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23 juin 2014 1 23 /06 /juin /2014 15:36

«Il n'existe que deux choses infinies, l'univers et la bêtise humaine... Mais pour l'univers, je n'ai pas de certitude absolue.»

Albert Einstein

Il est connu que nous consommons plus que ce que la Terre peut produire en une année. Depuis quelque temps, il y a comme une conspiration du silence de la part des pays industrialisés et émergents pour ne pas parler des dégâts actuels et imminents des changements climatiques. Pendant ce temps-là, le climat devient erratique. La biodiversité rétrécit. Aveuglée par un «humanisme» contre-productif, source d'irrespect écologique et d'un infini gaspillage, l'humanité vit à crédit et consomme annuellement une planète et demie, soit nettement plus que ce que la Terre est en capacité de lui offrir. (...) De tout temps, l'homme a été avide d'énergie pour satisfaire son égoïsme! De la maîtrise du feu au paléolithique à la débâcle du nucléaire à Fukushima, le rapport de l'homme à l'énergie fut toujours placé sous le signe de la domination, économique, sociale ou politique. «L'homme maître de la nature», disait Descartes.

Or, il est clair aujourd'hui que la course à la puissance énergétique est indissociable du chronomètre de la Terre et de la manière dont les hommes sauront prendre en compte ses limites. Quelles options reste-t-il? L'homme technologique symbolisé par l'Américain consomme 8,5 tonnes de pétrole soit dix fois plus que l'homme industriel et 100 fois plus que le préhistorique. Cependant, dans certains pays africains la consommation ne dépasse pas les 150 kg équivalent pétrole par an. Retenons que dans ce cas, l'Américain consomme en une semaine ce que consomme l'Africain du Sahel en une année. C'est cela l'égalité des hommes, les différents droits incantés par l'ONU, le droit à l'alimentation, le droit à l'eau, au logement, à la santé, à la sécurité pour les objectifs du Millénaire et il y a fort à parier qu'aucun de ses droits ne sera atteint sauf le droit de se taire et de mourir en silence comme nous le crie les Somaliens.» (1)

Les gouvernements occidentaux et depuis ceux qui émergent, obnubilés par une boulimie énergétique, ont un comportement énigmatique. D'un côté, on parle de changements climatiques, de la nécessité d'aller vers des énergies renouvelables pour ne pas dépasser le seuil de non-retour en termes de changements climatiques. De l'autre, une véritable frénésie s'est emparée des pays industrialisés pour traquer la moindre bulle de gaz et même la moindre goutte de pétrole. Dans ce cadre, un nouveau regain est donné au carbone et donc à la pollution. C'est le cas de l'exploitation irrationnelle des gaz de schiste aux Etats-Unis et qui fait des émules en Europe et...en Algérie. (...)»(1)



La mort des abeilles: l'homme-abeille n'est pas la solution !


Innombrables sont les indicateurs qui nous alarment d'une surchauffe de la planète, d'un épuisement gravissime d'une Terre sur-occupée et surexploitée: bouleversement global du climat, mort biologique des sols suite aux abus d'usages productivistes et courtermistes, pollutions sans cesse plus irréversibles, recul effarant des autres espèces dont nous occupons indûment les niches, déclin d'une biodiversité pourtant salutaire à l'humanité, déforestation sur tous les continents, épuisement des mers et des océans, tarissement de toutes les ressources dont la grande majorité n'est pas renouvelable... Comme conséquence grave Stéphane Foucart rapporte le phénomène mondial observé depuis le milieu des années 1990, le déclin des abeilles, insectes pollinisateurs indispensables à 84% des végétaux cultivés. Il décrit une «étude rendue publique, le 7 avril, la Commission européenne. Conçue par Bruxelles et conduite par un laboratoire de l'Agence nationale de sécurité sanitaire française (Anses), cette enquête a essentiellement consisté à mesurer la mortalité des abeilles domestiques (Apis mellifera) dans 17 pays européens. Il s'étonne que les chercheurs n'aient pas cherché la cause du déclin. Nous ne saurons donc pas quels résidus de pesticides se trouvaient dans les colonies les plus touchées.»(2)

Comment alors faire sans les abeilles, malgré les mises en garde d'Albert Einstein pour qui la disparition des abeilles est le dernier arrêt avant la disparition de l'humanité? Les Chinois ont une solution «provisoire». Ils prennent la place des abeilles: «Au sud-ouest de la Chine, dans la province du Sichuan, les vergers donnent toujours des fruits malgré la disparition progressive des abeilles. Chaque année, au mois d'avril, ce sont les habitants qui pollinisent les fleurs à la main. Les hommes et femmes grimpent dans les branches des pommiers afin de déposer sur les fleurs de pommiers une dose de pollen. (...) Récolté sur les organes mâles des fleurs, le pollen est tout d'abord séché au soleil pendant 48 heures puis moulu. Il est ensuite réparti dans des petites boîtes à chewing-gum, que les hommes et femmes-abeilles portent autour du cou. (...)Un arbre peut ainsi être entièrement pollinisé en une demi-heure, ce qui permet de respecter le temps imparti très resserré, dû au climat et au cycle de floraison. Mais le résultat est bien loin de celui obtenu grâce aux abeilles: une ruche peut polliniser à elle seule jusqu'à 3 millions de fleurs en une journée. Les habitants eux parviennent difficilement à dépasser plus de 30 arbres par jour chacun».(3)


La Terre n'en peut plus

Dans un éditorial décapant, Thomas Friedman éditorialiste du New York Times, admoneste les grands de ce monde et dénonce le mode de vie. Modèle de croissance, climat, ressources, population: comment expliquer qu'alors que nous franchissons aujourd'hui toutes les lignes rouges, outrepassant aveuglément les capacités du système terre, nous continuions à faire preuve d'une telle indifférence apparente, s'interroge Thomas Friedman «lorsqu'on se trouve face à une circonstance si énorme qu'elle requiert de transformer radicalement la façon de penser et de voir le monde, le déni est la réponse naturelle.(4)

« Mais plus nous attendons, plus lourdes seront les réponses à apporter» constate l'écologiste australien Paul Gilding, dans son dernier ouvrage: la Grande Rupture. Au fur et à mesure que se multiplieront les impacts de ce bouleversement, estime-t-il, «notre réponse sera démultipliée en proportion, et nous nous mobiliserons comme nous l'avons fait durant la guerre. Nous allons changer à une échelle et une vitesse que nous pouvons à peine imaginer aujourd'hui, transformant complètement notre économie». Paul Gilding, décrit ce moment dans un nouvel ouvrage intitulé «la Grande Rupture: Pourquoi la crise climatique amènera la fin du consumérisme et la naissance d'un Nouveau Monde.» «Lorsqu'on se trouve face à une circonstance si énorme qu'elle requiert de transformer radicalement la façon de penser et de voir le monde, le déni est la réponse naturelle. Mais plus nous attendons, plus lourdes seront les réponses à apporter.» (...) Nous comprendrons, prédit-il, que le modèle de croissance axé sur la consommation est cassé et que nous devons passer à un modèle de croissance plus centré sur le bonheur, avec des gens qui travaillent moins et possèdent moins(...) » (4)


La fin de la planète en 2100?

C'est la rumeur qui enflamme la Toile depuis plusieurs semaines: les écosystèmes de la planète pourraient connaître un effondrement total et irréversible d'ici 2100. La thèse? L'environnement, sous l'effet des dégradations causées par l'homme, pourrait franchir un point de non-retour avant la fin du siècle.

« Dans Approaching a state-shift in Earth's biosphere, les 22 chercheurs alarment sur une perte de la biodiversité de plus en plus rapide et une accélération des changements climatiques. Selon l'étude, presque la moitié des climats que nous connaissons aujourd'hui sur la Terre pourraient bientôt avoir disparu. Ils seraient ainsi remplacés, sur entre 12% à 39% de la surface du globe, par des conditions qui n'ont jamais été connues par les organismes vivants. Et ce changement s'effectuerait de manière brutale, empêchant les espèces et écosystèmes de s'y adapter. Arne Moers, co-autrice de l'étude déclare: «Nous prenons un énorme risque à modifier le bilan radiatif de la Terre: faire basculer brutalement le système climatique vers un nouvel état d'équilibre auquel les écosystèmes et nos sociétés seront incapables de s'adapter. [...] Le prochain changement pourrait être extrêmement destructeur pour la planète ».(5)

« Une fois que le seuil critique sera dépassé, il n'y aura plus de possibilité de revenir en arrière.» (...) Les 22 scientifiques de l'étude proposent aux gouvernements d'entreprendre quatre actions immédiates: diminuer radicalement la pression démographique; concentrer les populations sur les zones enregistrant déjà de fortes densités afin de laisser les autres territoires tenter de retrouver des équili-bres naturels; ajuster les niveaux de vie des plus riches sur ceux des plus pauvres; développer de nouvelles technologies permettant de produire et de distribuer de nouvelles ressources alimentaires sans consommer davantage de ressources.(5) L'Extinction de l'humanité peut tout d'abord découler de l'activité humaine (pollution, épuisement des ressources naturelles, effet de serre). Le réchauffement climatique est susceptible d'entraîner une diminution de l'oxygène dans l'air par mort du plancton et une libération de sulfure d'hydrogène mortel pour la majorité des organismes. Le sulfure d'hydrogène est un des coupables probables de l'extinction du Permien, où 95% des espèces marines et 70% des espèces terrestres ont disparu».(5)


La géo-ingénierie sauvera-t-elle le monde?

La géo-ingénierie présentée comme la solution miracle- et peut être la solution finale pour la planète- en dehors du fait que les pays industrialisés refusent de consommer moins en consommant mieux, désigne les efforts visant à stabiliser le système climatique en gérant directement le bilan énergétique de la Terre...Pour Paul Joseph Crutzen, le prix Nobel de chimie 1995, nous avons quitté l'holocène tardif qui existe depuis 10.000 ans et nous sommes entrés depuis deux cents ans dans une nouvelle ère terrestre: «L'anthropocène», où l'homme modifie la biosphère mais aussi la géologie planétaire. Dans les pays industrialisés, on pense que «nous sommes nombreux» et que la Terre ne pourra nourrir 9 milliards de Terriens en 2050, sauf si l'immense majorité consomme comme les Somaliens et une immense minorité comme les Américains. (1)

Pour contrer le réchauffement climatique, pourquoi ne pas modifier le climat? C'est par ces intentions prométhéennes que les savants nous promettent de régler le problème. La solution miracle serait la géo-ingénierie et comme l'écrivent Christophe Greuet et Floriane Leclerc: «Cette science, qui propose un éventail de solutions controversées, gagne peu à peu en visibilité sur la scène internationale. En France, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a d'ailleurs lancé en 2012 un atelier d'experts sur le sujet, dont le rapport vient de sortir. Les auteurs détaillent ensuite les modes opératoires connus. (...) Certaines techniques ont d'ailleurs attiré l'attention du Giec qui cite, pour la première fois, la géo-ingénierie comme «ultime recours» contre le réchauffement dans son rapport de 2007.(...) L'urgence incite les experts à considérer des solutions alternatives à celles d'atténuation et d'adaptation entreprises, jugées lentes et coûteuses. «Aujourd'hui nous sommes à dix minutes des douze coups de minuit,» déclarait l'Indien Rajendra Pachauri, président du Giec, en novembre 2013.(6)

«En France, une partie des chercheurs demeure sceptique et la considère encore «comme de la science-fiction». Lors d'un colloque organisé par l'Académie des Sciences l'an passé, l'institution, qui recommandait l'«extrême prudence» face à ces techniques, n'a pas jugé opportun de publier de rapport.Largement dominé par les Etats-unis, le débat gagne progressivement les autres continents. Et pour cause: c'est là que se dessine, en creux, la future gouvernance mondiale du climat (...) Bien qu'elles ne soient encore qu'expérimentales, les techniques de géo-ingénierie induisent des risques importants. Le danger est d'autant plus grand que les conséquences n'ont pas de frontières. Une expérience locale pourrait ainsi avoir un impact dans d'autres régions du monde, sinon sur l'ensemble du climat. Une simulation, réalisée par les chercheurs anglais du Met Office Hadley Center en 2013, a établi qu'une injection artificielle d'aérosols dans l'hémisphère Nord durant 50 ans diminuerait la température de la Terre d'un degré à cette période... mais déclencherait des sécheresses au Sahel. Parce que, malgré les risques, elle est encore très peu encadrée (...) Des «techniques douces» bien éloignées des projets prométhéens tant décriés, mais qui pourraient laisser la porte ouverte à des méthodes plus controversées. (...)En août 1989 au Cameroun, le dégazage naturel du lac Nyos, au fond duquel de grandes quantités de CO2 s'étaient accumulées, tuait 1700 personnes sur un rayon de 25 km, rappelle Greenpeace.(6)

Comme le pense Hervé le Treut climatologue membre du Giec: «La géo-ingénierie apparaît comme dernier rêve de Prométhée. Nous avons appris que nous ne sommes pas les maîtres et possesseurs de la nature mais l'inverse. Non, nous sommes entièrement dépendants de notre environnement. Nous sommes des créatures terrestres menacées comme les autres espèces, pas les conquérants de l'univers.» A nous de choisir entre le chaos et la sobriété énergétique.
A vouloir jouer les apprentis sorciers l'éthique en prend un coup. Mais que reste t-il de cette dernière dans un monde où le laminoir de la prédation fait fi du patrimoine génétique de la faune et de la flore de l'humanité pour le plus grand bien de ces mercenaires du vivant et pour le plus grand malheur du monde. A moins que le citoyen ne se réveille, que l'Etat retrouve ses racines, que la société réapprenne le sens du collectif: notre avenir, qui dépendra de l'état de nos biens communs, au premier chef la composition de notre atmosphère, ne peut pas être approprié, car il nous appartient. La dictature du carbone écrit Frédéric Denhez doit être l'aiguillon de notre réveil sociopolitique, pas celui de l'oligarchie qui fait profil bas depuis le début de la crise.» (7)

Nous ne devons pas oublier que la nature a mis plus de deux cent millions à thésauriser les hydrocarbures et que l'homme dans son délire et son ivresse de puissance en l'espace d'à peine deux siècles, pense qu'il peut impunément perturber les équilibres physiques qui ont mis des centaines de millions d'années à amener cette stabilité climatique d'avant le règne de l'anthropocène. Il est urgent d'arrêter cette course vers l'abîme. Les pays riches pensent qu'ils ont la parade. Cruelle erreur! Nous sommes tous sur le même bateau ivre. Ils couleront avec les damnés de la Terre. La Terre n'accorde plus de sursis. Nous sommes avertis à moins de faire émerger une conscience universelle vers le bien commun. Amen!!


1. C.E. Chitour: http://www.legrandsoir.info/nous-vivons-en-dette-ecologique-depuis-le-27-septembre-l-avenir-est-il-a-la-geo-ingenierie-ou-a-la-sobriete-energetique.html


2. Stéphane Foucart Déclin des abeilles: les mots qui fâchent Le Monde 13.04.2014


3. http://www.maxisciences.com/abeille/abeille-en-chine-des-hommes-font-le-travail-des-pollinisateurs-disparus_art32446.html


4. Thomas. Friedman http://www.nytimes.com/ 2011/06/08/opinion/08friedman.html?_r=2&


5. Audrey Garric: La fin de la planète en 2100? http://ecologie.blog.lemonde.fr/2012/07/27/ la-fin-de-la-planete-en-2100/


6. Christophe Greuet et Floriane Leclerc http://www.slate.fr/monde/87043/geo-ingenierie 01.06.2014


7 Frédéric Denhez: La dictature du carbone - Editions Fayard, septembre 2011

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 14:03

«Nous avons amené la torture, les bombes à fragmentation, l'uranium appauvri, d'innombrables assassinats commis au hasard, la misère, la dégradation et la mort au peuple irakien, et on appelle ça apporter la liberté et la démocratie au Proche-Orient.»

Harold Pinter, prix Nobel de littérature

Encore une fois le peuple irakien traverse une tourmente effroyable qui a démarré il y a quelque trente-quatre ans de cela avec la guerre Iran-Irak qui a fait des centaines de milliers de morts dans les camps. C'était le premier conflit réorganisateur avant la lettre du Moyen-Orient. Bien avant les prophéties de Samuel Huntington, les conflits religieux chiite- sunnite étaient savamment entretenus par l'Occident qui avait deux fers au feu. Il ne faut jamais oublier que ce sont les Américains qui ont vendu des armes aux Iraniens (fameux Irangate, avec le lieutenant-colonel North) et dans le même temps la France livrait des Mirages à Saddam Hussein.

Les mêmes Mirages qui lui ont servi à gazer les Kurdes à Hallabja et qui ont été invoqués comme motif pour son ignominieuse pendaison un jour de l'Aïd El Adha sous le règne sanguinaire et actuel de Nouri Al Maliki. L'Irak, berceau de la civilisation sumérienne (IIIe millénaire av. J.-C.), chez laquelle on retrouve les cités-États de Mésopotamie, en particulier Babylone. Au viie siècle, Baghdad devient la capitale du califat islamique et une des plus grandes villes du monde, au grand rayonnement intellectuel. Au cours de la Première Guerre mondiale, l'Irak est conquis par les Britanniques. Le partage de Sykes-Picot est en train d'être remis en cause par les peuples. Un nouveau Moyen-Orient va émerger.


Le Nord sunnite de l'Irak aux mains de l'Eiil

L'avancée fulgurante de l'Eiil a fait l'objet d'un surdimensionnement médiatique. Il est vrai qu'il avance sans opposition: «Dans tout le Nord sunnite de l'Irak écrit Christophe Ayad, c'est la débandade. L'armée et la police fuient sans même combattre devant un ennemi dix fois inférieur en nombre. L'Eiil s'est emparé de dépôts d'armes lourdes et même d'hélicoptères et d'avions de chasse. L'armée s'est retranchée dans la capitale, Baghdad, dont les djihadistes sont à moins de 100 km et qui semble être leur objectif. Ce groupe, formé en 2007, est en passe de réussir son pari qui consiste à prendre le contrôle de la partie sunnite de l'Irak pour en faire un califat «islamiquement pur» au coeur du Monde arabe. (...)»
Christophe Ayad en exégèse parle d'un Califat: «Lorsque le dernier soldat américain quitte l'Irak fin 2011, l'Eiil repasse à l'offensive (...) Implanté dans les deux pays (Syrie et Irak), l'Eiil est en train de s'y tailler un «Sunnistan», entre le Nord kurde et le Sud chiite de l'Irak. Ce «pays», qui dispose de ressources pétrolières propres, s'étend de l'autre côté de la frontière syrienne, jusqu'à Alep, Rakka et Deir ez-Zor. Ce nouveau califat ne manquerait pas d'être une menace mortelle pour l'Arabie Saoudite. Il inquiète également la Turquie.»(1)


Les réactions

La plus inattendue est celle de l'Iran qui curieusement se trouve du côté occidental pour combattre des Sunnites et donc indirectement elle est contre l'Arabie Saoudite qui, elle, est protégée par les Américains! Le président Hassan Rohani a indiqué, jeudi, que l'Iran «luttera contre la violence et le terrorisme» des rebelles djihadistes sunnites, sans donner toutefois de détails sur les actions que pourrait entreprendre son pays. Les rebelles «se considèrent comme des musulmans et appellent leur combat ´´la guerre sainte´´», a regretté le président iranien lors d'un discours retransmis à la télévision d'Etat, dénonçant les «actes sauvages» contre la population perpétrés par «un groupe extrémiste et terroriste». Mercredi, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, avait condamné et apporté le soutien de l'Iran «au gouvernement et au peuple irakien pour lutter contre le terrorisme».

