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7 mai 2015 4 07 /05 /mai /2015 19:43

« Le patriotisme, c'est aimer son pays. Le nationalisme, c'est détester celui des autres ».

Charles de Gaulle

Dans le droit fil des mesures à même de ramener un peu plus de sérénité dans l'ébriété multiforme actuelle, il est un domaine qui, en principe, devrait être un sujet de consensus tant il est vrai qu'il s'agit du sort de l'Algérie qui se doit, recevoir l'assentiment du plus grand nombre et notamment des partis politiques structurés intellectuellement, - en dehors des 300 mots de la langue de bois. Il s'agit des voies et moyens de sortir par le haut, de la dépendance aux hydrocarbures, en rationalisant nos dépenses multiformes notamment énergétiques et en prônant dans cette difficile épreuve une sorte de patriotisme économique censé cohérent, non démagogue et qui ne sera surtout pas une prime à la médiocrité qui «obligerait» l'Algérie à se rabattre sur une production nationale.


Comment peut-on définir le patriotisme économique et le protectionnisme?

Le protectionnisme est une politique économique interventionniste menée par un État ou un groupe d'États, consistant à protéger ses producteurs contre la concurrence des producteurs étrangers. Les buts peuvent être le maintien de l'emploi dans certains secteurs d'activité, Les mesures protectionnistes consistent essentiellement à freiner les importations (barrières douanières, normes contraignantes, freins administratifs...), encourager les exportations (subventions diverses, incitations fiscales, dévaluation, dumping comme le «protectionnisme offensif»), privilégier les entreprises nationales dans les appels d'offres de marchés publics, ou empêcher les investisseurs étrangers de prendre le contrôle d'entreprises nationales.

Pour Gustave Le Bon «le patriotisme est la plus puissante manifestation de l'âme d'une race. Il représente un instinct de conservation collectif qui, en cas de péril national, se substitue immédiatement à l'instinct de conservation individuelle». C'est peut-être dans ce sens qu'il faut interpréter le Deutschland uber Alles du IIIe Reich. «La France, disait François Mitterrand est en guerre économique contre les Etats-Unis, une guerre sourde, une guerre sans morts.

Le «patriotisme économique» peut-il constituer une réponse appropriée à ces anxiétés? L'encyclopédie Wikipédia en donne la définition suivante: «Ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics, les entreprises ou les particuliers pour favoriser les produits ou les services issus de leur propre pays.» Le patriotisme économique est donc un sentiment qui se matérialise dans des actes et il ne concerne pas seulement l'Etat mais aussi les citoyens dans leurs gestes au quotidien et dans leur façon d'appréhender l'avenir du pays. Les champions du protectionnisme sont les Etats-Unis qui prônent l'ouverture des marchés chez leurs concurrents, ils défendent comme à l'accoutumée bec et ongles leur agriculture.
Les avocats du ´´Buy American!´´, «Acheter américain» au premier rang desquels on trouve naturellement les syndicats et les lobbies de l'acier et du textile, font valoir que les États-Unis ne sont pas les premiers à favoriser de la sorte leurs entreprises Ils pointent du doigt l'Inde, qui a augmenté massivement fin 2008 ses droits de douane sur l'acier, le fer ou le soja, la Russie, le Brésil et bien d'autres, dont l'Union européenne, qui a rétabli ses subventions à l'exportation des produits laitiers.


Comment vit l'Algérien?

Qu'en est-il de cette doxa capitaliste et de cet «intégrisme du marché» qui commande de démonter l'outil national par pans entiers et de licencier par milliers des travailleurs au nom d'un assainissement- certes nécessaire- mais qui ne doit pas emporter tout sur son passage et ceci dans l'hypothétique entrée dans la mondialisation qui nous fait saliver à distance mais qui, entre-temps, fait que nous ne savons plus rien faire, dépendants plus que jamais de l'étranger/ Nous devons nous réveiller.

L'Algérien de 2015 pense que tout lui est dû. Il vit à crédit. Il revendique sa part de la rente. Cette part est multiforme Ainsi, l'Algérien vit au dessus des moyens du pays, Paradoxalement, ce sont les classes du pays à faible pouvoir d'achat qui en profitent le moins. Justement les subventions implicites ou indirectes «à tout le monde» portent notamment sur les prix de l'énergie (électricité, gaz, essence et gasoil) et du loyer. Le Trésor prend en charge ces montants, non pas à travers le budget, mais notamment à travers le rachat des dettes des entreprises publiques. On sait que le FMI, avait invité l'Algérie à adopter ´´plus de prudence pour bien cibler les subventions en direction des populations les plus vulnérables´´. Les subventions dites implicites s'avèrent coûteuses.

Selon une récente étude du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l'Algérie figure parmi les pays arabes qui subventionnent le plus les produits énergétiques avec 10,59 milliards de dollars (quelque 800 milliards de DA) consacrés à la subvention des prix de l'énergie en 2010. Les subventions représentent 30% du PIB de l'Algérie. L'électricité a profité de 2,13 milliards de subventions, tandis que les carburants ont coûté 8,46 milliards de dollars. D'autres subventions, comme celles des prix des blés tendre et dur, du sucre, de l'huile et de l'eau dessalée, sont par contre budgétisées annuellement en Algérie. La dépense sociale budgétisée représente presque un quart du budget de l'Etat et 13% du PIB. Comment s'en sortir?



