inoculer contre les intégrismes de tous bords d'aujourd'hui. Quant à Tertullien, né païen à Carthage en 155 ap. J.-C, qui se convertit ensuite au christianisme, il est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages, dont son Apologétique, toute de rigueur puritaine (...) » (4)

« En plein IVe siècle, de nouveau dans l'Est algérien, naît le plus grand Africain de cette Antiquité, sans doute, de toute notre littérature: Augustin, né de parents berbères latinisés... Inutile de détailler le trajet si connu de ce Père de l'Église: (...) son retour à Thagaste, ses débuts d'évêque à Hippone, enfin son long combat d'au moins deux décennies, contre les Donatistes, ces Berbères christianisés, mais âprement raidis dans leur dissidence. (...) Ainsi, ces grands auteurs font partie de notre patrimoine. Ils devraient être étudiés dans les lycées du Maghreb: en langue originale, ou en traduction française et arabe.» (4)

Assia Djebar profitant de cette illustre tribune que la réception à l'Académie française, fait un plaidoyer pour la langue arabe: "rappelons dit-elle, que pendant des siècles, la langue arabe a accompagné la circulation du latin et du grec, en Occident; jusqu'à la fin du Moyen Âge. Après 711 et jusqu'à la chute de Grenade en 1492, l'arabe des Andalous produisit des chefs- d'oeuvre dont les auteurs, Ibn Battouta le voyageur, né à Tanger; Ibn Rochd le philosophe commentant Aristote pour réfuter El Ghazzali, enfin le plus grand mystique de l'Occident musulman, Ibn Arabi, voyageant de Bougie à Tunis et de là, retournant à Cordoue puis à Fez.la langue arabe était alors véhicule également du savoir scientifique (médecine, astronomie, mathématiques etc.). Ainsi, c'est de nouveau, dans la langue de l'Autre (les Bédouins d'Arabie islamisant les Berbères pour conquérir avec eux l'Espagne) que mes ancêtres africains vont écrire, inventer. Le dernier d'entre eux, figure de modernité marquant la rupture, Ibn Khaldoun, né à Tunis, écrit son Histoire des Berbères en Algérie; il finira sa vie en 1406 en Orient; comme presque deux siècles auparavant, Ibn Arabi. Pour ces deux génies, le mystique andalou, et le sceptique inventeur de la sociologie, la langue d'écriture semble les mouvoir, eux, en citoyens du monde qui préférèrent s'exiler de leur terre, plutôt que de leur écriture.»(4)

Avec courage elle avance une explication sur la nuit de l'intellect qui s'en est suivi dans le monde musulman: «Cette stérilité des structures annonçait, en fait, en Algérie, la lame de fond de l'intolérance et de la violence de la décennie quatre-vingt-dix. (...) Elle conclut en souhaitant au monde la guérison: «Mesdames et Messieurs, c'est mon voeu final de «shefa'» pour nous tous, ouvrons grand ce «Kitab el Shefa'» ou Livre de la guérison (de l'âme) d'Avicenne/Ibn Sina, ce musulman d'Ispahan dont la précocité et la variété prodigieuse du savoir, quatre siècles avant Pic de la Mirandole, étonna lettrés et savants qui suivirent... Je ne peux m'empêcher pour conclure, de me tourner vers François Rabelais, qui, à Montpellier, pour ses études de médecine, dut se plonger dans ce Livre de la guérison (...).»(4)

Que peut-on en conclure? Ce sont ces géants de la pensée qu'il sera plus que jamais nécessaire de faire connaître à cette jeunesse pour en tirer une légitime fierté. Pourtant, nous avons la pénible impression que l'Algérie peine encore à être une et indivisible culturellement. On constate des développements culturels séparés et le vivre-ensemble est en train de se déliter au profit de aççabyah mortifère. La culture ce n'est pas seulement ramener à prix d'or des troubadours ou le soporifique du football pour amuser les jeunes et leur faire oublier leur quotidien, c'est aussi militer pour ce désir de vivre ensemble en leur donnant des repères identitaires qui leur évitent l'errance. C'est enfin réhabiliter l''histoire vraie de ce pays et donner à chacun son dû à l'aune de son apport à cette immense Algérie.

A sa façon, Assia Djebar, ignorée superbement chez elle de son vivant, s'en est allée dignement, fièrement, sans m'as-tu-vu.. Comme Mostefa Lacheraf et bien d'autres, elle marqua son époque. Ces lignes de Victor Hugo tirées des Misérables me semblent aussi appropriées, pour les avoir proposés dans une contribution en hommage au professeur Aoudjhane disparu sans la reconnaissance de la nation:

«Elle dort quoique le sort fut pour elle bien étrange ».

« Elle vivait, elle mourut, quand elle n'eut plus son ange »

« La chose simplement d'elle-même arriva »

« Comme la nuit se fait quand le jour s'en va.»



1. http://www.lefigaro.fr/livres/2015/02/07/03005-20150207ARTFIG00082-assia-djebar-une-immortelle-disparait.php

2.Raphaëlle Leyris: Mort de l'académicienne Assia Djebar Le Monde.fr 07.02.2015

3. http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/01/14/print-2-48149.php


4.Assia Djebbar: Discours de réception à l'Académie française 2005

Article de référence :http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour /210592-adieu-a-l-immortelle.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 17:06

Voici le texte exact de l'interview que j'ai donné à l'APS et qui est loin de ce qui a été publié par L'Agence.

L'Algérie vit présentement une situation délicate dans un contexte international difficile avec des défis à la fois internes et externes La chute des prix du pétrole est due non seulement à des facteurs économiques, comme le ralentissement de la demande mondiale, mais à des facteurs géopolitiques. L'Algérie est une victime collatérale d’une géopolitique mondiale où elle n’est pas partie prenante.

1. Le groupe Sonatrach vient d’annoncer 70 milliards de dollars d’investissements sur vingt ans pour produire à partir de 2022 un volume de 20 milliards de m3 par an. Est-ce que c’est un investissement rentable si on tient compte des prix bas du gaz sur les marchés internationaux ? comme vous le savez beaucoup de grandes compagnies pétrolières comme Shell et BP ont arrêté les forages en raison de leurs coûts élevés.

Je ne suis pas sûr que c’est le moment et je pense que ces annonces auraient pu être mieux communiquées. Je formulerai autrement. Quand la faisabilité des forages d’exploration aura été démontrée notamment en terme de cout au moment de l’exploitation qui pourrait intervenir à partir de 2022 , Quand nous serons prêts technologiquement en formant les ingénieurs et les techniciens de géologie de géophysique, de forage, de mécanique, d’électrotechnique d’informatique de management sans oublier les spécialistes de l’environnement, le gaz de schiste jouera pleinement son rôle et permettra par son exploitation sûre et sans danger pour l’éco-système du Sahara à l’Algérie des rentrées de devises pour des investissements dans le développement du Sahara notamment dans le domaine de l’agriculture.

2. En 2022, la demande gazière mondiale sera-t-elle au rendez-vous pour permettre à Sonatrach de placer ses 20 milliards de m3 de gaz de schiste sur les marchés internationaux , si on tient compte du resserrement de la demande gazière en Europe qui est le marché traditionnel de l’Algérie et de la hausse de l’offre de GNL provenant de grands pays producteurs comme le Qatar et l’Australie et aussi de l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen?

Nous ne sommes sûrs de rien ! Il est connu que les spécialistes qui lisent dans les boules de cristal se trompent régulièrement Personne ne prévoyait il y a un an que le prix du pétrole perdrait les deux tiers de sa valeur ! Dans ces conditions les investissements à faire doivent être bien étudiés et avec pondération. Nous disposons de ressources conventionnelles encore importantes pourquoi ne pas les valoriser elles qui ne présentent pas de risques nous avons une densité de forage 100 fois moins importante que celle des Etats Unis !

La question qui se pose est : Que doit faire l’Algérie si elle doit choisir entre l’exploitation aléatoire du gaz de schiste avec beaucoup d’inconnus notamment un marché énergétique volatil et la vraie richesse qui est celle de verdir le Sahara qui devrait pouvoir contribuer à la diminution de la dépendance alimentaire en devenant le grenier à céréales et maraichages en tout genre du pays

3. La porosité de la roche schiste en Algérie nous permet –elle des taux de récupération importants. Le ministre avait avancé à In Salah un taux de récupération de 10% est-ce que c’est possible ?

C’est un fait ! La majorité des études sur le gaz de schiste montre que le gaz de schiste est une technologie dangereuse avec les techniques actuelles. Même aux Etats-Unis, pionniers dans le domaine, 49% des Américains sont désormais opposés à l’extraction du gaz de schiste par fracturation. Le gouverneur de l’Etat de New York, Andrew Cuomo, avait décidé le 17 décembre 2014 d’interdire la fracturation hydraulique à cause des «risques qu’elle présente pour la santé des populations».

Actuellement Il n’existe pas d’extraction de gaz de schiste sans risques sur l’environnement Les raisons sont nombreuses, les principales sont les suivantes:

1° La fracturation hydraulique -600 kg/cm2- démolit l'architecture interne des couches C'est une technologie récente et nous n'avons pas fait le tour de toutes les mauvaises surprises

2° D'énormes quantités d'eau douce (10 à 15000 m3 d'eau par puits étant entendu qu'un puits peut être facturé plusieurs fois) Pour un pays en stresscomme l’Algérie chaque goutte compte

3° Un puits ne draine donc qu'un faible volume de roches et ramène relativement peu de gaz. Pour produire une même quantité de gaz, il faut multiplier les puits ce qui nécessite, pour une même quantité de gaz produit, des investissements nettement plus importants.

4° Avec l'eau on ajoute du sable pour maintenir les pores ouverts pour libérer les gaz mais aussi et c'est aussi un autre motif d'inquiétude il y a plus de 2000 produits chimiques de nocivités différentes d'après une étude faite pour le Sénat américain en 2012. C'est-à-dire que sur chaque puits de forage il y a 2000 litres de produits chimiques et on sait que la nocivité se mesure en ppm, Ces dizaines de milliers de litres peuvent naturellement polluer la nappe

5° Des malaises importants sont signalées Selon le site France Libertés, «25% des produits qui s'infiltrent dans les nappes phréatiques, sont cancérigènes, 37% sont des perturbateurs endocriniens, 40 à 50% pourraient affecter les systèmes nerveux, immunitaire et cardiovasculaire, et plus de 75% les organes sensoriels et le système respiratoire».

6° Enfin on doit prendre en compte aussi car les coûts de réalisation varient entre 10 et 18 millions de dollars, alors qu'aux USA le coût moyen est de 5 à 7 millions de dollars. Il faut donc une parfaite maîtrise technologique afin de réduire les coûts. Ce qui demande du temps et de la compétence.

4.Quel mix énergétique préconisez-vous pour l’Algérie ? Est-ce le modèle énergétique tel que conçu par le gouvernement va assurer la sécurité énergétique du pays à long terme ?

Le gaz de schiste est une richesse qu'il nous faut exploiter rationnellement. Les forages d'exploration sont nécessaires pour maîtriser la technique, leurs faibles nombres n'hypothéquera pas les fondamentaux de la vie. Le gaz de schiste fera partie d’un bouquet énergétique et aura toute sa place le moment venu quand la technologie sera mâture , que nous avons les compétences nécessaires et pris toutes les précautions en terme d’environnement. Nous n’avons pas à parler de moratoire. L’étude du gaz de schiste doit se poursuivre, Nous devrons terminer rapidement la phase d’exploration pour procéder aux études d’évaluation réelles de la ressource, ca jusqu’à présent c’est une étude américaine qui nous donne le chiffre de nos réserves

Il vient qu'une transition énergétique vers le développement durable de l'Algérie est une voie qui peut nous permettre de rebondir. Un modèle énergétique et l'optimisation de l'efficacité énergétique pourraient, elles aussi, contribuer à prolonger la durée de vie des gisements conventionnels

5.Enfin le programme des énergies renouvelables tel qu’il est mené actuellement par le gouvernement est-il en mesure de produire, selon les prévisions arrêtées dans ce sens, un tiers de la demande de l’électricité du pays à partir de 2030?