Selon le Times, l'Iran a envoyé des forces spéciales et des troupes d'élite pour renforcer les troupes irakiennes mises en déroute par l'Eiil. Alors que les positions des djihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil) se renforçaient vendredi 13 juin en Irak, le président américain Barack Obama a fait un point sur la situation depuis la Maison-Blanche. Des attaques ciblées par des drones font partie des options envisagées. Présents à moins de 100 km de Baghdad, les djihadistes avançaient vers une ville aux rues quasi-désertes et aux commerces fermés, à partir de la province d'Al-Anbar à l'ouest, de celle de Salaheddine au nord et de celle de Diyala à l'est.(2)

Avec la débandade des forces armées, des milliers de djihadistes ont réussi à prendre depuis mardi Mossoul et sa province Ninive, Tikrit et d'autres régions de la province de Salaheddine, ainsi que des secteurs des provinces de Diyala et de Kirkouk. Ils contrôlent depuis janvier Fallouja, à 60 km de Baghdad. (...) Nouri Al-Maliki, un chiite honni par les rebelles sunnites et dénoncé comme un autocrate par ses détracteurs sunnites et même chiites, a appelé les tribus «à former des unités de volontaires» pour venir en aide à ses forces. Le chef de la diplomatie irakienne, Hoshyar Zebari, a par ailleurs admis que les forces de sécurité s'étaient «effondrées», notamment à Mossoul: «C'est la même débandade que ce qui s'est produit dans les rangs de l'armée irakienne lorsque les forces américaines sont entrées en Irak [en 2003]. Les soldats ont enlevé leurs uniformes militaires, enfilé des habits civils et sont rentrés chez eux, abandonnant leurs armes et leurs équipements.»


Que vont faire les Américains?

«Les Etats-Unis vont-ils se réengager en Irak?» écrit Corrine Lesnes. Barack Obama n'a exclu «aucune option»,. L'Irak va avoir besoin de plus d'aide de la part des Etats-Unis et de la communauté internationale. Notre équipe de sécurité nationale étudie toutes les options.» M.Obama a souligné qu'il y a «un enjeu» pour les Etats-Unis à «assurer que ces djihadistes ne s'installent pas de façon permanente en Irak, ou en Syrie d'ailleurs». ((...) Les huit années de guerre ont fait plus de 4 400 morts américains pour un coût de 800 milliards de dollars (590 milliards d'euros). Lorsqu'il était candidat à la Maison-Blanche, M.Biden avait été critiqué pour avoir suggéré la partition de l'Irak en décembre 2006. (...) Depuis dix ans, l'Irak est le noeud de divergences irréconciliables entre ceux qui étaient favorables à l'invasion et ceux qui estiment que les Etats-Unis ont assez donné. Ceux-là trouvent que M.Maliki, en refusant de partager le pouvoir avec les sunnites, a creusé sa propre tombe.
«Pourquoi faudrait-il encore sauver Maliki?», a interrogé un ancien officier sur CNN. (...) Chef de file démocrate à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi s'est déclarée opposée à des bombardements. «Et quoi, après?, s'est-elle interrogée. C'est la politique erronée qui nous a menés sur ce chemin il y a onze ans.» (3)


La faute originelle: la haine anti-sunnite de Nouri al-Maliki

Pour se maintenir au pouvoir, Nouri al-Maliki écrit Gilles Meunier, est prêt à enflammer tout l'Irak. Ne parvenant pas à prendre Falloujah la rebelle, il a appelé le 29 mai dernier «tout le monde» à «s'unir dans les rangs du djihad pour lutter contre ISIS (Etat islamique en Irak et au Levant - Daash, ndlr) et ses ramifications, ainsi que les conspirateurs qui manipulent le sort des gens d'Anbar». En clair, son appel au djihad revenait à éliminer physiquement ses opposants sunnites, car ses partisans ne font pas le détail. Le 11 juin, la déclaration d'Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de Daash, appelant les djihadistes sunnites à «marcher sur Kerbala et Najaf». Le Grand ayatollah Ali al-Sistani a répondu à Daash, le vendredi 13 juin, par la voix de Abdul Mehdi al-Karbalai, son représentant à Kerbala, en appelant «les citoyens et combattre les terroristes à défendre leur pays, leur peuple et leurs lieux saints et se porter volontaires et s'enrôler dans les forces de sécurité pour mener cet objectif sacré.» (4)

La nébuleuse Eiil


« La province de Ninive écrit Gilles Munier, n'a pas été prise uniquement par les
djihadistes de l' «Etat islamique en Irak et au Levant)», mais par une coalition d'opposants sunnites armés comprenant des membres de tribus hostiles au régime de Baghdad, d'anciens officiers, sous-officiers et soldats de l'armée irakienne dissoute par Paul Bremer, des combattants soufis - notamment de la confrérie Naqshbandiyya - ainsi que par des militants baasistes, islamo-baasistes ou nationalistes irakiens. L'union faisant la force, les opposants sunnites ont mis pour un temps de côté leurs différends politiques et religieux, et coordonné leurs activités au sein de Conseils militaires révolutionnaires. Objectif: Renverser Nouri al-Maliki. Les djihadistes sunnites ont maintenant des chars, des véhicules de transports blindés, des Humvees et même des hélicoptères Blackhawks récupérés dans les bases désertées par les troupes du régime. De plus, on estime à 429 millions de $ le montant des sommes confisquées par les «insurgés» dans les banques de Mossoul». (5)


Nasser Kandil, directeur de TopNews ne dit pas autre chose quand il écrit: «En Irak, l'armée régulière a vacillé et les villes de deux provinces, Ninawa [Ninive] et Salah ad-din, sont rapidement tombées devant l'avancée de Daech [Eiil: État islamique en Irak et au Levant], alors même qu'il perdait ses positions dans la région d'Al-Anbar. Cette nouvelle donne s'est produite grâce à la complicité de certains éléments de l'armée de l'ancien régime irakien et de partisans, dirigés par Izzat al-Douri qui les ont rejoints. Lequel, Izzat al-Douri, a troqué sécularisme et nationalisme contre une sienne armée qu'il nomme «Naqchbandi» dont la mission première est de combattre «la tutelle chiite et l'occupation iranienne de l'Irak», contre monnaie sonnante et trébuchante venue de l'Arabie Saoudite et du Qatar, alors que la Turquie se contente de lui assurer de quoi «camper» sur son territoire».(6)

Cette attaque surprise de «Naqchbandi», parrainée par la Turquie, l'Arabie Saoudite et le Qatar, vise à renverser la situation en Irak, Le but: rompre la continuité géographique des «alliés de la Résistance», sur l'axe Irak-Syrie-Liban, maintenant que Homs [Syrie] est libérée, afin de tenir de quoi négocier en agitant le spectre de «la partition de l'Irak». Autrement dit, un Irak tripartite fédéral contre une Ukraine tripartite fédérale en vertu d'une démographie similaire, parallèlement à la tentative d'entraîner le PKK dans la guerre en lui promettant un État kurde. La solution: une Fédération Irak-Syrie, qui inverserait les règles du jeu, en attendant de fédérer le Liban et la Jordanie...La partie d'échec se poursuit.» (6)

Ce que nous retiendrons des conséquences de la démocratie aéroportée


La troisième guerre du Golfe a commencé le 20 mars 2003 avec l'invasion de l'Irak (dite «opération Iraqi Freedom») elle s'est terminée le 18 décembre 2011 avec le retrait des dernières troupes américaines. L'invasion a conduit à la défaite rapide de l'armée irakienne, à la capture et l'exécution de Saddam Hussein et à la mise en place d'un nouveau gouvernement... Cette guerre aura duré 3207 jours, soit huit ans et neuf mois. En janvier 2012, Iraq Body Count, estime que 105.052 à 114.731 civils irakiens sont morts dans les violences, constituées essentiellement d'attentats, et au moins 250.000 civils irakiens auraient été blessés, la revue scientifique The Lancet a, dans une seconde étude publiée le 11 octobre 2006, estimé que le nombre de morts liés à la guerre était situé entre 426.369 et 793.663. Pour rappel, l'Irak avait un système éducatif et de recherche performant. Un célèbre dicton permet de situer le niveau intellectuel «Les livres étaient rédigés en Egypte, imprimés à Beyrouth et lus en Irak».

Résultat des courses: après la guerre il y eut 12 ans d'embargo et dans le programme «Pétrole contre nourriture», cet embargo s'est soldé par la mort de 500.000 enfants irakiens des suites de la maladie et de la malnutrition: «Ce n'est pas cher si c'est le prix à payer pour faire partir Saddam», disait Madeleine Albright secrétaire d'Etat de Bill Clinton. Les dommages aux infrastructures civiles sont immenses: les services de santé sont pillés. Le patrimoine culturel est en miettes Les tensions religieuses sont exacerbées.

Marie Le Douaran a raison d'écrire que pour plusieurs observateurs, les causes de cette crise se trouvent dans l'intervention américaine de 2003. (..) Aux Etats-Unis, des voix politiques font également ce lien de cause à effet. L'ancien républicain Lincoln Chafee, le seul de son groupe au Sénat à s'être opposé à l'intervention en Irak, estime que George W. Bush a «remué un nid de frelons» en Irak et déclenché les divisions sectaires qui se jouent actuellement. Ce que nous voyons, c'est (...) un produit dérivé, même involontaire, de notre invasion.» (7)

Avec élégance, Badia Bendjelloun résume le drame du Proche-Orient. «On peut, écrit -elle, verser parmi les autres bienfaits du remodelage du Proche et Moyen-Orient, les enfants nés avec des malformations congénitales avec une fréquence anormalement élevée lorsque leurs parents ont été exposés à l'uranium appauvri,(...) La séquelle peut-être la plus douloureuse pour la nation irakienne est cette Constitution rédigée par des avocats de New York qui consacre le principe de l'éclatement du pays en trois zones ethniques et confessionnelles avec autonomie politique et économique, singulièrement sur les ressources énergétiques. (...) Pas un jour ne se déroule sans qu'un attentat - d'origine sectaire ou non, rappelant les années noires qu'a vécues l'Algérie juste après 1991 dans une coïncidence chronologique curieuse - ne fasse plusieurs dizaines de morts (..) Dès les premiers mois de l'occupation de l'Irak, la menace sur la Syrie s'est exprimée d'abord sous la forme de la résolution 1559 négociée entre la France par la voix de son ambassadeur Jean-David Lévite et les US(a) avec son homologue pour le Moyen-Orient Elliot Abrams. (...) À l'automne 2003, de nouvelles sanctions américaines sont prises à l'encontre de la Syrie au titre du «Syrian Accountability Act». (8)

L'Irak une des plus brillantes civilisations que l'humanité ait connues sombre dans un chaos qui, à moins d'un miracle, semble être parti pour durer. Tout ceci pour, en définitive, une mainmise sur des matières premières -L'AIE rassure, le pétrole continuera à couler- Cette décomposition est programmée de longue date par les néoconservateurs étasuniens: les dirigeants politiques occidentaux ne comprennent pas que le monde est complexe et plus que jamais interdépendant. Même si l’armée reprend l’initiative grâce à l’aide des Américains qi ont leur porte-avion- ironie du sort , appelé Georges Bush père- positionné dans golfe, l'effet papillon à a plus que jamais sa signification. Ce ne sont pas les exemples d'ingérences qui manquent de Mossadegh à Lumumba, de Allende à Saddam, à Kadhafi. Les ennemis d'hier sont les amis d'aujourd'hui avant de redevenir les ennemis de demain. Business as usual.


1. Christophe Ayad http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/12/les-djihadistes-de-l-eiil-aux-portes-de-bagdad_4436523_3218.html

2. Le Monde.fr avec AFP et Reuters 14.06.2014

3. Corine Lesnes: La décomposition de l'Irak tétanise l'Amérique Le Monde 13.06. 20014
4. Gilles Munier http://www.france-irak-actualite.com/2014/06/le-djihad-anti-sunnite-de-nouri-al-maliki.html


5. Gilles Munier: La guerre éclair djihadiste contre Nouri al-Maliki 13 Juin 2014,

6. http://www.mondialisation.ca/but-de-la-coalition-eiil-turquie-arabie-saoudite-qatar-et-otan-en-irak/5386871

7. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/offensive-djihadiste-en-irak-un-produit-derive-de-l-intervention americaine_1550738.html#60zQksDS3w1JxoWO.99

8. Badia Benjelloun http://www.dedefensa.org/ article Cela_fait_dix_ans_19_03_2013.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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7 juin 2014 6 07 /06 /juin /2014 09:40

«L'usage d'armes de longue distance, à faible niveau de contrôle [humain, ndlr] ou connectées à des capteurs placés sur le terrain, mène à une automatisation du champ de bataille où le soldat joue un rôle toujours plus réduit... Toutes les prédictions s'accordent sur le fait que si l'homme ne domine pas la technologie mais la laisse le dominer, il sera détruit par celle-ci.»

Déclaration du Comité international de la Croix-Rouge (1987)

Nous avons vu dans une contribution précédente la puissance des drones qui peuvent être utilisés pour le meilleur et surtout pour le pire. En face du kamikaze, le drone du pauvre la façon de faire la guerre a changé totalement depuis que les puissances occidentales ne se font plus la guerre entre elles. La doctrine est celle de «zéro mort» chez le puissant et le maximum de morts chez l'adversaire. Cette technologie infernale concernant la mort est le drone avec des noms qui font froid dans le dos: drone predator, drone furtif, drone reaper (faucheuse). Dans cette contribution, nous allons décrire rapidement les prouesses remarquables pour la technologie des robots qui rendent service à l'humanité ne le «réparant», et nous allons rapporter les interrogations des scientifiques et des stratèges militaires quant au libre arbitre des robots dans des situations spéciales où ils devront faire des choix qui ne sont pas prévus par des algorithmes des ordinateurs embarqués à leur bord.



Les prouesses actuelles: des merveilles

On se rappelle de l' androïde étonnant et un peu froid dans le dos de Boston Dynamics La Nasa a mis en place un robot humanoïde de 1,90 m de hauteur qui pourrait un jour vous extraire à partir d'un bâtiment en feu et peut même faire la première promenade sur le sol martien. Le robot Valkyrie est conçu pour être capable de marcher avec assurance sur un terrain difficile, ce qui le rend parfait pour les scénarios post-catastrophe. Valkyrie est recouvert de matériaux souples afin qu'il se sente plus réconfortant pour les humains qui le touchent. Il est également parsemé de caméras qui pourraient aider les opérateurs humains pour l'étude des milieux environnants et les survivants sur place dans des scènes post-catastrophe. Et tandis que l'Atlas est actuellement alimenté par une attache de câble Walkyrie est déjà en marche l'alimentation électrique sac à dos».(1)



L'impressionnant bras robotisé d'un batteur amputé

Privé d'avant-bras droit, Jason Barnes a continué de pratiquer la batterie grâce à des prothèses. La dernière en date est à la fois capable d'obéir finement aux mouvements de son biceps et de s'adapter à la musique environnante. Avec cette intelligence extra artificielle, l'humain et la machine se combinent pour faire de Barnes une sorte de «batteur surhumain», commente Gil Weinberg le directeur du programme de recherche. Il pense que les robots pourraient nous aider à faire de la musique qu'un humain seul ne pourrait pas. Ce n'est pas seulement un grand pas en avant pour les amputés mais aussi pour les batteurs qui cherchent à utiliser la technologie. Jason Barnes va utiliser la prothèse lors d'un concert le 22 mars lors du festival de sciences d'Atlanta, le test ultime pour tout ce qui touche à la musique. Il s'y trouvera au côté d'un robot dansant nommé Shimi. Martin Koppe 07 mars 2014» (2)


Avènement des drones: pour le pire et pour le meilleur

Dans une contribution, j'avais décrit les heurs et les malheurs (pour les victimes) des drones. Une technologie remarquable de prouesses pour le bien mais surtout pour le mal. Les drones qui ont été utilisés pour semer la mort à distance en appuyant sur un joystick connaissent depuis quelque temps des applications civiles. Les forces armées des États-Unis disposent, depuis les années 1990, de la plus grande flotte de drones en service... En janvier 2010, l'inventaire est de 6819 drones de tout type, dont environ 200 appareils à haute altitude Hale (Predator, Reaper, Global Hawk...), et les états-majors réclament 800 drones à haute altitude pour l'avenir. L'US Navy consacrera par exemple, un budget à ces drones de 2 milliards de dollars américains pour 2013-2015 et qui devrait monter à 7 milliards en 2020.(3)

Quelle est l'éthique en pareil cas? Où est la morale?

Pour Grégoire Chamayou, chercheur en philosophie au Centre national de la recherche scientifique (Cnrs) à Lyon: «L'usage de ces engins sans pilote, qui bouleverse les règles de la guerre, ne suscite pas de rejet massif dans l'opinion en Occident, alors que les attentats-suicides apparaissent comme le sommet de la barbarie. Le philosophe Walter Benjamin, poursuit-il, a réfléchi sur les drones, sur les avions radiocommandés que les penseurs militaires du milieu des années 1930 imaginaient déjà. Ce qui les distinguait à ses yeux était moins l'infériorité ou l'archaïsme de l'une par rapport à l'autre que leur «différence de tendance»: «La première engageant l'homme autant que possible, la seconde le moins possible. L'exploit de la première, si l'on ose dire, est le sacrifice humain; celui de la seconde s'annoncerait dans l'avion sans pilote dirigé à distance par ondes hertziennes.» D'un côté, les techniques du sacrifice; de l'autre, celles du jeu. D'un côté, l'engagement intégral; de l'autre, le désengagement total. D'un côté, la singularité d'un acte vivant; de l'autre, la reproductibilité indéfinie d'un geste mécanique. D'un côté, le kamikaze, ou l'auteur d'attentat-suicide, qui s'abîme une fois pour toutes en une seule explosion; de l'autre, le drone, qui lance ses missiles à répétition comme si de rien n'était. Alors que le kamikaze implique la fusion complète du corps du combattant avec son arme, le drone assure leur séparation radicale. Kamikaze: mon corps est une arme. Drone: mon arme est sans corps. Les kamikazes sont les hommes de la mort certaine. Les pilotes de drone sont les hommes de la mort impossible. (...) kamikaze et drone, arme du sacrifice et arme de l'autopréservation, ne se succèdent pas de façon linéairement chronologique, l'un chassant l'autre comme l'histoire, la préhistoire. Ils émergent au contraire de façon conjointe, comme deux tactiques opposées qui historiquement se répondent.(..) Drone et kamikaze se répondent comme deux motifs opposés de la sensibilité morale. Deux ethos qui se font face en miroir, et dont chacun est à la fois l'antithèse et le cauchemar de l'autre.»(4)



Les militaires américains veulent enseigner aux robots le bien et le mal

L'inquiétude concernant les éventuels comportements erratiques des robots est réelle:
«Est-ce que les robots sont capables de raisonnement moral ou éthique? L'Office of Naval Research attribuera 7,5 millions de dollars de l'argent de la subvention sur cinq ans à des chercheurs de l'université de Tufts, Rensselaer Polytechnic Institute, Brown, Yale et Georgetown à explorer comment construire un sens du bien et du mal dans les systèmes robotiques autonomes. «Même si les systèmes sans pilote d'aujourd'hui sont«muets»par rapport à un homologue humain, des progrès sont faits rapidement pour intégrer plus d'automatisation à un rythme plus rapide que ce que nous avons vu auparavant,» Paul Bello, directeur du programme de sciences cognitives à l'Office of Naval Research dit Defense One. «Même si ces systèmes ne sont pas armés, ils peuvent encore être obligés de prendre des décisions morales», a déclaré Bello.» (5)


Que se passera-t-il le jour où un robot tuera un être humain?