Un exemple réussi de maîtrise des subventions en Egypte

Une expérience réussie celle de l'aide ciblée de subventions en direction des classes à faible pouvoir d'achat. : « Après avoir augmenté les prix du carburant, Le programme de subvention alimentaire égyptien, qui coute chaque année plus de 5 milliards $, a fait t également l'objet d'un besoin urgent de réforme. Le prix du pain a été maintenu à un niveau si faible que celui-ci est bien souvent donné en nourriture aux animaux. Le système de subvention, qui engendrait des fraudes à grande échelle depuis des décennies, a été réformé. Le système était hors de contrôle. Certains débrouillards qui parvenaient à acheter des pains, les écoulaient au marché noir, d'autres les utilisaient pour nourrir le bétail et, surtout, les boulangers revendaient directement la majeure partie de la farine reçue. Selon un rapport de la Banque mondiale, en 2009, plus d'un tiers de la farine subventionnée était détourné. Facteur majeur d'injustices, de fraudes, voire d'émeutes, la question de la subvention anarchique du pain a été résolue par l'adoption d'un système de cartes à puce ». (1)

« Dorénavant, 69 millions de personnes, soit 80% de la population du pays, utilisent la «carte intelligente», attribuée selon des critères sociaux. Une personne a droit à cinq pains par jour. Le prix de ce pain traditionnel subventionné reste inchangé pour le consommateur - soit 5 piastres - mais le boulanger, lui, touche 25 piastres supplémentaires de la part du gouvernement, pour compléter le coût de revient. «Ça marche maintenant. Que Dieu bénisse Sissi», lance Zeinab, une vieille femme à lunettes elle a pu acheter du pain pour toute sa famille, en ne payant chaque pain de 130 grammes que cinq piastres (un centime d'euro) au lieu de trente. Ici, le pain est l'élément de base des repas. Si fondamental qu'on l'appelle «aish» (la vie) en dialecte égyptien». (1)


La campagne «Consommons algérien» et ses attendus

Une campagne, qui portera sur des actions de sensibilisation au niveau des 48 wilayas, jusqu'au 3 mai, consistera à mettre l'accent sur son intérêt économique pour le pays. Est-ce un effet d'annonce où est-ce le début d'une prise de conscience? M. Amara Benyounès, qui expliquait les motivations de cette démarche, a souligné l'impact d'une telle entreprise en matière de sauvegarde de l'emploi et de création de richesse. En fait, «le citoyen algérien doit avoir conscience qu'en privilégiant le label algérien, il ouvre des perspectives de développement à la production nationale et à l'investissement et permet de sauver et de créer des emplois». L'opérateur économique est, par conséquent, appelé à «déployer les efforts nécessaires pour produire suffisamment, diversifier son produit et la hisser aux standards internationaux» ».(2)

Pour le ministre Abdessalem Bouchouareb: «La loi du marché a favorisé l'expansion du négoce au détriment de l'investissement, cette campagne d'utilité publique nécessaire est à pérenniser et à institutionnaliser. C'est une bataille quotidienne», mais le concept ne doit pas s'adosser uniquement aux ménages, mais à tous les produits algériens destinés à la production, Selon le ministre, «le soutien le plus efficace à la production nationale est de consommer algérien». Pour le SG de l'Ugta, a dénoncé les importations anarchiques de produits alimentaires disponibles dans notre pays a plaidé pour «un consensus au niveau national en matière de production et de consommation». Il s'agit, par conséquent, d'agir sur les financements pour arrêter ces importations, suggère le patron de la Centrale syndicale qui parlera de neuf propositions à soumettre au Premier ministre dans le cadre de cette démarche».(2)


En tout cas c'est tout cela qu'il faut faire! Comment? c'est une autre affaire!


Qu'en est-il chez nous et que veut dire le patriotisme économique?

Avec sa lucidité coutumière mais sans concession L'économiste Mustapha Mekkidèche ancien p-dg d'une entreprise du groupe Sonatrach, ne croit pas à une symbiose sonatrach, Sonelgaz- privé dans le domaine des hydroacarbures Nous l'écoutons: «Je ne crois pas que le secteur de l'énergie soit réellement concerné par la substitution aux importations de ses intrants, (...) Le recours aux moyens locaux et l'intégration des biens d'équipements énergétiques sont, malgré les discours formels, tout simplement disqualifiés de par le processus même d'investissement et de fonctionnement dans l'urgence du secteur énergétique. Combien de fois les usines de pipelines d'El-Hadjar et de Ghardaïa se sont retrouvées avec des stocks considérables alors que des tubes sont importés de l'étranger!C'est avec ce paradigme de l'urgence et de la sous-estimation des capacités nationales, paradigme toujours prégnant, qu'il faudra rompre. En prend-on le chemin? Je ne le crois pas. (3)