Le programme d’énergie renouvelable est loin d’être consistant. Les énergies renouvelables représentent moins de 0.1% du bilan électrique Une transition énergétique bien élaborée permettra d’aller vers le développement durable en mettant en place un mix énergétique, un bouquet énergétique où chaque énergie sera développée rationnellement mais avec détermination. Le solaire algérien est l’un des plus important au monde en intensité et en surface et pourtant il ne se développe pas

Nous avons plus de deux cent sources d’énergie géothermique qui peuvent être exploitées pour le chauffage des habitations mais aussi à usage industriel en dehors de l’aspect médical, on en fait rien. La région d’Adrar est connue pour la force de ces vents et pourtant il n’ya pas d’éolien mis à par les 8 MW alors que l’on pourrait y placer 100 fois plus pour irriguer, et développement l’agriculture. La réhabilitation du patrimoine forestier permettra de mettre en valeur nos forêts pour aboutir la mise en place d’une industrie du bois et de ses dérivés de la production d’énergie à partir du bois

Un partenariat winn winn avec les leaders mondiaux du solaire de l’éolien ( Chine, Allemagne, Etats Unis) nous permettra d’adosser chaque calorie d’hydrocarbure exportée à la mise en place de systèmes de production d’énergie renouvelable

Le moment est venu de mettre tout à plat pour changer de modèle de croissance en allant vers la sobriété et le développement durable. Il faut le marteler la plus grande réserve de gaz et de pétrole pour l'Algérie, ce sont les économies d'énergie pouvant aller à 15/20%. Il n’y a pas de petites économies. Tout est bon à prendre Au vu de la consommation actuelle 4 milliards de mètres cubes gazeux par an cumulés horizon 2015/2030, avec une progression arithmétique c’est plus de 90/100 milliards de mètres cubes gazeux d’épargné

Il est temps aussi d'élaborer une stratégie pour la rationalisation de l'énergie et l'augmentation progressive de ses tarifs. De ce fait, il sera nécessaire de redéfinir la politique sociale et le soutien d l’Etat aux classes vulnérables. C’est d’ailleurs ce que recommande les économistes C’est une pédagogie de tous les jours qui amènera le citoyen à être économe sobre et à consommer algérien.

On identifie à tort le Sahara au désert. Le Sahara est un écosystème unique il y a une vie, il y a une flore, il y a des habitants qui sont là depuis la nuit des temps; La plus grande richesse au Sahara c'est l'eau, source de vie. Songez que nous sommes à la latitude de la Californie qui est un véritable jardin ou mieux encore, plus près de nous, de Marrakech, autre jardin, et il ne tient qu'à nous d'en faire de même. Le développement du Sud est le véritable challenge à lever en mobilisant toutes les énergies,

Le gaz de schiste aura toute sa place dans le cadre d'une stratégie énergétique basée avant tout sur la sobriété énergétique. Il ne peut y avoir d’exploitation tant que nous ne serons prêts scientifiquement et technologiquement prêts et tant qu’il y a un risque aussi mineur soit il sur le danger d’une pollution que serait une deuxième mort plus dangereuse que celle des explosions atomiques et que les expérimentations sur les armes chimiques que notre Sahara a enduré

Dans cette transition il nous faut un plan Marshall pour les énergies vertes, pour la mise en place d'un développement durable qui doit concerner tout le monde La mise en valeur de l’Algérie du Sud notamment dans le domaine agricole et touristique permettrait outre la création de richesses, le brassage nécessaire au vivre ensemble qui doit être plus que jamais notre credo

Professeur émérite Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

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18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 19:05

L'Algérie vit présentement une situation délicate dans un contexte international difficile avec des défis à la fois internes et externes avec la dégringolade des prix du pétrole. Dans cette contribution je vais donner mon avis sur ce que devrait être selon moi un scénario de sortie de crise.

La chute est due non seulement à des facteurs économiques, comme le ralentissement de la demande mondiale, mais à des facteurs géopolitiques. Curieusement, le baril de pétrole de schiste n'est rentable qu'autour de 70-80 dollars le baril alors que nous sommes à 43 dollars et les Etats-Unis laissent l'Arabie saoudite noyer le marché et s'opposer aux quotas. Il est vrai qu'ils attendent la chute de la Russie et de l'Iran. L'Algérie est une victime collatérale.

La décision d'aller vers le gaz de schiste doit prendre en compte aussi car les coûts de réalisation varient entre 10 et 18 millions de dollars, alors qu'aux USA le coût moyen est de 5 à 7 millions de dollars. Il faut donc une parfaite maîtrise technologique afin de réduire les coûts. Ce qui demande du temps et de la compétence. Je suis convaincu que la crise pétrolière peut être une possibilité pour les pouvoirs publics de rebondir et de se redéployer en allant vers de nouvelles stratégies. S'agissant des hydrocarbures non conventionnels comme le gaz de schiste, l'Algérie doit s'approprier la technologie nécessaire pour une telle industrie afin d'assurer sa rentabilité. «Nous n'avons ni les moyens financiers ni les moyens techniques pour explorer le gaz de schiste», dans les conditions actuelles.


Etat des lieux

Il vient qu'une transition énergétique vers le développement durable de l'Algérie est une voie qui peut nous permettre de rebondir. Un modèle énergétique et l'optimisation de l'efficacité énergétique pourraient, elles aussi, contribuer à prolonger la durée de vie des gisements conventionnels. Il s'agit en particulier d'encourager l'énergie solaire en renforçant la construction de centrales électriques hybrides (gaz solaire) destinées à répondre aux besoins du marché interne pour libérer des quantités supplémentaires d'hydrocarbures pour l'exportation.

La plus grande réserve de gaz et de pétrole pour l'Algérie, ce sont les économies d'énergie pouvant aller à 15/20%, pouvant économiser au vu de la consommation actuelle 4 milliards de mètres cubes gazeux par an et cumulé horizon 2015/2030, avec une progression arithmétique plus de 90/100 milliards de mètres cubes gazeux. De ce fait, la redéfinition de la politique sociale, la maîtrise des importations et des dépenses publiques ainsi que la promotion d'une économie hors hydrocarbures portée par des secteurs porteurs et bien ciblés sont les pistes les plus souvent évoquées.

Il est temps d'élaborer une stratégie pour la rationalisation de l'énergie et l'augmentation progressive de ses tarifs. «Il faut différencier la tarification de l'électricité et fixer un seuil de consommation pour chaque habitation. Dans le cas où ce seuil est dépassé, le coût doit augmenter», à titre d'exemple, nous utilisons des climatiseurs de type E qui consomment deux fois plus d'énergie, car il n'y a aucun contrôle sur les équipements électroménagers importés.»

La majorité des études sur le gaz de schiste montre que le gaz de schiste est une technologie dangereuse avec les techniques actuelles. L'Etat de New York vient d'interdire le 18 décembre 2014 il y a trois semaines l'exploitation de gaz de schiste du fait de sa nocivité pour la population. Les raisons sont nombreuses, les principales sont les suivantes:

1° La fracturation hydraulique -600 kg/cm2- démolit l'architecture interne des couches Les conséquences connues sont les tremblements de terre jusqu'à 4,9 sur l'échelle de Richter comme en Arkansas et au Royaume-Uni où un moratoire à été décidé pour vérifier cette occurrence. C'est une technologie récente et nous n'avons pas fait le tour de toutes les mauvaises surprises de cette déstabilisation du forage horizontal que nous ne connaissons pas en Algérie

2° D'énormes quantités d'eau douce (10 à 15000 m3 d'eau par puits étant entendu qu'un puits peut être facturé plusieurs fois) doivent être injectées pour ramener en surface sur plus de trois mille mètres les molécules de gaz CH4 ainsi que celle de CO2 avec les dangers qu'elles comportent et même des atomes de radon élément hautement radioactif sans compter les éventuelles bactéries qui pourraient se trouver. Les avocats de cette technique pensent que les molécules vont être disciplinées et rentrer sagement dans le tubing qui est 2000 mètres plus haut sans éprouver la possibilité de diffuser à travers différentes couches pour arriver à la nappe albienne

3° Le gaz n'est pas concentré dans une roche réservoir perméable mais diffus dans la roche mère rendue artificiellement perméable sur une distance réduite autour du puits. Un puits ne draine donc qu'un faible volume de roches et ramène relativement peu de gaz. Pour produire une même quantité de gaz, il faut multiplier les puits ce qui nécessite, pour une même quantité de gaz produit, des investissements nettement plus importants. la quantité d'eau injectée (volume de plusieurs centaines de fois supérieur à l'extraction de gaz conventionnel) nécessite des installations de retraitement particulièrement importantes et peut créer des conflits avec les autres usagers (agriculteurs habitants). De plus, la courbe de production se caractérise par un pic prononcé mais court en début de vie puis une décrue rapide. Cette caractéristique nécessite la multiplication des puits. Le taux de récupération d'un gisement de gaz de schiste est actuellement en moyenne de 20% contre 75% pour les gisements de gaz conventionnel.
C'est dire si ces puits outre leur dangerosité vont être chers à mettre en oeuvre dans un contexte où nous ne maîtrisons aucun segment de cette technique (formation, équipement...).

4° Avec l'eau on ajoute du sable pour maintenir les pores ouverts pour libérer les gaz mais aussi et c'est aussi un autre motif d'inquiétude il y a plus de 2000 produits chimiques de nocivités différentes d'après une étude faite pour le Sénat américain en 2012. Une cinquantaine de ces produits sont cancérigènes. De plus, les rapporteurs de cette étude avouent qu'ils n'ont pas pu avoir la liste de tous les produits du fait que les multinationales invoquent le secret professionnel...

En clair, l'Administration américaine de l'environnement n'a pas la liste de tous les produits et n'arrive à pas contrôler toutes les dérives des entreprises qui n'arrêtent pas d'avoir des procès qu'elles perdent et de ce fait dédommagent les riverains des forages. Ainsi, un jury de Dallas a donné raison à une famille vivant à proximité de puits de gaz de schistes, en condamnant la société Aruba Petroleum à une amende de 2 millions de dollars pour des dommages sanitaires de ce type.


La problématique du gaz de schiste

Il existe des doses létales des produits chimiques, le chiffre de 1% donné pour minimiser les produits chimiques est énorme! C'est-à-dire que sur chaque puits de forage il y a 2000 litres de produits chimiques quand on sait que la nocivité se mesure en ppm, il y a là une méconnaissance de la réalité. Ces dizaines de milliers de litres peuvent naturellement polluer la nappe en partie et plus encore quand l'eau est récupérée en surface, il est pratiquement impossible de séparer des produits chimiques ayant des propriétés physiques et chimiques aussi différentes. Comment faire? Ce qui va vraisemblablement arriver c'est que les bassins de rétention vont perdre leur étanchéité et une partie des produits chimiques repartira vers les profondeurs.