Après les drones et leurs méfaits, les robots. Xavier de La Porte rapporte les interrogations des scientifiques et des militaires sur la notion de bien et de mal d'un robot. Nous l'écoutons: «Les machines peuvent-elles être morales? Les robots sont-ils capables de raisonnement éthique? C'est la question que se posait récemment la revue de The Atlantic, en écho à un débat qui agite la recherche américaine. Pour l'instant, le contexte de cette question est d'abord militaire et se concentre autour des robots qui pourraient prendre seuls la décision de tirer. Eh oui, les militaires y travaillent, construire des robots qui décident seuls, sans intervention humaine, de tuer. Aujourd'hui, les Etats-Unis interdisent le robot tueur et des systèmes semi-autonomes ne peuvent pas identifier et frapper des cibles qui n'auraient pas été sélectionnées par un opérateur humain. Mais, expliquent les militaires, même à des systèmes non armés vont se poser des questions morales. Par exemple, en cas de catastrophe, un robot peut se trouver dans la position de décider qui évacuer en premier, qui traiter en premier, et donc se trouver face à un choix moral. Il est donc nécessaire que les machines soient dotées d'une sorte de raisonnement éthique qui leur permette d'agir. Le problème, c'est: comment implémenter quelque chose d'aussi abstrait que la morale dans un système technique?» (6)


«Certains avancent que ces robots, et notamment sur un champ de bataille, seraient capables d'agir plus moralement que les êtres humains, parce qu'ils sont capables d'envisager plus de situations et qu'ils sont capables de suivre à la lettre les règles d'engagement. Pour d'autres, ça n'aboutira pas à la constitution d'un sentiment moral chez les robots. Pour avoir un sens moral, il faut comprendre autrui, savoir ce que c'est que souffrir. On peut implémenter dans une machine quelques règles basiques de morale, mais ça ne constitue pas pour autant un sens moral, la machine aura pour moralité celle de l'être humain qui l'a programmée.»(6)


«Xavier de La Porte poursuit en citant un cas simple: «Un tram avance sur une voie, s'il continue tout droit, il va tuer cinq personnes qui sont sur la voie. Pour éviter cela, il suffit de le dévier sur une autre voie, où il tuera une seule personne qui se trouve là. De l'extérieur, le calcul est simple, on sauve quatre personnes en déviant le tram, c'est donc la meilleure solution. Oui, mais, moralement, il y a une différence entre laisser faire quelque chose (ce qui équivaut en l'occurrence à tuer les cinq personnes), et tuer volontairement (en l'occurrence, sacrifier la personne qui se trouve sur l'autre voie). Et puis, on peut compliquer la situation en mettant cinq vieux d'un côté et un enfant de l'autre, ou en panachant les groupes... Un être humain va faire son choix en fonction de tout cela, mais dans une urgence qui rend excusable la décision. L'ordinateur n'est pas excusable. L'urgence n'a pas de sens pour une machine. (...) Etre doté d'un sens moral est-ce une première forme de conscience? Ce sont à la fois de magnifiques questions théoriques, et des questions pratiques qui se poseront très vite: que se passera-t-il le jour où un robot tuera un être humain?» (6)



Comment sauver l'humanité de l'extinction ?

Il n'est pas étonnant de ce fait que les Nations unies s'émeuvent et font un procès d'intention aux robots sur leur moralité... Philippe Vion-Dury nous rapporte les débats: «Un débat peu commun s'ouvre aujourd'hui et pour quatre jours à l'ONU: le développement et l'emploi sur les champs de batailles d'armes autonomes. (...) Les armes pleinement autonomes, plus souvent appelées «robots tueurs», sont des drones nouvelle génération capables d'effectuer une mission et de détruire des cibles sans aucune intervention humaine. A la différence des armes actuelles, pilotées et actionnées par la main humaine, fusse-t-elle à des milliers de kilomètres de l'engin, ces robots tueurs ont pour maître un algorithme. Fin 2012, une ligue de prix Nobel et d'associations de droits de l'homme avait lancé un appel à la mobilisation contre ces robots tueurs. L'ONG Human Rights Watch avait au même moment publié le rapport «Losing Humanity» qui annonçait les premières moutures opérationnelles de cette nouvelle génération de robots d'ici deux à trois décennies, Plus récemment, le professeur américain spécialiste de la robotique Noel Sharkey, présent cette semaine à l'ONU, avait lancé la campagne «Stop Killer Robots».(7)

«Sauver des vies ou détruire l'humanité poursuit Philippe Vion-Dury? La justification du côté des laboratoires militaires est toujours la même: épargner des soldats en robotisant les forces armées, et pourquoi pas des vies si les algorithmes venaient à être suffisamment performants pour éviter «l'erreur humaine». De l'autre côté, nous avons les «antis» qui se divisent en trois catégories: les juristes: eux pointent du doigt l'incompatibilité de ces technologies avec plusieurs conventions internationales relatives au droit de la guerre et au droit humanitaire; les humanistes: leur argumentaire se fonde plus sur l'impossibilité de l'existence d'un «jugement humain» chez une machine, pouvant épargner des vies et faire preuve d'une conscience. Ils dénoncent généralement la distanciation du soldat et du terrain qui fait de la guerre un jeu, plus virtuel que réel; les Cassandres: ces derniers voient encore plus loin et s'inquiètent de cette délégation du pouvoir de vie et de mort à des machines toujours plus puissantes, toujours plus inter-connectées et plus autonomes. Ceux-là craignent clairement un scénario «Skynet», en référence à l'IA dans la série Terminator responsable de la quasi extinction de l'humanité».(7)

En conclusion, il reste aux pays faibles de s'en remettre à la morale des conventions des Nations unies. « L'article 36 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 écrit Philippe Vio-Dury oblige les Etats à évaluer la compatibilité d'une nouvelle technologie de l'armement avec les principes de droit international et humanitaire auxquels ils sont liés. Or le rapport «Losing Humanity» souligne que plusieurs règles de droit international pourraient contrevenir au développement des robots tueurs. (...) Le rapport appelle donc les Etats développant cet armement à respecter leurs obligations, c'est-à-dire «émettre des rapports juridiques détaillés sur toute technologie proposée ou existante qui pourrait conduire à de tels robots». Ces rapports permettraient, selon l'état d'avancement de la technologie, de mieux établir la compatibilité ou l'incompatibilité de ces robots avec les principes du droit humanitaire ». (8)

« Les rédacteurs du rapport eux, n'ont pas attendu les compte-rendus des Etats pour rendre leurs conclusions sur l'usage des robots tueurs: pour être conformes au droit humanitaire international, les armes pleinement autonomes auraient besoin, selon eux, «de qualités humaines dont elles manquent de façon inhérente». En particulier, de tels robots «n'auraient pas la capacité de se lier aux autres humains et comprendre leurs intentions». (...) Pour être conformes au droit humanitaire international, les armes pleinement autonomes auraient besoin, selon eux, «de qualités humaines dont elles manquent de façon inhérente». En particulier, de tels robots «n'auraient pas la capacité de se lier aux autres humains et comprendre leurs intentions».(8)

On le voit l’’humanité en voulant « se sauver » risqué de courir à sa perte. Les docteurs Frankeinstein qui nous fabriquent des monstres ne sont pas guéris du mythe de Prométhée. Si on devait parler de moral, c’est d’abord l’humain qu’il faut interroge . Ce qu’il fait dans la biogénétique et le trans-humanisme pose question et apparemment les gardes fous éthiques ne jouent pas leur rôle. Le brevetage du vivant deviendra de plus en plus un marché. L’humanité se dérègle tous les jours sous nos yeux. La nature se dérègle aussi à cause de l’homme Est-ce la fin de l’humain tel que nous l’avons connu ?


1. Kit Eaton http://www.fastcompany.com /3023297/ tech-forecast/nasas-6-foot-valkyrie-will-rescue-you-from-buildings

2. http://www.maxisciences.com/musique/l-impressionnant-bras-robotise-d-039-un-batteur-ampute_art32132.html

3. http://www.legrandsoir.info/avenement-des-drones-pour-le-pire-et-pour-le-meilleur.html


4. G. Chamayou, http://www.monde-diplomatique.fr/2013/04/CHAMAYOU/49004


5.http://www.theatlantic.com/technology/archive/2014/05/the-military-wants-to-teach- robots-right-from-wrong/370855/

6. Xavier de La Porte http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/21/passera-t-jour-robot-tuera-etre-humain-252331

7. Philippe Vion-Dury http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/13/terminator-a-lonu-debats-souvrent-sauver-lhumanite-lextinction-252120

8. Philippe Vion-Dury Un Terminator opérationnel d'ici vingt ans Rue 89 23 11 2012

Professeur Chems Eddine Chitour

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7 juin 2014 6 07 /06 /juin /2014 09:38

«Soldats, marins et aviateurs des Forces expéditionnaires alliées! Vous êtes sur le point de vous embarquer pour la grande croisade vers laquelle ont tendu tous nos efforts pendant de longs mois. (…) Les espoirs, les prières de tous les peuples épris de liberté vous accompagnent. Vous apporterez la sécurité dans un monde libre. La fortune de la bataille a tourné! Les hommes libres du monde marchent ensemble vers la Victoire! Bonne chance!(…) Implorons la bénédiction du Tout-Puissant sur cette grande et noble entreprise.»

Message d'Eisenhower aux troupes d'assaut, le 5 juin 1944

Nous avons toujours gardé une image fabuleuse du débarquement ; Notamment, nous fûmes subjugués pour ne pas dire conditionnés par le fim culte : « Le jour le plus long » , Ce ne sont pas moins de 5 réalisateurs de nationalités différentes qui nous font découvrir le débarquement allié en Normandie du 6 juin 1944. Nous vîmes et admirâmes une pleiade d’acteurs tout aussi mythiques les uns que les autres Un casting de haut vol s'y associe : John Wayne, Bourvil ou encore Sean Connery, Henry Fonda , Robert Mitchum mais aussi des milliers de figurants. Certains événements de cette campagne militaire historique ont été passés sous silence. Les fils connus de l'opération Overlord. Qui se souvient par exemple que les gros ballons des parades d'un grand magasin new-yorkais ont inspiré une supercherie à l'origine de la réussite du D-Day? Les Alliés ont en effet eu l'idée de faire appel à l'entreprise Goodyear pour créer une armée en caoutchouc. Des chars et des barges gonflables devaient faire croire à un débarquement dans le Pas-de-Calais et détourner l'attention d'Hitler.» (1)



L'opération Overlord

On sait que le 6 juin 1944, ils étaient 177 Français à débarquer sur les côtes de Normandie, auprès des Alliés: un abbé, un repris de justice, un ancien légionnaire, un jeune marié, un ouvrier, un gosse de 17 ans, originaires de la métropole, de la Tunisie, de l'Algérie ou de Madagascar. Recrutés en Grande-Bretagne au début de la guerre, ils ont été entraînés à la dure en Ecosse avant de porter fièrement le béret vert du commando Kieffer.
«Aujourd'hui, 70 ans après, l'opération Overlord reste la campagne militaire la plus héroïque de l'histoire. Retour sur des aspects méconnus du débarquement. C'est la phase d'assaut de l'opération Overlord qui vise à créer une tête de pont alliée de grande échelle dans le nord-ouest de l'Europe et l'ouverture d'un nouveau front à l'Ouest. Une fois les plages prises, l'opération se poursuit par la jonction des forces de débarquement et l'établissement d'une tête de pont sur la côte normande puis l'acheminement d'hommes et de matériels supplémentaires. L'opération cesse officiellement le 30 juin 1944. La flotte d'invasion était composée de 6939 navires (1213 navires de guerre, 4126 navires de transport et 1600 navires de soutien dont de nombreux navires marchands) provenant de huit marines différentes. (2)

La mise en place de cette énorme flotte s'effectua dans tous les ports de la côte
Sud de l'Angleterre, de Plymouth jusqu'à Newhaven.» (2)287.000 personnes embarquées à bord des navires alliés le Jour J dont 177 - Nombre de soldats du commando français Kieffer ayant débarqué sur Sword Beach. 200.000 obstacles de plage installés par les Allemands le long du Mur de l'Atlantique, 200.000 véhicules alliés de toutes sortes débarqués en Normandie le 6 juin 1944 à minuit. 11.590 appareils alliés (chasseurs, bombardiers, transport, reconnaissance et planeurs), 10.395 tonnes de bombes alliées larguées sur la Normandie toute la journée du 6 juin 1944, 9 500 - Nombre d'avions alliés d'attaque et d'appui en vol le Jour J.
7616 tonnes de bombes alliées larguées sur la Normandie dans la nuit du 5 au 6 juin 1944,11.085 missions effectuées par les forces aériennes alliées le 6 juin 1944. 10.750 sorties (aller-retour) de l'aviation alliée pendant les 24 heures du jour J. Nombre de sorties de la Luftwaffe (armée de l'air allemande) le 6 juin 1944». (2) Plusieurs milliers de morts sont aussi à compter parmi les civils.(2)



Opération Torch


Deux ans plus tôt l'opération Torch vit le débarquement des Alliés principalement en Afrique du Nord (Algérie). Les effectifs mobilisés furent moins importants Ce sont principalement des Français d'Alger sous la conduite de José Aboulker qui permirent pour une part importante l'opération de débarquement Opération Torch est le nom de code donné au débarquement des Alliés le 8 novembre 1942. La prise d'Alger se fait en un jour grâce à la Résistance française, alors qu'à Oran et au Maroc, les généraux du régime de Vichy accueillent les Alliés à coups de canon, tout en livrant la Tunisie aux Allemands sans aucune résistance, Si les Alliés réussissaient à y repousser les troupes de l'Afrikakorps de Rommel, l'Afrique du Nord permettrait ensuite de disposer d'une plate-forme pour un projet plus ambitieux qui concernerait l'Europe méridionale». (3)

L'opération qui comprenait 107.000 hommes s'effectua sur 200 bâtiments de guerre et 110 navires de transport. Elle se divisait en trois groupes ayant pour mission d'établir neuf têtes de pont sur près de 1500 km de côte. (...) Le 8 novembre 1942 à l'aube, les premiers vaisseaux de l'Opération Torch abordèrent les plages d'Afrique du Nord. Après une longue préparation, et en exécution d'accords passés secrètement à la conférence de Cherchell le 23 octobre 1942 entre la résistance algéroise et le commandement allié, 400 résistants français, dont les deux tiers étaient des Juifs ont neutralisé le 8 novembre 1942, les batteries côtières de Sidi-Ferruch et le 19e corps d'armée française d'Alger pendant une quinzaine d'heures. (...) Les diplomates et généraux américains ont eu tendance à omettre ou à minorer le rôle de la Résistance pieds noirs dans leurs relations ultérieures de l'opération Torch.» (3)



L'apport réel de la résistance lors du débarquement


Nous avons vu que les commandos du Commando Kieffer, des Français qui ont fait le débarquement, étaient composé de 177volontaires sur un total de plus de 200.000 Américains, canadiens anglais et de plusieurs pays du Commonwealth. Qu'en est-il de l'apport de la résistance (Forces françaises de l'Intérieur)?.

Dans la publication suivante, nous verrons que l'apport est beaucoup plus discret que l'histoire officielle ne l'a présenté. Nous lisons: «Le mythe des maquisards qui auraient joué un rôle très important dans la victoire des Alliés a la vie dure. Dans son ouvrage: «La Résistance expliquée à mes petits-enfants», La résistante Lucie Aubrac déclare: «Dans cette prison qu'était devenue la France, la Résistance a renseigné efficacement les Alliés, a contribué avec peu d'armes à vaincre l'occupant, a libéré seule une partie de notre pays, a aidé les Alliés sur le sol français, a poursuivi avec eux l'armée allemande jusqu'à sa totale défaite, a débarrassé la Patrie du régime de collaboration» (...) Dans son livre intitulé: Les F.T.P.,l'ancien commandant en chef des Francs-Tireurs et Partisans français, Charles Tillon, va même plus loin: il attribue la réussite du Débarquement aux FFI qui, dans les premières heures du 6 juin 1944, auraient apporté à l'opération des moyens... deux fois supérieurs à ceux des Alliés. Sa démonstration vaut la peine d'être exposée. L'auteur s'appuie tout d'abord sur une note du QG allié en 1944 selon laquelle la force des FFI «représentait l'équivalent en hommes de quinze divisions» (...)» (4)

«L'auteur «oublie» toutefois: -que les premières vagues d'assaut anglo-américaines n'étaient pas seules; elles reçurent l'appui décisif de la marine et de l'aviation qui pilonnèrent-que les «quinze divisions» FFI étaient non seulement peu armées, L. Aubrac avoue que la Résistance avait «peu d'armes» mais surtout, qu'elles n'étaient pas regroupées en Normandie pour attaquer Les forces allemandes présentes sur les lieux. Dans l'ouvrage d'Eisenhower, le satisfecit décerné à la Résistance arrive au seizième chapitre: Eh bien, dans ces 74 pages, seules... onze lignes sont consacrées à l'appui que pourrait fournir la Résistance. Et voici ce que D. Eisenhower écrit: «Notre plan reposait sur l'appoint considérable que nous escomptions de la part des mouvements des maquis en France. On savait qu'ils étaient particulièrement nombreux en Bretagne, et dans les montagnes et les collines proches de la côte méditerranéenne. [...] Nous désirions particulièrement que, le Jour J, le général De Gaulle s'adressât avec moi par radio à la population française afin qu'elle ne se soulève pas et ne s'expose pas à des sacrifices inutiles qui n'avaient pas encore d'intérêt mais qu'elle se réservât pour le moment où nous lui demanderions son appui.» C'est net: pour débarquer, les Anglo-américains n'avaient nullement besoin de l'aide de la Résistance. Ils n'en voulaient pas. Ils considéraient que ce serait des «sacrifices inutiles». Les actions de harcèlement n'ont nullement pesé sur le cours des opérations.» (4)
A l'occasion du soixantième anniversaire du Débarquement, la question suivante a été posée à Jean Vanwelkenhuyzen, un historien de référence: «La résistance a-t-elle vraiment représenté un appoint pour les armées régulières?» Il a répondu: «Il y a une légende dorée française qui a été une manière de gommer la défaite de 1940. Les maquis locaux ont pu fournir des renseignements qui échappaient à la reconnaissance aérienne et aussi jouer un rôle dans certains combats. Mais dire que cela a changé les opérations, non».» (4)


Les « dépassements » des GI: un vieux tabou

Un autre tabou honteux est la chape de plomb concernant les exactions physiques des GI'S autorisés à user et à abuser de leur position de sauveurs pour s'en prendre aux Françaises. Grégoire Kauffmann rapporte les écrits d'un ouvrage à ce propos: «Pour les GI, le Débarquement fut aussi un terrain dangereux d'aventures. Une historienne américaine s'attaque sans nuances au mythe du libérateur. De nombreux boys sont persuadés de la frivolité des Françaises. Le haut commandement US a voulu «vendre» le Débarquement comme une aventure érotique, seul moyen de galvaniser les soldats envoyés sous les orages d'acier d'Utah et Omaha Beach ».(5)

Une fois désinhibée, la libido des GI sera impossible à contenir. Le contraste entre l'indigence française et l'opulence yankee favorise toutes les combines (...) Par crainte des maladies vénériennes, les autorités américaines tenteront vainement d'encadrer le chaos. L'état-major fait des exemples en ordonnant la pendaison publique de soldats noirs accusés de viols - boucs émissaires d'une armée fondée sur la ségrégation raciale. Face à ce tsunami sexuel, une douloureuse «crise de la masculinité» s'empare du mâle français... L'historienne écorne singulièrement la geste héroïque du libérateur accueilli sous les vivats d'un peuple reconnaissant. Le recours péremptoire à la métaphore érotique, le mépris des nuances handicapent la démonstration, qui n'en décrypte pas moins l'un des derniers tabous de la Seconde Guerre.» (5)



De Gaulle tenu à l'écart du débarquement

Après la débâcle de mai-juin 40, l'armistice acceptée par le maréchal Pétain, réfugié en Angleterre dès le 17 juin 1940, De Gaulle lance sur les ondes de la radio britannique, la BBC, un appel à la Résistance le 18 juin 1940. Cela lui vaut le surnom de l'«homme du 18 juin». Rapidement avec le soutien de Winston Churchill, il fonde, à Londres, le Comité de la France libre. En juillet 1940, ils sont environ 7000. Les Alliés ont délibérément exclu De Gaulle qui n'a été informé que la veille du plan de débarquement. Ils l'ont écarté des opérations du 6 juin. De Gaulle, arrivé en Normandie le 14 juin, réussit pourtant à transformer cette humiliation en victoire politique. (6)

Tout a commencé comme nous l’avons écrit plutôt avec l'opération «Torch», le débarquement anglo-saxon, Une opération amphibie réussie militairement, qui débouche sur un véritable imbroglio politique: l'amiral Darlan, l'un des acteurs de la collaboration d'État, devient haut-commissaire en Afrique, avec l'assentiment des militaires américains et de Roosevelt. Les Américains imposent alors le général Henri Giraud, et les conflits entre De Gaulle et Guiraud ne tardèrent pas à naître. L'amiral Darlan fut éliminé.

