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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 00:00

«Gagner sa vie ne vaut pas le coup, attendu qu'on l'a déjà. Le boulot y en a pas beaucoup, faut le laisser à ceux qui aiment ça.»

Coluche

Cette boutade de Coluche, au-delà de son aspect ludique, nous informe qu'il n'y a pas beaucoup de boulot. C'est donc quelque chose de «structurel». Il y aura de moins en moins d'emploi, notamment pour les jeunes. Justement, le mercredi et le jeudi 12 septembre s'est tenue au Club des Pins une conférence à l'initiative du Cnes, de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires (Aicesis). Au-delà de la réunion protocolaire, ce que nous retiendrons est le thème de la table ronde: «Quelles nouvelles problématiques et quel rôle pour la société civile organisée pour la promotion de l'emploi et l'intégration socio-professionnelle des jeunes.»

Dans son allocution d'ouverture Mohamed-Seghir Babès. le président du Conseil national économique et social (Cnes), sur le développement socioéconomique et la résorption du problème du chômage dans le monde, a martelé la «construction d'un consensus mondial très large par les Conseils économiques et sociaux des différents pays pour pouvoir consacrer une stabilité, indispensable à tout développement», notamment dans cette étape particulièrement délicate où la demande légitime peut faire l'objet de récupération.

L'emploi des jeunes dans le monde: le constat accablant

Deux interventions ont attiré mon attention. D'abord, celle du directeur adjoint du BIT puis celle du président du Cnes italien Prenant la parole, le directeur général adjoint du Bureau international du travail (BIT), Gilbert Houngbo, a déclaré que le fléau du chômage avait touché, cette année, plus de 73 millions de jeunes (13,6% du total). Le chômage des jeunes est 3 à 4 fois plus important que celui des adultes. Il a ensuite parlé des travailleurs pauvres (working power) à moins de 2$/jour, relevant qu'ils ne pouvaient pas sortir de «la spirale de la pauvreté, car ils occupent des emplois précaires et informels». Les jeunes sont défiants à l'égard du Système. La résolution de juin 2012 de l'OIT reconnaît qu'il n'y a pas de «solution miracle». Pour le directeur adjoint du BIT, les CES sont appelés à nouer des partenariats «innovants» pour lutter contre le chômage et contribuer à la promotion de l'emploi des jeunes.

Cinq actions sont recommandées. D'abord, une approche macro-économique du problème du chômage, ensuite l'investissement dans la formation, l'encouragement de l'entreprenariat, l'encouragement des acteurs de la société civile à s'impliquer dans le développement, et enfin la nécessité de promouvoir l'emploi des jeunes en combattant les pratiques discriminatoires. Pour le directeur adjoint du BIT, les Conseils économiques et sociaux sont appelés à créer des partenariats «innovants» car la population des jeunes «constitue un formidable atout pour les économies et les sociétés, à condition qu'elle occupe des emplois décents et qu'elle soit intégrée dans la société».

La deuxième intervention est celle de M.Malvano président du Cnel. Pour lui, 20 à 24% de jeunes en Italie sont au chômage. Ils sont les plus vulnérables. Dans l'échelle de précarité, les jeunes sont en tête. Les causes sont multiples: il y a d'abord l'éducation, l'absence de crédit pour l'emploi des jeunes. L'absence de croissance ne crée pas d'emploi. Comment assurer la cohésion sociale? Il propose de donner un «projet», une utopie. «Ne soyez pas triste, ne vous faites pas voler l'espoir.» Il faut que les jeunes prennent leur part dans la recherche de l'emploi par la création de richesse pérenne à partir d'idées porteuses. Développer la positivité et l'inventivité.



Les recommandations de l'Aicesis

L'Association internationale des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires (Aicesis) a recommandé, dans son rapport annuel de 2013, quatre propositions qualifiées de «carré magique» à même de réguler l'emploi. Les quatre propositions consistent en l'égalité d'accès à l'emploi, l'adéquation formation-emploi, le rôle d'intermédiation de la société civile ainsi que la rénovation des politiques de gouvernement, a indiqué M.Djamel Bouras expert économiste au Cnes, rapporteur de l'Aicesis. En matière d'égalité d'accès à l'emploi, les nombreuses discriminations affectant les marchés du travail, exigent que les principes d'égalité des chances pour l'accès à un emploi «décent» constituent les invariants des politiques publiques, et il revient aux Conseils économiques et sociaux (CES) d'y veiller. (1) (2)