Une autre partie s'évaporera et contribuera elle aussi à la pollution comme signalé dans les études (pluie d'oiseaux morts, maladies importantes..). Selon le site France Libertés, «25% des produits qui s'infiltrent dans les nappes phréatiques, sont cancérigènes, 37% sont des perturbateurs endocriniens, 40 à 50% pourraient affecter les systèmes nerveux, immunitaire et cardiovasculaire, et plus de 75% les organes sensoriels et le système respiratoire».
Enfin, il ne faut pas croire que c'est l'eldorado à portée de main. La densité de forage nécessaire en pareil cas est impossible en Algérie. Nous n'avons pas assez d'appareils pour le conventionnel de plus et comme l'écrit l'expert pétrolier Mohamed Saïd Beghoul sur le journal El Watan, «la faible porosité de l'argile réservoir, combinée au comportement rhéologique plastique de la roche, pénalisant toute possibilité de fracturation et de création de perméabilité, donnerait un taux de récupération dérisoire de 5 à 8% contre 15 à 22% dans les argiles à minéralogie cassante (cas de certains gisements nord-américains)».


Quelle alternative pour continuer un développement harmonieux?

Que devons-nous faire pour répondre à une demande d'énergie débridée avec un coût dérisoire aussi bien pour l'électricité que pour le gaz et les carburants? Peut-on continuer à gaspiller ainsi pour satisfaire des exigences de citoyens qui pensent que tout leur est dû sans effort? Peut-on se passer des gaz de schiste avec cette seule alternative? dans ce contexte non!
Par contre si on change totalement de paradigme, que l'on mette tout à plat pour changer de modèle de croissance en allant vers la sobriété et le développement durable il y a une vie après les énergies fossiles. Le gaz de schiste est une richesse qu'il nous faut exploiter rationnellement. Les forages d'exploration sont nécessaires pour maîtriser la technique, leurs faibles nombres n'hypothéquera pas les fondamentaux de la vie.

De plus, en allant vers une transition énergétique il sera nécessaire de mettre en place et ce n'est pas trop tard, une agence de protection de l'environnement du Sud. La doter de toutes les compétences nécessaires pour qu'elle puisse être le garant de l'innocuité des opérations de forage. Cela nécessite de connaître dans le détail tous les détails des avantages mais aussi des inconvénients.

Le gaz de schiste aura toute sa place le moment venu. Même s'il est nécessaire de faire des forages d'exploration pour situer les ressources cela devrait attendre que toutes garanties soient données. Le gaz de schiste aura toute sa place dans le cadre d'une stratégie énergétique basée avant tout sur la sobriété énergétique, la chasse au gaspillage: environ 25% de l'énergie est gaspillée. Il n'ya pas de petites économies. Tout est bon à prendre! Dans cette transition il nous faut un plan Marshall pour les énergies vertes, pour la mise en place d'un développement durable qui doit concerner tout le monde tous les départements ministériels, la société civile, l'université... qui se doivent d'être mobilisés.


Faire reverdir le Sahara: l'avenir réel de l'Algérie

S'agissant du Sahara, on identifie à tort le Sahara au désert. Le Sahara est un écosystème unique il y a une vie, il y a une flore, il y a des habitants qui sont là depuis la nuit des temps; forer à trente kilomètres ce n'est pas rien, c'est réellement prendre des risques. La plus grande richesse au Sahara c'est l'eau, source de vie. Songez que nous sommes à la latitude de la Californie qui est un véritable jardin ou mieux encore, plus près de nous, de Marrakech, autre jardin, et il ne tient qu'à nous d'en faire de même. Le développement du Sud est le véritable challenge à lever en mobilisant toutes les énergies, le patriotisme n'est pas passé de mode quand on le met au service d'une cause. Les jeunes suivront s'ils sont convaincus du parler vrai.

Dans ce cadre, une contribution lue sur El Watan m'a fait rêver. Il s'agit de reverdir le Sahara. Je lis le commentaire du journaliste qui a visionné une vidéo sur les prouesses agricoles des Laghouatis: «Enclencher une «révolution verte» dans le sud du pays est, à l'évidence, un fabuleux challenge, tout à fait à la portée des Laghouatis qui ont, de tout temps, démontré leur pugnacité et leur ingéniosité à surmonter les adversités d'où quelles viennent. (...) Le défi porté à bout de bras par cette équipe d'experts et d'étudiants volontaires vise non seulement à faire renaître de ces cendres la merveilleuse oasis - A un moment, en regardant défiler les prometteuses images de cette vidéo, je me suis senti transporté dans un des espaces de la Silicone Valley où des hommes de bonne volonté, armés du bon sens que procure le recours à l'investigation scientifique et à la concertation sans exclusive, réussissent à réaliser des miracles.»(1)

«Sans aucun doute, l'association El Argoub est sur cette voie. Autour du fermier M. Brik (le manager en chef) s'exprimant dans un anglais parfait et à l'allure de Yankee accompli, des chercheurs, des universitaires, des pédagogues et cet incontournable phoeniciculteur campé par le distingué oasien Moulay Moulay, un septuagénaire grimpeur-pollinisateur.»(1)


«La ferme privée de Hadj Mohamed Brik est devenue, à force de persévérance, un véritable jardin d'essai où l'on peut rencontrer de longues rangées de palmiers dattiers de toutes espèces, l'expérimentation de surprenants cultivars, l'élevage expérimental de diverses espèces animales ainsi que l'introduction de variétés arboricoles, maraîchères et horticoles exotiques(...). Les Américains n'ont-ils pas réussi, en Californie, la culture du palmier Deglet nour dont les rejets-souche (djabar) ont été convoyés depuis Tolga (Biskra)? Le fait d'associer, en parfaite symbiose, les anciens férus de pragmatisme et la jeunesse locale aspirant au savoir scientifique ouvert sur l'universalité, est un signe probant d'un bel avenir».(1)

«(...) Le gigantesque désert de Californie n'a pu être transformé en paradis que grâce à l'enviable démarche de ses concepteurs qui se sont rendu compte, après le constat d'une série de couacs, que le secret de la réussite d'une si vaste mise en valeur reposait sur l'association des populations autochtones et riveraines. (...)Les milliards de dollars alloués à l'importation de produits alimentaires est une insulte, pis, une avanie à l'adresse de la paysannerie algérienne, surtout à celle du sud du pays qui se dépêtre dans d'innombrables difficultés à l'effet de prendre le relais d'un Sahel mité par une «bétonisation» débridée et où se bousculent plus de 80% de la population nationale sur une bande littorale représentant moins de 5% de la superficie totale du territoire national.» (1)

«Il n' y a plus lieu de se voiler la face: l'avenir de l'agriculture est dans le sud du pays. Le plus clair des moyens doit être impérativement translaté sur ses vastes contrées où d'entreprenants pionniers, à l'exemple des membres de l'association Al Argoub de Laghouat, en partenariat avec l'université locale, Amar Thlidji et de la Chambre de l'agriculture de la wilaya, s'ingénient, contre vents et marées, à lancer et relever le défi de faire de l'arrière-pays un réservoir d'immenses richesses agricoles et animales. (...) L'indépendance du pays en dépend.» (1)

Je suis convaincu qu'un projet d'ensemble sur une stratégie globale emportera l'adhésion du plus grand nombre et notamment des habitants du Sud qui ont à coeur l'amour du pays.

Mohamed-Seddik Lamara: Plaidoyer pour une révolution verte dans le Sud algérien El Watan le 03.01.15

Article de référence:

http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/208891-sahara-la-future-californie.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 19:45

«Ce qui est certain ce fut sa fidélité aux combats pour la justice et le respect de l'humain. C'est ainsi que dans Afrique 50 il s'appliquera à dénoncer le colonialisme à une époque où on ne transigeait pas sur la défense de l'Empire français.» (A propos de la mort de René Vautier (L'Humanité du mardi 6 janvier 2015)

René Vautier, qui est mort en Bretagne le 4 janvier 2015. est un réalisateur et scénariste français. L’Algérie perd un ami sincère un compagnon de lutte qui au péril de sa vie a choisi le camp des damnés de la Terre qui se battaient pour leur indépendance. Ils se battaient sans moyen mais avec la certitude de vaincre du fait que leur cause était juste. Dans ce combat âpre sanglant et sans merci René Vautier a fait un long chemin pour venir en tant que Français dire non au colonialisme non à la barbarie. Il le fit en prenant le risque d’être pris pour un traitre, mais sa quête de liberté pour les peuples opprimés , comme il le fit avec le film « Afrique 50 » fut plus forte. Sa caméra fut à bien des égards, un appor précieux pour la révolution, il donnait une visibilité supplémentaire à la Révolution du point de vue médiatique.


Qui est René Vautier?

Il mène sa première activité militante au sein de la Résistance en 1943, alors qu'il est âgé de 15 ans, ce qui lui vaut plusieurs décorations. Il est décoré de la Croix de guerre à 16 ans, responsable du groupe «jeunes» du clan René Madec, cité à l'Ordre de la Nation par le général Charles de Gaulle pour faits de Résistance (1944).

René Vautier faisait partie d'une espèce presque complètement disparue: celle des cinéastes engagés, voyant dans le 7e art une arme de dénonciation, l'instrument d'une prise de conscience. Les images, cet ancien résistant, diplômé de l'Idhec au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les a utilisées pour toutes les causes: pour la décolonisation via son premier film,Afrique 50 premier film anticolonialiste français (il reçoit la médaille d'or au festival de Varsovie.). Ce film en 1950, lui valut treize inculpations et une condamnation; contre le capitalisme (notamment Un homme est mort, 1951); contre l'oubli des exactions commises pendant la guerre d'Algérie: Avoir vingt ans dans les Aurès, primé à Cannes en 1972, reste son film le plus célèbre, qui montre un peloton d'appelés endoctriné par un officier tortionnaire, etc. Sa vie aussi était un engagement, depuis la Résistance, donc, jusqu'au FLN, puis au Centre audiovisuel d'Alger. En 1973, il s'était lancé dans une longue grève de la faim pour que le documentaire Octobre à Paris, de Jacques Panijel, consacré au massacre d'Algériens le 17 octobre 1961, obtienne un visa de sortie. Il avait eu gain de cause. (1)

L'engagement au service de la bonne cause de l'indépendance de l'Algérie

Il rejoint l'Algérie clandestinement par les maquis dès 1956 et participe à la lutte révolutionnaire pour l'indépendance de l'Algérie du FLN. Il tourne dans les Aurès, les Némentchas, ainsi qu'à la frontière tunisienne, filmant les maquisards de l'ALN. Il décroche, en 1958, l'Ours d'argent au Festival de Berlin. C'est à ce moment-là qu'il entre en contact avec le FLN-ALN. Il part filmer dans les Aurès Nemenchas et à la frontière tunisienne, le long du barrage électrifié par l'armée française. Un jour, dans une opération, il est blessé et un bout de caméra restera à jamais planté dans sa tête.