Pourtant, à force d'opiniâtreté et d'indépendance, le 3 juin 1944, De Gaulle se légitimise graduellement malgré ses alliés Le Comité français de la Libération nationale (Cfln) que présidait le général De Gaulle devint Gouvernement provisoire de la République française (Gprf). Les Alliés anglo-saxons considéraient en effet, que, dans l'attente d'assurances démocratiques sur la représentativité du gouvernement, le rétablissement de la loi et de l'ordre dans la France libérée devrait se faire sous la supervision du général Eisenhower. Avec la création du Gprf s'ouvrait donc une période de fortes tensions qui ne prendraient fin qu'avec l'installation à Paris du gouvernement provisoire français, à la fin de l'été. Ces tensions connurent leur acmé dans les jours qui précédèrent le débarquement en Normandie. Tenu à l'écart par les Alliés de la préparation du débarquement, De Gaulle fut invité par Churchill à rejoindre Londres. Parvenu dans la capitale anglaise le 3 juin en fin de journée, il rencontra Churchill puis Eisenhower le 4. Les rencontres se passèrent très mal, De Gaulle refusant toute idée d'administration provisoire de la France par les Alliés. (...) L'opposition aux velléités alliées de prendre provisoirement les commandes en France est donc frontale. (7)


Les principaux acteurs du Jour J en Normandie

Eisenhower, Bradley, Montgomery, Churchill et De Gaulle pour les Alliés, Rommel et von Rundstedt pour les Allemands: même sans être tous en Normandie, ce 6 juin 1944, tous ont été les grandes figures du Jour J. Winston Churchill lancera son fameux appel: «Je n'ai à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur» pour un seul objectif: «la victoire, la victoire à tout prix». Charles de Gaulle tente de maintenir la France dans la guerre afin d'assurer sa présence parmi les vainqueurs. Mais il est tenu à l'écart par les Alliés de la préparation du débarquement. Début juin 1944, il refuse toute idée d'administration provisoire de la France par les Alliés. Il fait son entrée en France le 14 juin. «Depuis plusieurs jours, j'étais prêt à ce voyage. Mais les Alliés ne s'empressaient pas de me le faciliter»». (8)



Le triomphe du mythe de la libération américaine de l'Europe

Il est curieux de constater comment les médias épousant les thèses des pouvoirs peuvent changer du tout au tout. Ainsi, à titre d'exemple concernant le rôle de l'armée rouge vainqueur de Stalingrad, la première rentrée à Berlin, nous lisons: «En juin 2004, lors du 60e anniversaire du «débarquement allié» en Normandie, à la question «Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l'Allemagne» l'Ifop afficha une réponse strictement inverse de celle collectée en mai 1945: soit respectivement pour les États-Unis, 58 et 20%, et pour l'URSS, 20 et 57%. Du printemps à l'été 2004 avait été martelé que les soldats américains avaient, du 6 juin 1944 au 8 mai 1945, sillonné l'Europe «occidentale» pour lui rendre l'indépendance et la liberté que lui avait ravies l'occupant allemand et que menaçait l'avancée de l'armée rouge vers l'Ouest. Du rôle de l'Urss, il ne fut pas question. Le (70e) cru 2014 promet pire sur la présentation respective des «Alliés» sur fond d'invectives contre l'annexionnisme russe en Ukraine et ailleurs (9)...

La diabolisation de la Russie surtout avec l’affaire ukrainienne ne doti jamais nous faire oublier qu’il y eut plus de 25 millions de morts parmi les Russes , que la bataille de Stalingrad a marqué un tournant dans le conflit et que l’Allemagne après la débâcle de Von Paulus ,ne put jamais relever la tête. Les médias et les pouvoirs occidentaux devraient en toute objectivité que sans l’URSS, la guerre ne serait pas gagnée ;

Enfin, l’impérialisme amerericano-britannique a tout fait pour marginaliser de Gaulle et aboutir à un protectorat sur la France. On comprend alor,s la position de Gaulle qui avait une haute idée de la France, de se retirer par la suite, de l’OTAN, d’affermir la dimension nucléaire de la France quitte à saccager le Sahara avec une douzaine d’essais tout aussi catastrophiques les uns que les autres. Il se trouve encore des gens qui pensent que le gaz de schiste exploité par l’ancienne puissance – not in my back yard, pas chez elle-, n’abîmera pas une seconde fois, le Sahara cette fois-çi à Dieu ne plaise, d’une façon irréversible car il aura touché au meillieur viatique : l’eau. Mais ceci est une autre histoire



1. http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/05/22/la-face-cachee-du-debarquement_4420232_3246.html

2.Opération Overlord: Encyclopédie Wikipédia

3.Opération Torch: «Encyclopédie Wikipédia

4. http://forumfrance-en-guerres.clicforum.fr/t2110-Le-mythe-de-la-Resistance-qui-aurait-permis-le-Debarquement-allie-en-Normandie.htm


5. Grégoire Kauffmann Amours... la face cachée du Débarquement L'Express 03/06/2014

6.Jean-Pierre Azéma 6 juin 1944: Opération overlord - 01/05/2004 htpp//histoire.presse.fr
7.http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00312/6-juin-1944-la-bataille-supreme-est-engagee.html


8. http://quebec.huffingtonpost.ca/2014/05/23/les-principaux-acteurs-du_n_5377215.html


9. http://www.mondialisation.ca/le-debarquement-du-6-juin-1944-du-mythe-daujourdhui-a-la-realite-historique/5385061

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 18:38

« Il est trop facile de faire des suggestions et d'essayer par la suite de se soustraire à leurs conséquences. »

Nehru

La 17e Conférence ministérielle du mouvement des pays non alignés s'est tenue les 28 et 29 mai, à Alger, dans un climat empreint de nostalgie. Le Palais des nations du Club des Pins avait abrité, il y a quarante et un ans, le 4e Sommet de l'organisation, incarnation du tiers-monde. Une organisation conçue il y a près de soixante ans en 1955 à Bandung, en Indonésie, sous la houlette de l'Indien Nehru, de l'Égyptien Nasser, ou encore de l'Indonésien Soekarno et née, en 1961, à Belgrade sous l'impulsion du président de la Yougoslavie, Tito.

Cet anachronisme a pour nous un air de déjà-vu. L'Algérie ambitionne de donner un nouveau souffle au mouvement des Non-alignés. Le sommet ministériel qui a eu lieu au Palais des nations à Alger s'est fixé comme objectif, justement, d'identifier de nouvelles missions « Nous espérons que cette conférence donnera un nouvel élan au mouvement pour qu'il soit une force qui s'impose au sein de la communauté internationale », a affirmé le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Cette conférence se veut aussi une impulsion à la capacité de proposition et d'action du mouvement sur les grandes questions internationales, en particulier celles touchant à la paix et à la sécurité, au développement et aux droits de l'homme. Dans le contexte mondial actuel, le chef de la diplomatie algérienne estime que le mouvement se doit de redoubler de vigilance et de vision pour être partie prenante aux changements qu'il est nécessaire d'opérer et aux nouveaux équilibres qu'il est indispensable d'édifier. »

« Les réponses aux grands déséquilibres économiques et financiers ne peuvent se concevoir que dans le cadre d'une approche globale prévoyant des mesures concertées en matière d'aide au développement, d'allégement de la dette, d'accès aux marchés, d'emploi, d'environnement et de transfert de technologies », a-t-il soutenu.

« La Conférence d'Alger, écrit Chérif Ouazani, a fait le plein : 106 pays représentés sur les 120 membres, 90 chefs de la diplomatie et d'éminentes personnalités, tels l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki, Lakhdar Brahimi, le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil el Arabi, le Suisse Jean Ziegler, ex-rapporteur spécial de l'ONU pour l'Alimentation.
Les revendications sont toujours les mêmes, mais demeurent assez revendicatives : réforme de la gouvernance mondiale et du système des Nations unies, élargissement du Conseil de sécurité à de nouveaux membres permanents issus des ´´continents oubliés´´, refondation des relations financières avec remise en cause des institutions de Bretton Woods. Le thème de la Conférence ´´Solidarité renforcée pour la paix et la prospérité´´ a très vite imposé présent et avenir.(...) La Déclaration d'Alger insiste sur une ´´préparation minutieuse des échéances à venir : le 70e anniversaire de l'ONU, en septembre 2015, et l'évaluation des Objectifs du Millénaire pour le développement humain (OMD) à la même date. Le rendez-vous est pris, la Bolivie d'Evo Morales accueillera le sommet du G 77+ la Chine, le 14 juin. » (1)

Pour l'histoire, le mouvement des Non-alignés est une organisation internationale regroupant 120 États en 2012, qui se définissent comme n'étant alignés ni avec ni contre aucune grande puissance mondiale Le but de l'organisation défini dans la « Déclaration de La Havane » de 1979 est d'assurer : « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l'impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, la ségrégation, le racisme, et toute forme d'agression étrangère, d'occupation, de domination, d'interférence ou d'hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques » et de promouvoir la solidarité entre les peuples du tiers-monde.



Le MNA : combien de divisions ?

Lors du Sommet de Téhéran de 2012, c'est surtout les intérêts de l'Iran qui ont été débattus. « On se souvient que les membres du MNA ont été, pendant la guerre froide, majoritairement alignés plutôt sur les positions soviétiques. Pour autant, et surtout passées les périodes de la décolonisation et de la Guerre froide, le MNA n'a jamais été plus qu'un forum réunissant un nombre conséquent de pays (...) Désormais, dans un monde plus multipolaire, où les organisations régionales se sont multipliées, chacun des grands Etats « émergents » a ses propres stratégies régionales et globales : Le MNA en a été affaibli d'autant, certains de ces pays se contentant désormais du statut« d'observateur au MNA ». (...) La question : « les Non-alignés, combien de divisions ? » doit donc se comprendre dans les deux acceptions du mot « division » : la force numérique apparente, si l'on s'en tient à la seule liste des adhérents ; mais aussi les clivages et les affrontements internes (...) » (2)


La réalité du monde ; les vrais décideurs :

Le monde est devenu fébrile. Chaque pays en fonction de son poids réel cherche des alliance. Nous allons dans ce qui suit lister quelques ensembles, tous nés après la chute de l'Empire soviétique. Ces ensembles sont économiques et militaires ce qui n'est pas le cas du MNA qui continue à ronronner et à vivre dans le passé où il avait une légitimité au sortir des décolonisations.


*L'Organisation de coopération de Shanghai est une organisation intergouvernementale régionale asiatique qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. Elle a été créée à Shanghai les 14 et 15 juin 2001 par les présidents de ces six pays. Elle avait pour but d'améliorer les relations entre membres : régler les problèmes de frontière sur l'ancienne frontière sino-soviétique, faciliter la coopération économique. L'OCS rassemble le pays le plus vaste du monde (la Fédération de Russie) et le plus peuplé (la Chine) au total. 32,3 millions de km². La population des six pays et quatre États observateurs est de 2 milliards 755 millions d'habitants (40% de la population mondiale). Les membres de l'OCS regroupent 20% des ressources mondiales de pétrole, 38% du gaz naturel, 40% du charbon, et 50% de l'uranium. Parmi les forces militaires mobilisables, on trouve notamment : Russie : 1,1 million d'hommes, 10.000 ogives nucléaires 70 sous-marins ; République populaire de Chine : 2,25 millions d'hommes, 402 ogives nucléaires, 70 sous-marins. (3)

* Le Marché commun du Sud, couramment abrégé Mercosur, est une communauté économique qui regroupe plusieurs pays de l'Amérique du Sud. Il est composé de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay actuellement suspendu, de l'Uruguay, du Venezuela. Il fut créé le 26 mars 1991. Le Mercosur représente 82,3% du PIB total de l'Amérique du Sud, et d'autre part, se constitue comme la zone économique et la plateforme industrielle la plus dynamique et compétitive de tout l'hémisphère Sud. Il est considéré comme le 4e bloc économique du monde en termes de volume d'échanges.

* L'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna, Nafta, Tlcan) est un traité, entré en vigueur le 1er janvier 1994, qui créé une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Il est en partie une réponse au Traité de Maastricht qui a été signé le 7 février 1992

*La zone de libre-échange transatlantique (Tafta) ou partenariat transatlantique de commerce et d'investissement est un accord commercial et d'investissement en cours de négociation entre l'Union européenne et les États-Unis, envisagé pour 2015. Si le projet aboutit, il s'agira de la plus importante zone de libre-échange de l'Histoire, couvrant plus de 46% du PIB mondial, et même 51,3% si elle s'étend à l'ensemble des membres de l'Aléna. Serge Halimi nous remet en perspective la réalité du monde et le danger de ce traité pour les peuples d'Europe. Il écrit à propos de ces ensembles nouveaux qui se mettent en place en prenant exemple du traité Europe-Etats-Unis : « Un aigle libre-échangiste américain traverse l'Atlantique pour ravager un troupeau d'agnelets européens mal protégés. L'image a envahi le débat public dans le sillage de la campagne pour les élections européennes. Frappante, elle est politiquement périlleuse. D'une part, elle ne permet pas de comprendre qu'aux Etats-Unis aussi des collectivités locales risquent demain d'être victimes de nouvelles normes libérales qui leur interdiraient de protéger l'emploi, l'environnement, la santé. D'autre part, elle détourne l'attention d'entreprises bien européennes et tout aussi empressées que les multinationales américaines à poursuivre en justice les Etats auxquels il prendrait la fantaisie de menacer leurs profits (...) Dans cette affaire, mieux vaut donc se méfier des couples qu'on prétend liés pour l'éternité. ». (4)

Pierre Bourdieu avec sa lucidité coutumière a raison d'écrire : « L'Europe ne dit pas ce qu'elle fait, elle ne fait pas ce qu'elle dit. Elle dit ce qu'elle ne fait pas. Cette Europe qu'on nous construit est une Europe en trompe-l'oeil ».

Le nouveau rapprochement russo-chinois

Il n'est un secret pour personne que les relations vont mal entre un Ouest sur le déclin et capable de tout et un Orient qui émerge inéluctablement. Le différend avec la Russie, mais aussi avec la Chine est dû à un problème de leadership que les Etats-Unis ne veulent pas perdre. Nous l'avons vu avec l'affaire ukrainienne et syrienne, la Russie s'est chaque fois dressée contre. Malgré les sanctions, Poutine noue des nouveaux liens. « La Chine et la Russie écrit Michel L'homme ont conclu à Shanghai un méga-contrat d'approvisionnement gazier, fruit d'une décennie de négociations. La Russie fournira en gaz la deuxième économie mondiale à partir de 2018, et le volume livré gonflera « pour atteindre à terme 38 milliards de mètres cubes par an ». Le prix total du contrat conclu pour 30 ans se chiffre à 400 milliards de dollars. (...) La signature de ce mégacontrat intervient, alors que les relations entre la Russie et les pays occidentaux connaissent une période de vives tensions sur fond de crise ukrainienne et syrienne. (...) Après cette conférence, des exercices militaires conjoints russo-chinois ont été décidés et programmés pour 2015. Pourquoi ? Pour obliger l'Amérique à « jouer selon les règles des pays civilisés », a estimé mardi, Igor Korottchenko, directeur du Centre d'analyse du commerce mondial des armes (Tsamto Ainsi, la participation de la Chine à ces exercices montre une fois de plus que Moscou et Pékin ont des objectifs communs et partagent les mêmes positions sur les événements en cours dans le monde. Il est, en effet, devenu nécessaire d'empêcher les Etats-Unis de décider seuls des destinées du monde, ont estimé ensemble la Russie et la Chine. (...) »(5)

Les tensions avec la Chine commencent à devenir sérieuses si l'on lit ce communiqué chinois : « (...) La construction du nouveau modèle des relations sino-américaines exige des deux pays qu'ils se respectent et se traitent d'égal à égal (...) Or, le discours du secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, va à l'encontre de la construction de ce modèle, a indiqué à la presse, Wang Guanzhong, chef adjoint de l'état-major général de l'Armée populaire de libération (APL), après le discours de M.Hagel lors du Dialogue de Shangri-La, qui se tient à Singapour ». M.Hagel a porté des accusations sans fondement contre la Chine sur la question de sa souveraineté en mer de Chine méridionale, ajoutant que ´´la Chine a mené des opérations déstabilisantes et unilatérales pour défendre ses revendications en mer de Chine méridionale (...) L'année dernière, au cours d'une réunion entre le président chinois, et son homologue Barack Obama, les deux parties étaient parvenues à un consensus sur la création d'un nouveau modèle entre les deux grandes puissances, fondé sur le respect mutuel et une coopération mutuellement bénéfique ».(6)

De même, la Russie a signé le 29 mai avec le Bélarus et le Kazakhstan la création d'une Union économique eurasiatique ´´Aujourd'hui, nous allons créer ensemble un centre puissant et attractif de développement économique, un marché régional important qui unira 170 millions de personnes´´, a déclaré M.Poutine, ces trois pays disposaient d'´´énormes ressources naturelles´´, avec 1/5 des ressources mondiales en gaz et presque 15% de celles de pétrole.

Le MNA "nouveau" du XXIe siècle

Tous les traités et associations sont nés il y a moins de vingt ans après la chute du mur de Berlin. Le Mouvement des Non-alignés auquel personne ne prête plus attention n'a pas réussi en 70 ans d’existence à peser durablement sur le mouvement du monde. En fait et dans ce début de troisième millénaire, quelle ressemblance y a-t-il entre les dragons de l´Asie du Sud-Est avec une croissance à deux chiffres et qui ne rêvent que d´un cybermonde où l´informatique ; les multimédias gouvernent le monde et les pays africains qui croulent sous le fardeau de la dette, qui sont en voie de disparition et dont les deux-tiers de 800 millions n´ont pas accès à l´électricité et à l´eau ? Les problèmes des pays en développement restent entiers et les actions de l´ONU, ce grand machin comme disait, en son temps, le président français Charles de Gaulle , sont plus que jamais indexés sur les désidératas puissants. Le néolibéralisme prédateur, la mondialisation - laminoir, la fin inéluctable des énergies fossiles et les changements climatiques achèvent de neutraliser les dernières défenses immunitaires des pays du Sud qui sont tributaires des Clubs de Paris et de Londres du FMI, de la Banque mondiale, affament encore plus, les plus vulnérables. » (7)

Le Mouvement des Non-alignés, est devenu, au fil des ans, un héritage encombrant car, de notre point de vue il n'a pas su ou pas pu prendre le train des rapides mutations du monde. Ainsi, même l´altermondialisation, mouvement de la société civile qui conteste le modèle libéral est devenue inaudible. Plus que jamais, les pays du Sud, surtout les plus faibles, sont livrés à eux-mêmes. Ils se doivent d´inventer un autre dialogue et de ne pas regarder uniquement vers le Nord. Les pays du Sud qui auraient pu constituer des « locomotives » comme l´Inde, la Chine, voire le Brésil ne coopèrent pas avec les pays du Sud tout occupés à sauter dans un nouveau moule : « les pays émergents » et avoir une légitimité décidée par les pays riches du G7, en leur créant un espace approprié : le G20.

Il y aurait une nouvelle utopie si le MNA s'attaquait à des dossiers aussi vitaux que les changements climatiques le déclin des énergies fossiles, la formation des hommes . On l’aura compris cela passe par une vraie coopération Sud-Sud dans l'économie de la connaissance en mutualisant les moyens en créant des universités dignes de ce nom pour les jeunesses des différents pays. C'est peut-être cela qui va permettre au MNA, à l'instar du Phoenix, de renaître de ses cendres... et de continuer à être une boussole ; celle d’un magister moral celui de l’égale dignité pour tous les hommes Amen !