Il a relevé que la discrimination touche aussi les femmes et les personnes vulnérables, les personnes d'origine sociale modeste ou porteuses de peu de qualification ainsi que les immigrés et les handicapés d'où la nécessité de mettre en place des «dispositifs appropriés» de manière à éliminer ces facteurs de discrimination à tous les niveaux de la législation, des politiques publiques et des systèmes sociaux de prise en charge. Pour ce qui est de la problématique de l'adéquation formation-emploi, le rapport de l'Aicesis a déploré le retard qu'enregistrent les systèmes de formation pour s'adapter à l'évolution du marché de l'emploi et des petits métiers, alors que les services d'orientation ne répondent pas toujours aux voeux des apprenants». (1) (2)


«L'employabilité et le recyclage permanent poursuit le rapporteur, deviennent les maîtres mots d'un processus permanent d'insertion socioprofessionnelle permettant de maintenir les liens entre l'emploi et la qualification du travail», a indiqué M.Bouras appelant, en outre, à l'émergence de nouveaux modèles de formation davantage connectés aux réalités économiques du terrain.» (1) (2)

Abordant le rôle d'intermédiation de la société civile en tant qu'acteur et partenaire des processus socio-économiques, le rapporteur a estimé que «les politiques d'emploi ne peuvent plus s'accommoder d'approches globales et de dispositifs centralisés». Le rôle de partenaires sociaux et de la société civile sont au coeur des dispositifs d'insertion socioprofessionnelle comme notamment intermédiaires, médiateurs accompagnateurs et facilitateurs (...) Les nouveaux moyens de communication à travers la Toile et les réseaux sociaux permettent une meilleure circulation et fluidité de l'information dans le domaine de la recherche de nouvelles politiques d'emploi, ce qui permet à la société civile de contribuer à la stabilité et à la cohésion sociale, recommande encore le rapport du l'Aicesis.(1) (2)



Problématique de l'emploi en Algérie: état des lieux

Pour Mustapha Mekideche, vice-président du Cnes, c'est l'emploi, singulièrement celui des primo demandeurs, s'agissant de la catégorie sociale la plus exposée au chômage (78,8% des chômeurs ont moins de 35 ans), et celui des wilayas du Sud, s'agissant des régions les plus déficitaires, selon l'inspection générale du travail, le taux de chômage de près de 30% en 1997 a été ramené à 10% en 2012 selon l'ONS. (...)» (3)

« L'analyse des données écrit-il, de la période 1999 à 2007, fournies par le ministère du Travail et de l'Emploi nous montre que la création d'emplois est portée par les secteurs moteurs de la croissance (Btph, agriculture, le secteur informel, services et Fonction publique). Une telle tendance s'est d'ailleurs poursuivie jusqu'en 2012. Le Btph, par exemple, est passé de 743.000 emplois en 1999 à 1.258.000 en 2007. Durant la même période, les emplois dans les secteurs du commerce, des services et de l'administration ont aussi augmenté de 2.447.000 à 3.143.000. Ceux de l'agriculture sont passés de 1.185.000 à 1.852.000. Quant à ceux fournis par ´´les formes particulières d'emploi´´ (informel + dispositifs d'aide à l'emploi + travail à domicile), ils passent de 1.175.000 à 2.525.000 pendant la même période. Les secteurs de l'agriculture, des services et du Btph représentent à eux seuls 54,8% de la création nette d'emplois. (3)


Que faut-il faire?

Monsieur Mekideche ajoute: «Les mesures qui avaient été prises par le Conseil des ministres du 22 février 2011, (contrats d'insertion, incitations fiscales, soutien à la création d'entreprises) avaient fait retomber la pression mais ne l'ont pas fait disparaître. Alors beaucoup reste à faire. (...) La question qui se pose, dans ces conditions, c'est de savoir si on n'a pas atteint les limites de financement budgétaire des politiques publiques de l'emploi.» (3)

Je lui réponds «Oui!» Est-ce suffisant à l'évidence, non! On ne peut pas continuer à remplir un «tonneau des Danaïdes» qui ne se remplira jamais de cette façon. Il est grand temps de rechercher et d'identifier de nouvelles pistes de création d'emplois car le défi est toujours là.
«La relance annoncée du secteur industriel peut-elle constituer une de ces pistes? s'interroge M.Mekideche (...) Le secteur industriel est un des derniers moteurs de croissance et de création massive d'emplois qui n'a pas été encore mis en route en Algérie. (...) ce secteur ne crée pratiquement pas d'emplois (493.000 en 1999 et 522.000 en 2007). Cela est observable dans la baisse régulière de sa contribution au PIB (5% en 2012) et dans celle de son indice pour 2010 (- 2, selon l'ONS). (3)