Le grand public a pris conscience de son existence en 1972, lorsque Avoir vingt ans dans les Aurès a été présenté à Cannes, à la Semaine de la critique. Le film racontait la désertion d'un soldat français en Algérie qui refusait l'exécution sommaire d'un prisonnier algérien.
En Tunisie il tourne deux courts métrages avant de gagner l'Algérie, aux côtés de maquis du FLN. Il y tourne deux documentaires, Une nation, l'Algérie, aujourd'hui perdu et L'Algérie en flammes. Cette collaboration lui vaut d'être poursuivi par les autorités françaises et René Vautier reste en exil jusqu'en 1966. (2)

D'Avoir vingt ans, Louis Marcorelles dira dans ces colonnes qu'il s'agit du «film le plus libre, le moins conformiste que nous ayons vu en France depuis longtemps». En 1985, lors du procès qui oppose Le Canard enchaîné à Jean-Marie Le Pen au sujet des tortures infligées par ce dernier pendant la guerre d'Algérie, l'hebdomadaire produit le témoignage d'une des victimes du lieutenant Le Pen, Ali Rouchaï que le cinéaste a tourné à Alger. (3)

Ce réalisateur à la vie mouvementée, entre fuite, prison, grève de la faim, menaces et condamnations, se revendiquait comme «le cinéaste français le plus censuré». Il était notamment l'auteur de Afrique 50, devenu le premier film anticolonialiste du cinéma français, qui a été censuré pendant quarante ans et lui a valu une condamnation à un an de prison. Son regard s'est beaucoup porté sur la guerre d'Algérie, avec notamment une Nation l'Algérie (1954), pour lequel il a été poursuivi pour «atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat», Algérie en flammes (1958), et surtout Avoir 20 ans dans les Aurès. Ce dernier film, son oeuvre la plus connue, avait reçu le Prix de la critique internationale au festival de Cannes en 1972. Ce film passa à la télé, mais «par erreur», remarquait-il avec humour. René Vautier, c'est l'homme à qui l'on doit la fin officielle de la censure politique au cinéma en France. (4)

Un commentaire d'un internaute à propos de ce film mérite d’être rapporté: Je n'ai vu qu'»Avoir 20 ans dans les Aurès», juste montrer l'humain embarqué dans une galère absurde et sanglante. La mort de l'enfant, qui va boire à la rivière, d'une balle perdue valait tout autant comme prise de position que toutes les démonstrations théoriques sur l'absurdité des guerres coloniales d'un Merci Monsieur Vautier. Votre film m'a aidé à comprendre les silences et les larmes de mon père (lequel a eu vingt ans dans les Aurès) quand, gamin de six ou sept ans, je lui demandais: «Alors Papa, t'as tué plein de méchants en Algérie?» Reposez en paix et, si vous croisez mon papa, saluez-le de ma part.»

Des maquis des révolutionnaires algériens, jusqu'à la création du Centre audiovisuel d'Alger et de Ciné-Pop après la libération du pays, l'Algérie a marqué à jamais la vie d'homme et de cinéaste de René Vautier. Considéré à juste titre comme le père du cinéma algérien, il est nommé directeur du Centre audiovisuel d'Alger (de 1962 à 1965). Il y est aussi secrétaire général des Cinémas populaires. Il filme les premiers jours de l'Indépendance algérienne et tente de créer un dialogue, grâce à la vidéo, entre les peuples français et algérien. Il se lance dans la formation des jeunes cinéastes, en créant un centre audiovisuel, pierre angulaire du cinéma national. Il met aussi en chantier le projet des cinémas populaires, destiné à faire connaître le cinéma, et les oeuvres universelles aux populations de l'intérieur du pays. (5)

La place est trop limitée ici pour dire tout ce qu'on doit au cinéaste. Citons L'Algérie en flammes, Dzazaïrouna (présenté devant l'ONU). Peuple en marche, vibrant documentaire, sera le premier réalisé par le cinéaste dans l'Algérie indépendante, en 1963. Il collabora à d'autres films, comme L'aube des damnés de Rachedi et Chroniques des années de braise de Hamina. En 1966, les poursuites étant levées en France, il rentre chez lui, en Bretagne où il crée une coopérative ouvrière de production.

Un film qui lui a valu plusieurs inculpations et condamnations, au point d'être déchu de sa nationalité française. Pendant quatre ans, René Vautier a jeté les bases du cinéma de l'Algérie indépendante, formé des dizaines de cinéastes et ouvert plus de 400 ciné-clubs dans le cadre de son concept des «ciné-Pops». C'est vous dire que l'Algérie vient véritablement de perdre l'un de ses meilleurs enfants qui lui a beaucoup donné durant la Révolution et après l'indépendance. Adieu René pour ce que tu as fait pour l'Algérie, pour avoir sauvé l'honneur de ton pays la France, la Patrie de Robespierre qui vomit l'autre France fasciste de Le Pen. J'espère que l'Algérie te rendra hommage en organisant un week-end où l'on verra tes films et où l'on discutera de ta conception du cinéma pour 'éclairer'' les futurs cinéastes sur cet art si vivant et si menacé par le fric et les lessiveuses des cerveaux. (6)


L'engagement post-indépendance pour la création du cinéma en Algérie

René Vautier chantant Min Djibalina, (« De notre Montagne » l’un des chants les plus emblématiques de la révolution) dans une des archives du JT de l'ENTV, est un moment de grande émotion à faire pleurer. Mais à son décès, comme tout le long de sa vie, aucun hommage officiel digne de ce nom ne lui a été rendu par les hautes autorités officielles. C'est connu, la mémoire des faits et des hommes qui ont marqué l'histoire, Algériens ou étrangers, est bien défaillante et surtout très sélective.

Un maquisard de la révolution mais aussi le bâtisseur du Cinéma algérien post- indépendance a tiré sa révérence nous laissant dans la bouche un goût de culpabilité. Avons-nous fait en tant qu'Algériens rendu hommage de son vivant à cet ami de l'Algérie? Ou devons-nous continuer à faire des communiqués laconiques avec le «minimum syndical» pour dire qu'il a aidé en l'oubliant aussi vite.

Est-ce à dire que l'Algérie a peur de regarder son histoire en face? Déjà que l'histoire de ce pays est occultée - Trente siècles d'histoire passent à la trappe, et il est mal venu de parler de la civilisation amazighe qui, 18 siècles avant l'avènement de l'Islam peut témoigner de dynasties, de rois d'aguellids dont le plus célèbre Massinissa, qui régna jusqu'en 148 avant Jésus Christ, battait monnaie ce qui est un attribut de souveraineté. Il a fallu plus de dix siècles pour qu'émergent bien plus tard les nations européennes comme la France après la mort de Karl der Gross (Charlemagne empereur d'Occident).

Pourquoi nous n'assumons pas notre histoire avec ses parts d'ombre et de lumière? Justement, pour parler de la glorieuse révolution de Novembre, elle fut une épopée en ce sens qu'elle mit un point final - nous l'espérons- à la colonisation. Mais il faut savoir que l'Algérie eut à bouter ou à assimiler huit envahisseurs durant son histoire. Pour la période récente le moment est venu d'écrire l'histoire rien que l'histoire toute l'histoire, sans verser dans l'invective les attaques ad hominem surtout quand les mis en cause sont absents et que certaines plaies sont encore sanguinolentes. L'écriture de l'histoire est une affaire trop sérieuse pour la confier aux politiciens surtout s'ils en font des fonds de commerce qui, outre le fait qu'ils créent une atmosphère irrespirable contribuent sûrement à un effritement du vivre-ensemble que nous appelons de nos voeux.



L'écriture de l'histoire libre de l'idéologie

Connaitre enfin, la glorieuse Révolution de Novembre doit être pour les jeunes une source de ressourcement. mais on l'aura compris il est nécessaire de la libérer des tenants de l'orthodoxie qui s'intronisent «famille révolutionnaire» à l'exclusion des autres Algériens Dans ce cadre, une chape de plomb s'exerce sur toutes autres contributions surtout si elle est le fait de Français, voire d'Algériens de souche comme certains juifs algériens qui eux aussi ont défendu l'Algérie.

Jusqu'à quand nous ne reconnaîtrons pas tous ceux qui ont participé à la Révolution quels que soient leurs bords? Quand je discute avec les jeunes, ils sont étonnés de savoir qu'ils y eut des Français, des juifs algériens qui ont participé à la Révolution. Ce qu'on leur apprit était que tous les Français étaient les énnemis des Algériens René Vautier rejoindra la cohorte de l'armée de l'ombre à laquelle l'Algérie souveraine ne veut pas rendre un hommage franc et massif des plus hautes autorités. Il est vrai qu'à l'échelle individuelle l'apport de chacun est modeste mais c'est la somme de tous ces apports aussi modestes soient-ils qui fait que l'Algérie est devenue indépendante.

Le fait que les gardiens de l'orthodoxie ne veulent pas partager, dénote de leur part une ingratitude mais aussi déconstruit leur discours sur l'exclusivité de la lutte qui ne fut l'apanage que des seuls Algériens.

Qui parmi les jeunes a entendu parler du couple Claudine et Pierre Chaulet qui a permis modestement à la Révolution de durer en exfiltrant d'Alger Abane Ramdane, au péril de leur vie? Qui se souvient de Daniel Timsit médecin juif qui se revendiquait algérien et prit sa part du feu dans la révolution dans l'Alger des Parachutistes. La liste est longue. Citons Francis Jeanson le philosophe «porteur de valise». Au plus fort de la guerre d'Algérie, il met en pratique ses idéaux anticolonialistes en créant le Réseau Jeanson chargé de transporter des fonds à destination du FLN. Francis Jeanson sera jugé par contumace, reconnu coupable de haute trahison, et condamné en octobre 1960 à dix ans de réclusion. Remercié par le président de la République lors de sa visite officielle en France en 2002 et pour son aide à la révolution algérienne il répondit «Vous ne connaissez de la France que Bugeaud et Bigeard. A partir de maintenant retenez que nous sommes l'autre face de la France, nous sommes l'honneur de la France.»

Qui se souvient de Hélène Cuénat qui nous a quittés récemment? Militante communiste elle passe outre aux consignes du parti hostile au FLN: «C'est, dit-elle au nom de la «solidarité» et de l'«amitié entre les peuples» qu'elle rejoint l'action de Francis Jeanson. Il ne s'agissait pas de «faire la révolution en Algérie, non, c'est un problème français que nous devions régler, celui de notre colonialisme, qui entraînait la France là où nous ne souhaitions pas aller. Les Algériens étaient en première ligne, c'est bien le moins de les avoir aidés. Nous n'étions pas des tiers-mondistes. Nous n'étions pas des pieds-rouges». (7)

Devant ces géants qui ont contribué aussi modestement soit-il avec toute la force de leur conviction et en bravant les interdits de classe, de nationalité, honnis par leurs pays, nous devons nous incliner. C'est assurément des justes qui nous permettent d'être sereins dans l'écriture de notre histoire et d'avoir foi dans la condition humaine. Le colonialisme fut abject mais il est injuste de jeter la même opprobre à tous ceux, européens ou juifs, qui ont vécu sur cette terre bénie d'Algérie et le moment est venu d'entamer une démarche d'apaisement.

L'Algérie a besoin de tous ses fils et si des fautes ont été commises par les aînés en quoi les enfants seraient-ils coupables? Interrogeons-nous en notre âme et conscience si notre Révolution a été un long fleuve tranquille avec d'un côté les gentils et de l'autre les méchants. Nous avons tout à gagner d'une écriture sereine et généreuse de l'histoire trois fois millénaire de ce pays. Assumée par tous elle contribuera au vivre-ensemble et coupera du même coup la route à tous les aventuriers à la recherche de fonds de commerce.


1. http://www.telerama.fr/cinema/ le-cineaste-rene-vautier-est-mort,121140.php

2.Thomas Sotinel Mort de René Vautier, cinéaste combattant Le Monde.fr 04.01.2015

3. http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2015/01/04/mort-du-cineaste-francais-rene-vautier_4549027_3382.html#rPmrUdIgA9ptEfu8.99


4. Décès du cinéaste anticolonialiste René Vautier Le Figaro.fr avec AFP 04/01/2015


5. Militant de la lutte anti-colonialiste: Le cinéaste René Vautier n'est plus El Moudjahid 4.01.2015

6.Ahmed Rachedi El Watan 4 01 2015


7.Hélène Cuenat, La Porte verte, préface de Francis Jeanson, Éditions Bouchêne, Saint-Denis, 2001

Article de référence : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/208505-un-destin-pour-les-bonnes-causes.html

Pr. Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 17:04

«Si tu veux que le bien te vienne, souhaites-en à ton prochain.»