1.Cherif Ouazani, http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140530104428 /onu-alger-evo-morales-ayma-pays-non-alignes-algerie-retour-a-la-case-alger-pour-la-17e-conference-des-pays-non-alignes.html

2.https://sites.google.com/site/quest... sommet-des-non-alignes

3.L'Organisation de coopération de Shanghai :: Encyclopédie Wikipédia

4. Serge Halimi Les puissants redessinent le monde : Le Monde diplomatique juin 2014

5. http://metamag.fr/metamag-2066-20-MAI-2014-Le-jour-o%C3%B9-les-USA-ont-perdu-la-ma%C3%AEtrise-du-monde....html

6.http://www.chine-informations.com/a... 31 05 2014

7. http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/37145-Le-d%C3%A9c%C3%A8s-annonc%C3%A9-d%E2%80%99un-mouvement.html

Professeur Chems Eddine Chitour

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30 mai 2014 5 30 /05 /mai /2014 12:26

«Les Musulmans n'ont qu'à bien se tenir tranquilles»

Roger Cukierman au quotidien Haaretz à propos du score de Jean-Marie Le Pen en 2002

Roger Cukierman, ancien président du Crif espérait que la victoire de Le Pen servirait à réduire l'antisémitisme musulman et le comportement anti-israélien, parce que son score etait un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles. Que s'est-il passé ce dimanche? Le parti extrémiste français,, est arrivé en tête avec 25% des voix, suivi de l'Union pour la majorité populaire (UMP) avec 20% des voix et en troisième position par le Parti socialiste au pouvoir depuis 2012 avec seulement 14% des voix. La concrétisation lente et inexorable du refus des immigrés. Les peuples européens ont voté. Tout s'est passé dans la transparence la plus absolue. Il n'y a pas eu de surprise majeure, ce qui était pressenti est arrivé. L'Europe se droitise et révèle, il faut le croire, son fond rocheux de l'intolérance visible en temps de crise.

Les médias ont fait dans la démesure. On a parlé de séisme, de nouvelle donne, même les journaux algériens ont sacrifié en partie au suivisme. En fait, on a exagéré peut-être à dessein l'événement qui a porté Marine Le Pen à la première place. Pour les Arabes et les mélanodermes: rien de nouveau sous le soleil. Que s'est-il passé? Sur 44,6 millions d'électrices et d'électeurs en France, le 25 mai 2014, seulement 43,18% d'entre eux sont allés voter. 4,147212 millions ont fait le choix FN, peut-être xénophobe, anti-euro et peut-être même raciste. Le Front national a fait le plein. En réalité, les 25% annoncés sont à ramener au total des électeurs; ils ne représenteraient alors à peine que 10%. Si on devait les ramener à la population totale de 65 millions, cela ferait à peu près 6%. En clair, six Français sur 100 seraient xénophobes. Ceci sans compter tous les xénophobes «masqués» des autres partis...
Il est vrai que les haines recuites du FN, notamment de Jean-Marie Le Pen, qui dérape régulièrement, sont connus. Les déclarations de Jean-Marie Le Pen sur l'explosion démographique et le virus Ebola qui «pourrait régler ça en trois mois»: «Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois». Je dis que la France doit se préparer à subir le choc, le torrent migratoire, par l'extension continue de la population mondiale». Pour Jean-Luc Mélenchon, «Voilà le vrai visage du FN si Marine Le Pen essaye de changer l'image de son parti, les bases demeurent les mêmes: le négationnisme, le fascisme, la haine.» (1)


La poussée chauviniste perce en Europe

Il semble que les partis d'extrême droite ont fait une percée pour atteindre 130 députés contre 40 en 2009. Le plus en vue est le parti eurosceptique Ukip (Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni) qui est arrivé en première position avec 27 à 33% des voix. Il refuse de «collaborer» avec Marine Le Pen pour faire un parti. En Autriche, le parti d'extrême droite FPÖ, qui espère constituer un groupe parlementaire avec le FN français, a fait un score «plus qu'honorable». Il a obtenu 20% des voix, soit une hausse de 5% par rapport aux européennes de 2009. L'extrême droite grecque, Aube dorée (XA), a enregistré, elle aussi, une percée électorale. Elle a obtenu environ 10% des voix. Profitant des ravages de la crise économique. Les peuples en veulent à la Commission européenne qui régente leur quotidien: «Le peuple français, déclare Marine Le Pen, doit reprendre les clés de son propre destin et de son avenir. Il ne veut plus que des décisions le concernant soient prises en dehors de la France. Nous devons nous rassembler pour la grandeur de la France. Nous voulons une Europe des peuples, pas des technocrates.» (1)


L'ivresse de puissance des partis vainqueurs

On l'aura compris, ce qui intéresse les partis vainqueurs, c'est le m'as-tu-vu et la volonté de changer le monde avec des «Y a qu'à». L'histoire nous montre que les partis extrêmistes ne sont pas des partis de gouvernement; D'une certaine façon, le pouvoir ne les intéresse pas. Ils ont les avantages de leurs statuts de remueurs des foules, notamment celui de gloser à l'infini sur des thèmes qui n'ont pas de prise directe avec la réalité et d'une certaine façon, le pouvoir lui-même y trouve son compte. Seul le citoyen ne comprend pas bien ce jeu de rôle.
«Cela va même jusqu'à donner l'illusion d'une vie démocratique. Nous le voyons avec les élus FN qui demandent à ce qu'on les respecte puisqu'ils ont les suffrages des Français.

Le journaliste Tugdual Denis écrit à ce propos: «Extrême droite, fascisme, arc républicain, démocratie: les amis de Marine Le Pen, forts de leur première place aux élections européennes, renvoient certains mots au visage de leurs opposants. Tu me parles meilleur, s'il te plaît. Voilà l'un des messages délivrés hier par les responsables du Front national. Fort de leur 25% de voix obtenus sur le plan national, et de la première place qui va avec, les amis de Marine Le Pen ont choisi de ne plus laisser passer la moindre marque de condescendance ou de brutalité à leur égard. «Vous insultez 25% des Français. Ainsi s'agace Florian Philippot, vainqueur des élections, très en colère à cause de la question que lui pose David Pujadas ce dimanche 25 mai. Le présentateur de France 2 vient d'interroger le conseiller de Marine Le Pen sur une alliance, qu'il rejette bien évidemment, avec les néonazis grecs d'Aube dorée. (...)» (2)

«Dans ce contexte, le mea culpa de Franz-Olivier Giesbert (FOG pour les intimes) , journaliste, a une valeur symbolique forte, mais comme à leur habitude ces journlistes hurlent avec les loups Prenant une posture de révolté, FOG fait le grand écart, après avoir diabolisé mais pas trop le Front National , on ne sait jamais comme tourne le vent, ne voit il pas qu’il se scandalise Quel mea culpa? Sur France 2, en fin de soirée, il se confesse: «On fait de l'antifascisme à bon compte sur le dos de Marine Le Pen. Moi-même, je fais partie des connards qui ont diabolisé Le Pen. Vous avez vu le résultat?» «Que le FN fasse 4% ou 25, il reste une force dangereuse», (...) Au lieu de perdre du temps à s'insurger aujourd'hui, il fallait aller voter dimanche! Parce que les électeurs du FN, eux, ils y sont allés. Le FN ne représente pas 25% des Français mais 25% des gens qui ont voté.» (2)


Ce que propose concrètement le Front National

Les principaux points du programme FN sont les suivants: «Sortie de l'euro et de l'espace Schengen, mise en place d'une politique agricole française... Tour d'horizon des principales propositions du FN pour l'Europe. C'est le coeur du projet de Marine Le Pen: la sortie de l'euro. «Il faut rétablir notre monnaie nationale ainsi que les prérogatives de la Banque de France, en concertation avec nos partenaires, afin que nos exportations, notre industrie et l'emploi soient considérablement dynamisés», notent les frontistes. L'opposition au Traité transatlantique est l'un des arguments de campagne du FN. «Machine de guerre ultralibérale, antidémocratique, antiéconomique et antisociale», il n'y a pas de mots assez durs au FN pour qualifier ce traité. Dans leur argumentaire, ce texte, s'il était adopté, signifierait une régression généralisée. «Toutes les normes environnementales, agricoles et alimentaires seraient modifiées au profit de grandes firmes multinationales. Cela signifie que demain, vous et vos familles pourriez manger du boeuf aux hormones, du poulet à la javel, des OGM fabriqués en masse aux Etats-Unis.». Le Front national veut «opposer au libre-échange et à la mondialisation sauvage une mondialisation régulée.» Pour cela, les frontistes veulent mettre en place un «protectionnisme intelligent» grâce à des droits de douane pour «rétablir une juste concurrence avec les pays dont l'avantage concurrentiel est issu du moins-disant-social et des manipulations monétaires». Si la question environnementale n'est quasiment jamais abordée par le FN, la question de la PAC est, elle, un élément fort de son projet. «La Politique agricole commune est le premier facteur de l'affaiblissement de l'agriculture et de l'agroalimentaire de notre pays.» (3)

Sur l'immigration enfin, les solutions du FN sont claires: sortir de l'espace Schengen et revenir aux frontières nationales.» «Stopper Schengen, c'est rompre avec le laxisme de l'Union européenne pour qui la seule réponse à l'immigration clandestine consiste à encourager l'accueil de masse et les régularisations quasi systématiques. A nos yeux, il faut compléter cette mesure de la suppression dans notre droit de la possibilité de régulariser les clandestins», est-il ainsi écrit dans le projet. Par ailleurs, le Front a des exigences drastiques en matière de lutte contre l'immigration: suppression du regroupement familial, réduction en 5 ans de l'immigration légale à 10.000 entrées par an ou encore la suppression du droit du sol.»(3)

En fait , il ne faut pas se le cacher ,c’est là le vrai fond de commerce initial et actuel du Front National, l’émigré de préférence maghrébin et musulman, il peut s’en donner à cœur joie, sans avoir peur de s’attirer les foudres des biens pensants , concernant ces autres sémites qui ne peuvent pas revendiquer le label de sémite, cette marque déposée étant squattée définitivement par justement les communautaristes du CRIF qui sotn sémites quand il s’agit de punir les autres et qui sont européens quand il s’agir d’mémarger au ratelier de l’Europe et plus largement du monde occidental.


Les raisons de la débâcle des gouvernants au profit des extrêmes
Pour Martial Foucault, directeur du Cevipof, centre de recherches politiques de Sciences-Po interviewé par le journal la Croix: «Les ressorts du vote europhobe ou d'extrême droite, différents d'un pays à l'autre, suggèrent que les élections européennes sont des élections défouloir de l'espace national. Les électeurs ont utilisé cette élection - comme tous les scrutins intermédiaires entre des élections d'importance nationale -, pour envoyer des messages forts à leurs gouvernements. (...) Si l'on regarde les quatre enjeux décisifs pour ces élections - l'immigration, le pouvoir d'achat, le chômage, la crise de la zone euro - ils ont un fort relent national dans la mesure où ils relèvent de la compétence nationale, tout au plus de la compétence partagée.» (4)

Qu'est-ce qui distingue les différents votes extrémistes? Une réalité, ces partis ont en horreur les étrangers Martial Foucault déclare: «Si le vote extrême en France est le produit d'une détérioration du climat économique et identitaire, on ne peut évoquer la sinistrose économique ou les problèmes identitaires pour l'Autriche ou le Danemark où le taux de chômage est relativement bas et où, comparativement, la situation économique est bonne. La peur de la contagion a poussé les électeurs de ces pays à envoyer un message préventif à leurs dirigeants. La France et la Grande-Bretagne sont deux pays qui ont pour la première fois de leur histoire un parti populiste ou d'extrême droite en tête à une élection et ce largement du fait de la crise ».(4)

Le Front national en France et Ukip au Royaume-Uni, deux partis europhobes, ont mis au coeur de leur campagne la souveraineté monétaire pour le premier et la sortie de l'Europe pour le second. Ces deux partis dénoncent l'Europe des élites qui se construit contre les peuples. (...) À l'exception du parti néonazi Aube dorée en Grèce, ce n'est pas l'extrême droite qui a percé au Sud, mais l'extrême gauche. Sans doute parce que la question migratoire et identitaire n'est pas un enjeu au Portugal, en Espagne. Même en Italie, l'immigration n'est pas conflictuelle. L'enjeu porte sur le partage du fardeau avec l'Europe. (...) En dépit du nombre important d'élus, la création d'un groupe s'annonce difficile au vu des lignes de fractures qui traversent l'extrême droite.» (4)


Langage populiste: Parcours personnel et bien commun

Pour expliquer le ras le bol des peuples et la tentation totalitaire qui les amène à voter pour les extrêmes, le linguiste Alain Bentolila a essayé d'analyser le langage populiste qui amène inexorablement les citoyens à tourner le dos aux promesses non tenues des bonimenteurs politiques. Ecoutons-le: «Aujourd'hui, ce qui démotive, décourage, détourne de l'engagement politique une part considérable de nos concitoyens, c'est la conviction qu'ils n'ont aucune influence réelle sur leur environnement, non plus que sur leur propre destin social. Beaucoup sont persuadés que l'ascenseur social est définitivement en panne, que l'école n'est plus qu'une machine à assurer la reproduction sociale et que seuls le clientélisme et les relations peuvent encore promettre une chance de promotion sociale. (...) » (5)

« Il nous faut malheureusement constater, poursuit-il que nous avons progressivement perdu le goût de confronter lucidement nos idées, de mutualiser nos talents, de nous engager dans l'action collective et d'agir pacifiquement sur le monde. Or, ce sont ces vertus qui fondent une identité nationale forte et dynamique. Face à ce désenchantement général, l'action de l'homme ou de la femme politique ne peut se réduire à camoufler les injustices, à maquiller les inégalités tout en acceptant la fatalité du déterminisme social. A droite comme à gauche, tous disent leurs volontés de «libérer les énergies», alors même qu'en réalité, obsédés par le bricolage de leur propre image et uniquement préoccupés par la conservation du pouvoir, ils n'ont pour le peuple qu'indifférence et mépris.» (5)


Le linguiste poursuit en appelant au parler vrai des hommes politiques et dénonce les faiseurs de rois qui éloignent ceux qui ont des voix dissidentes: «Lorsqu'un homme ou une femme politique s'adresse à ses électeurs ce devrait être pour manifester sa volonté de parler à ceux qui ne pensent pas comme lui (ou elle), qui ne partagent pas nécessairement ses convictions et aussi pour leur donner la parole. Bien au contraire, «le staff de com» des ministres et président ont pour tâche essentielle de rassembler artificiellement un public partisan prêt à applaudir aux envolées mille fois répétées, à rire aux plaisanteries éculées, (...) Le discours politique est ainsi aujourd'hui devenu populiste. l'anaphore est devenue triste répétition, la métaphore une image publicitaire ternie.(...) Pourquoi tant de projets, parfois pertinents, très tôt avortés? Pourquoi a-t-on le sentiment que sur notre théâtre d'ombres se succèdent des illusionnistes qui font leurs numéros avant de s'effacer? Cynisme? Incompétence? Frilosité? Pas nécessairement, et pas pour tous(...) Ils font tous la même erreur: ils ont la vanité de penser qu'ils vont pouvoir constater et faire constater, pendant la durée même de l'exercice de leurs responsabilités, les effets tangibles que leurs décisions auront provoquées (...) Ils sont bien trop avides de faire voir et de se faire voir. (5)


La solution ? Travailler dans la durée sans prétendre en retirer les dividendes

Alain Bentolila met en garde contre la tentation de réussir soi même en tant qu'homme politique, une action qui exige du temps: «Quel est le responsable politique écrit-il qui osera investir des moyens humains et financiers importants dans une action discrète dont les fruits ne mûriront que dans des années et que savoureront peut-être d'autres responsables de l'opposition? Lorsque l'on accepte des responsabilités dans la conduite de l'action politique, à quelque niveau que ce soit, il faudrait être capable de s'oublier soi-même; d'accepter le caractère éphémère de sa fonction; d'accepter le caractère limité de sa propre vie; se dire: «Je ne verrai peut-être pas, ni en tant que ministre, ni peut être en tant qu'être humain, les effets de mes décisions, et c'est très bien comme cela!». Croire qu'il est possible de décréter le changement de manière immédiate est pire qu'une bêtise, c'est une faute. Mais pourquoi dans ce monde, où seule compte l'image, où l'on ne voit pas plus loin que le journal télévisé du soir, les ministres, les présidents auraient, eux, la sagesse et l'humilité de vouloir que des enfants bénéficient de leurs efforts alors qu'eux-mêmes ne seront plus?» (5)

Cette belle contribution sur ce que devrait être le sacerdoce de l'homme politique: le bien public commun, l'humilité. Ne pas faire dans l'immédiateté et penser en récolter les résultats à son avantage- pas à celui des citoyens- durant l'exercice de sa fonction. Ce sont les extraordinaires qualités que doit posséder l'homme politique ce qui explique la rareté des véritables hommes politiques! Ce qu'a fait le Front national, les autres partis l'ont fait avant lui notamment quand il s'agit de se défouler sur les variables d'ajustement que sont les mélanodermes et les Arabes. Le français Lambda conditionné vote. «Les promesses, disait Jacques Chirac, n'engagent que ceux qui y croient.» ….

Pourtant, l'adversaire c'est encore et toujours la finance...comme l’avait observé le président Hollande lors de sa compagne. Résultat des courses, le néo-libéralisme prospère sur la misère des peuples qui s’étripent et tombent à bras raccourcis- comme le leur martèle, les partis de l’extrême droite- sur les variables d’ajustement coutumières en tant de crises : Les étrangers , les mélanodermes, les arabes. Ceci étant dit, encore une fois les partis de l’extrême droite ne sont pas des partis de gouvernement. Ils s’épanouissent à la marge du pouvoir et qu’on le veuille ou non l’idéologie raciste, le mythe des races supérieurs, le fond rocheux religieux, ont de beaux jours devant eux. Pendant ce temps là avec une cinétique inexorable le grand marché transatlantique ( Taftat) va écraser les dernières velléités de la vieille Europe à vouloir être autonome Ainsi va le Monde…



1. Dérapage de Le Pen: la classe politique, dont Valls, s'insurge AFP 21/05/2014

2. Mais-merde-quoi-le- FN réclame-un-changement-de-ton L'Express.fr 26 05 2014

3. Abel Mestre: Quelles-sont-les-propositions-du-FN pour-l' Europe Le Monde.fr/ 2014/05/26

4. Martial-Foucault. Les-européennes-sont-des-élections-defouloir- la-croix 2014-05-27

5 Alain Bentolila: La tentation du populisme L'Express 27 05 2014.

Professeur émérite Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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30 mai 2014 5 30 /05 /mai /2014 12:23

A propos du Mahatma Gandhi, Albert Einstein écrit: «Les générations à venir croiront à peine qu'un être de chair et de sang comme lui ait pu fouler cette terre.»

Soixante-sept ans après l'indépendance, l'Inde est devenue un pays émergent qui, malgré ses immenses difficultés avance et fait pâlir d'envie les vieux pays industrialisés. L'Inde est la deuxième nation la plus peuplée du monde avec plus d'un milliard d'habitants. Véritable mosaïque mélangée entre cultures et religieux. L'immense marché potentiel indien affichait 9% de croissance par an, il y a quelques années, actuellement 5%: «L'Inde est le premier exportateur au monde de services d'aide à la programmation informatique et d'experts en pharmacologie et en biotechnologie. Un million de diplômés par an souvent en provenance des universités type «américain». Les sociétés d'informatique ont montré le chemin de cette importation de travail en provenance de l'Inde.