«Alors, la nouvelle réponse à la problématique de l'emploi est toute trouvée: il faudra relancer rapidement le secteur industriel par tous les moyens possibles et tous secteurs confondus car, après avoir détruit de l'emploi, il peut en créer massivement, y compris dans les wilayas du Sud. En reconstruisant par exemple, sur des bases modernes et rénovées, les bassins d'emploi des grands centres urbains (...) En inversant la tendance à la désertification industrielle du pays et en faisant l'effort de mettre en adéquation le système de formation et de recherche avec les nouveaux besoins industriels et technologiques, on réalisera deux objectifs. Le premier est celui de relever durablement et structurellement le défi de l'emploi. Le deuxième est de rentrer dans la mondialisation par le haut: celle d'une économie tirée par le développement industriel et technologique. Les premiers signaux faibles sont enfin audibles (cimenteries de taille adaptées à Béchar et In Salah, réévaluation des gisements miniers de Béchar et Gara Djebilet, projets mécanique et automobile à Constantine, Oran, Rouïba et Tiaret, sidérurgie à Jijel). (...) On a perdu trop de temps avant d'identifier ces solutions et encore plus à les concrétiser. En vérité, trop d'intérêts installés et informels s'y opposent encore car la substitution aux importations limite leur boulimie. La bureaucratie fait le reste. (3)


Notre vision de l'emploi

Cette vision généreuse n'est pas de mon point de vue suffisante. Il est utopique de croire que ces investissements lourds pourront à eux seuls, suffire. Il faut se défaire de la vision de l'Etat rentier. Comment arriver à un Etat stratège qui donne dans le cadre d'une planification nécessaire pour le développement, les grandes lignes du développement. Nous ne pouvons pas concurrencer les sociétés internationales qui inondent le marché algérien sur des segments dont nous avons perdu le savoir-faire du fait d'un dégraissage qui non seulement a laissé sur le bord de la route des centaines de milliers de citoyens mais qui nous à fait perdre du même coup la capacité d'innover.

Certes, il nous faut lutter pied à pied pour consommer algérien et il ne suffit pas de le dire, il est nécessaire que des dispositifs soient mis en place pour rendre compétitive réellement la production nationale sans verser dans la paresse du monopole, notamment aussi par une pédagogie de tous les jours à travers nos médias (lourds et légers) sur la nécessité d'un consensus pour le développement du pays.

Dans toutes les contributions relevées, un maitre mot cent fois relevé: la nécessité de l'éducation et de la formation en phase avec une stratégie d'ensemble pour le développement du pays (stratégie énergétique, grands travaux, diminution de la dépendance alimentaire, verdissement du Sud...). Il est utopique de demander à l'Etat d'assurer un emploi à tout le monde. Par contre, le système éducatif doit dans son ensemble habiliter le jeune, quel que soit le niveau de sortie du système éducatif, à se prendre en charge.
Pour cela il est évident que les dispositifs de type Ansej et Andi qui ont participé il faut le souligner à résorber une partie du chômage, ne peuvent plus continuer de la sorte par manque de moyens et aussi du fait de la redondance des propositions de création d'emploi.
La saturation des bus de transports, en est un exemple. Acheter des milliers de casques pour la coiffure n'est pas une fin en soi. L'Etat doit faire des appels d'offres de création de richesse comme substitution à l'importation d'une façon graduelle de choses que l'on savait faire.

La tripartite devrait s'emparer de toutes nouvelles idées visant à aller plus loin que les dispositifs classiques. Les idées ne manquent pas. Souvenons-nous et sans verser dans un patriotisme économique paresseux et sans imagination: «Nos emplettes sont nos emplois.»

1. Rapport annuel de 2013 de l'Aicesis: Quatre propositions internationales pour réguler l'emploi dans le monde http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/46313


2.Demmad Akila http://www.elmoudjahid. com/fr/actualites/46311 12 09 2013

3.Mustapha Mekidèche: http://www.liberte-algerie.com/contribution-economique/problematique-de-l-emploi-en-algerie-necessite-de-nouvelles-solutions-196489

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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