Proverbe turc

Le président de la République de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a entamé une visite officielle de deux jours en Algérie M.Erdogan était accompagné d'une importante délégation, composée notamment de plusieurs ministres, de parlementaires, de hauts fonctionnaires et d'hommes d'affaires. Les deux dirigeants veulent renforcer le partenariat entre les entreprises des deux pays. En 2013, la Turquie avait été le 7e fournisseur de l'Algérie avec 2,07 milliards de dollars d'importations algériennes et son 9e client avec des exportations algériennes de 2,6 milliards de dollars, Une entreprise turque de sidérurgie Tosyali produit en Algérie plus d'un million de tonnes d'acier par an depuis 2013. C'est le plus important investissement turc réalisé jusqu'ici en Algérie.

Voilà pour les affaires! Dans cette contribution, je souhaite parler de la Turquie et de ses relations avec l'Algérie notamment en parlant de la période 1514-1830 que certains présentent comme une colonisation avec tous les travers d'une occupation. Qu'en est-il exactement?


La conquête espagnole

Tout commence avec la «Reconquista». L'Espagne d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon mariés pour le meilleur décident de bouter les derniers musulmans hors d'Espagne après le déclin de la civilisation musulmane en Espagne à partir de la bataille de Las Navas de Tolosa. Ce fut ensuite un lent délitement des musulmans, des escarmouches continuelles jusqu'à ce jour de janvier 1492 où l'émir de Grenade remit les clés de la ville, sans se battre à Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille. Je conseille au lecteur de lire l'inoubliable ouvrage d'Amine Maalouf: «Leon l'Africain» qui raconte par le menu l'atmosphère qui prévalait, celle de la débâcle du sauve-qui-peut aussi bien des juifs que des musulmans que l'on retrouvera ensuite en Algérie (les Tagarins, les Andalous...qui ont amené en Algérie un style de vie raffiné qui tranchait avec celui des autochtones...) (1)

Non contents de convertir par la force les musulmans, le roi Ferdinand les chasse d'Espagne. Ce fut au total sur près d'un siècle plus d'un million de personnes qui quittèrent leurs demeures. L'Espagne porte ensuite la croisade sur les terres maghrébines, aidée en cela par l'Eglise en la personne du cardinal Cisneros qui baptisa une mosquée en église aussitôt la ville d'Oran prise vers 1515. Les Espagnols s'emparent de plusieurs ports du littoral algérien et obligent les villes de Ténès, Mostaganem et Cherchell de payer tribut, Alger livra l'île qui contrôlait son port. Alger ou El-Djazaïr était un petit port peuplé d'environ 20.000 habitants, sa population s'est accrue fortement avec l'arrivée des juifs et des Maures expulsés d'Andalousie après la chute de Grenade. Les Espagnols annexent plusieurs villes côtières: Mers El Kébir en 1505, Oran en 1509 et Bougie (Béjaïa) en 1510.



La venue de Arroudj et Khiereddine Barberousse

Dans cette atmosphère de fin de règne pour les dynasties, mérinides, abdelwadites (zyanides), l'Espagne mit en oeuvre une invasion des côtes, après Oran, Mers el Kebir, ce fut ensuite Djidjel, Béjaïa et Alger et c'est à ce moment-là que Salem Ettoumi appela à la rescousse Arroudj et Khierreddine,une fratrie d'une petite ville grecque et qui s'étaient rendus célèbres dans la course. Arroudj répond à l'appel et avec son frère bloque l'avancée espagnole installée au peignon d'Alger. Ceci dura une quinzaine d'années, la garnison fut anéantie et Khierreddine relia par la suite le peignon d'Alger à la côte (Amirauté actuelle).

On dit que Arroudj étrangla Selim Ettoumi dans son bain et prit le pouvoir avec ses janissaires. L'occupation ottomane aussi brutale que celle par la suite de la France fut cependant globalement acceptée du fait du ciment de la religion.



La culture et l'éducation pendant la Régence d'Alger

La France en envahissant l'Algérie après plus de trois siècles de gouvernement de la Régence d’Alger parlait de «tabula rasa» le désert du savoir. Il n'en est rien! Ainsi qu'à l'instar de ce qui se passait en Europe, plusieurs centaines d'écoles primaires, et zaouïas permettaient de dispenser un enseignement allant du primaire au supérieur. A titre d'exemple dans les zaouïas, la durée des études était de dix ans et les matières suivantes étaient enseignées: la lecture du Coran; la récitation intégrale en arabe, la théologie et les commentaires, l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie.

Il faut signaler de plus, qu'en dehors des provinces sous la souveraineté directes de la Régence: (les trois beylicks d'Oran, du Titteri avec comme capitale Médea, et de Constantine), Venture de Paradis écrivain et homme de lettres français qui a voyagé a Alger à la fin du XIXème siècle, rapporte qu'il y avait à Alger: «douze grandes mosquées avec chaires et minarets et beaucoup de mosquées moyennes, il y avait de plus trois universités où l'on enseignait la doctrine de Malek Ibn Anas Cette «doctrine» est évidemment celle du Coran». (2)


La Régence d'Alger: la Nation algérienne avec tous ses attributs

Des dizaines de traités furent signés et les ambassadeurs européens France et Angleterre en tête rivalisaient pour être bien vus par le dey. Il a fallu une créance due, l'Algérie avait aidé la jeune Révolution française en 1790 attaquée de toutes parts par les royautés européennes et affamée en lui vendant, à un prix imbattable, du blé. Cette créance ne fut jamais remboursé en trente ans et se termina par une invasion.

Par ailleurs, l'Algérie imposait aux différentes flottes pénétrant en mer Méditerranée un impôt, avec protection contre toutes attaques de pirates ou de pays tiers. La liste des pays ayant souscrit à cet impôt: Royaume-Uni: 267.500 francs, France: 200.000 francs, États-Unis: 125.000 dollars par mois. En 1536, l'amiral français Bertrand d'Ornesan unit ses douze galères françaises à une petite flotte ottomane appartenant à Barberousse à Alger, faite d'une galère ottomane et de 6 galiotes, et attaque l'île d'Ibiza, dans les Baléares.

Après le siège de Nice, François Ier propose à la flotte ottomane commandée par Khiereddine appelé à l’aide de passer l'hiver à Toulon. La cathédrale de Toulon servit aussi de mosquée. Bien plus tard, le 18 octobre 1681, le dey d'Alger déclare officiellement la guerre à Louis XIV. En 1682-1683, l'amiral français Abraham Duquesne commande par deux fois le bombardement d'Alger. La paix fut ensuite conclue avec le Royaume de Louis XIV. Elle devait durer plus d'un siècle.

Par ailleurs suite à l'indépendance des États-Unis en 1776 que la Régence d'Alger fut la première à reconnaître - Condelezza Rice secrétaire d'Etat des Etats-Unis a remis, il y a quelques années à notre ambassadeur aux Etats-Unis, une copie de la lettre de reconnaissance des Etats-Unis par la Régence d'Alger-, le Sénat américain décide de proposer un «traité de paix et d'amitié avec les États de Barbarie» dont un avenant sera paraphé le 5 septembre 1795 à Alger puis de nouveau le 3 janvier 1797. Un traité similaire sera signé avec le bey de Tunis. Le traité est ratifié et parut dans le Philadelphia Gazette le 17 juin 1797. L'article 11 de ce traité indique que: «Considérant que le gouvernement des États-Unis n'est en aucun sens fondé sur la religion chrétienne, qu'il n'a aucun caractère hostile aux lois, à la religion ou à la tranquillité des musulmans et que lesdits États-Unis n'ont jamais participé à aucune guerre ni à aucun acte d'hostilité contre quelque nation mahométane que ce soit, les contractants déclarent qu'aucun prétexte relevant d'opinions religieuses ne devra jamais causer une rupture de l'harmonie régnant entre les deux nations.» Il a été rédigé par John Barlows, consul général des États-Unis à Alger.


Cependant, la Régence fut constamment attaquée, notamment après le Congrès de Vienne où l'Europe se mit d'accord pour réduire la Régence, l'expédition américaine de 1815 et celle que conduisent les Marines britannique et hollandaise sur Alger en août 1816, ces dernières subirent de grandes pertes et sont empêchées d'accoster sur Alger. La royauté française mal en point exsangue financièrement cherchait une diversion: laver l'affront du croissant à la croix comme l'écrit le marquis de Clermont Tonnerre ministre des Affaires étrangères du roi dès 1827. Ce fut une expédition lucrative avec la rapine du trésor de la Casbah évalué à 200 millions or.

L'Affaire de l'éventail entre le pacha turc Hussein Dey et le consul français Pierre Deval, le 30 avril 1827, est le casus belli de la guerre déclarée par le Royaume de France à la Régence d'Alger, qui déclenche le blocus maritime d'Alger par la marine royale française. En 1827, donc, le dey n'était pas encore remboursé du million qu'il avait prêté à la France, sans intérêts, trente et un ans auparavant! Bien plus, du fait des dettes de Bacri, le dey risquait fort de ne jamais toucher un sou. Ainsi, sous couleur de satisfaire ses réclamations, on avait «rendu légale sa spoliation». Le dey d'Alger était ainsi «magnifiquement» récompensé de l'ardeur qu'il avait mise à faciliter le ravitaillement de la France affamée par l'Angleterre.(3)

L'apport de Khiereddine à la consolidation de la nation algérienne

Il est curieux de constater une chape de plomb pour tout ce qui concerne la période turque. Le moment est venu de savoir en quoi a consisté ce compagnonnage de plus de trois siècles. Quelles furent les heurs et les malheurs de la régence qui en fait n'avait qu'un lien moral avec la Porte Sublime, tant il est vrai qu'elle était une puissance connue et reconnue et à qui pendant des siècles toutes les nations européennes et même les Etats-Unis nouvellement constitués payaient tribut.

Pour en revenir aux relations algéro-turques. Si nous devons être reconnaissants au pouvoir ottoman, la première personne à qui nous adressons notre reconnaissance est sans conteste Khieredine Barberousse, malgré son faible passage en Algérie a laissé le souvenir d'un homme qui a donné une dimension territoriale à l'Algérie.

Il faut cependant rendre justice à Khiereddine Barberousse qui a sauvé l'Algérie d'une christianisation forcée comme ce fut le cas des Incas et des Aztèques. Pizarro a fait ses premières armes sur les côtes algériennes.. De plus, Khiereddine fut le premier à délimiter les frontières de l'Algérie actuelle, notamment à l'est la province de Tabarka payait tribut et faisait allégeance à la Régence d'Alger qui eut souvent à rentrer en guerre avec la Régence de Tunis. Et on apprend que cette dernière a pendant plus d'un siècle «envoyé l'huile à la mosquée d'Alger afin que la lumière ne s'éteigne jamais».

A l'ouest, Khiereddine suivit la division romaine entre la Maurétanie césarienne et la Maurétanie tingitane par le fleuve Moulaya «Flumen Malva Dirimit Maurétanias duas», le fleuve Moulaya divise les deux Maurétanies. Il a fallu attendre le traité de Lalla Maghnia en 1845, pour que la France rectifie la frontière au profit du Royaume du Maroc, le prix de la félonie étant de déclarer la guerre à l'Emir Abdelkader. Khiereddine repousse les attaques espagnoles sur les différentes villes. C'est l'acte de naissance de la Régence d'Alger. La ville d'Alger devient un grand port de guerre qui gagne au fil des expéditions étrangères la réputation de «bien gardée» (El Mahroussa en arabe). La domination de la mer lui permet de repousser plusieurs attaques provenant d'un certain nombre de pays européens, à commencer par celle menée par Charles Quint en octobre 1541. (4)

Enfin nous dit Leon l'Africain Ibn El Wazzan il fut chargé par Khiereddine Barberousse soucieux de l’éducation du peuple - puisant dans se propre bourse-, d'acheter 3000 manuscrits à Sativa en Espagne pour l'Institut de Constantine.