« L'Inde est constituée de 28 États avec une vingtaine de langues officielles. Bangalore, temple de l'informatique «La Silicone Valley indienne» continue de manière exponentielle son Big Bang comme plus gros fournisseur de main-d'oeuvre qualifiée dans la haute technologie, mais dont les campagnes restent malgré tout sous-développées. L'Inde tisse sa toile sur toute la planète. C'est un fait. Elle s'intègre, elle rachète des sociétés européennes et américaines. En 2030, elle aura probablement dépassé la Chine en population. Pour les États-Unis, elle reste le partenaire potentiel dans la gestion de l'ordre global.»(1)

«En Juin 2005, recevant le titre de docteur honoris causa à Oxford, le Premier ministre Manmohan Singh, dans le sillage de l'oeuvre positive de la colonisation, même en Grande-Bretagne, déclara que si le règne colonial britannique en Inde avait donné lieu à une exploitation intense, il avait également apporté quelques bienfaits: les institutions de l'Etat de droit, un corps professionnel de fonctionnaires, une presse libre, des universités et des laboratoires de recherche modernes ».(1)


La plus grande démocratie du monde: une force tranquille

The Hindu, le grand journal indépendant de Madras, reflète bien le ton général. Ainsi peut-on lire dans ses pages que «le succès durable de l'Inde en tant que démocratie parlementaire est un modèle. [...] Ses réussites ont dépassé les prédictions les plus optimistes. [...] Mais aujourd'hui plus que jamais, il est impossible de fermer les yeux devant les deux Inde: une plus riche que ce qu'on peut imaginer; une autre luttant contre une pauvreté qui fait mal au coeur.» (1)

«Dans ce territoire immense, écrit Marc Epstein, où tout paraît plus grand, plus riche et plus complexe qu'ailleurs, il n'y a pas un «père de la Nation», mais deux: Jawaharlal Nehru et Gandhi. Le premier était un visionnaire rationaliste. L'Inde lui doit la boîte à outils institutionnelle qui permet à la plus grande démocratie du monde de fonctionner, depuis sa création, sans heurts majeurs: (...) Gandhi a posé les fondations spirituelles et philosophiques qui ont permis à la démocratie de prospérer. (...) L'incroyable modernité de Gandhi est là. C'est elle qui a permis d'instaurer le suffrage universel dans l'Inde pauvre et largement analphabète de 1947.»(2)

«La démocratie était pour lui un choix évident. L'Indien Amartya Sen, prix Nobel d'économie, rappelle que la démocratie est une idée non pas occidentale, mais indienne, avec la recherche du consensus par le débat. Surtout, Gandhi incarne la nation, la mère, par ses jeûnes, par le sacrifice absolu. Et, par le rouet, il symbolise un mode de vie absolument spécifique. (...) La réponse de l'humilié, pour Gandhi, est non pas d'aller prendre la richesse de l'humiliant, mais de retrouver ses racines pour se séparer de lui; être différent, pas rival. C'est le coeur de sa pensée et c'est très moderne: si chacun est rival de chacun, la violence est partout. Donc, la non-violence passe par la différence.» (3)


Narendra Modi: un nouveau Premier ministre controversé

Un mot d'abord pour saluer un exploit qui est passé inaperçu dans les médias occidentaux. La plus grande démocratie du monde a changé de gouvernement dans le calme et la sérénité permettant à 800 millions d'Indiens de s'exprimer sur le choix du parti à même de gouverner. Sans surprise, nous dit-on, c'est la formation politique Bharatiya Janata Party, qui est en tête et le nouveau Premier ministre est Narendra Damodardas Modi. Ce dernier est né le 17 septembre 1950 à Vadnagar (Gujarat). Membre du Bharatiya Janata Party, il est devenu ministre en chef du Gujarat en 2001 puis, à partir du 26 mai 2014, Premier ministre de l'Inde (...) C'est une figure controversée, notamment pour sa gestion des violences intercommunautaires au Gujarat en 2002 et son discours islamophobe. Mais Narendra Modi est également loué pour sa politique économique qui a permis au Gujarat de connaître un important taux de croissance ces dernières années. (4)

«Le 27 février 2002, un train transportant plusieurs centaines de passagers dont de nombreux pèlerins hindous est mis en feu près de Godhra, tuant 58 personnes. À la suite de rumeurs selon lesquelles l'attaque du train aurait été perpétrée par des musulmans, une vague de violence anti-musulmans se répand à travers le Gujarat et fait entre 900 et 2000 morts et plusieurs milliers de blessés. L'administration de l'État du Gujarat est accusée par des organisations de défense des droits humains, l'opposition et certains médias de ne pas avoir pris la mesure des violences, voire de les avoir approuvées dans certains cas. Après la vague de violences communautaires, des appels s'élèvent pour demander la démission de Narendra Modi, y compris parmi les partis alliés du BJP. Modi démissionne et l'Assemblée législative du Gujarat est dissoute »..(4)

Durant la campagne qui s'ensuit, Modi fait appel à une rhétorique anti-musulmane. Sous son leadership, le BJP remporte 127 des 182 sièges de l'Assemblée (...) En 2010, Modi fait un discours dans lequel il justifie l'assassinat par la police de Sohrabuddin Sheikh, un criminel mafieux, en réponse à une attaque de Sonia Gandhi le qualifiant de «marchand de mort». La Commission électorale indienne met alors Modi en garde, considérant ce discours comme une activité aggravant les tensions entre communautés (...) En 2012, Maya Kodnani, ministre de 2007 à 2009 dans le gouvernement Modi, est condamnée pour sa participation au massacre de Naroda Patiya pendant les violences de 2002 (...) En septembre 2013, le BJP annonce que Narendra Modi sera son candidat au poste de Premier ministre de l'Inde. Le 20 mai 2014, le président Pranab Mukherjee le charge de conduire un gouvernement dont il doit prendre la tête en tant que Premier ministre à compter de sa prestation de serment le 26 mai 2014 (4).

Christophe Jaffrelot (chercheur au (Ceri, Sciences Po-Cnrs) parlant justement du mouvement nationaliste hindou écrit: «Née dans les années 1920 en réaction au panislamisme de la minorité musulmane, cette idéologie, dite de l'«Hindutva» (ou hindouité), tend à résumer la civilisation indienne, pourtant faite de métissages, à la seule communauté hindoue (80% de la population). Pour ses hérauts, les minorités musulmane (14%) et chrétienne (2%) peuvent certes pratiquer leur culte dans la sphère privée, mais, dans l'espace public, elles sont invitées à s'identifier à la culture hindoue et à prêter allégeance à ses symboles. Cette école de pensée, qui s'incarne depuis 1925 dans le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS - le Corps national des volontaires), un mouvement destiné à «muscler» les Hindous tant au moral qu'au physique, a toujours combattu le Congrès.(...) Il pourrait donc faire entrer l'Inde dans une ère nouvelle combinant nationalisme religieux, osmose entre cercles politiques et milieux économiques et personnalisation du pouvoir.» (5)


Narendra Modi est-il fasciste?

L'arrivée au pouvoir probable de cet ultranationaliste hindou est inquiétante, mais la démocratie indienne survivra, d'après un grand historien du pays. Pour l'historien indien, Ramachandra Guha: «Narendra Modi fait peur et avant même les élections, des journalistes s'interrogeaient sur ses convictions:» (...) Ils parlent d'un retour à l'état d'urgence d'Indira Gandhi et évoquent la censure de la presse, l'emprisonnement des opposants et le climat de peur alors omniprésent. Certains s'inquiètent de possibles persécutions et de manoeuvres de harcèlement à l'encontre des minorités, d'autres redoutent une politique étrangère aventureuse susceptible d'accroître les tensions avec la Chine et le Pakistan. Ces craintes ne sont pas totalement infondées. (...) L'expression ´´nationaliste hindou´´ est apparue dans les années 1990 pour décrire l'idéologie du BJP et du RSS. Du point de vue de la Constitution indienne, la formule est pourtant un oxymore.(...) La République indienne n'est pas une nation hindoue. Ses fondateurs ont eu la sagesse - et le courage - de ne pas mélanger l'Etat avec la religion. (...) Ce chauvinisme fait intrinsèquement partie de l'idéologie et de la formation politique de Modi. (...) Son attitude était particulièrement éloquente lorsqu'il a refusé, lors d'un meeting, de porter un couvre-chef musulman: il était visiblement révolté à l'idée d'arborer le symbole d'une religion qu'il considère depuis toujours comme étrangère. (...) Il se pourrait que fin mai l'Inde soit dirigée par un Premier ministre arrogant et sectaire à la place de l'incompétent [Manmohan Singh] qui nous en tient lieu aujourd'hui, mais la démocratie indienne - et l'Inde elle-même - y survivra.» (6)

Pour Frédéric Robin, monsieur Modi a des références: certaines sont claires, d'autres sont codées. Mais il y a un fil conducteur: le nationalisme et la marche forcée vers le savoir. Ecoutons-le: «M.Modi admet certes qu'il est un «nationaliste hindou» mais il se garde bien de toute imprécation agressive à l'égard des minorités religieuses, musulmane ou chrétienne. Aussi, Narendra Modi a-t-il axé sa rhétorique autour de ses deux thèmes de prédilection que sont le «développement» et la «bonne gouvernance». Au cliché du pays des «charmeurs de serpents», il oppose la génération informatique des «charmeurs de souris». Il raffole des sigles. Tel les «3 S pour skill (compétence), scale (échelle) et speed (vitesse). Ou encore l'équation IT + IT = IT: Indian Talent + Information Technology = India Tomorrow. Modi, professeur de management au tableau noir? Autre type de langage codé, les références implicites à l'hindouisme. M.Modi parle avec émotion de fleuve «mère» qu'est le Gange, fleuve mythique né du chignon de Shiva. Il loue souvent la nation de «grande spiritualité» qu'est l'Inde, mais la plupart des grands maîtres qu'il cite comme source d'inspiration sont tous des idéologues du nationalisme hindou.» (7)


Les défis de Narendra Modi

Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite Cnrs au Centre d'études de l'Inde et de l'Asie du sud de l'Ehess, pense que: «C'est un triomphe pour le Bharatiya Janata Party et une consécration personnelle pour celui qui dirigea sa campagne: (...) Le vieux parti du Congrès est en déroute, à moins de 50 sièges. Le mandat du peuple est clair, mais pour gouverner au mieux, il faudra relever de nombreux défis. On peut en retenir quatre, qui portent sur le style de gouvernance de M.Modi, son idéologie, sa politique étrangère et sa politique économique. La gouvernance, Narendra Modi en a fait un de ses étendards. (...) Un télégramme diplomatique américain de 2006 le dépeignait comme un «leader abrasif», méfiant, gouvernant avec un petit nombre de conseillers et de hauts fonctionnaires, s'imposant plus par l'intimidation que par le consensus, et écartant sans ménagement ses adversaires ou ses concurrents au sein du parti, comme les vénérables figures du BJP» (8)

Sur le plan idéologique, un défi du même type posé. Blanchi pour l'heure par les tribunaux, Narendra Modi reste le chef de gouvernement sous la férule duquel le pogrom antimusulman de 2002 a fait entre 1000 et 2000 victimes. (...) Du reste, une partie de l'électorat de Narendra Modi pense qu'il faut «remettre les musulmans à leur place», et son gouvernement travaillera sous l'oeil vigilant de l'Association des Serviteurs de la Nation (RSS), le noyau dur et militant de la grande famille nationaliste hindoue, dont le BJP n'est que le bras politique. Le dilemme sera semblable en politique étrangère. Après 2002, M.Modi fut persona non grata en Occident, les Etats-Unis lui refusant même un visa d'entrée pour cause de non-respect des libertés religieuses. Réaliste, l'Union européenne a pris langue avec lui dès 2013, et Washington va suivre. La Chine, quant à elle, a fort bien reçu M.Modi lors de sa troisième visite en 2011. Elle le juge efficace et pragmatique. Il cultivera de bonnes relations avec les puissances asiatiques qui ne l'ont pas ostracisé, tel le Japon et Singapour.»(8)
«L'Inde émergente? Le BJP veut mieux que cela. En 2004, le slogan «l'Inde qui brille» «L'India Shining» n'avait pas suffit à être réélu. Cette fois, c'est «l'Inde idéale», «l'Inde excellente», Shrestha Bharat, qui est à l'affiche, avec «le développement pour tous». L'objectif est de retrouver une croissance égale, voire supérieure à celle d'avant la crise de 2008, entre 9 et 10%. La bourse de Bombay est euphorique. «Modinomics», nous dit le Financial Times, c'est «le triomphe de la réalisation sur la prévarication». La diplomatie sera, elle aussi, au service de l'économie. (...) Narendra Modi sera jugé sur deux critères: sa capacité à modérer en interne comme en politique étrangère les ultras de son camp, et ses résultats socio-économiques.» (8)

Que peut-on dire en conclusion? Il est indéniable que l'Inde est une grande démocratie et il n'est pas évident de gérer plus d'un milliard de personnes sauf si on met en oeuvre l'alternance pour éviter l'usure du pouvoir,. Si l'on met en place des mécanismes pour que les libertés individuelles et l'indépendance de la justice soient inscrites dans le marbre. S'agissant du nouveau Premier ministre, c'est la première fois que l'Inde connaît un Premier ministre nationaliste, sa diabolisation des Chrétiens et des musulmans, reste incompréhensible dans le pays de Gandhi. Il est cependant acquis qu'il ne pourra pas faire ce qu'il faisait en tant que ministre du Gudjarat. Dans tous les cas, à l'échelle du monde, les tensions religieuses sont plus exacerbées que jamais et à ce titre, les musulmans dans leur ensemble sont montrés du doigt. Ils sont diabolisés d'une façon indifférenciée.



1. Ingrid Therwath: Inde-Pakistan. l'heure du bilan. Courrier international 16 août 2007

2. Marc Epstein: Gandhi le moderne. L'Express.fr du 1.08 2007

3. Jacques Attali: Entretien avec Christophe Barbier, Marc Epstein «Gandhi est d'avant-garde». L'Express 16 aout 2007.

4. Narendra Modi: Encyclopédie Wikipédia

5. http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/05/11/l-inde-face-au-peril-nationaliste_4414724_3232.html


6. http://www.courrierinternational.com/article/2014/05/15/narendra-modi-est-il-fasciste


7. Frédéric Bobin: En Inde, les références de Narendra Modi Le Monde 17.05.2014

8. http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/05/19/inde-les-quatre-defis-de-narendra-modi_4421339_3232.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 14:43

«Nous nous abritions, mon ami et moi, sous un arbuste sec et nous évitions de parler pour économiser le peu de salive dans la bouche et la gorge... Un de nos compagnons m'avait dit, avant de se séparer, que le désert va même faire disparaître nos cadavres. On a ensuite commencé à dire la chahada, on était certain de mourir ici et je me suis évanoui. Un jour après, j'entendais des gens parler autour de moi: ‘'Regarde, il est encore vivant.'' Les gendarmes nigériens n'ont jamais retrouvé les deux autres compagnons, «avalés par ce monstre féroce qu'est le désert''.»

Témoignage dans El Watan, Le triangle des Bermudes du désert

Encore une tragédie de plus qui ne fait pas le buzz sur les médias occidentaux , contrairement au feuilleton Boko Haram où- jusqu'à preuve du contraire-, il n'y a pas de victimes. Dans les deux cas, une détresse. Celle de migrants qui risquent leur vie pour rejoindre l'eldorado européen, dans l'autre, des hommes perdus qui rejettent le modèle justement occidental et font les pires actions que la conscience réprouve. On apprend justement, qu'à la même période, un bateau chargé de 400 immigrants clandestins a fait naufrage, lundi 12 mai à 11 heures, au sud de l'île italienne de Lampedusa et au large des côtes libyennes. Le naufrage d'une embarcation du même type, mardi dernier, près des côtes libyennes, a entraîné la mort de 36 migrants. Le bilan provisoire fait état de 14 victimes. » (1)

La marine et les gardes-côtes italiens ont indiqué que 200 personnes avaient été sauvées. Le naufrage s'est produit à 80 km des côtes libyennes. Au moins 36 migrants sont morts et 42 autres sont portés disparus dans le naufrage d'une embarcation de fortune qui a coulé mardi au large de la Libye, a indiqué dimanche dernier à l'AFP, le porte-parole de la marine libyenne.(...). Depuis le début de l'année, près de 22.000 migrants et réfugiés sont arrivés sur les côtes italiennes, soit dix fois plus que sur la même période de 2013.» (1)


L'Italie en première ligne

Les dignitaires européens protégés par les pays de la ligne de Front contre les migrants, comme l'Italie, se scandalisent hypocritement des conditions d'accueil italienne une vidéo montre des «traitements épouvantables» infligés aux migrants à Lampédusa: «Des migrants traités «comme des animaux». La Commission européenne dénonce, mercredi 18 décembre, les «traitements épouvantables» infligés aux migrants sur l'île italienne de Lampedusa. Elle a même menacé Rome de sanctions. «Nous avons ouvert une enquête sur les traitements épouvantables dans beaucoup de centres de rétention, dont celui de Lampedusa, et nous n'hésiterons pas à lancer une procédure d'infraction», a affirmé la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström. Le reportage montre des migrants contraints de se dénuder dans le froid et d'attendre en file un traitement contre la gale. (...) «Ces images rappellent les camps de concentration, sauf qu'il s'agit du centre de premiers secours et d'accueil de Lampedusa», explique un journaliste de la Rai 2, selon L'Express.fr. Plus de 300 personnes ont péri noyées début octobre dans le naufrage de leur embarcation au large de la petite île italienne, première terre de l'UE au départ des pays du Nord de l'Afrique. Ce drame a provoqué une immense émotion dans l'UE et une aide. «Nous ne pourrons poursuivre notre aide et accorder notre soutien aux autorités italiennes qu'à la condition que soient garanties aux migrants et aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil et des traitements dignes», a averti Cecilia Malmström. (2)

Ce que cette respectable responsable oublie de dire, c'est que l'Europe est devenue une forteresse, elle s'est barricadée et le dispositif Frontex est une véritable armée avec des moyens sophistiqués capables de repérer par exemple des embarcations (patéras) quittant le Maroc. On se souvient de l'assaut réprimé sans état d'âme à la fois par les policiers marocains et espagnols sur les grilles séparant le Maroc de Ceuta et de Mellila.


Migrants morts en voulant rejoindre l'Europe: un chiffrage inédit


Le débit des migrants est de plus en plus important en été. On apprend aussi que 400 migrants menacés de noyade étaient en train d'être secourus lundi 31 mars au large de la Crète. The Migrants Files, une initiative menée par une équipe de journalistes européens, révèle que 23.858 migrants sont morts ou disparus aux frontières de l'Europe depuis 2000. C'est moitié plus que les estimations dont on disposait jusqu'alors. (..) Selon United, de 1993 à 2012, 17.306 migrants sont morts aux frontières de l'Europe. Fortress Europe comptabilise, elle, 19.144 morts depuis 1988. (...) Un chiffre sans doute en deçà de la réalité, note sur son site Le Monde diplomatique, l'un des journaux participant au projet.» (3)

L'Europe pille les ressources de l'Afrique entière depuis des siècles et ferme toujours la porte aux migrants, elle les laisse se noyer, les renvoie dans le désert mourir de soif, quand elle ne leur tire pas dessus du haut des miradors de Ceuta et Melilla. La France est à ce jour, l'un des pays les moins accueillants à l'immigration, avec le Japon et le Mexique. Elle n' est que le 7ème pays sur 10 pour le nombre de migrants ayant obtenu le droit d'asile. A l'instar de tous les pays européens sans exception, la France s'est illustrée à Calais avec le démantèlement des camps des migrants qui voulaient passer au Royaume-Uni. Comme les autres, elle met en place des centres de transit pour rafler les sans-papiers et les rapatrier dans leur patrie d'origine ne gardant -et c'est de bonne guerre- que les émigrés choisis.


Les migrants noyés dans l'océan de sable saharien

Souvenons-nous, les migrants déterminés à échapper à leurs misérables conditions bravent les mers bleus ou les mers de sable Ainsi, la dernière tragédie au nord du Niger est encore dans les têtes. Il y a quelques mois, la même tragédie avait eu lieu.: «Après la découverte de cinq dépouilles, lundi, les corps de sept hommes, 32 femmes et 48 enfants, appartenant au même groupe de clandestins ont été retrouvés, le 30 octobre, dans le désert, dans le nord du Niger, à une dizaine de kilomètres de la frontière algérienne. Ce sont donc 92 personnes qui ont trouvé la mort début octobre dans ce voyage pour l'Algérie, ce qui fait de ce drame l'un des plus meurtriers sur les routes migratoires nigériennes depuis au moins une décennie. (...) Vingt-et-une personnes ont survécu, dont «un homme qui a parcouru 83 kilomètres à pied pour gagner Arlit» (nord du Niger) et «une femme qui a été ramenée à Arlit par un chauffeur qui l'a croisée dans le désert» d'après cette même source. (...) Leur voyage vers l'Algérie avait débuté fin septembre. (...) Une partie de ceux qui tentent de gagner l'Europe depuis la rive sud de la Méditerranée le font en traversant le Sahara de l'Erythrée, la Somalie ou de la Libye. (4)

Que font les «gouvernants du champ» pour résoudre cette tragédie?