S'interrogeant sur la tenue du salon de la sous-traitance pétrolière à Alger, en lieu et place de Hassi Messaoud, lieu «naturel» M.Mekidèche nous donne son point de vue sur ce que devrai être une réussite de partenariat! «De mon point de vue, il fallait sans doute commencer par organiser un salon des fournisseurs nationaux des produits et services pétroliers en présence des grands donneurs d'ordre algériens, notamment la Sonatrach et la Sonelgaz. Pour construire enfin des synergies, en les fédérant le cas échéant (privé/privé, public/privé), de sorte à offrir une plus grande surface d'intervention et de s'inscrire dans les standards internationaux. C'est dans ces conditions que l'offre algérienne peut émerger et offrir une surface critique solidaire pouvant peser sur la construction de partenariats gagnant/gagnant avec les fournisseurs étrangers. (3)


Peut-on consommer local?

Walid Aït Saïd brillant journaliste au journal L'Expression a tenté de voir clair par lui-même. Faisant un balayage non exhaustif de la production nationale il écrit: «Le produit local n'a rien à envier à celui de l'importation De l'habillement, en passant par la nourriture, les produits cosmétiques et l'électroménager jusqu'aux petits objets que nous utilisons quotidiennement. Pour cela, nous avons tenté l'expérience de faire nos courses élémentaires 100% «made in bladi». L'électronique et l'électroménager sont les seules véritables industries que nous avons développées, avec les pionnières que sont les marques publiques Enie et Eniem qui ont ouvert la voie au privé algérien tel que Condor. L'ensemble de l'électronique et de l'électroménager est disponible chez eux à bon prix et de bonne qualité. Mais force est de constater qu'ils font face à la rude concurrence des grandes marques internationales. La réintroduction du crédit à la consommation fera certainement du bien à se secteur en plein développement. (...) Faire émerger le «made in Algeria» demandera du temps et un vrai plan de développement, et non un coup de baguette magique (4).


La formation des hommes

Pour réussir il nous faut des cerveaux. L'échec ou la réussite d'un pays est indexé sur la performance du système éducatif. Nous devons militer pour un Etat stratège qui doit donner la chance à chaque Algérien pour peu qu'il en témoigne l'ambition d'évoluer dans la vie. Le patriotisme économique qui est partagé par tous les Algériens, secteur privé ou public, ne doit pas être qu'un slogan, voire un voeu pieux. Le problème du patriotisme économique n'est pas de donner une prime à la production de produits médiocres au nom de monopoles que l'on donne de fait à des producteurs nationaux qui s'installent dans la paresse au nom d'un marché qu'on leur garantit. Cela devrait être une compétition de tous les jours pour atteindre les standards internationaux. Il serait utile que chaque département ministériel dans le cadre de cette politique de rationalisation des achats et de donner une priorité à la production nationale fasse un inventaire méticuleux de tout ce qu'il achète de l'étranger

Le patriotisme s'apprend à l'école par l'apprentissage de l'amour de la patrie, la notion de devoir et d'appartenance à une communauté de personnes qui partagent les mêmes valeurs sociales et culturelles, il faut renforcer l'idée de la spécificité pour lutter contre la dilution induite par une mondialisation des identités et un laminage des savoir-faire locaux. Cela ne veut pas dire pour autant le ghetto. Dans le mot patriote il y a l'idée d'appartenance à une même collectivité. Dans le mot patriote il y a l'idée de fierté nationale.

Pour cela, il y a urgence à mettre en place un système d'éducation évolutif s'adaptant à la nouvelle conjoncture internationale. Nous avons eu un échantillon de ce que c'est le désarmement tarifaire avec le fiasco de l'accord avec l'Union européenne dont on n'a pas fini de mesurer les retombées négatives pour le pays. Nous ne pouvons nous battre pour donner une utopie de ce pays qu'en mettant tout à plat et qu'en faisant émerger de nouvelles légitimités capables de perpétuer la défense du pays sous d'autres formes.

Dans ces conditions donner du grain à moudre à nos entreprises nous paraît comme un devoir; bien entendu, il n'est pas question de farniente et de permettre une productivité algérienne de loin plus faible que celle d'un Chinois ou d'un Japonais. Nous devons compenser notre déficit technologique par un travail acharné pour diminuer les coûts de production et augmenter ce faisant notre compétitivité. Nous devons le traduire dans les faits. «Nos emplettes de nos produits nationaux sont nos emplois.» Nous sommes avertis...


1. http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/04/14/en-egypte-la-revolution-silencieuse-du-pain_4615348_3212.html#Sx1RM2wGYRP71V77.99

2. D. Akila http://www.elmoudjahid.com/fr/ actualites/76684 27-04-2015

3. http://www.liberte-algerie.com/chronique/substitution-aux-importations-de-biens-et-services-industriels-le-secteur-de-lenergie-est-il-vraiment-concerne-244#.VQA9hStQdeA.mailto

4. http://www.lexpressiondz.com/actualite/215382-oui-j-ai-consomme-algerien.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

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