Laissant le pouvoir à une structure beylicale constituée de beys puis de deys, Khiereddine retourna auprès du sultan de Constantinople qui en fit son amiral. A Istanbul, Barberousse s'attellera à réorganiser la flotte ottomane qui devint l'une des premières puissances navales d'alors. Il eut à diriger quatre grandes campagnes militaires contre les puissances occidentales. En 1538, se constitua une ligue (les Etats italiens et l'Empire de Charles-Quint) qui réunit une armada formidable à la bataille de Prévéza. Ce fut la plus grande bataille navale, jamais remportée par la flotte turque, grâce au génie de Kheireddine Barberousse. Cette victoire força les coalisés à demander la paix. Sa dernière campagne eut lieu en 1543. Rentré définitivement à Istanbul il décéda le mois de juillet 1546, à l'âge de 80 ans et pendant longtemps, les bateaux qui croisaient à proximité de là où il fut enterré tiraient des coups de canon en son honneur.

C'est dire si en définitive il faut, à côté des affaires financières et de l'économique inventer un nouveau dialogue culturel avec la Turquie. Nous avons en commun trois siècles d'archives qu'il nous faut optimiser ensemble. L'Algérie doit pouvoir avoir accès à sa mémoire. Il y a une écriture commune à faire. Il y a des traditions communes à perpétuer, il y a un patrimoine culturel commun à embellir.

Nos gouvernants s'honoreraient à sortir des sentiers battus du tout-économique, montrant qu'il y a autres choses. Le tourisme culturel est déjà une réalité. Pourquoi ne serait-il pas dans les deux sens? Restaurer Djama'e Ketchoua c'est bien. Faire l'inventaire d'un passé commun c'est mieux. Nous devons en définitive revenir aux fondamentaux et inventer un nouveau dialogue. Une Turquie qui ne renie pas son passé reviendra en grâce dans le coeur des Algériens A ce titre, la participation à la mise en place d'un institut de la mémoire serait assurément un acquis de réconciliation pour les deux peuples.


1. Amine Maalouf: Léon l'Africain Editions Casbah 2002

2. Venture de Paradis. Voyage A Alger Revue Africaine.Vol.41.P.106. 1897

3. G. Esquier: La prise d'Alger 1830. Paris & Alger, E. Champion & l'Afrique latine, 1923

4. Chitour: L'éducation et la culture des origines à nos jours Ed. Enag 2000

Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/205873-un-passe-commun-a-assumer-avec-la-turquie.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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14 novembre 2014 5 14 /11 /novembre /2014 19:02

«Celui qui croit qu'une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste.»

Kenneth Boulding

Le Premier ministre Abdelmalek Sellal, en présence du ministre de l'Industrie Abdessalem Bouchouareb qui a hérité de ce projet, a inauguré avec deux ministres français Laurent Fabius chargé de la promotion du savoir-faire français à l'étranger et son collègue de l'Economie, Emmanuel Macron, l'usine d'assemblage de voitures lundi dernier à Oran. Le taux d'intégration faible de 17% va monter en puissance les prochaines années pour créer de la richesse in situ. La «Renault Symbol» sera produite à 25.000 exemplaires par an avant de passer à 75.000 en 2019. Le marché intérieur algérien est le deuxième plus grand d'Afrique avec plus de 500.000 véhicules importés chaque année. Cette voiture coutera l’équivalent de 10.000 euros ce n’est donc pas une voiture low cost comme l’annone la presse hexagonale. Il est à espérer que pour ce prix nous ayons le high level

Enfin, donc, après 52 ans d'indépendance, l'Algérie a une usine de montage de voitures! Faut-il s'en réjouir? Non si on sait que dans les années soixante une usine de montage Caral existait. Nous savions donc faire un montage. Oui, si on a le nationalisme à la boutonnière; si pour une fois on concrétise une Arlésienne que les différents gouvernements n'ont pas pu concrétiser. Tout en nuançant cette réelle avancée, il nous faut avoir à l'esprit que la voiture est en train de faire sa mue pour s'adapter aux changements climatiques de par le monde (consommation minimale, véhicule hybride, carburants alternatifs). A l'évidence il ne faut pas s'arrêter là, ce début de réindustrialisation, doit être stimulé par d'autres percées dans tous les domaines de la création de richesse aussi modestes soient-elles.


Les tentatives pour la production de voitures en Algérie

Souvenons-nous de l'usine de montage de R4 dans les années 1960 du siècle dernier. Souvenons-nous de l'Arlésienne de la voiture «Fatia» avec les Italiens à Tiaret dans les années 1980. Depuis, L'Algérie importe de plus en plus de voitures 568.610 véhicules en 2012 contre 390.140 véhicules en 2011. La facture des importations a été de 514,43 milliards de DA en 2012 (6,9 milliards de dollars). Les ventes ont diminué en 2013 de 20%. Le groupe Renault Algérie demeure leader du marché avec plus de 113.000 véhicules vendus et les 25.000 véhicules de l'usine d'Oran représentent à peine 20% de ce que vend Renault en Algérie. Il y a un an, jour pour jour, on annonçait que l'entreprise publique automobile chinoise Faw construirait une usine d'assemblage de véhicules en Algérie, en partenariat avec l'entreprise privée algérienne Arcofina.

La réalité du marché de l'automobile dans le monde

L'automobile, synonyme hier de liberté, de progrès social et moteur de la croissance économique, est aujourd'hui sur le banc des accusés. Doit-elle disparaître ou doit-elle muer pour la rendre compatible avec les nouvelles exigences de demain? La voiture électrique sera-t-elle la solution? Des innovations sont capables de faire avancer l'automobile vers la voie d'une consommation et d'une pollution réduites. Motorisations essence, diesel, hybrides, électriques, piles à combustible. Cependant, l'évolution des comportements d'achat doit être assumée au lieu d'être subie. (1)

Il y aurait actuellement plus d’un milliard de voitures. Les automobiles sont à l'origine de 20% des émissions totales de dioxyde de carbone (CO2) en Europe, principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement de la planète. Le secteur des transports représente 23% des émissions de GES, gaz à effet de serre, soit 7 milliards de tonnes de dioxyde de carbone environ, selon l’OCDE. Les voitures sont responsables de 40% de ces émissions et leur nombre continue d’augmenter : on devrait compter environ 2 milliards de véhicules en 2050.

Pour rappel, en 1995, l'UE s'était fixé l'objectif ambitieux de réduire les émissions de CO2 provenant des voitures pour le faire passer à 120 grammes par kilomètre (g/km) d'ici 2012 dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Ce seuil équivaut à une consommation de carburant de 4,5 litres / 100 km pour les voitures diesel et 5 litres / 100 km pour les voitures essence. Les constructeurs dépassant leurs limites d'émission de CO2 seront soumis à des pénalités financières. (1)

Les amendes seraient progressivement introduites sur une période de quatre ans après l'entrée en vigueur de la législation, en commençant par 20 euros par gramme de CO2 pour chaque émission par voiture supérieure à l'objectif de 2012, puis augmentant à 35 euros en 2013, 60 euros en 2014 et enfin, 95 euros en 2015. Selon une évaluation de l'impact de la Commission, les nouvelles règles entraîneraient une hausse moyenne du prix des voitures de 1300 euros, mais cela serait compensé par les économies de carburants d'environ 2700 euros tout au long de la durée de vie de l'automobile.

Production mondiale de voitures

6,56 voitures sont produites et vendues chaque seconde dans le monde en 2012, soit 8,8% de plus qu'en 2011, et 81,7 millions, notamment grâce à la Chine, devenue premier marché automobile mondial, à l'Asie et aux marché émergents (Brésil, Russie). Selon Automotive news, l'association des constructeurs, les ventes mondiales de voitures ont été de : 2011 : 76 millions de voitures Le parc automobile mondial est en effet estimé officiellement en 2007 à 1.031.2 84.909 véhicules (Source: CCFA- Comité des Constructeurs Français d'Automobiles). Le marché Asiatique absorbe plus de 50% de la production mondiale avec 31 millions de véhicules produits chaque année

En 2011, les ventes mondiales d'automobiles sont d'environ 76 millions de voitures, en hausse de 6,3% par rapport à 2010, selon une étude du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC). Selon l'oica, la production mondiale de véhicules était supérieure soit 80,1 millions de voitures , un niveau record. Cela représente une production de 4,5 millions de voitures en plus par rapport à 2010 dont près de 50% dans les pays émergents d'Asie (Chine puis, Inde etThaïlande). En 2012, les ventes de véhicules dans le monde ont crû de 5% à 81,7 millions (2)

16.8 millions de voitures sont vendues par an actuellement aux USA, soit près de 30 voitures chaque seconde ! Après une crise dans les années 2000-10, les ventes de voitures ont cru de +13,4% assez loin des pics de 17-18 millions de voitures au début des années 2000 General Motors, spécialiste des gros véhicules gourmands, ancien numéro 1 mondial de l'automobile, est sorti de crise et vend près de 18 voitures chaque minute à travers ses marques Cadillac, Chevrolet, Opel, ... Les ventes de General Motors ont été de 9,28 millions de voitures vendues en 2012, contre un peu plus de 9 millions en 2011, ce qui place GM au 2ème rang mondial. (2)

Des spécialistes ont estimé que le marché chinois automobile continuera sa croissance pour atteindre 27,7 millions de voitures vendues en 2019. En ce moment, on produit plus 3 voitures toutes les 2 secondes en Chine, soit plus de 17,2 millions de voitures par an. La Chine, après une accélération en 2009 et 2010, a ralenti à 18,4 millions d'unités, tandis qu'en Amérique du nord la production a atteint 13,5 millions de véhicules selon l'Organisation internationale des constructeurs automobiles (Oica). . La Chine est également le premier fabricant mondial, avec 22,8% de la production totale, largement devant les Etats-Unis (12,2%), le Japon (11,8%) et l'Allemagne (6,7%). L'Asie représente 51% de la production automobile mondiale. Entre 2011 et 2012, toutes les grandes régions du monde ont progressé ou sont restées stables à part l'Europe, dont la part dans les ventes mondiales est passée de 20% à 18%, et l'Amérique centrale et du Sud.(2)

Il y a quelques années, en Chine il y avait 30 millions de voitures pour 1,3 milliard d'individus. Soit une voiture pour 45 personnes, à comparer aux 270 millions de voitures pour 300 millions aux Etats-Unis, soit 9 voitures pour dix personnes. «En hausse de 52% l'an dernier, le marché chinois est devenu le premier de la planète, devant celui des États-Unis.(...) On raconte que lors du 8e congrès du Parti, en 1956, Mao avait lancé: «Nous savons désormais fabriquer des autocars et des avions. Il nous faut maintenant une voiture chinoise.» Deux ans plus tard, la première Dongfeng, opportunément appelée «Vent d'Est», sortait d'usine. La Chine restera pourtant jusqu'au début des années 1990 le «royaume du vélo». (3)

En Europe Les ventes de voitures ont atteint 12,05 millions d'unités en 2012 contre 18 millions en 2007. L'Europe a retrouvé le chemin de la croissance automobile avec 17,7 millions de voitures en 2011, avec une baisse de production de 900 000 voitures en 2012, l'Europe est le seul marché automobile régional en baisse. Après un point bas en 2012, le marché européen devrait entamer une reprise vers 2013-2014.