On nous dit que les présidents de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, réunis en mini-sommet dimanche 16 février 2004 à Nouakchott, ont créé le «G5 du Sahel», pour coordonner leurs politiques de développement et de sécurité, selon le communiqué final de leur réunion. Le G5 du Sahel ne «remplace nullement le Cilss (Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel, qui regroupe 13 pays) «Quand nous aurons liquidé la pauvreté, nous aurons créé les conditions pour affaiblir le terrorisme et le crime organisé. Pour cela, il est heureux que nous ayons décidé de mutualiser nos efforts pour faire face à ces défis», a de son côté, déclaré Mahamadou Issoufou. Le Sahel est devenu ces dernières années une région de trafics en tous genres et le sanctuaire de groupes armés liés à Al-Qaîda, particulièrement Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi). Les cinq présidents ont exhorté leurs partenaires, notamment des institutions de financements arabes et de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), à accompagner leurs actions en vue «d'ancrer durablement la paix et la prospérité dans la région».(5)


Le chauvinisme de la prospérité: le raz-de-marée de Roumains n'a pas eu lieu

Il est connu que les partis d'extrême droite ont comme fonds de commerce les migrants qu'ils accusent de tous les maux/ Deux exemples sont à méditer: «Contrairement aux prédictions de l'Ukip (le parti eurosceptique et anti-immigration de Nigel Farage), l'afflux massif de travailleurs roumains et bulgares ne s'est pas produit. Bien au contraire: on a enregistré une baisse. Voici la vérité sur le raz-de-marée' annoncé par l'Ukip», titre The Independent. Le nombre de Roumains et de Bulgares employés au Royaume-Uni a chuté depuis le 1er janvier, date à laquelle les pays membres de l'Union européenne (UE) ont levé les restrictions relatives aux travailleurs roumains et bulgares. Dans les trois premiers mois de l'année, 140.000 Roumains et Bulgares étaient enregistrés comme étant employé dans le pays, soit une baisse de 4000 par rapport au trimestre précédent».(6)

Le deuxième exemple concerne l'asepsie dans les beaux quartiers vis-à-vis des allogènes qui sont de tous les temps et par toutes les latitudes chassés Aucun pays n'y échappe. Chacun est généreux loin de chez lui. Des familles de Roms se sont installées à Saint-Germain-des-Prés, vitrine de l'opulence parisienne. Cela nuit-il à l'image de la ville? (...) Car comme l'a révélé Le Parisien, le commissariat du VIe arrondissement a donné des ordres à ses agents pour qu'ils «localisent» et «évincent systématiquement» les familles qui dorment ou mendient dans le quartier. Selon le maire de l'arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, la présence de personnes d'origine roumaine ou bulgare «a triplé ces derniers mois». (...) Or non seulement ce document désigne explicitement les Roms, mais en outre il précise qu'il faut chasser ces personnes «qu'elles aient ou non des enfants ou des animaux».(7)

Et nous autres Algériens?

Il n'y a pas à mon sens d'étude sociologique concernant le comportement des Algériens vis-à-vis des étrangers. Globalement, au-delà de ce que préconise la religion et l'humanité on dit que l'Algérien est généreux.

Qu'en est-il réellement. Décrivant la dernière tragédie dans les sables. Maâmar Farah écrit: «(...) Encore des morts. Ainsi meurent les enfants des indépendances, dans leur folle tentative de rejoindre les pays de leurs anciens colonisateurs... Et ça fait mal. Mais ça fait encore plus mal de voir les Algériennes et les Algériens qu'on dit hospitaliers et non racistes, détourner les yeux à la vue de ces êtres squelettiques qui tendent leurs mains décharnées vers nous. Et notre indifférence est pire que la mer et le désert. Elle ne tue pas ces femmes et ces enfants au bas de nos immeubles. Elle nous tue. Elle nous déshumanise et nous accable car il n'y a aucune fierté à tirer d'un comportement qui n'est pas très loin de celui des Européens d'extrême droite, racistes et intolérants, qui ne veulent pas de nous chez eux! Agissons tous ensemble pour tendre une main fraternelle à ces rescapés de l'enfer afin de leur montrer le chemin d'un autre paradis: celui de nos coeurs fraternels et généreux, qui les persuadera peut-être que l'éden commence et s'arrête ici..En Afrique!» (8)

C'est bien dit, mais est-ce le cas? Dans une contribution remarquable Yacine Temlali tord le cou à un certain nombre de lieux communs. Elle prend appuis sur une publication d'Algérie News concernant l'invasion des Nigériens: «Le rédacteur en chef d'Algérie News s'est excusé de la publication dans ce journal, le 7 mai dernier, d'un article intitulé «Alger envahi par les Nigériens». C'est tout à son honneur, mais, malheureusement, ce n'est pas là un malencontreux précédent. («Alger envahi par les Nigériens», Mohammed Zerrouki, Algérie News 7 mai 2014). Ce mea culpa est d'autant plus à apprécier qu'il est rare qu'un journal algérien s'excuse auprès de ses lecteurs de les avoir mal informés - et parfois franchement désinformés. (...) Une étude portant sur l'image des immigrants subsahariens dans les quotidiens algériens publiée en 2011 montre que cette population est le plus souvent décrite comme un ramassis de faussaires, de faux-monnayeurs, de trafiquants de drogue et d'escrocs spécialistes d'«arnaques à l'africaine». Le mal est si général que le silence des médias publics sur les problèmes migratoires, tout pesant qu'il soit, est préférable à ces régulières éruptions de xénophobie».(9)

«L'Unhcr ne fait, d'ailleurs, nulle mention d'une arrivée massive de réfugiés originaires du Niger en Algérie. Si afflux subsaharien vers le Nord algérien il y avait eu, il aurait été malien, car c'est au nord du Mali que des dizaines de milliers de personnes ont dû quitter leurs villages pour cause de guerre civile et d'intervention militaire française. Cependant, la plus grossière fausse évidence qui empêche une juste perception des migrations subsahariennes est celle qui fait de l'Algérie une sorte de Mecque des opprimés. Selon les prévisions de l'Unhcr à la fin 2014 le nombre des réfugiés y atteindra... 97.000 dont... 90.000 Sahraouis. Ni l'instabilité politique en Libye ni les conflits et l'intervention française dans le Nord du Mali n'ont provoqué d'importantes vagues migratoires vers notre pays: l'écrasante majorité des réfugiés de guerre maliens, par exemple, se sont installés au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger. Réfugiés et demandeurs d'asile subsahariens ne dépasseraient pas quelques centaines de personnes sur tout le territoire algérien.» (9)

L'auteur conclut ce que l'on subodorait: «Pas plus que pour les réfugiés, l'Algérie ne semble être un éden hospitalier pour d'autres catégories de migrants. Selon le Recensement général de la population et de l'habitat de 2008, les étrangers établis légalement sur son sol ne dépassaient pas 325.000 personnes, auxquels il faudrait ajouter, selon un spécialiste des migrations, Mohamed Saïb Musette, quelque 25.000 immigrants irréguliers, soit en tout et pour tout, moins de 1% de la population de l'époque. Ces chiffres n'ont pas dû beaucoup augmenter, les autorités algériennes ayant durci, en juin 2008, leur politique (anti) migratoire. Il n'est d'invasion à Alger que celle du chauvinisme ordinaire». (9)

Yassin Temlali a raison, nous n'avons pas de leçon à donner aux autres. Les Algériens, notamment des villes deviennent par la force des choses indifférents à la détresse des autres. C'est peut-être un signe d'ensauvagement que nous avons emprunté à l'Occident. En Occident, quand un ressortissant meurt c'est le branle-bas de combat. Ce n'est pas demain que l'on verra un G7, un G8 ou un G20 pour se pencher sur ce problème planétaire. Il s'agit de damnés de la Terre. Le chauvinisme de la prospérité en Occident qui a bâti son opulence sur la curée des anciennes colonies, est une réalité. Ainsi va le monde.


1.http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/lemonde/archives/2014/05/20140511-180949.html


2.http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/naufrage-a-lampedusa/lampedusa-une-video-montre-les-traitements-epouvantables-infliges-aux-migrants_485748.html


3.http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/03/31/decompte-migrants-morts-en-voulant-rejoindre-leurope-un-chiffrage-inedit/


4.Les cadavres de 92 migrants retrouvés dans le désert au Niger Le Monde. 30.10.2013


5. Un «G5 du Sahel» pour le développement et la sécurité Le Monde.fr, Afp 16.02.2014


6.http://www.courrierinternational.com/article/2014/05/15/le-raz-de-maree-de-roumains-n-a-pas-eu-lieu


7. À Paris, des voisins indésirables le 04/05/2014 à 05:00 | Raquel El M undo, 20 avril 2014

8.http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/05/13/article.php?sid=163419&cid=2


9YassinTemlalihttp://maghrebemergent.com /contributions/idees/item/ 37260-un-article-d-algerie-news-et-des-fausses-evidences-sur-les-migrations-subsahariennes-opinion.html


Professeur Chems eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 19:50

“Le pauvre, c’est celui qui a besoin de beaucoup”, José Mujica

C’est par ces mots que le président uruguayen José Mujica a harangué ses pairs à la tribune Lors du Sommet de Rio + 20 en juin 2012. Cette simple phrase nous donne l’opportunité d’expliquer le sacerdoce de cet homme « normal » qui ne se contente pas de donner les ordre, il donne l’exemple e ce que doit être au service du peuple

Qui est Jose Mujica ?

José Mujica Cordano, surnommé « Pepe Mujica », est un homme d'État uruguayen. Ex-guérillero des Tupamaros dans les années 1960-1970, il a été détenu en tant qu'otage par la dictature (1973-1985). Amnistié au retour de la démocratie, en 1985, il abandonne la lutte armée pour s'engager dans la voie électorale, en cofondant le Mouvement de participation populaire (MPP). (…) Élu sénateur puis nommé ministre de l'Agriculture du gouvernement Vázquez, en 2005. Mujica démissionne en mai 2009 du MPP pour devenir le représentant de l'ensemble du Frente Amplio Il l'emporta aux primaires de juin 2009, au sein de la coalition de gauche du Front large (Frente Amplio) Le 25 octobre 2009, il arrive en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec 48 % des voix. Mujica est élu avec 52,9 % des voix lors du second tour, le29 novembre 2009, contre 42,9 % des voix pour Lacalle 11; il sera investi le 1er mars 2010 officiellement président de l'Uruguay » (1)

Mujica se distingue par son mode de vie, très éloigné du faste habituel de la fonction présidentielle. Il a d'ores et déjà annoncé qu'il avait l'intention de reverser 87 % des 250 000 pesos mensuels (9 400 euros) de son salaire de chef d'État à des organismes d'aide au logement social. Délaissant le palais présidentiel, il habite la petite ferme de son épouse, « au bout d'un chemin de terre » en dehors de Montevideo. Il continue à y cultiver des fleurs avec son épouse, Lucía Topolansky, à des fins commerciales, et donne environ 90 % de son salaire présidentiel à des organisations caritatives ou pour aider des « petits entrepreneurs », conservant pour lui-même l'équivalent du salaire moyen en Uruguay (environ 900 € par mois). Le couple présidentiel bénéficie de la protection de deux policiers à la ferme » (1).

Jose Mujica : un président vraiment différent

Le président de la république d’Uruguay, José Mujica Gordano, n’est pas un personnage comme les autres. Il se singularise par une indépendance vis à vis de l’addiction à l’argent contrairement à l’immense majorité de tous les autres potentats notamment arabes . Yann Arthus-Bertrand l’a rencontré Il lui donne la parole : « Mon nom est José Mujica Gordano, je suis le descendant d’immigrants. Je suis un genre de paysan, qui adore la nature… et j’ai dédié une part importante de ma vie à essayer d’améliorer la condition sociale du monde dans lequel je suis né. En ce moment, je suis président, je fais quelques trucs, j’en supporte d’autres et je dis merci à la vie. En ce moment, je suis président, je fais quelques trucs, j’en supporte d’autres et je dis merci à la vie. J’ai eu quelques déconvenues, de nombreuses blessures, quelques années en prison… Enfin, la routine pour quelqu’un qui veut changer le monde. C’est un miracle que je sois encore vivant. Et par dessus tout, j’aime la vie. J’aimerais arriver au dernier voyage comme quelqu’un qui arrive au comptoir et qui demanderait au tenancier une autre tournée ». (2)

Une philosophie de la vie contre le consumérisme

« J’ai passé poursuit le président Mujica, plus de 10 ans de solitude dans un cachot, dont 7 ans sans lire un livre. J’ai eu le temps de penser et voilà ce que j’ai découvert : soit tu parviens à être heureux avec peu, sans bagages, parce que ce bonheur est en toi, soit tu n’accompliras rien. Ce n’est pas l’apologie de la pauvreté mais celle de la sobriété. Mais comme nous avons inventé une société consumériste, l’économie doit croître. Nous avons inventé une montagne de besoins superficiels ; nous vivons en achetant et en jetant. Mais ce que l’on dépense vraiment, c’est notre temps de vie. Parce que lorsque j’achète quelque chose ou que toi tu achètes quelque chose, tu ne l’achètes pas avec de l’argent, tu l’achètes avec le temps de vie que tu as dépensé pour gagner cet argent. A cette différence que la seule chose qui ne peut pas être achetée, c’est la vie. La vie ne fait que s’écouler et quel malheur de l’employer à perdre notre liberté. Car quand est-ce que je suis libre ? Je suis libre quand j’ai du temps pour faire ce qui me plaît et je ne suis pas libre quand je dois dépenser de mon temps pour acquérir des choses matérielles censées me permettre de vivre. De fait, lutter pour la liberté c’est lutter pour disposer de temps libre ».(2)

« Je sais que j’appartiens à une civilisation dans laquelle beaucoup de gens diront : « comme il a raison, ce monsieur » mais qui ne me suivront pas. Parce que nous sommes comme pris dans une toile d’araignée, prisonniers. Mais, au moins, il faut commencer à y réfléchir. J’ai appris, pendant mes années de prison, à regarder la vie où elle se voit à peine. Les fourmis… les fourmis crient, elles ont un langage… Les rats prennent des habitudes, ils s’habituent à un horaire… Les grenouilles remercient un verre d’eau dans lequel elles pourront se baigner. J’ai appris la valeur des choses vivantes. J’ai aussi appris à converser avec celui que j’ai en moi.(…) C’est un personnage que tu oublies souvent face à la frivolité de la vie. Et je recommande de regarder vers l’intérieur de soi-même. Et de moins regarder la télévision, vers l’extérieur, et de parler avec celui qui est en nous, avec ses interrogations, ses défis, ses reproches, ses blessures, … Je crois que les gens parlent très peu avec eux-mêmes ». (2)

« Lutter, ajoute le philosophe président, rêver et aller contre le sol en se confrontant à la réalité, c’est tout ça qui donne sens à l’existence, à la vie. Notre nature est telle que nous apprenons beaucoup plus de la douleur que de l’abondance. Cela ne veut pas dire que je recommande le chemin de la douleur ou quelque chose de ce genre. Cela veut dire que je veux transmettre aux gens qu’il est possible de tomber et de se relever. Et ça vaut toujours le coup de se relever. Une fois ou mille fois – tant que tu es vivant. C’est le message le plus grand de la vie » Sont défaits ceux qui arrêtent de lutter, et arrêter de lutter, c’est arrêter de rêver ». Lutter, rêver et aller contre le sol en se confrontant à la réalité, c’est tout ça qui donne sens à l’existence, à la vie. Pour les nouvelles générations, c’est une sorte de formule pour affronter l’existence. Des défaites, il y en a quand tu as une maladie et que tu as du mal à la vaincre; des défaites il y en a quand tu perds ton travail et que tu as des problèmes économiques. Mais on peut toujours recommencer. Et c’est là, dans le fond, une expression psychologique d’amour à la vie. Il faut être reconnaissant parce qu’être vivant est un miracle ».(2)

Le révolutionnaire désabusé mais heureux de la vie

En réalité, conclut il d’une façon réaliste : « humblement, je suis un Don Quichotte, toujours défait. Nos succès sont très éloignés des rêves que nous avions… et des idées que nous faisions. Il y a 40 ans, c’était assez simple : on croyait qu’il était possible d’arriver au pouvoir et de construire une société meilleure en changeant le système de production, blablabla, etc. Cela nous a couté beaucoup de défaites et puis nous avons compris qu’il était plus facile de changer une réalité économique qu’une culture. Et le problème est que si toi tu ne changes pas, rien ne change. La chose la plus transcendante pour nous tous sur Terre, c’est celle à laquelle nous pensons le moins ! Et c’est d’être vivant ! C’est un miracle ! Il y a des millions de probabilités contre ce fait miraculeux qu’être vivant pour un humain. Comment ne pas aimer ça ? Comment ne pas y faire attention ? Comment ne pas lutter pour donner du sens à ce miracle ?(…) En ce moment, je suis dans une étape de président et demain, comme n’importe qui, je serai un tas de vers qui s’en va ».(2)

Le sacerdoce de Pepe Mujica : Humilité et Sobriété en tout

Chloé de Geyer d'orth, nous résume en quelques phrases le bréviaire d’une vie simple : « Malgré son élection à la Présidence, Pepe Mujica n'en a pas pour autant changé son style de vie. Il a refusé de s'installer dans le palais présidentiel, préférant rester dans sa ferme située en banlieue de Montevideo, dans laquelle il travaille et vit depuis vingt ans avec sa femme Lucía Topolansky, qui partage son passé de guérillero. Pepe Mujica a fait le choix de vivre avec le salaire mensuel moyen de son pays, l'équivalent de 680 euros par mois. Il fait don de 90% du salaire qu'il reçoit pour sa fonction de Président et Commandant en chef de l'armée, soit 9 300 euros, à des organisations caritatives, notamment d'aide au logement et d'éducation. En parallèle de sa charge présidentielle, Mujica continue avec sa femme la culture et la vente de fleurs, un petit commerce qu'ils ont ouvert il y a déjà longtemps. Peu porté sur les limousines et autres bolides, ce Président se déplace toujours dans sa coccinelle Volkswagen achetée en 1987, sauf pour les déplacements officiels au cours desquels il utilise une simple Chevrolet Corsa. « J'ai vécu comme ça la plupart de ma vie. Je peux vivre avec ce que j'ai » explique-t-il. Sur la déclaration de patrimoine, un devoir pour chaque élu uruguayen, ses seules possessions sont sa Coccinelle bleue, la ferme dans laquelle il vit et qui appartient à sa femme, deux tracteurs et du matériel agricole. Ce président ne possède ni dettes, ni compte bancaire ». (3)

« Cet ascétisme peu commun poursuit- elle, lui a valu le titre de « Président le plus pauvre du monde » par de nombreux médias. Interviewé par les journalistes sur le sujet, la réponse de Pepe Mujica est surprenante : « on m'appelle le président le plus pauvre, mais je ne me sens pas pauvre. Les pauvres sont ceux qui travaillent uniquement pour avoir un style de vie dépensier, et qui en veulent toujours plus… ». De cette philosophie de vie qu'il a développée pendant ses années d'emprisonnement, Pepe Mujica se soucie peu des protocoles liés à la fonction présidentielle. Député, il choquait déjà son entourage quand il sortait de sa ferme pour se rendre au Parlement en Vespa, ou au Congrès chaussé de ses bottes en caoutchouc pleines de terre. (…) Son style vestimentaire ? Pepe Mujica est toujours habillé très simplement, même lors des sommets mondiaux. Il aborde un style décontracté, sans cravate et toujours avec ses vieilles bottines en cuir usées. (..) » (3)

Durant l’hiver 2011, cinq Uruguayens sont décédés d’hypothermie car ils n’avaient pu être accueillis dans les refuges mis à disposition pour les sans-abris à Montevideo. Pour éviter que ce type de situation ne se reproduise, le président de l’Uruguay, Jose Mujica a décidé que le Palais présidentiel figurerait dorénavant dans la liste des édifices publics servant au logement des personnes sans domicile fixe Actuellement, le président Mujica n’occupe pas la résidence présidentielle « Suárez y Reyes » ne servant que pour les réunions. Le 24 mai 2012, une mère sans-abris et son fils avaient demandé à être réfugiés dans le palais présidentiel mais ils avaient pu finalement être logés ailleurs. En 2011, lors de la pénurie de refuges, la ministre du Développement social, Ana Vignoli, avait été démise de ses fonctions ».(4)

Dans un discours poétique à l'Assemblée Générale de l'ONU en septembre 2013 citant le poète Enrique Santos Discépolo qui peint un monde de décadence, Mujica a livré aux leaders mondiaux réunis à New York une vision obscure des temps à venir : « Nous avons sacrifié dit-il les vieux dieux immatériels et occupons le temple avec le dieu argent. Si l'humanité aspirait à "à vivre comme un Nord-Américain moyen" "trois planètes" seraient nécessaires. Nous Avons besoin de nous gouverner nous- mêmes ou nous succomberons; Parce que nous ne sommes pas capables d'être à la hauteur de la civilisation que dans les faits nous avons développée. C'est notre dilemme ».(5)

Le développement durable de la planète ; Le combat des justes

Pepe Mujica dénonce la société de consommation, qui selon lui incite l'homme à « vivre pour travailler » et non « travailler pour vivre ». C'est ce qu'il qualifie « d'esclavagisme » moderne. « C'est une question de liberté » Si Pepe Mujica critique la société de consommation, c'est avec la même ferveur qu'il dénonce « l'hypocrisie des sociétés modernes et de leurs dirigeants » sur des questions telles que l'avortement ou encore la toxicomanie. (..) « Il y a toujours eu de la drogue, les drogues sont bibliques »déclare-t-il. Âgé de 78 ans et bientôt en fin de mandature, Pepe Mujica s’apprête, sauf grosse surprise, à retrouver sa vie vraiment « normale », dans sa ferme, et se consacrer à la culture des fleurs avec sa femme.

En juin 2012, lors de la conférence sur le développement durable des Nations unies Rio + 20, le président de l’Uruguay a fait un discours qui a été repris des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. Extraits. “Nous ne pouvons pas déclare- t-il, continuer, indéfiniment, à être gouverné par les marchés ; nous devons gouverner les marchés. […] Les anciens penseurs Epicure, Sénèque ou même les Aymaras disaient : ‘Celui qui est pauvre n’est pas celui qui possède peu, mais celui qui a besoin de beaucoup et qui désire toujours en avoir plus.’ (…) Mes compatriotes se sont battus pour obtenir la journée de travail de huit heures. Aujourd’hui, ils travaillent six heures. Mais celui qui travaille six heures doit cumuler deux boulots ; donc il travaille encore plus qu’avant. Pourquoi ? Parce qu’il accumule les crédits à rembourser : la moto, la voiture… toujours plus de crédits. Et, quand il a fini de payer, c’est un vieillard perclus de rhumatismes, comme moi, et la vie est passée. Je vous pose la question. Est-ce que c’est cela la vie ? Le développement ne doit pas être opposé au bonheur, il doit favoriser le bonheur des hommes, il doit favoriser l’amour, les relations humaines, permettre de s’occuper de ses enfants, d’avoir des amis, d’avoir le nécessaire. Parce que c’est précisément la chose la plus précieuse. Et, dans notre combat pour l’environnement, n’oublions pas que l’élément essentiel, c’est le bonheur des hommes »(6).

Pépé Mujica, nous incite à ne faut pas perdre de vue les fondamentaux de la vie. Nous sommes sur Terre pour servir, et non pas se servir et encoure moins asservir Déjà Alexandre Le Grand sur son lit de mort, mettait en garde contre les tentations qui nous font oublier la finalité première de la vie. Cette leçon de vie est à méditer par les princes qui gouvernent. Cela ne veut pas dire que des présidents « style Pépé Mujica » constituent des exceptions. Nous aussi, nous avons eu en Algérie un certain Boudiaf ascète concernant la culture de l’éphémère. On rapporte entre autres qu’il a refusé de se vêtir de costumes du couturier italien Smalto en insistant pour donner l’exemple avec des vêtements de la Sonitex. Ce fut le cas aussi, d’après Paul Balta d’un certain Boumediene qui mourut son héritage ; un compte en banque où il y avait à peine 6000 Da et une voiture sur cales….

1.Jose Mujica : Encyclopédie Wikipédia

2.http://www.goodplanet.info/debat/2014/05/15/jose-mujica-president-different/?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+Goodplanetinfo+%28Les+D%C3%A9p%C3%AAches+GoodPlanet.info+%29

3. Chloé de geyer d'orth, Http://www.lejournalinternational.fr/uruguay%c2%a0-jose-mujica-le-%c2%a0president-le-plus-pauvre-du-monde%c2%a0_a1076.html 18/07/2013

4.ArnaudLefebvre http://www.express.be/joker/fr/platdujour/mujica-le-president-de-luruguay -transforme-le-palais-presidentiel-en-refuge-pour-sans-abris/169697.htm· 07 06 2012

5.http://www.semana.com/mundo/articulo/el-discurso-poetico-de-mujica-contra-el-orden-economico-mundial/358894-3

6.Http://www.courrierinternational.com/article/2012/11/29/le-pauvre-c-est-celui-qui-a-besoin-de-beaucoup-jose-mujica

Professeur Chems Chitour

Ecole Polytechnique Alger

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5 mai 2014 1 05 /05 /mai /2014 15:23

«Avec tout l'argent du monde, on ne fait pas des hommes, mais avec des hommes et qui aiment, on fait tout.»

Abbé Pierre

Comment peut-on mesurer la valeur d'un homme? Ce titre m'a interpellé, j'ai voulu en savoir plus et l'article suivant m'apprend que tout homme a son prix comme une célèbre phrase attribuée à Henri Kissinger. La contribution suivante nous montre à quel point tout s'est détérioré et qu'un homme sans argent est invisible socialement. Pire encore, il est écrasé par l'avènement d'une société perverse où les valeurs ou réputées telles: l'honnêteté, le travail bien fait, la solidarité n'ont plus court. La contribution suivante nous montre à quel point les cades classiques ont changé:

«Je ne pense pas qu'il soit possible de mesurer cela», estime un contributeur dans le fil de discussion Yahoo! intitulé «Comment mesure-t-on la valeur d'un homme?». «Un Zidane, ça vaut dans les 75 millions d'euros. Je pense que tu peux m'avoir pour un radis et deux tomates», ironise une autre. Pointe-t-elle la difficulté d'évaluer, sinon de monétiser, un individu, ou le fait que la question exclut la femme du débat? Combien ça coûte? Combien cela me rapporte? Combien je vaux? A longueur de journée, «l'argent est comme un sixième sens. Sans lui, on ne peut pas se servir des cinq autres», écrit l'écrivain britannique William Somerset Maugham (1874-1965), l'auteur le mieux rémunéré des années 1930. Chacun évalue, compare, met en balance... ses biens comme son prochain, notamment à l'aune de sa personne et de son patrimoine. «N'avez-vous jamais voulu savoir combien vous valez d'euros? C'est le moment de le savoir», propose le site Humainavendre.com. Quelque 573.593 humains se sont adonnés à cette estimation bien saugrenue. Et un de plus! «Félicitations, vous valez 5.439.100 euros», m'assure-t-on. Je n'aurais pas donné aussi cher de ma peau. Et virtuellement? Puis-je tirer un aussi bon parti de ma présence sur les réseaux sociaux?» (1)
Un autre soporifique est l'Internet qui foisonne de sites où tout est bon pour donner l'illusion de «compter» alors qu'en fait le soi-disant débat où on vous demande votre avis sur tout et n'importe quoi rapporte de l'argent: «Combien monnayer, s'il y avait lieu, ses comptes Facebook, Twitter, Instagram, Tumblr...? Selon les estimations du cabinet IHS Technology relayées surHuffingtonpost.fr, le prix de l'utilisateur sur Facebook, valorisé 127,3 milliards d'euros, est de 105 euros; celui sur Twitter, qui pèse tout juste 22 milliards d'euros, serait évalué à 93 euros. On peut attendre 64 euros de son Linkedln mais pas plus de 25 euros de son WhatsApp. Autant garder sous le coude son Instagram et son menu fretin de 4,80 euros, tout comme son Tumblr et ses 4,70 euros.»(1)

«Ma calculette à l'écran attend avec impatience l'issue des courses. Autant l'écrire en toutes lettres pour rendre compte de l'étendue des dégâts virtuels: deux cent quatre-vingt-seize euros et cinquante centimes. Voilà ce que vaut ma «virtualité», soit à peine 0,005% de ma vie réelle. Il y a toutefois lieu de s'en réjouir, l'inverse aurait été dramatique. En l'espace d'une seule seconde, Google empoche, lui, un gain de 474 euros, selon World Play (lemde.fr/1hdSyax), Facebook 58 euros et Twitter perdrait 35 euros.» (1)

Ceci n'est pas de l'argent virtuel. L'internaute s'en sort en étant payé par le divertissement qui lui fait oublier provisoirement sa condition pendant ce temps les moteurs de recherche s'en mettent plein les poches.


Que valons-nous réellement?

Peut-on parler de valeur absolue ou de valeur relative? L'estime de soi est aussi un critère de valorisation ou de dévalorisation (jusqu'à la haine de soi). «Lorsqu'on vit une situation dont l'issue nous déçoit, nous sommes évidemment renvoyés à l'image que l'on a de soi. Le meilleur moyen de ne jamais être déçu, c'est d'avoir une attente si basse que n'importe quel évènement suffit à la combler. Si je me contente de vouloir reproduire la forme globale du personnage et pas de rendre une image fidèle, je suis certain d'y arriver. Mais cela n'empêche que dans chaque situation, quelque chose de plus subtil est en jeu. L'interprétation des évènements entre en action et nous donne une information: il précise le niveau d'attente que l'on a par rapport à soi. (..) Nous sommes chacun à notre manière, des amateurs en train de goûter notre vie. Parfois on apprécie la saveur et puis parfois on trouve qu'il manque des arômes. (...) L'une des meilleures conséquences que peut avoir cette conscience du goût, c'est de vous donner confiance pour avancer. En étant ouvert et prêt à entendre, vous ouvrez la porte de l'amélioration continue. Je fais partie de ceux qui pensent que nous sommes ici bas pour voir ce que l'on peut faire de notre vie. L'amélioration continue est donc un chemin parfait et rien de tel que l'appréciation fine des éléments pour y arriver. (2)

En rapportant cette appréciation tout à fait louable sur l'effort et l'amélioration constante, j'ai la certitude que c'est un langage dépassé dans ce XXIe siècle où nous avons perdu les repères. Pourtant, nous savons que le libéralisme sauvage fait des individus autonomes par la pensée des individus sujets qui présente une formidable addiction à l'éphémère dont le néolibéralisme serait le bras armé.

La réalité du néolibéralisme

Les critiques du libéralisme ne manquent pas. L'ouvrage de Dany-Robert Dufour: «Le divin marché. La révolution culturelle libérale» écrit Thierry Jobard, s'en distingue pour deux raisons principales. La première tient au fait que son travail est celui d'un philosophe qui pense le monde comme une totalité, à savoir comme un système qui interagit en permanence et qui exprime une circulation du sens. D'où, d'autre part, son analyse qui embrasse les nouveaux rapports qu'instaure le libéralisme: le rapport à soi, à l'autre, à la politique, à la religion, à la langue, à l'art, voire à l'inconscient. Revenant sur la prétendue sortie du religieux, D.-R. Dufour montre que nous assistons plutôt au remplacement d'une divinité par une autre, en l'occurrence un divin marché sadien dont le principal commandement - «Jouissez!» - conduit à un comportement de consommateur pulsionnel. (...) La langue elle-même est investie (puisque tout fait sens et que rien n'est innocent); mieux vaut parler de gouvernance que de pouvoir, de genre plutôt que de sexe... Cette progressive création d'une «novlangue» accompagne celle d'un «novmonde» technologique qui, sous couvert d'un progrès permanent, ne résout les problèmes qu'en créant de nouveaux dangers incontrôlés dans un cercle parfaitement vicieux». (3)


Le marché et son installation: les consommateurs sous influence

Dans cette lutte féroce pour vendre à tout prix, les firmes multinationales ne manquent pas d'imagination. Elles faisaient appel aux techniques antédiluviennes de la réclame puis de la publicité classique. Elles s'attaquent maintenant au cerveau et créent un besoin. Pierre Barthélemy rapporte l'expérience singulière - pour nous, mais rentrée dans les moeurs ailleurs - de mainmise sur le cerveau. (4)

Justement, pour Dany-Robert Dufour l'échange marchand généralisé et libéralisé détruit ou dérégule les autres «économies»: l'économie discursive (échange du sens, des idées), l'économie sociale (donner, recevoir, rendre) et l'économie psychique (la limitation pulsionnelle, l'altruisme). La télévision forge-t-elle des individus ou des moutons? s'interroge-t-il: «L'individualisme n'est pas la maladie de notre époque, c'est l'égoïsme, ce self love, cher à Adam Smith, chanté par toute la pensée libérale. (...) Vivre en troupeau en affectant d'être libre ne témoigne de rien d'autre que d'un rapport à soi aliéné, dans la mesure où cela suppose d'avoir érigé en règle de vie un rapport mensonger à soi-même. Et, de là, à autrui. Il faut que chacun se dirige librement vers les marchandises que le bon système de production capitaliste fabrique pour lui. «Librement» car, forcé, il résisterait. (5)


Est-ce que la croissance débridée est synonyme de confort? De bien-être? Penser une décroissance de ce qui n'est pas essentiel est ce, «revenir à la bougie» encore que cela soit poétique! Pour Vincent Liegley, il faut «aller vers des sociétés matériellement frugales, écologiquement soutenables. L'enjeu est de revenir à une société beaucoup plus simple, à un autre type de confort matériel, sans remettre en question les avancées de la société actuelle. Sortir de la méga-machine, de la technostructure, comme y invitait Ivan Illich, autre penseur de la décroissance ». (6)

« Retrouver aussi ce qui a été détruit: convivialité, solidarité, le «buen vivir», ce concept de la «vie bonne» développé en Amérique latine. (...) Nous sommes face à l'effondrement d'une civilisation. Mais aujourd'hui, l'ensemble de la planète est embarqué sur ce Titanic. (...) Un changement de nos habitudes, une décolonisation de notre imaginaire, une transformation de nos institutions qui sont toxico-dépendantes de la croissance... Le but de la décroissance, est d'ouvrir des possibles de pensée. Nous tentons de penser l'utopie, ce vers quoi on veut tendre - sans peut-être jamais l'atteindre. Définir un projet de transition qui part de la société actuelle, tout en étant complètement en rupture avec celle-ci. L'important est de savoir où l'on va et d'assumer ces contradictions pour transformer la société en profondeur.» (6)


La fabrique de l'humain: naissance du pervers puritain

Nous le voyons, l'humain largue progressivement les amarres avec sa condition d'homme. Il est devenu un automate mu par le désir. Dans son dernier ouvrage justement, «La cité perverse», sous-titré «Libéralisme et pornographie». Le philosophe Dany-Robert Dufour, répond à une interview à Philippe Petit:

«L'objectif du philosophe est assez simple. Il entend démon-trer comment la libération des passions - autrement dit le triomphe absolu de l'égoïsme, l'impératif de jouissance, le besoin de domination - ont transformé toutes les économies où interagissent les hommes: l'économie marchande, l'économie politique, l'économie esthétique, voire symbolique. Le libéralisme selon Dufour possèderait donc au moins deux faces: une face puritaine, représentée par Adam Smith, et une face perverse, représentée par le divin Sade. Il serait l'accoucheur d'un monde où les individus obéissent avant tout à ce commandement suprême: jouis! Un monde où l'on peut jouir non seulement dans la dimension sexuelle, mais aussi dans celle de la possession et de la domination, de même que dans celle du savoir. Ce monde ressemble-t-il au nôtre?»(7)

Le philosophe poursuit: «Sade était mort. Il est mort pendant deux siècles et Sade est revenu. Il est revenu dans notre monde progressivement au cours du XXe siècle par des chemins détournés. (..) Puis il est revenu de plus en plus à visage découvert. Voilà. Alors, j'essaye de faire dans ce livre la généalogie de ce principe de jouissance. On croyait, on a cru pendant longtemps qu'il était venu au cours de la post-modernité.» Le principe d'égoïsme absolu qui est révélé par Sade, c'est celui qui est en jeu dans la crise. Et c'est le principe, cette fois, de la défense à tous crins de l'intérêt personnel à tel point que cela s'est nommé la cupidité.(...) C'est ce principe de la cupidité, d'égoïsme absolu, de la défense à tous crins de l'intérêt personnel, de la jouissance absolue dans tous les domaines où cela peut se manifester, dans les trois libidos que j'ai reprises dans la philosophie classique.»(7)

«On connaît la libido classique, poursuit Le philosophe, la libido des sens... Sentiendi. On connaît moins, on a oublié malheureusement la libido dominandi, qui est la possession, la jouissance, l'instrumentalisation de l'autre, Le désir de s'enrichir bien sûr, de la domination, c'est la domination sociale par la puissance de l'argent. Puis, la libido sciendi, qui est le désir de savoir au-delà de toutes les limites, par exemple les limites qui nous affranchiraient d'un certain nombre de principes, qui nous mettraient en position de recréer par exemple la nature, de recréer le génome, de récrire en fait le vivant. Pour les anciens, l'homme qui se laisse aller à ses passions, ce que l'on va appeler plus tard les pulsions, est comme un homme ivre. D'ailleurs, passion, c'est passif, c'est le même mot: passion, passif, pathos, etc., et quand on est dans la passion en fait contrairement à l'optique actuelle qui dit: «C'est pour lui une passion», Alors, justement, ce qu'il y a de nouveau chez les modernes, à partir de ce tournant moderne que je situe aux alentours de 1700, c'est le renversement en fait de cette problématique qui correspond à un renversement de la métaphysique occidentale, tout simplement. C'est-à-dire que c'est le moment où les passions vont être libérées et elles vont être libérées dans et par le libéralisme puisque ce qui était le principe de maîtrise et de contrôle des passions va se trouver au contraire exalté.» (7)

«On pourrait dire que la crise de 1929 est créée par la crise à la fois de spéculation, bien sûr, un peu à la façon des subprimes, puisque l'on a des lieux de spéculations immenses, la Bourse a été multipliée par 400 en 7 ans, il y a eu un tournant libéral pour la présidence Coolidge, mais il y a un autre aspect aussi, c'est que le capitalisme était surtout un capitalisme de production. Pour le dire d'une certaine façon, je dirais que c'est Sade qui a sauvé le capitalisme de la crise de 1928, plutôt c'est la pin-up, un personnage un peu sadien puisqu'elle excite à la jouissance, qui a sauvé le capitalisme. Pourquoi? Parce que ces objets... Il a fallu pour s'en sortir, on pourrait dire érotiser tout objet en montrant pour être une source de satisfaction pulsionnelle. Il a fallu mettre une pin-up derrière chaque objet. C'est une manipulation libidinale, une manipulation pulsionnelle et c'est comme ça qu'a tenu ce capitalisme de la consommation par une promesse de satisfaction pulsionnelle, une manipulation généralisée parce qu'il faut que le désir soit absolument formaté pour être bien dirigé vers les objets que l'on propose et pas vers le reste. C'est pour cela qu'il y a un côté pervers, il faut absolument consommer et même de façon addictive ces objets proposés à la consommation puis le reste il ne faut pas et quand il ne faut pas, il est puritain».(7)

Cette modification de l'économie libidinale et pulsionnelle démonétise l'homme... Sa valeur intrinsèque est indexée sur son «avoir» et non pas sur son «être» D'où viendrait le salut? Dany Robert Dufour propose: «Pour sortir de la crise de civilisation, il convient de reprendre, un élan humaniste. Comment faire advenir un individu qui serait enfin «sympathique» c'est-à-dire libre et ouvert à l'autre. «Il nous semble qu'un des enjeux civilisationnels actuels soit précisément d'échapper à ce dilemme. (...).» (8) Tout est dit.

1. http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/05/02/combien-valez-vous_4410615_3234.html


2. http://esprit-riche.com/lorsque-nous-valons-mieux-que-ca/


3.Thierry Jobard http://actuphilo.com/tag /dany-robert-dufour / 15/06/2011

4. http://www.legrandsoir.info/la-fabrique-du-consentement-plaidoyer-pour-une-decroissance-de-l-ephemere.html


5. http://www.mondediplomatique.fr/2008/01/DUFOUR/15491- JANVIER 2008

6.Vincent Liegey Propos recueillis par Agnès Rousseaux http://www.bastamag.net/article2987.html


7. http://www.fabriquedesens.net/La-fabrique-de-l-humain-Naissance


8. Dany Robert Dufour http://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/DUFOUR/15491

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique nep-edu.dz

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