Du point de vue de l'innovation, General Motors avait annoncé, en mars 2009, que la Chevrolet Volt, une berline hybride rechargeable lancée début 2011, consommera seulement 1,02 litre aux 100 km, soit près de quatre fois moins que l'actuelle Toyota Prius, On annonce aussi que Peugeot-Citroën aurait mis au point un moteur qui consomme à peine 2 litres d'essence aux 100 km, Mieux, un jeune ingénieur sorti de l'Ecole polytechnique d'Alger est à la base de la conception du moteur Renault de 1,1 litre aux 100km. Ce moteur a été présenté récemment au Salon de l'automobile en septembre à Paris...

L’addiction à l’automobile se mesure à l a fois par les conséquences cliamtiques mais aussi la fuite en avant de la construction de toujours plus de routes de moin que les transports en commun ( tramway, rail, métro. pistes cyclables Chaque année dans le monde près de 695 000 kilomètre de nouvelles routes sont construites, soit plus de 1.900 km chaque jour en moyenne ! De 2014 à 2050, 25 millions de kilomètres de routes nouvelles sont prévus ; de quoi faire 600 fois le tour de la Terre. De l'asphalte qui nuit souvent à l'environnement

Face aux mutations mondiales, quel avenir pour l'usine Renault Algérie?

Pour le professeur Abderrahmane Mebtoul, la nouvelle usine Renault Algérie sous le nom
«Renault Symbol», des véhicules destinés au marché intérieur algérien, le deuxième plus grand d'Afrique avec plus de 400.000 véhicules importés chaque année, détenue à 51% par l'Etat algérien et 49% par le constructeur français, dans des pays comme la Malaisie, la Chine et l'Inde, les productions sont gérées par des sociétés locales, mais avec l'appui de grands groupes étrangers. De toute évidence, les usines qui se maintiendront sur chaque pays seront les plus compétitives, les priorités des dirigeants des constructeurs automobiles étant technologie et innovation (robotisation). Nous assisterons entre 2015 et 2020 à des perspectives technologiques futures, tenant compte du nouveau défi écologique (voitures hybrides, électriques) et du nouveau modèle de consommation énergétique qui se met lentement en place.» (3)

«Le rétablissement du crédit à la consommation prévu pour 2015 permettra-t-il de dynamiser les achats? s'interroge le professeur Mebtoul. Le deuxième constat est que, faute d'unités industrielles spécialisées, la plus grande part des pièces de rechange est importée. L'Algérie allant vers l'épuisement de pétrole en 2025, de gaz en 2030, ces voitures fonctionneront-elles à l'essence, au diesel, au GPL, au GNW (pour les tracteurs, camions, bus), ou seront-elles hybrides ou solaires, avec la révolution technologique qui s'annonce? Le professeur Mebtoul pose la question essentielle qui est celle de la vérité des prix de l'énergie. «Quel sera le prix de cession écrit-il de ces carburants et la stratégie des réseaux de distribution pour s'adapter à ces mutations technologiques?» (3)

Dans cette perspective dynamique, d'adaptation à ces mutations, les réponses apportées doivent favoriser les pôles d'activité compétitifs et dynamiques, d'autant plus que l'Algérie, face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, doit penser d'ores et déjà à la transition énergétique avec l'épuisement de ses ressources d'hydrocarbures traditionnels à l'horizon 2030. Le projet de Renault en Algérie, et d'ailleurs de tout autre projet restructurant, doit permettre d'accroître la valeur ajoutée interne et créer des emplois productifs et non des emplois/rentes, face à la concurrence internationale. (...)» (3)

Une automobile c’est bien : des infrastructures de transport c’est mieux

Devant l'insuffisance des moyens de transports en termes de densification, notamment dans les grandes villes, chacun se débrouille comme il peut. De plus, comme il n'y a pas de réglementation, on importe des voitures qui pour une grande part dépassent les 150g de CO2 au km, ces voitures se vendent de moins en moins ailleurs. C'est environ 20% d'essence consommé en plus! Pis encore, du fait qu'il n'y a pas de stratégie, le sirghaz (mélange de C3-CA) ne se vend pas car son prix est proche de celui du gasoil. Au vu de ce qui se passe ailleurs, on se prend à rêver de ce que l'on pourrait faire chez nous pour encourager les voitures qui consomment moins de 150g de CO2/km. En s'alignant sur l'Europe (120g de CO2/km) on gagne 25% d'énergie

L’addiction à l’automobile est en Algérie un mal nécessaire. Il n’existe pas dans les grandes villes des réseaux de transports en quantité suffisantes pour une ville de 3 millions d’habitants étalés sur 100 km d’est en ouest sur 50 km de la mer vers l’intérieur. Il y a à peine 6000 places de parkings alors qu’il en faudrait 10 fois plus . On dit qu’il y a 40 % des voitures à Alger soit 3 millions de voitures ( Une voiture en moyenne par habitant contre une pour 6à l’échelle du pays)

Si une audacieuse politique des transports , outre le fait qu’elle humaniserait la vie de tous les jours, réduirait une pollution de plus ne plus dangereuse ( 70% du parc roule au diesel avec tous les maux associés) De plus, on peut faire des économies d'énergie en pensant d'une façon hardie la ville et faire en sorte que les Algériens ne soient pas obligés de prendre leur voiture (taux d'occupation de la voiture 25% par le conducteur) pour aller travailler. Les pistes sont nombreuses. Seule une stratégie d'ensemble permettant d'utiliser les ressources pétrolières au service du développement durable dans le cadre d'une transition énergétique qui touche non seulement les économies d'énergie, le recours aux énergies vertes, mais aussi l'imagination pour des villes écologiques, nous sortira de l'ornière. Dans ce cadre la formation à l'école, et à l'université est importante. La recherche c'est aussi les voitures avec des carburants alternatifs biomasse alcool de dattes, comme au Brésil. On aurait voulu pour notre part qu'à la place du GPS installé sur la voiture on installe le GPL, mais apparemment, ce n'était pas prévu dans le cahier des charges initial...

On se prend à rêver qu'en Algérie on puisse un jour recharger sa voiture dans son garage avec une prise en gaz naturel. On se prend à rêver aussi de ne pas utiliser nos voitures si le réseau de transport en commun, public ou privé permet à chacun de laisser sa voiture au garage. Nous perdons dans les deux heures d'embouteillage à Alger, 1 litre d'essence par véhicule soit pour les au moins 50.000 véhicules (sur les 3 millions de voitures que compte Alger) concernés par les embouteillages l'équivalent de 50 tonnes d'essence ou de gasoil. Au cours international c'est 50.000 dollars / jour, soit encore près de 20 millions de dollars de quoi améliorer considérablement le réseau de transport et diminuer la pollution en réinventant de nouveaux espaces en décentralisant, en déconcentrant. Je parle pas des heures de travail perdus environ 50 000 heures par jour si elles sont seulement paysé ne moyenne au double du smic (40.000Da cela 500 Dollars pour 160h mois ou encore 3 dollars de l’heure) soit pour uen journée 150.000 $/jour


A ce titre, une organisation des transports et de la vie intra-muros devrait prendre en charge l'aspect écologique. Nous aurons besoin de plus en plus de bicyclettes en utilisation libre. Cette vision nouvelle des grandes villes doit faire preuve d'audace. Comment en effet penser la ville? Optimiser les transports, réduire la pollution C'est à notre portée, cela permettrait de diminuer la pression sur les carburants classiques essence et gasoil. De plus, seule une politique pragmatique et expliquée pédagogiquement aux citoyens permettrait de comprendre qu'il n'est plus possible de continuer avec un gasoil soit à 13 DA, une essence à 22 DA le litre, ce qui oblige l'Algérie à importer pour plus de 3,5 milliards de dollars permettrait de donner une perspective au développement durable et à la nécessité impérieuse de préserver ce qui reste de ressources pour les générations futures Essayons de trouver notre propre chemin au lieu de toujours être à la traîne des autres.

Au moment où de par le monde on revient à une dimension écologique, nous en Algérie nous rentrons dans le territoire de l'addiction à l'éphémère. Etant toujours les victimes consentantes du marché, nous sommes les esclaves de l'obsolescence programmée. La durée de vie d'un portable est de deux ans, d'un chauffe-eau de 4 ans. Nous ne savons pas donner une seconde vie aux choses. Quand je vois les chaînes d'Algériens pour aller voir la Symbol à la Grande-Poste, je me dis que le logiciel de la soumission intellectuelle sociale et existentielle à la doxa occidentale est toujours d'actualité. Qu'adviendra-t-il de nous quand nous n'aurons plus de barils de pétrole pour subvenir à chez nous à l'accessoire? Plus que jamais la ressource pétrolière et gazière devrait être investie pour nous permettre de sortir dans une fenêtre de dix ans de la rente. Nous devons le faire. Nous le ferons.


1. C.E. Chitour http://www.notre-planete.info/actualites/actu_3652_voiture_addiction.php 13 février 2013,

2. http://www.planetoscope.com/automobile/76-production-mondiale-de-voitures.html

3. A.Mebtoul http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5205796

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 12:31

«Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants»

Bernard de Chartres

L'Algérie va célébrer le 60e anniversaire de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954. On le sait. Avec un rituel de métronome, chaque année nous réchauffons péniblement une symbolique à laquelle les jeunes qui, sans être éduqués dans le culte de la patrie, ont, au fond d'eux-mêmes, le «feu sacré» qui attend de s'exprimer. «La révolution se fera même avec les singes de la Chiffa» disait l'architecte de la Révolution Mohamed Boudiaf. Avec toujours le même scénario et rituellement on présente une révolution qui, en son temps, avait marqué l'Histoire dans le mouvement de décolonisation du Tiers-Monde.

Souvenons-nous de l'Appel du 1er Novembre: «A vous qui êtes appelés à nous juger, notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l'indépendance nationale dans le cadre nord-africain. (...)Ce sont là, nous pensons, des raisons suffisantes qui font que notre mouvement de rénovation se présente sous l'étiquette de Front de libération nationale, se dégageant de tous les partis et mouvements purement algériens, de s'intégrer dans la lutte de libération sans aucune autre considération. But: l'indépendance nationale par: la restauration de l'Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques. Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions. (...) Algérien!(...) Ton devoir est de t'y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté; le Front de libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne». (Appel du Premier Novembre)

Qui étaient ces révolutionnaires sans arme, sans moyens, sans troupes face à une colonisation qui paraissait durer mille ans? de simples citoyens autour de la trentaine d'âge, formés à la dure école de la vie et qui avaient une conviction gravée dans le marbre. Cette détermination non seulement sans faille vis-à-vis de l'adversaire commun était nécessaire et toutes les manoeuvres du pouvoir colonial pour atomiser le consensus ont échoué. A l'époque il n'y avait ni régionalisme, ni prosélytisme. Seule la cause de la lutte pour la liberté était sacrée. A bien des égards la Révolution a sa place dans le Panthéon des Révolutions du XXe siècle. Elle a surtout à ne pas se comparer aux autres. Elle a sa spécificité, ses douleurs et ses convulsions propres. Nous sommes assurément des nains par rapport à ces géants...

Il est indéniable que le peuple algérien a souffert pendant 132 ans, soit environ soit plus de 48 000 jours de malheur, de sang et de larmes que nous gardons encore dans notre ADN et qui expliquent dans une large mesure notre errance actuelle, l'Algérien de ce temps, jeune plein d'idéal, élevé à la dure ou même jeune lettré décida que c'en était trop. Dans un environnement avec une chape de plomb qui paraissait durer mille ans, une vingtaine de patriotes décidèrent du déclenchement de la révolution. Ce fut l'épopée que l'on racontera encore dans cent ans. En effet, au bout d'un processus de près de 2800 jours de bombardements, d'exécutions sommaires, de tueries sans nom, l'envahisseur fut chassé du pays. Le tribut payé fut lourd: des centaines de milliers d'Algériens morts plusieurs milliers de combattants morts, des milliers de villages brûlés et plus de deux millions d'Algériens déplacés avec des traumatismes que l'on gère encore de nos jours.

Devoir d'inventaire

A l'indépendance nous étions tout feu tout flamme et nous tirions notre légitimité internationale de l'aura de la glorieuse Révolution de Novembre. La flamme de la Révolution s'est refroidie en rites sans conviction pour donner l'illusion de la continuité. Comment peut -on parler de révolution et du «Mach'al du premier novembre» à transmettre aux jeunes si ces jeunes sont tenus soigneusement à l'écart du mouvement de la nation? La Révolution a été portée à bout de bras par des jeunes pour la plupart et qui ne dépassaient pas la trentaine! Les héros étaient des gens simples qui ont fait leur devoir sans rien attendre en échange et surtout qui n'ont pas fait des mânes de cette révolution encore un fonds de commerce au nom d'une «famille révolutionnaire» excluant de ce fait, les autres, les Algériens. A bien des égards, eu égard au combat titanesque de ces pionniers qui ont fait démarrer l'Algérie à l'indépendance, nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants.

Qu'avons-nous fait après l'indépendance? Comment avons-nous traversé le temps avec un héritage aussi prestigieux et qu'avons-nous fait? A l'indépendance nous tirions notre légitimité de l'aura de la révolution et beaucoup de pays avaient pour nous de la sollicitude. Cependant, il faut bien reconnaître que le pays était exsangue, les rares cadres qui existaient étaient sur tous les fronts. Je ne suis pas là pour faire le procès mais beaucoup de choses auraient pu être mieux faites.

A titre d'exemple, nous avons un système éducatif avec une productivité faible qui laisse chaque année des centaines de milliers d'adolescents sur le bord de la route. Même ceux qui arrivent à l'université ont un niveau déplorable. Ces dernières vingt années ont été les pires qu'a connu le système éducatif et tous les auto-satisfécits n'y feront rien. Notre école est malade et notre université moribonde. La formation des Hommes attend d'être revue. Le deuxième aspect de ce parcours post-indépendance qui m'interpelle est la politique énergétique qui n'a toujours pas de visibilité malgré des expériences désastreuses et dont nous ne tirons pas toutes les leçons.

L'Algérie de 2014, qu'est-ce que c'est? Un pays qui se cherche? qui n'a pas divorcé avec ses démons du régionalisme?, du népotisme? qui peine à se déployer qui prend du retard? qui vit sur une rente immorale car elle n'est pas celle de l'effort, de la sueur de la créativité. C'est tout cela en même temps! Qu'est-ce qu'être indépendant quand on dépend de l'étranger pour notre nourriture, notre transport, notre habillement, notre vie quotidienne? Nous avons perdu notre indépendance graduellement depuis 52 ans en acceptant de devenir vulnérables, la rente ayant anesthésié toute mise en marche de nos neurones à telle enseigne que tout est importé, l'Algérie se contente de consommer ce qui ne nous appartient pas.

La devise néolibérale: «Ne pensez pas, dépensez!» a trouvé en Algérie une brillante application. Jusqu'à quand? De plus,l'Algérie peine toujours à se redéployer dans un environnement mondial de plus en plus hostile. La situation actuelle est profondément dangereuse. Le monde a profondément changé. Des alliances se nouent, d´autres se dénouent. Quoi qu´on dise, les regards sont braqués sur l´Algérie. Nous ne sommes pas à l´abri d´un tsunami, nos frontières sont de plus en plus vulnérables.


Le FLN a rempli sa mission historique

Avons-nous été fidèles au serment du Premier novembre? Cette question nous devons nous la poser chaque fois que nous devons contribuer à l'édification du pays par un autre djihad par ces temps incertains. Cependant il faut bien reconnaître que la génération post-indépendance reste peu informée de la réalité de cette Révolution, de la bravoure d'hommes et de femmes qui ont révolutionné le concept même du combat libérateur. Justement, nous sommes en 2014. Trois Algériens sur quatre sont nés après l'Indépendance. Ils n'ont qu'un lointain rapport avec l'Histoire de leur pays.

La jeunesse ne s'intéresse pas à son passé qu'on lui a très mal enseigné. Elle se retrouve soixante ans après déboussolée et déstabilisée par les questions identitaires. En son temps, le défunt président Mohamed Boudiaf affirmait que, justement, la «mission du FLN s'est achevée le 3 juillet 1962» au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. En réalité, beaucoup pensent qu'il est grand temps de remettre ces trois lettres, symboles du patrimoine historique national, au Panthéon de l'Histoire.

Le FLN donne l'image d'une coquille vide qui s'est démonétisée au cours du temps. Le FLN historique, le FLN moteur de la Révolution de Novembre doit faire l'objet de toutes les attentions. Il ne devrait pas constituer un fonds de commerce pour tous les professionnels de la politique. Le FLN pour lequel tant de vaillants patriotes ont milité, souffert en définitive donné leur vie n'est pas le FLN actuel. Pourtant, le FLN doit être un marqueur indélébile de la dignité et de l'Histoire de l'Algérie, il doit être revendiqué par toutes les Algériennes et tous les Algériens sans exception et non pas uniquement la famille révolutionnaire qui s'intronise comme seul dépositaire de l'immense Révolution algérienne

Le moment est venu d'avoir des repères algériens. Par ailleurs, la voie de la réussite sociale actuelle n'est pas dans l'effort au quotidien d'un travail bien fait, d'une endurance sur plusieurs décennies pour mériter de la patrie, elle est dans la voie qui permet à un football d'engranger en un mois le gain d'un universitaire qui doit se réincarner plusieurs fois pour atteindre ces sommes. En cette veille du déclenchement de la Révolution du 1er novembre, l'Algérie de la IIe République-que nous appelons de nos voeux-, sera celle que l'on construira toutes tendances confondues. Une seule exigence: l'amour de l'Algérie. La vraie identité des Algériens est ce droit et ce devoir de «vivre ensemble que l'on soit de l'Est ou de l'Ouest, du Nord ou du Sud».



Pour un nouveau Premier Novembre de l'intelligence

Comment alors expliquer cette panne dans l'action qui fait que nous sommes encore à chercher un projet de société et à vivre au quotidien gaspillant une rente imméritée qui hypothèque lentement mais sûrement l'avenir de nos enfants, leur laissant ce faisant, une terre inculte, ouverte à tout vent où rien de «construit» par l'intelligence de l'homme ne lui donnera une singularité? Est-ce parce qu'elle n'abrite pas en son sein les compétences à même de la faire sortir de l'ornière? Est-ce qu'elle n'a pas les ressources qui lui permettraient de financer son développement? non! Mille fois non!!

Le premier Novembre de papa appartient à l'Histoire, par contre l'Esprit de Novembre qui a fait que des jeunes par leur sacrifice suprême ont arraché l'Algérie des griffes du pouvoir colonial doit être toujours en nous. Nous devons le réanimer chacun de nous en donnant l'exemple de l'abnégation. Pour cela seul le parler vrai, l'honnêteté et le travail permettront à nos aînés de se reposer enfin, sachant que le flambeau est définitivement entre de bonnes mains. Le monde a changé. Les chaos libyen et malien sont à nos portes. Les loups attendent la curée? Il faut savoir ployer pour ne pas rompre d'autant que nous n'avons pas d'anticorps de défense immunitaire n'ayant pas de relèves et les partis actuels seraient utiles en incitant les Algériens à travailler, s'instruire, bref être une nouvelle Révolution, celle de l'intelligence.

Inventons un nouveau Premier novembre mobilisateur qui puisse répondre aux défis du siècle concernant la sécurité alimentaire, le problème de l'eau, des changements climatiques et par-dessus tout le défi de l'énergie, tant il est vrai que cette rente n'est pas au service du développement, Il est plus que temps de freiner cette hémorragie et de comprendre que notre meilleur coffre fort est notre sous-sol. Notre système éducatif attend d'être reconstruit.
Cependant, par dessus tout il y a nécessité de remettre la morale et l'éthique à l''honneur. Nous devrions avoir une démarche éthique dans nos comportements. Quand des professeurs d'université sont poussés vers la sortie sans égard (retraite) il y a de mon point de vue un manquement à la dignité humaine. Ces gardiens du Temple du savoir, de la connaissance, du savoir-vivre devraient être remerciés pour leur contribution à ce que l'Algérie garde son rang, notamment pendant la décennie noire où ils sont restés dans le pays bravant le terrorisme au quotidien, qui en enseignant qui en opérant, qui en dirigeant.

Il n'est pas juste qu'ils partent comme des anonymes et qu'on leur signifie d'une façon froide et inhumaine leur mise à l'écart. S'il est vrai qu'il faut passer la main et permettre le renouvellement des générations qu'est-ce qui interdit aux Algériens de 2014 de se respecter mutuellement de se convaincre qu'il y a eu un djihad aussi important que celui de nos aînés, celui du combat pour l'édification du pays, de la formation des hommes depuis 52 ans. Pourquoi le ministre des Moudjahidine ne mettrait-il pas à l'honneur ces moudjahid du temps présent qui, pour certains, ont accompagné l'enfance de l'Algérie indépendante avec les armes de l'esprit. Ils sont assurément les dignes continuateurs de ceux de novembre qui rêvaient d'une Algérie indépendante, libre, fascinée par l'avenir où chacun serait respecté et jugé à l'aune de sa valeur ajoutée à l'édification toujours actuelle du pays et non à l'aune de sa capacité de nuisance ou à l'appartenance à une famille révolutionnaire en continuelle expansion comme l'Univers et malgré ce que nous dit Darwin de la finitude humaine.
Dans un monde de plus en plus dangereux à la fois sur le plan des éléments naturels - notre pays étant vulnérable aux changements climatiques- mais aussi sur le plan économique,
financier et militaire que devons-nous faire? Il nous faut «moderniser» le 1er Novembre qui doit être décliné avec les outils du XXIe siècle. Pour faire court, la Révolution de Novembre devra être réappropriée par la jeunesse. Il nous faut chaque fois réinventer le sens de l'Indépendance nationale. Le nouveau langage n'est plus celui des armes mais celui de la technologie, du Web2.0, des nanotechnologies, du génome, de la lutte contre le réchauffement climatique et des nouvelles sources d'énergie du futur. Il faut tourner le dos à la rente, qui a fait de nous des paresseux et qui, à tort ou à raison, cristallise les rancoeurs de tous ces jeunes sans qui il n'y aurait pas d'Algérie.»

Une révolution de l'intelligence est certainement la solution. Seul le parler vrai permettra à l'Algérie de renouer avec ce nationalisme qui contrairement n'est pas passé de mode, c'est un puissant stimulant. On l'aura compris, un drapeau par foyer - comme font les Américains c'est bien mais ne peut en rien remplacer le drapeau algérien que l'on doit accrocher dans nos coeurs et nos tripes et prouver par nos actes au quotidien que l'on mérite réellement, cette merveilleuse Algérie.

La légitimité révolutionnaire a fait son temps et les chahids et les rares survivants nous les porterons toujours dans nos coeurs. Cependant, le moment est plus que venu pour la légitimité de la compétence, du neurone, celle capable de faire sortir l'Algérie des temps morts. Si on ne fait rien pour revitaliser le Premier Novembre avec cette symbolique, il disparaîtra alors que nous avons besoin plus que jamais d'un ciment fédérateur qui puisse assurer ce désir de vivre ensemble en traduisant le combat des aînés dans de nouveaux combats aussi difficiles et de loin plus complexes; le meilleur hommage que l'on pourrait rendre aux martyrs, c'est de mettre en place un système éducatif et une université performante. C'est cela le 1er Novembre du XXIe siècle.

Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/204836-une-necessite.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole polytechnique Alger enp-edu.dz

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